Athées, encore un effort pour devenir vraiment… mécréant(e)s !

 

Le lapsus "Dieu merci" (ou "grâce à dieu") d'un(e) athée donnant une conférence sur l'athéisme est bien connu. Il est révélateur de ce que l'athée en question n'a pas véritablement rompu avec la religion dont il-elle se prétend pourtant libéré(e) et que l'influence religieuse préside toujours à sa pensée.

Mais il existe d'autres indices permettant de mesurer le chemin restant à parcourir pour arriver véritablement à l'athéisme, à la… mécréance. J'en donnerai deux exemples :

Tout d'abord, il est fréquent de relever dans la bouche ou sous la plume des athées le verbe croire, y compris dans une formulation aussi absurde que "Je crois qu'il fera beau demain"[1].

Le verbe croire, du latin credere (confier), a deux séries de signification selon qu'il est transitif direct ou indirect :

Ø      "verbe transitif direct : 1. Tenir quelque chose pour vrai, admettre comme réel, certain. Croire une histoire. Je crois ce que vous me dites. 2. Tenir quelqu'un pour sincère. On a cru les témoins. 3. En croire quelqu'un, quelque chose, se rapporter à quelqu'un, à quelque chose, s'y fier. À l'en croire, il sait tout faire. Ne pas en croire ses yeux, ses oreilles. 4. Croire que : tenir quelque chose pour possible, probable ; penser. Je crois qu'il viendra. Je crois que non. 5. Imaginer, supposer quelque chose ; considérer quelqu'un comme. Je n'aurais jamais cru cela de sa part. Je le croyais plus intelligent.

Ø      verbe transitif indirect : 1. (à). Tenir pour certaine l'existence de quelqu'un, de quelque chose ; avoir foi en sa véracité, son efficacité ; s'y fier. Croire à la sincérité de quelqu'un. Elle croit à son projet. Fam. Croire au père Noël : être naïf. 2. (en). Avoir confiance en quelqu'un ; reconnaître son existence. Croire en ses amis. Croire en Dieu. Absol. Avoir la foi religieuse"[2].

Le verbe croire ne renvoie donc à aucune connaissance, aucun savoir scientifique mais bien à une… croyance qui est "1. Le fait de croire à la vérité ou à l'existence de quelque chose. La croyance en Dieu. 2. ce qu'on croit, en matière religieuse, philosophique, politique, etc. ; conviction. Respecter toutes les croyances".

Croire n'est donc pas une posture scientifique ou même seulement cognitive mais un acte de foi professé par un(e) croyant(e), "adjectif et nom, qui a la foi religieuse[3]. Il est très croyant"[4]. On croit aussi bien en/à un dieu qu'au père Noël, à l'horoscope, à l'effet magique d'un grigri… mais on ne croit pas à/en la théorie de la relativité et si l'on ne croit pas à/en la théorie de l'évolution, en revanche, on croit bien au créationnisme[5].

Personnellement, depuis que, à l'âge de 14 ans, j'ai fait le choix de naître à mon humanité j'ai cessé de croire en/à quoi que ce soit mais également en/à qui que ce soit. Je ne crois donc pas mais je pense, j'estime, je suppose, je considère, j'admets, j'imagine… et si je n'ai aucune croyance, en revanche, j'ai des convictions, des idées, des avis, des hypothèses…

Sans doute parce que mon athéisme est… naturel, je n'ai aucunement eu besoin de proscrire le verbe croire et le substantif croyance de mon vocabulaire, du moins lorsqu'il s'agit de parler de moi. Cette éviction s'est faite spontanément, naturellement parce que, en faisant le choix d'être humain et donc… athée, j'ai véritablement rompu avec la religion et, au-delà, avec les superstitions religieuses, l'imposture religieuse, la pensée religieuse (ou, plus exactement, le prêt-à-penser, le bien penser religieux), le credo religieux, le dogme religieux, la morale religieuse, la culture religieuse…, bref avec l'obscurantisme religieux.

Que des athées usent du verbe croire et du substantif croyance pour parler d'eux-elles-mêmes et, notamment, pour évoquer leur… athéisme me sidère car pour se définir, en somme, ils-elles ont recours à ce dont ils-elles prétendent être libéré(e)s : la foi religieuse ! Incapables de se penser et donc de s'assumer et se vivre sans référence religieuse ils-elles ne peuvent se voir que par ou au-delà du miroir (et donc de l'illusion) de la religion.

Quel est donc cet athéisme qui, pour se définir, ne peut se donner que comme le contraire, l'antinomie de la religion et qui, ce faisant, ne se débarrasse pas pour autant des oripeaux et accessoires rituels de la religion ? Quel(le) est donc cet(te) athée qui, pour affirmer son athéisme, se… croit obligé(e) d'officier, de réciter un catéchisme et, pour se faire, se travestir en enfant de chœur, voire en prêtre(esse) ? Quel besoin peut-on avoir de se positiver – se positionner, se situer… - en niant… l'inexistant ?

Un autre exemple de cette absence de rupture avec la religion, de ce continuum espistémologique est l'usage opiniâtre, entêté, méticuleux que beaucoup d'athées font de la majuscule pour le vocabulaire religieux : dieu, messie, vierge, ascension, bible, évangile….

La majuscule, on le sait, ne s'emploie conventionnellement que dans trois cas : en début de phrase, pour les noms propres et par… déférence.

Est-ce donc par déférence envers l'inexistant des monothéistes que beaucoup d'athées écrivent "Dieu" alors qu'ils-elles se contentent de "dieu" pour les "dieux" des primitifs, des polythéistes… ?

Les croyant(e)s usent de la majuscule comme signe de légitimité : leur "Dieu", détenteur et révélateur de la (vraie) "Vérité", serait en effet le "Vrai Dieu" quand le(s) dieu(x) des autres seraient des "faux dieux". Pourquoi, Diable[6], se disant athée, reprendre à son compte cette présomption dogmatique ?

N'est-il pas inconcevable qu'un(e) athée use de la majuscule pour ce qui relève de l'imposture, du mensonge, de l'inexistant… ? Peut-on à ce point être déférent(e), poli(e) et policé(e) et, se disant athée, y aller de "Votre Honneur" pour un prêtre dans lequel sommeille toujours un inquisiteur ?.

La vertu[7] athée ne consiste pas à nier dieu [À quoi bon perdre son temps à nier… l'inexistant ?] mais à vivre sans dieu, ni maître et, pour ce faire, d'abord naître à son humanité - ce qui suppose un acte de liberté, de révolte ou de rupture, mais toujours de choix, d'engagement -, puis l'assumer pleinement et sans compromission ou même compromis.

En tant qu'action militante, lutte pour la libération des humains de l'emprise, de l'oppression, de la répression, de l'obscurantisme, de l'aliénation... de la religion, l'athéisme est, bien entendu, la négation de dieu. Mais, en temps que mode de vie, en tant qu'humanité assumée, il est, tout simplement, une vie... sans dieu, sans maître. Une vie qui n'a donc pas besoin de référence religieuse, même sous une forme négative pour se vivre, se revendiquer, se dire, s'affirmer, s'exprimer, s'exposer...

Pour de nombreux-euses athées la rupture cognitive, affective, epistémologique, philosophique, culturelle… avec la religion est loin d'être acquise[8] et le chemin est encore long à parcourir pour arriver à la mécréance et, ainsi, à l'humanité. Que les candidat(e)s se rassurent : s'il est difficile – quelle rupture peut être… facile ? – ce chemin n'est pas impossible. De plus, il n'est pas de… croix, c'est-à-dire de mortification, de punition, de souffrance, de douleurs, de pleurs, de gémissements… mais, au contraire, de joie, de rire, de plaisir, de santé…, bref, de… vie.

Alors…..

 

[1] En effet, ou l'on sait qu'il fera beau au vu des prévisions météorologiques ou, faute de connaître ces dernières, on ne sait rien et… on ferme sa gueule !

[2] Petit Larousse illustré, édition 2001. Le Petit Robert est encore plus explicite :

Croire, de creire 1080; credre Xe; lat. credere "confier", fig. "avoir confiance" :

I. V. tr. dir.

1 Tenir pour vrai ou véritable. accepter, admettre. Je crois ce que vous dites. Ne croyez rien de ce qu'il vous raconte. Loc. Je suis comme saint Thomas, je ne crois que ce que je vois. Il faut le voir pour le croire. À ce que je crois : à mon avis, à ce qu'il me semble. "Ce que la bouche s'accoutume à dire, le cœur s'accoutume à le croire" (Baudelaire). Plaisant Qui l'eût cru? — Faire croire qqch. à qqn. convaincre, persuader, prouver. Croire naïvement, sottement une histoire. fam. avaler, gober. C'est difficile à croire. (Sens fort) Donner son plein assentiment à une vérité; avoir la certitude morale de. "Nous savons bien que nous mourrons, mais nous ne le croyons pas" (Bourget).

2 Tenir (qqn) pour sincère, véridique; ajouter foi à ce qu'il dit. se fier (à). Vous pouvez croire cet homme (crédible). Croire qqn sur parole. Tu me croiras si tu veux; tu n'es pas obligé de me croire. Crois-moi : fais-moi confiance. — Fam. (emphat.) Je vous crois! Je te crois! je pense comme vous, comme toi; c'est évident! (cf. Et comment! tu parles, pour sûr). Je te crois qu'elle est belle!  

3 EN CROIRE (qqch., qqn) : s'en rapporter à. Si vous m'en croyez, vous ne lui prêterez pas cet argent. S'il faut en croire la rumeur, à en croire les journaux, la crise est imminente. Je n'en crois rien : c'est faux, c'est un mensonge. Crois-en mon expérience. — Si j'en crois ce qu'on raconte. — Loc. Ne pas en croire ses yeux, ses oreilles : avoir du mal à admettre l'évidence, douter du témoignage de ses sens.

4 CROIRE QUE : considérer comme vraisemblable ou probable. considérer, estimer, se  figurer, imaginer, 1.juger, 1.penser, présumer, supposer (que). "Si vous pleurez, je crois que je vais mourir de chagrin" (Sand). Je crois qu'il est déjà parti. Je crois que oui, que non. "Je ne le crois pas, dit-il, j'en suis certain" (Maurois). Nous lui avons fait croire (laissé croire) que nous serions absents. J'ai tout lieu de croire qu'il a menti. Je ne crois pas qu'il viendra, qu'il vienne. "Je n'aurais jamais cru que l'on pût tant souffrir" (Musset). — Loc. Croire que c'est arrivé : s'imaginer qu'on a réussi. — Surtout, n'allez pas croire, ne croyez pas que je sois jalouse. — Ne croyez-vous pas qu'il serait bon de lui en parler? C'est à croire que, il faut croire que... : il est probable que... J'aime à croire que. espérer, souhaiter. Tout porte à croire que c'est vrai. — On croirait qu'il dort (mais il ne dort pas). 2. dire, jurer. Je vous prie de croire qu'il n'a pas répliqué : soyez certain que... 

5CROIRE (et l'inf.) : sentir, éprouver comme vrai (ce qui ne l'est pas absolument). estimer, 1. juger, 1.penser. "J'ai cru sentir le temps s'arrêter dans mon cœur" (Musset). "nous croyons être acteurs, nous ne sommes jamais que spectateurs" (Maurois). Nous croyons vous avoir aperçus hier. On croit rêver*. Vous ne croyez pas si bien dire.

6 CROIRE (qqn, qqch.) (et attribut). estimer, imaginer,  supposer. Je le crois capable de tout. On l'a cru mort. Je le crois homme de parole. tenir (pour). "nous croyons les autres plus heureux qu'ils ne sont" (Montesquieu). On croit cette entreprise au bord de la faillite.

7 SE CROIRE v. pron. Se considérer comme; s'imaginer être. s'estimer. Il se croit plus malin que tout le monde. Tu te crois intelligent? Elles se sont crues perdues. Il se croit tout permis. Où te crois-tu? (pour avoir une telle attitude). Loc. fam. Se croire sorti de la cuisse de Jupiter. — Se croire qqn. Fam. Qu'est-ce qu'il se croit, celui-là? (cf. Pour qui se prend-il?). On se croirait déjà en hiver.

II V. tr. ind. Croire à, en.  

1 Croire à une chose, lui accorder son adhésion morale ou intellectuelle. Croire au progrès. Croire à l'astrologie. "La culture positive de Vincent le retenait de croire au surnaturel" (André Gide).  Spécialt Accorder par conviction son adhésion; être persuadé de l'existence et de la valeur de (un dogme, un être religieux). Croire à l'Évangile. — Loc. Ne croire ni à Dieu, ni à Diable. Croire en Dieu : avoir la foi (credo). Fam. Croire au Père Noël : être très naïf, se faire des illusions. 

2 Tenir pour réel, vraisemblable ou possible. Il a cru à une erreur de votre part. Croire aux promesses de qqn. compter (sur), se fier (à). Je ne crois pas à l'efficacité de ce traitement.  — Croire dur comme fer* à qqch. — Je vous prie de croire à, veuillez croire à mes sentiments les meilleurs : formules épistolaires de politesse.

3 Croire en (qqn), avoir confiance en lui, s'en rapporter à lui. compter (sur) , se fier (à).  J'ai toujours cru en lui. "Il faut croire en soi" (Suarès).

III V. intr. (sens fort)

1 Avoir une attitude d'adhésion intellectuelle. Il croit sans comprendre. "On vous dit quelquefois : Ceci est un fait. C'est dire : Croyez" (Valéry).

2 Avoir la foi religieuse (croyant). "Pour que Pascal supportât la vie, il était nécessaire qu'il crût" (Suarès).

CONTR. Douter; contester, démentir, discuter; nier, protester.

[3] Souligné par moi, JC.

[4] Les membres d'une même secte se nomment les "croyant(e)s par opposition aux… "mécréant(e)s.

Petit Robert : croyant, ante [kYwajS, St]  adj. et n. 1190 creanz; p. prés. de croire. 1 Qui a une foi religieuse.  dévot, mystique, pieux, religieux. Il n'est plus croyant : il a perdu la foi. "Croyante, elle l'était bien un peu; pratiquante plutôt"  (Loti). 2 N. Un croyant, une croyante.  fidèle. Les vrais croyants.  Spécialt Les croyants : nom que se donnent les musulmans. Commandeur des croyants.

CONTR. Agnostique, athée,  incrédule, incroyant, infidèle, mécréant, sceptique.

[5] Pour ce mot, le correcteur orthographique de Word 97 propose… crétinisme ! Sans commentaire.

[6] Ce vocable et la majuscule qui lui est attribuée n'ont d'autre fin que… la provocation !

[7] Au sens romain du terme.

[8] Et c'est sans doute pour cette raison que, très souvent, lorsqu'ils-elles se regroupent sous la bannière d'une pensée dite libre, les athées reproduisent les schèmes de la religion avec prophète, pape, prêtre(sse)s, catéchisme, ordo, dogmes, ndex, excommunication…


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