Athée je vis, athée je mourrai
Dans le prolongement des récents textes que j'ai écrits
et mis en ligne, je me suis laissé aller à une pure spéculation – une
hypothèse d'école entièrement gratuite ne reposant sur aucun prémisse fondé
- : et si la Science, par le plus grand des hasard et contre toute probabilité
et rationalité, un jour, prouvait l'existence de dieu ?
Et bien, alors, force me serait
d'admettre dieu en tant que fait naturel, réel comme j'admets la foudre,
les tremblements de terre, les éruptions volcaniques, les raz-de-marée, le
choléra, le SIDA, la cécité, la paranoïa…
Mais admettre dieu ne
signifierait nullement pour autant que j'accepte de croire en dieu.
Selon les dictionnaires, "l'homme
croit à des affirmations, des idées, des théories, des dogmes sans lesquels
la vie n'aurait pour lui aucun sens ; cela ne signifie pas que ce sens, que la
conscience, traversée de désirs, se donne, soit la vérité".
Autrement dit, l'homme croit en ce qui/quoi, selon lui, donne du sens à la
vie et, par conséquent, à sa vie.
Le dictionnaire rajoute : "Généralement
opposées au savoir rationnel, les croyances concernent tout le registre de nos adhésions
subjectives tant affectives que morales et intellectuelles. Dans ce
registre, qui va des préjugés et superstitions marquant la crédulité
de l'opinion aux affirmations d'une théorie scientifique ou d'une thèse
philosophique en passant par la vie des sentiments, se creuse un écart où
s'articulent des séries de médiations et de mise à l'épreuve, crédibilisant
différents degrés de pertinence, de cohérence, de consistance sans que
jamais, dans leur interdépendance constante, croyance et certitude objective ne
soient réductibles l'une à l'autre".
Croire, c'est donc… adhérer, c'est-à-dire, au sens
propre, "Faire corps avec quelque chose ; y être fortement fixé
(L'écorce adhère au bois) et, au sens figuré, souscrire pleinement (à une
opinion), adhérer à une doctrine, s'affilier (à un parti, à une société)".
Admettre, reconnaître un fait scientifiquement établi
n'exclut pas que l'on maintienne une certaine distance entre soi – et
notamment, le sens que l'on donne à sa vie et à la vie en général - et ce
fait, voire même une distance certaine puisque rien n'interdit de le réfuter
et de tenter de, voire de réussir à démontrer qu'en définitive il n'est pas
établi ou qu'il ne l'est que partiellement, exceptionnellement, incomplètement…
En revanche, la croyance exclut
une telle distance et, par conséquent, interdit toute critique, toute tentative
de réfutation.
Aussi, quand bien même il
serait scientifiquement prouvé que dieu existe, jamais je ne pourrai croire en
dieu.
En outre, admettre un fait
scientifiquement établi, n'impose aucunement que l'on reconnaisse le droit à
la Science de s'ériger en ordre avec son clergé, ses gardiens de la
connaissance, sa hiérarchie – ceux qui savent et qui ordonnent,
commandent et ceux qui croient et qui obéissent - son
culte, ses rites, ses interdits, ses tabous, ses prescriptions, ses obligations,
ses anathèmes, ses excommunications, ses temples…
Certes, une certaine Science ou,
plus exactement certains scientifiques – les scientistes et les positivistes
– ont voulu ériger la Science en une véritable religion, une religion
naturelle venant/devant se substituer aux religions surnaturelles.
Outre qu'elle s'est soldée par un cuisant et définitif échec puisque, par essence,
contraire à l'esprit, aux principes, aux méthodes, au statut, aux
buts… de la Science, à peine dogmatisée, elle était nécessairement
mort-née, cette tentative s'est aussitôt heurtée à la critique radicale des
autres scientifiques – la majorité – et, au-delà des humanistes et des athées.
Cette tentative est donc morte à la fois d'elle même et de la vigilance de la
Science elle-même ainsi que de l'humanisme et de l'athéisme.
Aussi, pour revenir à ma folle
spéculation, mon athéisme intellectuel et militant m'amènerait à
continuer de me battre, notamment contre cette prétention que pourraient avoir
certains de se reconvertir et, sur le fondement d'un fait
scientifiquement établi, d'ériger un ordre religieux naturel se
substituant à l'ancien ordre religieux surnaturel. Pour moi, le pontife
d'une vérité scientifique serait tout autant à combattre et à abattre que
l'est le pape de l'imposture religieuse.
Par ailleurs, et comme je l'ai
dit dans d'autres textes, pour moi, l'absence de croyance est l'état naturel
dans lequel naît tout être humain tandis qu'aucun être humain – tout comme
la Science d'ailleurs – ne peut prétendre à l'exhaustivité d'une
connaissance encyclopédique. Il en résulte donc que tout un chacun vit, plus
ou moins bien, alors même qu'il/elle est dans l'ignorance de certaines
connaissances qui organisent pourtant le cadre naturel, réel de sa vie
– lois naturelles en particulier
-.
Ainsi, quand bien même dieu
serait un fait réel scientifiquement établi, on pourrait d'autant plus en
vivre sans la connaissance de ce fait que, à la naissance à la vie, on
continuerait d'être parfaitement ignorant de cette connaissance particulière
comme de toutes les autres connaissances en général.
En outre, le sens –
signification et orientation - que l'on a de sa vie et de la Vie, le sens que
l'on attribue à sa vie et à la Vie, le sens que l'on reconnaît à sa vie et
à la Vie, s'il éclairé des connaissances que l'on possède et, a contrario,
s'il est obscurci, des connaissances que l'on a pas, ne se déduit pas mécaniquement
ce ces pleins et vides de connaissance. Le sens de la Vie n'est pas
exclusivement une affaire de raison – et, plus particulièrement, de la Raison
- : il est d'abord une affaire de liberté et de choix. Or,
la liberté ne se connaît pas mais se vit, s'assume aussi bien
rationnellement qu'émotivement, intellectuellement que sensuellement, et le
choix… se fait.
Sur son île, coupé du monde
moderne, ignorant des progrès scientifiques et techniques, un quelconque
Robinson Crusoé peut toutefois vivre une vie – sa vie – pleine de sens.
Inversement, à supposer qu'il ait à sa disposition une bibliothèque qui lui
permette d'accéder à la totalité des connaissances, il pourrait tout aussi
bien ne trouver aucun sens à sa vie et/ou à la Vie au seul motif de… sa
solitude.
Né sans croyance, je vis athée et c'est ainsi que
je mourrai. Debout, toujours debout… SANS DIEU NI MAÎTRE.