A propos des langues régionales

(Un point de vue personnel)

 

Dans le prolongement des "affaires" du statut de la Corse et de l'intégration des écoles Diwan à l'Éducation Nationale, un débat polémique s'est engagé en France entre partisans et adversaires des langues "régionales".

Avant de donner mon point de vue personnel à ce sujet, il me semble nécessaire de procéder à plusieurs rappels ou précision :

o       Souvent, au sein d'un territoire donné, il a existé simultanément et plus ou moins durablement, plusieurs idiomes apparentés (dans ce cas, s'agissant de déclinaisons particulières d'un même idiome, on peut légitimement et sans aucun jugement de valeur, parler de… dialectes). Sous l'effet de plusieurs facteurs – constitution d'un pouvoir politique central fort ; amélioration des moyens de déplacement et, de ce fait, diminution relative des distances ; accroissement des échanges de biens et services ; hégémonie d'une religion… -, l'un de ces dialectes s'est alors, progressivement à raison de l'usage ou autoritairement du fait de la volonté du prince ou de la Loi, imposé comme la forme universelle, au sein, bien entendu, du territoire considéré, de la famille linguistique à laquelle appartenait lesdits dialectes. C'est donc ce dialecte qui est devenu la langue nationale et qui a pu entraîné, plus ou moins rapidement, l'extinction des autres dialectes ou leur relégation au rang de simples patois[5]. Le français, comme la plupart des langues nationales des pays monolingistiques, est l'illustration type de ce processus.

o       Pour un certain nombre d'États, la langue nationale est, en fait, un apport exogène : celui de l'envahisseur qui, par la force, s'est  substitué au pouvoir local/national en place pour, finalement, incarner l'identité nationale du territoire conquis (exemples : le latin en Gaule, le grec en Égypte, le normand et le saxon en Angleterre, l'arabe en Berbérie…) ou bien celui d'une puissance dominante dans le cadre du protectorat ou de la colonisation (exemples : le portugais et l'espagnol en Amérique du Sud ; le français et l'anglais en Afrique…).

Complétons ce panorama général par quelques données statistiques :

Par ailleurs, de nombreuses langues ont d'ores et déjà disparu, le taux et la vitesses de disparition des idiomes s'étant considérablement accrus lors du dernier siècle selon un processus en étroite corrélation avec l'abolition des distances (diminution relative pour les déplacements des personnes et des biens et quasi absolue pour la communication) et la levée des obstacles, naturels ou artificiels, ayant pu jusqu'alors préserver l'isolement de certains territoires et/ou de certains groupes humains.

En outre, parce qu'elles ne sont plus parlées, un nombre important de langues ne sont plus connues que sous leur forme écrite[14] [15].

Dans un article paru dans le numéro 113-114 de la revue "Hommes et Libertés" de la Ligue des Droits de l'Homme[16], traitant du positionnement relatif des sphères publique et privée, Serge JAKOBOWICZ évoque la question des "langues régionales". Ainsi, après avoir rappelé que : "La réalisation de l'unité territoriale et linguistique fut un enjeu majeur pour arracher la jeune république[17] à la vieille société féodale" et que : "Deux cent ans ont passé avec leur cortège d'horreurs dont deux guerres mondiales qui ont saigné ce pays et définitivement marqué son unité en communauté de destin", il s'interroge et questionne : "Qui ne voit que le monde a changé ? Quels dangers courrons-nous à restituer au patrimoine de l'humanité ces langues et cultures écrasées hier par ce que nos ancêtres ont cru être une nécessité ? […] La République serait en danger, guettée par le multiculturalisme et le communautarisme [?] […], puis affirme que : "Bien au contraire, c'est précisément les discriminations dont souffrent des groupes du fait de leur origine, de leur culture ou de leur religion qui les fondent en communautés, qui les poussent à s'organiser pour obtenir un réajustement égalitaire afin que les principes proclamés dans la Constitution passent dans les actes de la République".

J'ai rappelé précédemment que la polyglossie ne fait pas nécessairement obstacle à la construction, à la consolidation et au maintien de l'unité nationale d'un pays. On ne peut donc légitimement poser comme postulat que la reconnaissance officielle, voire légale d'autres idiomes que l'unique langue nationale – langue officielle et légale – n'a pas pour effet mécanique la nécessaire remise en cause, voire la non moins nécessaire dissolution de l'unité nationale du pays concerné.

Par ailleurs, de tous temps, même dans les pays monolinguistiques – n'ayant donc qu'une seule langue nationale, officielle et légale -, en plus des dialectes et des patois s'apparentant ou non à la langue nationale, il a existé et existe toujours des "langages" particuliers propres à des groupements généralement constitués autour d'un métier (ou d'une profession)[18] [19].

De même, il a toujours existé et existe toujours des déclinaisons particulières d'une même langue nationale en raison de l'origine géographie ou sociale des individus. Ainsi, en France, il y a donc des manières différentes de parler le français selon que l'on est du Nord ou du Sud, de Nice ou de Dunkerque, de la Ville ou des Quartiers… mais aussi d'origine aristocrate[20], bourgeois, prolo (ou populo)… Ces particularités, qui, d'une certaine manière sont autant d'atteintes à l'unicité et à l'universalité de la langue nationale, portent sur l'accent, le vocabulaire, la grammaire, la syntaxe[21] mais, curieusement, le plus souvent, s'effacent, disparaissent dans l'écriture[22].

Vous vous demanderez quel est le rapport de ces dernières remarques avec les langues régionales. Ne vous inquiétez pas, nous allons (lentement) y venir  mais, d'ores et déjà, notons que des particularismes locaux – que ce local renvoie à un espace géographique ou social – ne remettent pas non plus en cause une unité nationale ayant été construite, notamment, autour d'un monolinguisme national.

J'ai évoqué un peu plus haut ces langages particuliers (ou spécifiques) que sont les jargons. Mais, dans tous les pays, qu'ils soient poly ou mono-linguistiques en terme de langue nationale, il y a d'autres parlers qui, a bien des égards, méritent le nom et le statut de langues (idiomes) même si, en France du moins, on les qualifie de vertes : je veux bien entendu parler (c'est le cas de le dire !) de l'argot que je mets au singulier pour désigner ainsi une variété linguistique particulière, sachant que, bien entendu, il y a de nombreux argots, même au sein d'un même pays.

Et c'est avec l'argot que nous allons pouvoir faire une transition naturelle avec les langues régionales !

En effet, l'une des fonctions essentielles de l'argot est tout à la fois de construire et d'opposer  l'identité du groupe qui le parle. Construction d'abord : l'argot a pour fonction de donner aux membres du groupe qui le pratique un repère identitaire commun et, in fine, une identité ethnique commune à travers un mode commun d'expression (et donc de compréhension) et de communication.

Opposition ensuite : le groupe, pour construire sa propre identité (et donc celle de chacun de ses membres), puis pour la protéger a besoin de se différencier, de se distinguer, de se séparer… des autres groupes. Un langage commun, non compris des autres, est, avec l'habillement, la dégaine, la coiffure…, un signe fort de ralliement qui permet de satisfaire ce besoin. A cette fonction offensive en quelque sorte s'associe une autre fonction, défensive, celle-ci : celle de se protéger des autres en n'étant pas compris d'eux, cette incompréhension rendant alors sinon impossible, du moins difficile la surveillance et le contrôle des autres[23].

La sociologie de l'argot démontre à l'évidence qu'il ne saurait y avoir de construction identitaire individuelle sans référence à l'altérité, c'est-à-dire à l'Autre, aux autres. Mais, pour l'argot, cette construction d'identités individuelles autour et au sein d'une identité collective – le groupe – obéit à une logique davantage de développement séparé – on peut parler de communautés, de confréries… sans abus de langage – que de négation – annihilation – des autres, groupes et individus. Ainsi, par exemple, les apaches[24] n'avaient pas pour intention et, a fortiori, projet politique, de supprimer les bourgeois – puisqu'ils en vivaient ! – mais de se protéger de la Rousse !

(J'ouvre une parenthèse :

Mon expérience professionnelle de la Politique de la Ville et l'analyse partagée de nombreux collègues, m'amènent à faire un double constat :

De mon point de vue, la langue des Quartiers pose la question du devenir de la Cité comme espace social de la Res publica et appelle à réfléchir sur les modèles d'intégration et d'assimilation  mis en œuvre à ce jour par les États-Nations pour se construire en tant qu'identité et unité territoriales et humaines.

Je ferme la parenthèse).

Ainsi, l'argot est un langage[26] qui permet une construction identitaire collective et individuelle alors même qu'il n'a pas le statut de langue officielle et légale. Il ne viendrait à l'idée de personne et, surtout pas de ceux qui le pratiquent, de lui permettre d'accéder à un tel statut et, par ce biais, de le rendre universel et obligatoire car, en perdant sa spécificité, par rapport à ceux qui le pratiquent, il perdrait son originalité et ne serait plus fondateur d'identité collective et individuelle.

L'argot est souvent proscrit dans certains lieux et/ou à certains moments. Il n'en demeure pas moins pratiqué même (et, souvent, surtout) lorsqu'il est frappé d'une telle proscription. Personne n'a la prétention d'en interdire absolument (en tous lieux et en tous temps) l'usage car tout le monde sait pertinemment que cette interdiction serait vouée à l'échec et pourrait même en accroître la force (nombre de personnes le pratiquant, diffusion spatiale…).

En marge de l'officialité et de la légalité, l'argot n'a nul besoin d'être autorisé et, a fortiori, toléré pour être pratiqué.

Il en est de même de nombreux idiomes, dialectes et patois au sein d'un espace où une ou plusieurs langues nationales dominent à raison de leur officialité et de leur légalité[27]. Ne serait-ce pas le cas avec les langues dites régionales ?

Avant de répondre à cette question et, ainsi, de contribuer au débat évoqué au début de cet article, je voudrais, du moins dans le cas d'espèce de la France, contester le bien fondé du qualificatif régionale(s).

En effet, en raison de la Loi sur la décentralisation ayant présidé à la fondation de ces territoires institutionnels et administratifs particuliers  que sont les Régions, le terme de langue régionale est inévitablement source d'un glissement sémantique mais également historique, sociologique, politique et culturel à l'origine d'une erreur lourde de conséquences.

Ainsi, dans bon nombre d'esprits, le mot Région, auquel renvoie l'expression langue régionale, est bien la Région au sens institutionnel, administratif et politique  du terme (cf. ci-dessus) et non à l'espace linguistique défini comme le territoire sur lequel cette langue est pratiquée. Or, comme tout le monde le sait, les Régions françaises n'ont que peu à voir avec les provinces de l'Ancien Régime dont les contours coïncidaient plus ou moins bien avec la cartographie linguistique du pays. Elles ne coïncident pas non plus exactement avec ces autres cartographies que sont les bassins d'emploi ou d'habitat, les zones naturelles (relief, climat, végétation, faune, hydrographie…) et, enfin,  les pays au sens d'espace, géographique, social et culturel[28].

Aussi, et sauf, peut-être, dans le cas d'une île[29], par rapport au territoire d'une Région, la cartographie de la langue régionale est soit infra-régionale, soit supra-régionale (elle peut être alors inter-régionale ou, même transfrontalière). En outre, et dans tous les cas, il faut tenir compte des diasporas linguistiques[30].

C'est pourquoi, pour éviter toute confusion de ce genre avec tout ce que cela emporte comme abus de langage et conséquences politiques, sociologiques, culturelles… à l'expression langue régionale, il me semble devoir préférer celle de langue locale ou infra-nationale[31] et que, cette rectification, non anecdotique, faite, je reconnais, en toute sérénité, que toute revendication linguistique est légitime dés lors que, même sans aucune référence historique, politique, religieuse…, elle se fonde sur un (légitime) besoin de reconnaissance identitaire collective et individuelle et qu'elle participe justement, d'un point de vue culturel, d'un processus de construction/préservation d'une telle identité.

Toutefois, il importe de faire une précision importante :

·        une di- ou poly-glossie nationale qui, constitutionnellement et institutionnellement, consisterait à étendre l'officialité et la légalité de langues locales pour en faire des langues nationales sur l'ensemble du territoire national et pas seulement dans les Régions d'où elles sont (pour partie ou intégralement) originaires, est une chose ;

·         un particularisme linguistique[32] qui, juridiquement, consisterait à juxtaposer (opposer ?) une langue nationale, officielle et légale sur tout le territoire national et donc, aussi, dans toutes les Régions, à des langues régionales, officielles et légales seulement et exclusivement dans certaines Régions, est une autre chose.

Dans le premier cas, comme de nombreux exemples historiques et actuels le démontrent, il n'y a pas nécessairement atteinte à – ou, pour le moins, menace sur – l'intégrité nationale de la République, sauf à supposer que les revendications linguistiques ne sont que l'amorce d'une revendication politique plus fondamentale : l'autonomie, voire l'indépendance !

Dans le cas d'espèce de la France, il n'y aurait pas non plus atteinte à – ou menace sur – la laïcité puisque le principe d'égalité devant la Loi (mais aussi, les Services publics et, notamment, l'École et l'instruction) n'est pas remis en cause dés lors que tout citoyen peut, sur l'ensemble du territoire national, continuer d'user de la langue nationale de son choix sans courir le risque d'être frappé d'une quelconque discrimination – ne serait-ce que celle de l'expression et de la compréhension – et, pire encore, d'exclusion.  De même que cet autre principe de la laïcité, celui de la Liberté, ne serait ni atteint, ni menacé dans la mesure où tout citoyen aurait justement la liberté du choix linguistique[33].

En revanche, dans le second cas, il y a bien le risque évident d'un éclatement de l'unité nationale. En effet, l'institution de deux niveaux d'espace d'officialité et de légalité, le national et le régional, aurait pour conséquence que la langue nationale se juxtaposerait, voire s'opposerait à des langues régionales en ce sens que, au sein d'un territoire régional, des citoyens ayant fait le choix (parfaitement légitime et légal) de la langue nationale et non de la langue régionale pourrait néanmoins se voir imposer l'usage d'une langue régionale et que, inversement, les habitants d'une Région ayant fait le choix (tout autant légitime) de l'usage de leur langue régionale ne pourrait continuer à jouir de cette liberté en dehors des frontières régionales alors même qu'ils seraient toujours dans les limites de celles du territoire national.

En outre, s'agissant des Services publics, et, plus précisément ceux de portée nationale, un tel particularisme linguistique aurait pour conséquence de rompre avec une double égalité d'accès : celle des citoyens par rapport à ces services, celles des fonctionnaires au niveau des emplois.

Les risques évoqués ci-dessus ne légitiment pas pour autant que l'on se refuse d'écouter et, à plus forte raison, de tenter de satisfaire des revendications linguistiques entièrement légitimes par ailleurs.

Ainsi, il est paradoxal que certains s'opposent à l'officialisation et, éventuellement, à la légalisation de langues locales quand des scientifiques français (ethnologues en particulier) s'efforcent de contribuer à la préservation, à l'étranger, d'idiomes menacés d'extinction pour diverses raisons et que nombreux sont les français qui soutiennent la résistance linguistique, par exemple, des québécois face à l'impérialisme de l'anglo-américain !

Mais, à l'inverse il est tout aussi paradoxal que, en arguant des (inutiles) excès d'unification linguistique commis par les pères fondateurs de l'État–Nation français[34] lorsqu'ils ont voulu effacer les langues locales au motif que, selon eux, elles faisaient obstacle à l'unité nationale, des régionalistes revendiquent un statut officiel et légal pour leurs langues locales au sein de leurs Régions et qu'en les rendant obligatoires ils contribuent à l'éventuel effacement de la langue nationale au plan régional ! [35]

J'ajouterai quatre choses :

·        un idiome est certes un fondement identitaire fondamental au point de constituer une propriété – au sens de caractéristique essentielle – pertinente de définition ethnique (culturelle) d'un groupe humain. Mais cette propriété ne saurait s'entendre comme une possession exclusive, monopolistique qui, par exemple, interdirait à l'Autre d'apprendre ma langue. Il est en effet un droit universel, celui de l'instruction, comme il existe une liberté tout autant universelle, celle de l'expression qu'aucun régionalisme ne saurait interdire.

·        tout groupe linguistique possède sa diaspora : la revendication (légitime) d'un groupe à la reconnaissance officielle, voire légale de sa langue ne doit pas conduire à un abus de droit qui amènerait sa diaspora à ne plus pouvoir faire le libre choix de l'usage, privé et, éventuellement, public de cette même langue en raison de la réaction défensive ou contre-offensive d'autres groupes qui pourraient estimer légitime d'interdire – ou de tenter d'interdire et, en tous les cas de proscrire – une langue qui ne serait pas la leur et que dans certaines circonstances et en certains lieux on voudrait leur imposer.

·        la linguistique et l'ethnologie ont (dé)montré que de nombreux idiomes ont disparu du fait de la volonté délibérée et méthodiquement organisée de groupes-tiers. Elles ont également prouvé que d'autres idiomes ont naturellement disparu en raison de l'isolement, volontaire ou subi, de certains groupes[36] et que, en revanche, plus une langue est ouverte à l'altérité (enseignement aux autres ; assimilation d'autres vocabulaires ; diffusion…) et plus elle a de chances de survivre et, même, de se développer.

·        tout repli sur soi est pathogène et même morbide. La forme extrême de repli sur soi – et donc de fermeture à l'Altérité, à cet enrichissement personnel que sont les différences des autres – est le… communautarisme dont la secte est l'une des manifestations les plus achevée. Or, historiquement, tout communautarisme est voué à… la disparition, c'est-à-dire à la mort, sinon physique, du moins culturelle, politique, sociologique… du groupe et de ses membres. S'il est la recherche schizophrénique (ou paranoïaque) d'une identité collective et individuelle, le communautarisme, parce qu'il est aliénation de soi au sens propre du terme, est, in fine, l'annihilation de l'identité recherchée et donc de l'individualité, collective ou personnelle. Il serait tragique et pas seulement paradoxal qu'une quête identitaire culturelle (et, en particulier, linguistique)  aboutisse à… la disparition de ceux qui l'ont engagée et que le (légitime) localisme d'un groupe linguistique se mue en un communautarisme qui, à terme, serait le fossoyeur de ce groupe !

C'est pourquoi, et sur la base de l'ensemble de ces considérations, ma position personnelle au regard des langues locales, que ce soit en France ou ailleurs, est la suivante :

·        toutes les langues locales ont entière légitimité à revendiquer leur reconnaissance officielle ;

·        la satisfaction de cette revendication est un devoir qui, au regard des droits universels des individus et des peuples, pèse sans exception sur tous les États ;

·        sauf à envisager le cas d'une di- ou poly-glosie nationale qui serait institutionnalisée par une constitution, cette reconnaissance officielle doit se traduire par la liberté, pour chacun, sans considération de son appartenance linguistique, nationale ou locale, d'user, au moins dans la sphère privée, de la langue de son choix[37] et, autant que faire se peut, d'apprendre la langue locale de son choix où qu'il réside ;

·        l'enseignement de langues locales ne doit pas être assigné à résidence géographique[38] mais aussi universel que possible et ce, sans considération de frontières, de quelque nature qu'elles soient ;

·        en vertu du principe universel d'égalité que pose la laïcité, l'usage, l'enseignement et l'apprentissage d'une langue locale ne doivent en aucun cas légitimer une quelconque discrimination, que celle-ci soit négative ou… positive.



[1] Une ethnie est, pour les scientifiques et, plus particulièrement, les ethnologues, un groupe humain partageant le même idiome et la même culture

[2] Pour un individu, la pratique de deux idiomes (langues nationales ou non) s'appelle le bilinguisme.

[3] A polyglossie, qui concerne un groupe humain, correspond, pour les individus, celui de poly ou multilinguisme, étant toutefois précisé que, pour un territoire national donné, la polyglossie nationale ne correspond pas forcément et strictement au polylinguisme des nationaux !

[4] C'est le cas, notamment, des analphabètes mais également de toutes les personnes qui n'ont pu apprendre les idiomes constitutifs de la polyglossie nationale lorsque, par exemple, le système éducatif national est défaillant, voire inexistant.

 

[5] Dans la hiérarchie des idiomes communs à un même territoire, le patois est une régression en ce sens que, généralement, il se réduit à un seul mode oral d'expression et de communication et que, surtout, par rapport aux dialectes, il n'a pas/plus de statut officiel. En outre, cette régression s'accompagne régulièrement d'un chargement fortement péjoratif.

[6] Je ne fais pas non plus référence à la notion de langue universelle qui, en philosophie et, notamment, chez Leibnitz, serait un idiome artificiel qui permettrait, sans risque d'erreur, l'identification des éléments verbaux aux éléments logiques.

[7] Et cette prétention n'est pas vaine puisque, par exemple, en matière de recherches théoriques ou expérimentales, très souvent les scientifiques nationaux ne peuvent publier leurs travaux qu'en… anglais (C'est le cas, en France, avec l'Institut Pasteur !). De même, au niveau de l'informatique, l'anglais s'impose bien comme une langue d'usage, pour l'utilisation comme pour la programmation,… universelle !

[8] L'espéranto a été conçu comme une langue universelle artificiellement créée à partir non pas tant d'une synthèse d'idiomes que d'un fonds linguistique universel. Obéissant à des motifs humanistes, cette initiative voulait donner à tous les groupes humains un outil commun d'expression et de communication qui ne soit pas imposé à raison d'un rapport de force impliquant nécessairement un gagnant et des perdants. A l'évidence, l'espéranto n'est pas la langue universelle du monde moderne : pouvait-il en être autrement quand, l'Histoire nous montre que, à ce jour, aucune universalité, qu'elle soit politique, religieuse, économique, culturelle… et donc, aussi, linguistique, ne s'est construite et s'instituée sans un rapport de force à l'avantage de ses tenants.

[9] Rappelons que la polyglossie n'implique absolument pas que les citoyens du pays considérés soient dans l'obligation de parler toutes les langues nationales.

[10] La polyglossie ne fait pas non plus obstacle au… nationalisme, notamment dans sa forme guerrière, que la guerre soit menée sur le champ d'une bataille militaire ou celui d'un stade de football !

[11] "Ethnique" étant pris au sens ethnologique du terme (cf. ci-dessus) et nullement "racial" et, a fortiori, raciste.

[12] Il n'est bien entendu pas dans mon propos ni de justifier ces revendications et leurs conséquences, ni de considérer que le prétexte linguistique en est la seule cause, sachant que, en la matière, à y regarder de plus près, derrière tous les motifs culturels, il y a toujours, aussi et, souvent de façon prépondérante, des enjeux économiques et politiques.

[13] D'un point de vue ethnologique et sociologique mais aussi, par voie de conséquence, politique, l'une des composantes essentielles de l'"identité communautaire" (au sens de groupe humain sans aucune référence… "communautariste !) est la libre disposition d'un idiome propre. Faire disparaître un idiome c'est, d'une certaine manière, faire disparaître le groupe qui le pratique. De plus, c'est là une méthode moins ostentatoire que l'élimination physique des personnes : elle n'en constitue pas moins une atteinte aux droits universels des individus et des peuples.

[14] Traces écrites allant de la simple représentation symbolique (dessins par exemple) à l'écriture proprement dite.

[15] Paradoxalement, alors que l'on a pu décrypter, puis traduire des langues anciennes disparues il y a de nombreux siècles, en tant que langues vivantes,  grâce à leurs traces écrites (exemple : l'égyptien), les traces écrites de langues disparues il y a relativement peu de temps n'ont toujours pas pu être "décodées", faute de traces écrites mais également de références idiomatiques actuelles ou anciennes.

[16] ) Il s'agit d'un numéro exceptionnel puisqu'il est commun à une autre revue : "Après-demain" qui, bien que fondée par la L.D.H., s'intéresse à un champ civique débordant largement le cadre des droits de l'homme (d'où son intitulé de "Journal mensuel de documentation politique").

[17] L'auteur parle bien entendu de la France.

[18] Plus ou moins ésotériques, à raison de la technicité de leur vocabulaire et/ou de l'élitisme, du snobisme, de la paranoïa… de ceux qui les pratiquent, ces langages sont généralement qualifiés de jargons. Ils sont construits avec le vocabulaire de la langue nationale – ou de l'une des langues nationales –, sachant que celui-ci est alors soumis à de nombreuses (dis)torsions : barbarismes, néologismes, archaïsme… ainsi que, souvent, avec des emprunts à des langues étrangères, mortes ou vivantes.

[19] Il existe une autre langue spécifique qui, parce qu'elle distincte de toutes les langues nationales, peut légitimement prétendre à l'universalité, du moins au regard de plusieurs groupes humains – les politiques mais aussi les dirigeants d'entreprises, d'organisations professionnelles, patronales et ouvrières, de sectes…, bref de toutes/tous les responsables. Il s'agit, bien entendu, de la…  langue de bois !

[20] Malgré les lanternes de la Révolution, il doit bien y avoir encore des aristos puisque nous avons toujours un prétendant au trône de France (et oui !) et que les mariages, baptêmes, décès… royaux, princiers, ducaux… font toujours pleurer dans nos chaumières !

[21] En particulier, au niveau de la ponctualité dont je donnerai pour exemple la virgule méridionale qui, comme tout un chacun le sait, se dit et se prononce "putain" !

[22] Une chose curieuse m'a toujours frappé : lorsque je corresponds par écrit avec un québécois, il me lit avec l'accent québécois (que je n'ai pas)  et je le lis sans l'accent québécois  (que, lui, a) !

[23] Accessoirement, il en résulte une mise en œuvre plus difficile de sanctions contre le groupe lorsque celui-ci enfreint la loi/la règle des autres groupes. C'est pourquoi, toutes les Polices du monde donnent des cours d'argot, parlé et écrit, à leurs agents ! Et c'est pourquoi aussi, l'argot est une langue en constante évolution ! Notons que l'argot n'est pas la spécificité des hors-la-loi. Il est d'utilisation courante de tous les groupes s'inscrivant dans le cadre d'un autre groupe fortement hiérarchisé et répressif – l'État, l'École, l'Armée, l'Entreprise… -.

[24] Il s'agit de nos apaches – nos anciens malfrats – et pas d'amérindiens !

[25] Il y aurait donc une universalité du signifié qui transcenderait des vestiges de particularités de signifiant ? Ce signifié universel serait par ailleurs rendu compréhensible, malgré ces particularités, par une expression qui ne serait plus seulement linguistique mais aussi visuelle – l'habillement, les gestes, le comportement… - et musicale – le rythme plus que la note du reste - ?

[26] Nombreux sont ceux qui donnent à l'argot le statut de langue à part entière considérant qu'il a ses dictionnaires, sa grammaire, ses écrivains…

[27] Lorsqu'elle est interdite, une langue entre en clandestinité. Elle y perd souvent une part importante de sa force, notamment au niveau de sa diffusion, de sa conservation et de son instruction écrites. Cette clandestinité forcée est le premier acte de résistance, la première forme d'insurrection de ceux qui la parlent. Elle devient alors le foyer, l'âme, le drapeau… de cette rébellion et, contrairement au but recherché – l'effacement culturel du groupe concerné – renforce le sentiment – et la fierté – d'appartenance identitaire qui peut évoluer vers le communautarisme ou le nationalisme, la révolte ou la révolution. Ainsi, l'Histoire et l'actualité attestent de nombreux cas de résistance linguistique (basque, kabyle, gaélique, tibétain…) qui sont tout autant cause qu'effet d'un prolongement politique et qui, parfois, peuvent faire l'objet d'une récupération idéologique drapée d'oripeaux culturels (de la part, notamment, de religions).

[28] Et, pour partie, historique.

[29] Et encore ! car, même dans le cas de la Corse la cartographie linguistique ne coïncide pas avec celle de la Région (au sens institutionnel, administratif et politique) puisqu'il faut aussi prendre en compte… la diaspora corse qui, du point de vue du nombre, relativement à la population indigène, est nullement négligeable !

[30] Ne dit-on pas qu'il y a plus d'auvergnats, de bretons… à Paris qu'en Auvergne, en Bretagne. Au passage, notons qu'une diaspora linguistique peut dessiner une carte linguistique curieuse. C'est ainsi le cas du français avec la Louisiane (pays cajun), du basque avec la Californie, du béarnais avec l'Argentine…

[31] Sauf, si suite à un choix politique et à une mesure constitutionnelle puis à des applications légales et réglementaires, il est institué une di ou poly-glossie et qu'alors les langues locales, devenues officielles et légales, accèdent au statut de… langues nationales.

[32] Le concept, des points de vue linguistique et juridique, reste à… inventer !

[33] Une di- ou poly-glossie ne préserve pas mécaniquement égalité et liberté laïques. D'autres facteurs doivent intervenir pour que la garantie légale de cette égalité et de cette liberté puisse donner lieu à l'exercice effectif des droits correspondants. Mais je n'ai ni le temps ni la place de traiter de ces autres conditions. Je m'en tiendrai donc à un énoncé théorique qui, bien évidemment, si ces autres facteurs n'interviennent pas simultanément, n'est alors qu'une… pure hypothèse utopique !

[34] Et, parmi ces pères fondateurs il n'y a pas eu que des républicains mais bon nombre de rois comme, par exemple, François 1er.

[35] En outre, d'un point de vue éthique il me semble difficile et, en fait, impossible de justifier l'utilisation contre un tiers d'armes, de méthodes, de buts…  que l'on a reprochés à ce même tiers d'utiliser contre soi ! Mais, il est vrai que la mémoire historique a la fâcheuse tendance à être de plus en plus courte – alors qu'il ne saurait y avoir d'éthique sans mémoire ! – et que de nombreuses victimes  d'hier sont aujourd'hui… des bourreaux et que, hélas, il y a fort à craindre que de nombreuses victimes d'aujourd'hui seront demain… des tortionnaires !

[36] On peut en conclure que les langues sont également soumis aux lois de l'évolution.

[37] Et cette liberté d'usage porte aussi, bien entendu, sur une langue non nationale, c'est-à-dire sur une langue étrangère !

[38] Catalan d'origine fort éloignée, pourquoi me serait-il interdit ou impossible d'apprendre le catalan à… Lille quand, en raison des aléas de ma vie privée et professionnelle, je n'ai jamais pu l'apprendre alors que j'aimerais bien pouvoir le parler ? Et pourquoi le corse ne pourrait-il être appris et enseigné qu'en… Corse ?

 


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