Anarchiste ET maçon

 

"Si les maçons anarchistes sont une infime minorité,

la vocation libertaire de la Maçonnerie est indéniable"

Léo Campion

 

Il n'est pas dans mon propos de démontrer ici la compatibilité de l'Anarchisme et de la Franc-Maçonnerie. D'autres l'ont fait avec force et vigueur, comme, par exemple, Léo Campion, dont nul(le), anarchiste ou maçon, ne met(tra) en doute et son anarchisme et son maçonnisme (A partir du livre de Léo Campion "Le drapeau noir, l'équerre et le compas", j'ai écrit un texte, allant dans ce sens, que l'on peut lire sur http://perso.wanadoo.fr/jccabanel/mt_divers_anarchisme_et_franc_maconnerie.htm, texte qui se termine par ce questionnement : "La vraie question n'est pas de savoir si anarchisme et Franc-Maçonnerie sont compatibles mais bien : comment, anarchiste, peut-on ne pas être franc-maçon et… réciproquement ?). Non, mon propos, qui est autant une "déclaration" qu'une auto-réflexion, est de répondre à cette question : pourquoi, ayant fait le choix de l'anarchisme à l'âge de 14 ans, ai-je attendu si longtemps (plus de 35 ans) pour, comme on dit, "entrer" en Franc-Maçonnerie ? En fait, la réponse à cette question est celle d'une autre question : que suis-je allé chercher dans la Franc-Maçonnerie que je ne trouvais pas auparavant ?

 

Un(e) maçon(ne) est un homme-une femme libre dans une loge libre. Si tou(te)s les maçon(ne)s [Je ne parle, bien entendu, pas de ces "maçon(ne)s qui, assimilant la Franc-Maçonnerie à un "club", s'interdisant de parler de politique et de religion et se contentent de faire dans la "bienfaisance" et, accessoirement, dans le symbolisme ritualisé, vidé de tout sens pour ne plus être qu'une sorte de "jeu de société", un spectacle d'ombres chinoises pour ectoplasmes "bien pensant(e)s] se retrouvent librement autour d'un socle de valeurs communes que l'on peut, pour faire simple, appeler "humanisme" dont la formulation la plus lapidaire, la plus claire mais également la plus exhaustive, la plus signifiante est la devise "Liberté – Égalité – Fraternité".

 

Dans une même Loge, des "sensibilités", des "cultures", des catégories socioprofessionnelles, des engagements politiques et sociaux, des goûts, des caractères…. différents se côtoient dans la plus totale harmonie, celle de la tolérance ET du respect de l'Autre. En Loge, chacun(e) est écouté(e) et entendu(e) avec intérêt. Tout s'y partage, y compris le doute. Adogmatiques, les maçon(ne)s, dans la Loge comme dans le secret de leur fort intérieur, sont des… chercheurs-euses de "vérités", non au sens de "dogmes" mais de "lumières", l'essentiel étant d'ailleurs non pas vraiment de trouver que de s'assurer que la/sa question est vraiment pertinente même si, pour ce faire, cette pertinence se fait souvent … impertinente, pour ne pas dire "blasphématoire",  provocatrice, coup de gueule/cœur…

 

Dans la sérénité de l'ordonnancement paisible de la circulation de la parole et du… silence, la révolte de chacun(e) – révolte qui préside toujours et, je dirais même, nécessairement, à l'engagement maçonnique – trouve ce havre de paix sans lequel la réflexion ne peut se développer sans courir le risque de tomber dans les ornières du préjugé, de l'erreur, de l'aveuglement, de la (fausse) certitude, de l'"emportement", de la "prétention", de l'orgueil (quand ce n'est pas de la vanité), de la fatuité, de l'incident, de l'accessoire, de la futilité…, bref, du paraître, de la "représentation", du jeu, du théâtre (qui peut être celui du drame ou de la farce)…

 

Le travail maçonnique, que l'on fait sur soi d'abord mais aussi, simultanément, sur le monde, c'est-à-dire pour l'Autre ou, plus exactement, pour TOU(TE)S les autres, appelle à une humilité et à une prudence constantes. L'important n'est pas vraiment d'achever la construction (qui pourrait avoir la prétention d'être un(e) démiurge et d'achever cette œuvre de construction qu'est l'humanité de l'individu et, a fortiori, de la société ?) que de bien construire, de s'assurer que chaque pierre posée est solidaire de celles qui ont été posées avant, souvent, pour ne pas dire toujours, par d'autres et qu'elle pourra accueillir avec solidité les pierres à venir.

 

Ainsi, en fréquentant la Loge , en même temps que je le renforce, je mets – ou, du moins, je bande tous mes efforts pour mettre - mon anarchisme à l'abri de cette dérive toujours constatée d'ériger son choix philosophique, éthique, politique, même qualifié de laïque, en un credo religieux, que cette religion soit celle d'une "église" (le terme étant pris dans son acception générique) ou d'un parti.

 

Au fur et à mesure des tenues, je suis bien contraint de faire ce constat amer que je trouve plus de tolérance et de respect chez mes sœurs et frères en maçonnerie que chez mes compagnon(ne)s en anarchie tant il est (hélas) vrai que beaucoup parmi ces dernier(e)s érigent l'anarchisme – ou, en fait, ce qu'ils-elles "croâ" être l'anarchisme - en une secte dont l'intolérance n'a d'égal que la suffisance, la vulgarité et, pour tout dire, la… bêtise de l'obscurantisme dans lequel ils-elles se vautrent avec complaisance, cet obscurantisme dont André Nataf disait dans "Les libres penseurs" (Bordas, 1955) qu'il "a besoin de la réunion de deux conditions : la croyance en une vérité révélée et le désir ou la volonté d'imposer cette "vérité", même à ceux qui n'en veulent pas ou à ceux qu'elle laisse indifférents". Une secte qui, comme toutes les sectes, est vouée à connaître ses dieux, ses saints, ses pontifes, ses pasteurs… mais aussi ses démon(e)s, ses sorcier(e)s, ses anges déchu(e)s, ses hérétiques, ses relaps, ses païen(ne)s, ses mécréant(e)s, ses victimes-offrandes… et ses baptêmes, ses excommunications, son Inquisition, ses bûchers, ses autodafés…

 

Comme le maçonnique, l'engagement anarchique n'a pas vocation à rester… secret, en particulier dans le for intérieur de la raison et du cœur de celui-celle qui le fait. En s'isolant du monde pour cultiver son jardin, Candide ne peut être ni maçon, ni anarchiste. Je ne puis être anarchiste et maçon que pour autant que j'agis dans et sur le monde, autrement dit avec et pour les-d'autres. Si, humaniste, je ne puis accepter d'avoir quelque exclusive que ce soit dans la reconnaissance et le respect de l'Autre comme humain – comme… ma sœur, mon frère -, en revanche, parce que libre, j'ai… la liberté de choisir celles et ceux avec lesquels j'agis. C'est pourquoi, en matière d'action militante, j'ai décidé de faire désormais miens les propos de l'Atelier Léo Campion du Grand Orient de France, à l'Orient de Grenoble :

 

"Nous avons complètement rejeté ce langage mou, invertébré, qui appelle un sourd un mal entendant, un aveugle un non voyant et un con un non comprenant.

Nous rejetons ce terrorisme intellectuel et moral que cherchent à nous imposer les politiques, les médias, les publicitaires et autres plésiosaures grabataires liquides ou semi-liquides qui s'attachent à leurs avantages acquis, à leurs passe-droits, à leurs privilèges comme aux temps reculés la vérole s'attachait à … certains d'entre nous.

Notre recherche est progressiste c'est à dire qui ne se confine pas dans le passé, philanthropique : qui aime l'humanité, philosophique : qui aime la sagesse.

Nous avons décidé de vivre et de parler de tout. Nous avons décidé de rire de tout, mais pas avec n'importe qui.

Comme disait déjà notre Frère Léo Campion " Il faut être impitoyable avec les cons, qui n'ont pas de cet organe, la saveur et la profondeur".

JC, anar, franc mac' et mécréant


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