Coup
de gueule à valeur de manifeste… anti… anarchiste
Nombreux-ses sont ceux-celles qui s'imaginent anarchistes ou qui prétendre l'être (tout en sachant pertinemment qu'ils-elles ne le sont pas) au motif qu'ils-elles fondent l'anarchisme[1] sur le seul primat de la liberté et qu'ils-elles le réduisent à un simple (et énième) anti-autoritarisme ou, plus exactement, au seul anti-étatisme.
Ainsi, certains courants de pensée et certains mouvements d'action, notamment dans les champs politiques et économiques, n'osant tout de même pas se qualifier d'anarchistes[2] s'affichent comme libertariens ou anarchocapitalistes en prônant un laisser-faire débridé qui n'est jamais que la résurgence des théoriciens (ou, mieux, des idéologues) du capitalisme en phase de croissance du XIXème siècle, autrement dit la revendication d'un capitalisme achevé, celui d'un zéro état, rien n'étant public, tout étant privé et an-archique !
Pour certain-e-s, à l'évidence, il s'agit d'une mauvaise lecture de Stirner et des auteur-e-s sensés incarnés le courant individualiste de l'anarchisme[3] mais pour les autres, à la base, il y a une lecture intelligente de Ricardo, de Smith…, c'est-à-dire de ces fumeux prestidigitateurs qui, à l'instar d'un autre imposteur inventeur, lui, de cette autre identité remarquable 1=3, ont ectoplasmé la société humaine en en faisant la marionnette de la main invisible du… marché.
Pour cette gente, il n'y a d'autre mesure que le Moi, surtout si celui-ci se confond avec leurs propres… mois. Il ne doit donc y avoir aucun frein à la (leur) liberté. La liberté d'entreprendre (et donc de réussir, même si cette réussite, in fine, est le prix de la défaite d'autres qui ont renoncé à être des mois triomphants, libres ou qui n'ont pas su ou osé l'être par… stupide… altruisme) ne doit pas être entravée par la bureaucratie, les frontières, le fisc, les douanes… Il n'y a d'autre justice que ma (leur) justice[4]. Il ne doit y a voir d'autre autorité que… mon (leur) pouvoir, lequel les autorise à en ab-user…
Assurément, il y a là une confusion abusive entre individualisme et égoïsme, termes pris non dans leur acception philosophico-politique (cf. Stirner) mais dans leur sens moral car ces gens-là, voyez-vous, considèrent qu'il n'y a de morale que de troupeau et que, seigneurs – saigneurs ? –, leur liberté est a-morale et que leur liberté, sans limite[5], est l'aune de leur humanité accomplie.
Or, il faut le rappeler, le gueuler : pour un-e anarchiste il ne peut y avoir de liberté sans égalité et fraternité et, je rajouterai volontiers, sans solidarité. Il ne peut y avoir deux anarchismes : l'un, aristocratique[6], pour des individus et l'autre, plébéien, pour… les autres[7], c'est-à-dire… les masses, les troupeaux ; l'un pour les loups et l'autre pour les moutons ; l'un pour les saigneurs et l'autre pour les saignés ; l'un pour les forts, l'autre pour les faibles ; l'un pour les hommes, l'autre pour les femmes ; l'un pour les artistes, l'autre pour les besogneux ; l'un pour les (grosses) têtes, l'autre pour les (petites) mains ; l'un pour les… maîtres, l'autre pour les… esclaves…
Pour un-e anarchiste, il ne peut y avoir d'humain libre tant qu'un seul individu ne l'est pas. Pas plus que d'individus qui seraient plus égaux que d'autres au point d'en être… supérieurs (et inversement).
La liberté de l'Un-e ne peut se concevoir et se vivre pleinement – HUMAINEMENT – sans la liberté de l'Autre, de tou-te-s les autres. Il ne peut donc y avoir de liberté sans… égalité de telle sorte que personne ne puisse dominer, que son autorité soit… autoritaire ou… gentillette, qui que ce soit et, réciproquement, que personne ne puisse être dominé, même volontairement, par renoncement ou… paresse, par qui que ce soit d'autre.
Mais si j'ajoute volontiers la solidarité à la fraternité c'est parce qu'il faut aller au-delà de la simple reconnaissance, du simple discours, de la simple… intention et, en toutes circonstances, savoir… passer à l'acte et agir en mettant cette reconnaissance en pratique. Or, seule la solidarité – véritable empathie et pas simplement une sympathie de bon aloi – me semble être capable de me permettre d'être ce que je suis en pratiquant ce que je pense, ce que je veux être : un humaniste accompli s'accomplissant dans la liberté, l'égalité et la fraternité de tous les humains et donc, aussi, de… moi.
[1] Ou l'anarchie comme s'il s'agissait de deux synonymes alors que l'anarchie est la société que l'anarchisme se propose de construire.
[2]
Rappelons que dans l'imagerie d'Épinal des médias et les credos, bien
entendu dogmatiques, de certains corps
de métiers – pour faire simple : les gardes chiourmes de l'ordre en
place – anarchisme = terrorisme, tant est si bien que, renouant avec les
lois scélérates du XIXème siècle, la justice immuable qui a cours
de nos jours a réintroduit cette identité remarquable sinon dans
son corpus de loi, du moins dans ses pratiques policières et… extra-judiciares.
[3] Ou d'autres auteur-e-s comme, par exemple… Sade, le divin marquis lui-même mais aussi les nihilistes, Nietzsche, Camus… !
[4] C'est pourquoi, les libertarien-ne-s comme les anarchocapitalistes revendiquent la liberté de port d'arme et, bien entendu, la liberté d'en faire usage !
[5] Cela ne vous rappelle rien ?
[6] Ce terme n'est pas innocent car il existe des anarchistes se disant ouvertement… de droite !
[7] A l'image d'une France d'en haut et d'une France d'en bas !
[8]
Loin de moi le propos d'idéaliser les sociétés primitives et de
sombrer dans l'utopisme béat d'un retour au… paradis mais je suis
persuadé qu'elles ont beaucoup à nous apprendre en matière de régulation
non coercitive, du moins sous la forme d'une coercition externe à
forme flicarde, inquisitoriale, sociologique, médiatique,
religieuse…
[9] Dont on sait qu'il est le lieu d'un perpétuel affrontement de… forces, sinon oppositionnelles, du moins… contradictoires.
[10] La planète Terre d'abord mais aussi l'univers.