Afghanistan : ordre religieux et Droits des humains
Les talibans viennent d'arrêter
et de mettre au secret 8 membres d'une mission humanitaire américaine au motif
qu'ils ont cherché à christianiser des musulmans afghans. Un tel crime
est passible de la peine de mort prononcée au terme d'un procès expéditif
qui, à l'instar du Tribunal de l'Inquisition, se contenterait de faire état de
l'acte d'accusation, sans instruction préalable ni possibilité pour les accusés
de bénéficier d'un véritable droit à la défense.
Ce fait divers est
l'illustration frappante de ce que, pour les ordres religieux, les fidèles
ne sont qu'un troupeau sur lequel ils exercent un droit absolu de propriété.
Il montre aussi que, malgré les lénifiants discours œcuméniques de certains
– à commencer par Gépétou -, les ordres religieux sont plus qu'en
concurrence les uns par rapport aux autres mais bel et bien en état de lutte
ouverte.
En effet, les talibans ne sont
pas les premiers à accuser les églises chrétiennes de faire du prosélytisme
sur leurs terres, au sein de leur troupeau. Des accusations
identiques, émanant parfois d'autorité civile, ont été entendu en Inde, en
Malaisie, au Vietnam, en Chine…
Inversement, le prosélytisme musulman, prenant parfois la forme de véritables croisades
– commandos armés, massacres de personnes, destruction de bâtiments et de
maisons, incendie de récoltes… -, est dénoncé sur des terres chrétiennes.
Ainsi, comme au bon vieux
temps, un peu partout dans le monde, au nom de dieu, pour sa plus grande
gloire et pour le plus grand plaisir des religieux, on continue d'assassiner et
de massacrer les humains !
Revenons au fait divers
dont il s'agit :
Dans ce cas,
au regard du droit international, une telle accusation est infondée. Pourtant,
elle est d'ores et déjà prononcée et, sauf marchandage – au sens
strict du terme : la vente des prisonniers/otages – de dernière minute, la
peine encourue sera appliquée, ce qui montre bien la limite absolue du droit
international lorsque celui-ci se confronte à un ordre quelconque qui ne
reconnaît d'autre droit que… le sien !
Cela montre
aussi que tous les efforts déployés, au plan international ou national, pour
composer avec l'ordre taliban, sous prétexte d'une intention humanitaire en
faveur de la population, sont voués à l'échec. La question est donc de savoir
si cet alibi humanitaire est réellement pertinent – mais il est tout à fait
possible que, comme d'habitude, il ne soit qu'un prétexte à d'autres intérêts
! – et si, de ce fait, la composition avec les talibans peut continuer
de se vautrer dans la compromission ou si, au contraire, un État, quand
bien même serait-il de nature religieuse, qui ne respecte pas le droit
international et, singulièrement, la Déclaration Universelle des Droits
Humains, ne doit pas être proscrit du concert des nations et soumis à
un boycott universel, c'est-à-dire aussi bien politique, diplomatique,
militaire, économique, culturel… qu'humanitaire.
A l'évidence,
cette question est une pure supputation intellectuelle car, comme le montre de
nombreux autres exemples, la violation des Droits humains n'est pas un motif
suffisant pour que les États, les Entreprises et les Églises renoncent à
leurs propres intérêts et qu'il est souvent – pour ne pas dire toujours -
plus utile, plus profitable, plus rentable… de collaborer avec celui
qui viole les Droits humains que d'aider véritablement et efficacement les
victimes de telles violations.
Ainsi, si le fait
divers précité participe bien d'une violation des Droits humains qui se
rajouteraient aux continuelles violations de ces mêmes Droits auxquelles se
livrent quotidiennement les talibans, notamment à l'encontre des Afghans eux-mêmes
et, singulièrement, des Afghanes, il est clair que l'on ne peut s'attendre à
aucune action significative et efficace de la part des États, des Entreprises
et des Églises pour que les talibans cessent toute violation de ce type et, en
définitive, pour que les talibans soient purement et simplement évincés du
pouvoir afin que les Droits humains aient une chance réelle d'être (re)instaurés
en Afghanistan.
États,
Entreprises et Églises ont des intérêts qui, par définition, sont contraire
aux Droits humains alors même que ceux-ci, bien que déclarés universels et
inaliénables, sont un tout petit minimum qui est loin de satisfaire ce
que la dignité et la liberté humaines – l'humanité donc – est en droit
de revendiquer et d'exiger.
Il
appartient donc aux humanistes de se saisir de cette question et
d'engager toutes actions nécessaires au rétablissement des Droits humains en
Afghanistan. Ainsi, et sans aller jusqu'à la constitution d'une Brigade
internationale comme l'Espagne en a connu, les humanistes ont la possibilité
d'engager de nombreuses actions de pression ou de sanction contre les autorités
politiques et les entreprises de leur pays qui, du fait de leur silence, de leur
aveuglement volontaire, de leur hypocrisie, de leur mensonge, de leur
compromission… sont complices, en Afghanistan comme partout ailleurs dans le
monde, de ces violations des Droits humains.
Bien entendu, les humanistes n'ont rien à attendre des ordres religieux en matière de défense et de respect des Droits humains. Toutefois, cette affaire comme tant d'autres est sans doute un bon prétexte pour dénoncer cette imposture religieuse habituelle qui consiste à dénoncer chez les autres les crimes que l'on commet chez soi contre son propre troupeau. Ainsi, par exemple, ne serait-il pas paradoxal que, sous prétexte de Droits humains, la secte vaticanesque dénonce les talibans quand elle organise des autodafé de préservatifs en Afrique, commandite des commandos anti-IVG qui peuvent aller jusqu'à l'assassinat, cautionne la guerre civile et fratricide qui est livrée en Ulster, fait du lobbying pour assurer la protection de criminels notoires comme, par exemple, Augusto Pinochet… ?
Dans ce cas
de figure, si, en tant qu'humaniste je ne peux que condamner cette violation des
Droits humains[2], il me semble plus urgent
et essentiel de m'attacher à défendre les Droits humains des Afghans et, plus
particulièrement, des Afghanes que ceux de prosélytistes religieux qui, en
toute conscience des dangers encourus, et dans la logique de leur folie
furieuse[3],
sont allés chercher le martyre en Afghanistan pour achever leur déshumanisation
et porter l'étendard et le glaive de leur ordre religieux.
Autant les
Afghanes et Afghans sont les victimes de l'ordre religieux des talibans, autant,
toujours dans cette hypothèse, ces 8 missionnaires[4]
sont d'abord les victimes de leur aliénation religieuse et de leur propre ordre
religieux avant de l'être des talibans eux-mêmes.
C'est
pourquoi, au regard de la population afghane, le combat humaniste est bien à
mener contre les talibans tandis que, en revanche, s'agissant des 8
missionnaires, il est à mener contre leur église.
La
religion est l'ennemi universel mais les ordres religieux sont autant d'ennemis
particuliers qu'il ne faut pas confondre les uns avec les autres !
[1] Notons que, du point de vue du droit privé et, notamment, du droit de la propriété il en est tout autrement dans la mesure où, après tout, les talibans ne font que protéger leur droit de propriété sur leur troupeau, droit qui, sinon de jure, du moins de facto, leur est somme toute bien reconnu par les États et Entreprises qui composent avec eux !
[2] Et, au-delà, condamner cette injustice absolue qu'est… l'ordre religieux !
[3] Leur foi !
[4] A prendre au sens religieux du terme.