Billet de (méchante)
humeur mécréante
J'ai discuté avec plusieurs de
mes relations ; j'ai entendu de nombreux propos publics tenu par des personnes,
voire des personnalités (de la politique, de la culture, de l'économie…).
Plusieurs se disent laïques, agnostiques, sceptiques, voire même athées. Tous
se disent défenseurs des Droits des humains, de la Justice, de la Liberté…
Et pourtant…
Et pourtant, d'une seule et même
voix, ils se joignent aux appels à la guerre sainte lancée contre le Mal
absolu : le terrorisme islamiste !
De la liberté de penser, en
fait, ils n'ont qu'une liberté surveillée, contrôlée, conditionnelle parce
que, en toute liberté, ils acceptent de croire en cette débilitation
profonde – et, sauf erreur médicale de ma part, irréversible – de
la raison, de l'entendement, de la réflexion, de la connaissance… qu'est le
manichéisme, père de tous les nationalismes, de tous les racismes, de toutes
les xénophobies…, du rejet de l'Autre dans son altérité et ses différences.
Pour eux, les choses sont
simples : désormais il y a une frontière absolue entre le Bien – qui est leur
camp – et le Mal – qui est le camp de l'ennemi, du terrorisme
islamiste, cette incarnation de… Satan ! – et, pour sauver le Bien et
donc la Civilisation – leur civilisation -, la Liberté – leur
liberté -, le Progrès – leur progrès -, la Justice – leur
justice -…, il faut, sans aucune autre forme de procès que le simple énoncé
d'une accusation nullement démontrée en Droit positif… tuer le Mal,
quel que soit le prix à payer pour celles et ceux qui ont le malheur
d'habiter les territoires sur lesquels va s'abattre le fracas des armes et même
si ces victimes sont d'autant plus innocentes des attentats qui viennent d'être
commis aux U.S.A. que, en Afghanistan, ils/elles sont les victimes du régime de
terreur établi par les talibans !
Ce faisant ils oublient
un certain nombre de ces choses que sont les valeurs éthiques de
l'humanisme, les faits historiques – dont on sait pourtant qu'ils sont têtus
-, le Droit international et, en particulier, la Déclaration Universelle des
Droits de l'Homme, l'amour universel dont ils se prétendent au nom de
leurs croyances religieuses… Ainsi, en vrac et de façon non exhaustive, ils
oublient que :
• parmi les victimes de ces attentats figurent sûrement des musulmans/es (Question : sont –elles pour autant de mauvaises victimes du seul fait d'appartenir à une Ø qui se trouverait être celle des auteurs présumés des attentats ?)
• la démocratie – leur – démocratie prétend se fonder sur la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire et que le Chef de l'exécutif n'a pas à se mêler des affaires de justice en désignant à la vindicte populaire, à la loi de… Lynch, non plus un simple accusé mais, déjà, un coupable et, bientôt, un… exécuté ;
• l'histoire du christianisme, qu'il s'agisse du catholicisme ou du protestantisme, est celle d'une longue suite de génocides, d'ethnocides, d'assassinats, de crimes liberticides, de censures… qui ont été menés au titre d'un régime de terreur qui était celui d'une autorité à la fois religieuse et temporelle et que ce terrorisme était donc un terrorisme d'État ;
• alors que le catholicisme établissait le règne de l'obscurantisme dans l'Europe dite chrétienne en muselant la liberté de penser et en persécutant les savants et les philosophes, la Science avait trouver refuge dans l'Empire arabo-musulman et, notamment, en Espagne ;
• l'Inquisition, qui ne fut jamais que la forme circonstancielle du terrorisme d'État précité, fut une invention catholique et non musulmane ;
• il n'y a pas de bonnes et de mauvaises croyances et pratiques religieuses qui participent toutes d'une seule et même essence, d'une seule et même réalité : la Ø, cette même Ø que, certains d'entre eux, il y a encore peu, combattaient au nom des humains, de l'humanité et de la raison (mais leur combat n'était-il as une… imposture ?) ;
• les champs de bataille des deux Guerres mondiales sont, en Europe, en Afrique et en Asie, rouges du sang de soldats et officiers musulmans (mais on peut se demander si, de nos jours, ces victimes mortes pour la cause de la Civilisation – dont ils étaient exclus en tant que colonisés par ailleurs – contre la Barbarie ne sont pas devenues de mauvaises victimes à l'égard desquelles nous n'aurions donc aucune dette au nom de la Justice, de l'Histoire et, plus simplement, de la fraternité, quand bien même celle-ci ne serait qu'une fraternité d'armes) ;
• Younus SHAIKH risque sa vie en ce moment même alors qu'il est musulman et qu'il n'a pas exprimé son intention d'apostasier l'islam : devrions-nous cesser de nous battre en sa faveur au seul motif qu'il est… musulman ?
• la vengeance est un châtiment infligé en représailles d'un dommage subi et jamais la réparation de ce dommage ;
• de nombreux terroristes ainsi accusés et promis à la mort ont été formés, financés et aidés par les services secrets de nombreux pays occidentaux (mais il est vrai qu'il s'agissait alors de lutter contre un autre Mal, un autre Satan : le communisme !) ;
• l'argent des réseaux terroristes islamistes fructifie dans les banques occidentales (mais il est vrai que l'argent n'a pas d'odeur !) et, pour une large part, est dépensé en Occident lui-même ;
• avant-hier, hier, aujourd'hui encore et sans doute demain, l'Occident a utilisé et utilise des alliés musulmans – y compris des terroristes – pour lutter, par pions interposés, contre ses propres ennemis ( mais alors, ces alliés objectifs vont-ils aussi subitement devenir des… méchants ?) ;
• une des principales activités économiques de l'Occident consiste en la fabrication et la vente d'armes (+ 8% entre 2000 et 2001 ; 50.4% pour les seuls U.S.A.) et que les marchands, comme de bien entendu, comme toujours, ne sont pas très regardants quant à la nature de leurs clients, fussent-ils des… terroristes, et la finalité de ces ventes ;
• lors de récentes manifestations contre la mondialisation, des policiers, avec la bénédiction des pouvoirs politiques, se sont livrés à une sauvage répression jusqu'à faire usage d'armes à feu de manière disproportionnée aux faits qui les ont motivés – cette notion de proportionnalité étant celle d'Amnesty International qui, dans certains cas, et toujours dans le respect de la Loi, admet la légalité d'un tel usage – et qui, à Gênes, ont tué un manifestant désarmé (il a été tué par balle et achevé par les roues d'un véhicule blindé !) ;
• un peu partout dans le monde et, singulièrement, dans le Tiers-Monde, en raison d'enjeux stratégiques militaires, diplomatiques et économiques, avec le concours des États occidentaux, des terrorismes massifs sont mis en œuvre par des États ou des groupes privés ;
• en toute constance le terrorisme, qu'il soit d'État ou de groupes, politique ou religieuse, n'a jamais cessé de sévir en Occident et que ce n'est qu'exceptionnellement qu'il a été le fait de musulmans ;
• un terroriste musulman de nationalité française, américaine, australienne… - bref, occidentale – est le fruit autant de sa religiosité que de sa nationalité et son acte criminel ne le déchoit pas, du moins en Droit positif, de sa nationalité ;
• si tout système politique ou religieux peut user du terrorisme comme mode de gouvernance, tout système sécrète régulièrement de lui-même sa propre opposition terroriste sans pour autant qu'il soit nécessaire qu'une ingérence étrangère, politique ou religieuse, ne se manifeste ;
• si le terrorisme, qu'il soit religieux, politique, militaire, culturel, social, économique, est souvent guidé par le fanatisme, il est également fanatique d'appeler à une Guerre - sainte qui plus est - au nom non pas du Droit mais du Bien, c'est-à-dire d'une valeur, - pour ne pas dire une croyance - que ni la Science, ni le Droit ne sont en mesure d'établir tant elle est relative dans le temps comme dans l'espace ;
•
....
Ainsi, ces amis de la
Libre Pensée, de la Liberté en général, des Droits des humains, de la
Justice, de la démocratie… ont d'ores et déjà fourbi leurs couteaux, dont
ils ne s'étaient sans doute jamais démunis, pour poignarder dans le dos cette
même Liberté de Pensée, cette même Liberté en général, ces mêmes Droits
des humains, cette même Justice, cette même Démocratie… pour, d'abord,
museler toute conscience qui, au sein même du camp du Bien, oserait
s'insurger, se révolter contre l'union sacrée de l'Occident, ne
serait-ce qu'en se contentant de rappeler les valeurs humanistes supposées être
le fondement de la Civilisation occidentale – par opposition à la barbarie
musulmane – et donc… du Bien et, ensuite, délivrer un blanc seing
aux Armées occidentales
Ces personnes ne se contentent
pas de se laisser porter par la déferlante religieuse qui, en pur fanatisme,
emporte l'Occident dans une négation de l'humain, de l'humanité ; elles rament
de toutes leurs forces dans ce sens comme si, par leur zèle, elles
voulaient se laver de ce péché qui a été le leur d'avoir été laïque, démocrate,
humaniste, libre penseur, agnostique, sceptique, athée !
Débilités par cette pensée
simpliste qu'est la leur – le manichéisme dont je me demande si le nom
moderne n'est pas tout simplement la pensée unique -, ils ne seront pas
seulement les complices d'injustices criminelles à venir, ils seront aussi,
avec les autres, les bâtisseurs d'un nouvel empire qui ne sera plus seulement
celui de l'obscurantisme mais, tout simplement de la… bêtise,
de la vulgarité.
Est-on désormais interdit de discordance
parce que, humaniste et athée – je m'excuse du pléonasme –, on se refuse
à entonner l'hymne religieux de l'union sacrée à la gloire de ∄
-qu'on l'appelle ∄,
Patrie, Occident, Civilisation, Bien, Vérité, Justice… - mais aussi de la
Guerre et du meurtre ?
Pour moi, une victime est une
victime quelles que soient ses croyances ou son absence de croyance. Et un
humain, victime d'un attentat, d'une exécution capitale, d'un accident de la
route, d'un assassinat… reste, même dans sa mort, un… humain. Pour moi, par
définition, une victime est innocente parce qu'elle n'a pas fait le libre choix
de sa souffrance, de ses blessures ou de sa mort (Victime,
nom féminin, du latin victima : 1. Personne tuée ou blessée
; personne qui a péri dans une guerre, une catastrophe, un accident, etc. L'explosion
n'a pas fait de victime. 2. Personne ou groupe qui souffre de
l'hostilité de quelqu'un, de ses propres agissements, des événements. Il a
été victime de sa naïveté. 3. Créature vivante offerte en
sacrifice à une divinité. Le Petit Larousse Copyright © Larousse / VUEF
2001). Un certain fanatisme a provoqué la mort et les blessures d'innocentes
victimes à New York et à Washington, endeuillé des familles, des amis, des
collègues et, en toute sincérité, par fraternité et solidarité humaines,
plongé des millions de personnes dans l'affliction. Ces victimes n'ont pourtant
pas le monopole de l'innocence. D'autres victimes, tout autant innocentes ont été
blessées ou tuées au même moment dans d'autres circonstances. Au moment même
où j'écris, d'innocentes victimes souffrent et meurent. Une Guerre, fut-elle sainte,
à laquelle on se livrerait au nom du Bien en représailles d'une agression
du Mal, ne manquera pas de faire d'… innocentes victimes parmi
lesquelles, personnellement, je compterais de présumés terroristes dont la
culpabilité n'aurait pas été préalablement établie dans le respect des
Droits des humains – qui sont aussi, qu'on le veuille ou non, leurs droits –
et que l'on aurait ainsi exécutés – assassinés (Cf. le code pénal) –
sans aucune forme de procès, légal et légitime. Alors, pour moi, toutes ces
victimes, leurs familles, leurs amis, leurs collègues, sans aucune exception, mériteront
et auront ma profonde compassion et, de la même manière que je l'ai fait pour
les victimes des attentats de New York et de Washington, je leur rendrai
respectueusement hommage par le recueillement du silence. Mais il est vrai, que
refusant de me laisser charmer par certaines humaines, je reste fidèle
à ce que je suis : humaniste, athée, libertaire et… mécréant, même s'il y
a de fortes chances que pour les nouveaux illuminés de la révélation
jugent blasphématoire ma mécréance et la qualifie de… méchanceté,
c'est-à-dire d'incarnation du Mal !
La racine – le sens – du mot humanisme est l'humain, non le divin.
L'humanisme est donc au service d'une cause et d'une seule : celle de l'humain,
de tous les humains. A ce titre, il est parfois nécessaire de faire acte de
courage et de s'opposer à la dé-raison qui prétend exclure de
l'humanité une partie des humains et, ce faisant, des Droits des humains, de
les mettre hors-la-loi et d'en faire des démons sur lesquels,
comme jadis on l'a fait avec les Indiens par exemple, on peut, en toute sérénité,
en toute liberté de conscience,… tirer à vue.
Déjà, j'entends resurgir d'une page particulièrement barbare de l'histoire occidentale, ce fameux slogan "Tuez-les tous, ∄ reconnaîtra les siens !". Je ne serai pas de la curée ; au contraire, comme toujours, je serai aux côtés… des victimes !