La page des spectacles

 

Sur la scène guignolesque du théâtre français se donne en ce moment, pour la énième fois, une mauvaise pièce mal jouée par de mauvais acteurs mais, cette fois-ci, sous un nouveau titre "Je t'aime… moi non plus, alors… vote pour moi" ou "L'étreinte mortelle de la mygale : quand le bourreau se veut rassurant".

Une  première remarque s'impose : si l'on regarde la scène du spectacle non directement mais dans un miroir alors le décor est inversé : le côté gauche est à droite, le côté droite à gauche, le côté jardin côté cour… et seul le centre reste… au centre, comme cramponné à sa place pour bien rester face au trou du souffleur. Ne serait-ce là qu'un effet de miroir ou bien la révélation caricaturée – et donc radiographique – du réel ou bien alors l'énoncé d'une géométrie paradoxale pour laquelle tout est dans… rien à l'image du vide cosmique au sein duquel l'orientation n'a plus de sens ?

Comme d'habitude, les acteurs s'avancent masqués, sauf que, à présent, ils portent tous le même masque à quelques détails prés : celui du bourreau. Ce masque, qui est leur seul costume, est… particulier puisque, tel un polygone, il présente plusieurs faces (… facettes ?) de l'un et de son contraire : c'est là  une audace stylistiques dont le mauvais décorateur de cette mauvaise pièce n'a pas mesuré pleinement le risque puisque, par la suite d'involontaires zooms arrière de bigbrotherscopes, certaines églises cathodiques, qui en assurent la diffusion en boucle 24 heures sur 24, ont démontré l'entêtement de ce théorème algébrique selon lequel la somme de valeurs strictement contraire est égale à… zéro et révélé ainsi que, vu de loin, autrement dit, avec le recul nécessaire à une bonne vision, ce masque, en définitive, se réduit à… rien, au zéro absolu et que, supposant être le contenant de quelque chose, en raison même de sa non-existence effective, il ne contient… rien !

Autre nouveauté de mise en scène : les acteurs ont pu faire l'économie d'apprendre leur rôle dans la mesure où… ils n'ont rien à dire équipés qu'ils sont de juke-boxes qui permettent aux spectateurs(trices), en pressant sur leur zapette, d'entendre le texte de leur choix, c'est-à-dire ce qu'ils/elles veulent entendre et, plus sûrement, ce qu'il peuvent entendre.

Ce recours à la technologie se complète par ailleurs d'un nouveau dispositif médiatique : la projection sur écran géant du texte le plus choisi par le public, étant toutefois précisé que, pour le moment du moins (?), quelques réglages restent à faire car cette traduction scripturale se fait en…. caractères symboliques d'autant plus incompréhensibles que le sous-titrage fait défaut (mais il est vrai que la codification phonétique des borborygmes, éructations idéologiques, grognements, pétorades, onomatopées  et autres bruits de chiotte est encore loin d'être universelle !).

 

Comme on le sait, cette pièce est surannée puisqu'elle est jouée, à l'identique, depuis l'invention du pouvoir et, simultanément, de sa confiscation par quelques idoles aux dépens de leurs adorateurs(trices) ovinisés[1]. Néanmoins, une innovation, dont on ne mesure pas encore pleinement la portée, a été apportée par la main invisible qui a présidé à sa réécriture… moderniste.

En effet, dans la pure orthodoxie guignolesque les rôles des bons et des méchants étaient clairement distingués et apparents et, pour que le public ne se trompe pas, il n'y avait qu'un seul bâton brandi et utilisé avec force de démonstrations gesticulatoires par la bonté contre la méchanceté. Or, avec stupeur, lors de l'avant-première, le public, trié sur le volet de l'élitisme initiatique [les chiens de garde de la boîte à bien penser], a pu constater – pour beaucoup avec effarement – qu'il y avait à présent autant de bâtons que d'acteurs et qu'il n'était donc plus possible de distinguer les bons des méchants puisque chaque acteur y allait de sa volet de coups contre tou(te)s les autres mais aussi contre… lui/elle-même et, last but not least,…contre le public lui-même![2]

Au vu du nombre d'entrées – même gratuites et même… rémunérées ! – enregistré, il semblerait que ce spectacle ainsi… revisité soit loin de recueillir l'audience et le succès qu'il avait coutume d'obtenir dans sa version… traditionaliste. Est-ce dû au fait que le public commence à se lasser de cette mascarade qui n'offre plus le moindre suspens ? que l'innovation introduite cette année – la multiplication des bâtons -  soit d'un modernisme, d'un avant-gardisme trop percutant, brutal, déroutant et... frappeur ? On ne le sait pas…

En tous les cas, une chose est sûre : comme toujours le dindon de cette farce sera… le public !

 

Gnafron, critique littéraire, ex-acteur intermittent du spectacle



[1] Au passage, on rappellera que l'on doute encore de l'historicité de son auteur, une certaine dame démocratie, dont aucun archéologue n'a trouvé la moindre trace (portrait, ossements…) au point que certains auteurs – des… révisionnistes sans aucun doute, vont même jusqu'à contester sa réalité.

[2] Les hurlements porcins entendus lors de cette avant-première n'ont nullement amené la main invisible à revoir sa copie puisque, comme tout(e) un(e) chacun(e) peut le constater, cette innovation est maintenue.


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