Cet
animal particulièrement agressif … l'humain
Il est courant de
rappeler que les êtres humains sont des… animaux (éventuellement qualifiés
de particuliers) et, par conséquent, de considérer qu'il y a une
agressivité humaine tout aussi naturelle que l'agressivité animale. Or,
relativement à la liberté, c'est certes l'agressivité animale, instinctive
qui est mise en avant – voire prônée – par certaines théories politiques mais
c'est aussi une agressivité plus spécifiquement humaine, néo-cortexée,
l'agressivité affirmation de soi qui est souvent posée comme une soif de
liberté.
L'agressivité
animale
Konrad Lorenz
(1903-1989)(Konrad Lorenz, Das sogenannte Böse zur Naturgeschichte der
Agression, Borotha-Schoeler, 1963, L'Agression, une histoire naturelle du
mal, Flammarion, Champs n°20, Paris, 1969. Lire également de l'un de ses
disciples Irenäus Eibl-Eibesfeld, Liebe und Hass, Piper, München, 1972,
Guerre ou paix dans l'homme, Stock, Paris, 1972), qui est l'un des
fondateurs de l'éthologie (Avec Nikolaas Tinbergen, notamment Social
Behavior in Animals, Halsted Press, New York, 1966, La vie sociale des
animaux, Payot, Paris, 1967), la science du comportement animal, est
l'auteur d'une thèse qui est contestée.
Selon Konrad Lorenz
l'être humain est un animal agressif, comme les autres animaux, mais qui fait
cependant exception.
A/ L'être
humain est un animal comme les autres
Selon Lorenz il n'y
a pas, stricto sensu, d'agressivité entre animaux d'espèces différentes, sauf
exceptions. Si des animaux d'espèces différentes s'entretuent ce n'est que
pour des raisons alimentaires.
L'agressivité
animale est l'instinct de combat de l'animal qui entend maintenir ses rivaux de
la même espèce à une certaine distance. L'être humain, à ce niveau, ne fait
pas exception.
Normalement, selon Lorenz, l'animal ne serait pas un tueur intraspécifique.
C'est là que l'Homme fait exception.
Mais un animal
qui fait cependant exception
Konrad Lorenz pense
que l'être humain fait exception il est bien, lui, un tueur intraspécifique.
L'être humain, notamment comme le rat qui fait également exception, peut tuer
ses rivaux et non pas seulement les maintenir à distance. Autrement dit la
formule du philosophe anglais Thomas Hobbes (1588-1679)( Thomas Hobbes, English
works, 11 vol., Opera latine, 5 vol., edit. William Molesworth,
London 1839-1845, Scientia Verlag, Aalen, Deutschland, 1966; Oeuvres, 12
vol., Vrin, Paris, 1990-1996; Léviathan, éd. François Tricaud, réimp.,
Sirey, Paris, 1983 ; Le Citoyen (De Cive), éd. Simone
Goyard-Fabre, GF Flammarion n°385, Paris, 1982), formule empruntée au poète
romain Plaute (Titus Maccus Plautus, v.254-184), selon laquelle l'homme est un
loup pour l'homme, "homo homini lupus", est inexacte puisque
les loups sont des animaux "normaux". Elle doit donc être remplacée
par la formule "homo homini ratus", l'homme est un rat pour
l'homme.
La thèse de
Konrad Lorenz est contestée
Konrad Lorenz est,
tout d'abord, critiqué ou contesté par certains environnementalistes
culturalistes, mais aussi par certains sociobiologues naturalistes.
Tout d'abord les
environnementalistes, culturalistes, notamment certains néo-lamarckistes,
pensent que, dans le comportement social de l'être humain, c'est
l'environnement, le milieu, la culture, qui joue le rôle principal. C'est
pourquoi, certains culturalistes modérés critiquent Lorenz qu'ils accusent de
ne pas suffisamment tenir compte de "la dimension humaine"( Alexander
Alland, The Human Imperative, Columbia University Press, 1972, La
Dimension humaine, réponse à Konrad Lorenz, Le Seuil, Paris, 1974). Mais
certains environnementalistes sont des absolutistes, comme les "radical-scientists",
qui affirment que l'être humain est fondamentalement culturel. Ils critiquent
radicalement la thèse de Lorenz qui fait du biologique le fondement du
comportement humain, et tout particulièrement son homme tueur (John P.
Scott, Aggression, Univ. of Chicago Press, 1970). Si les humains se tuent
entre eux, disent-ils, c'est la faute de la Société, il faut donc… changer
la Société.
Lorenz est également
contesté par certains sociobiologues qui lui reprochent, au contraire, d'avoir
une vision "trop aimable" de la nature, alors que "plusieurs
chercheurs ont montré que de nombreux animaux pouvaient s'entretuer d'une façon
non exceptionnelle", comme les lions, les hyènes, les mouflons, les boeufs
musqués... ( Yves Christen, Biologie de l'idéologie, Carrère, Paris,
1985, p.23). Pour ces sociobiologues l'homme n'est pas un tueur intraspécifique
exceptionnel mais un tueur intraspécifique naturellement normal (Ces
sociobiologues nous disent que la recherche du pouvoir est la recherche du
plaisir de voler et de tuer impunément. A ce propos l'intéressant ouvrage
d'Alain Minc, Antiportraits, Gallimard, Paris, 1996).
L'agressivité
affirmation de soi
L'agressivité
affirmation de soi serait la soif de liberté, avec ses conséquences positives
et négatives.
La soif de
liberté
Si l'être humain
est un animal, c'est un animal psychique. L'être humain est un animal psychique
qui entend se différencier tout en se conformant, ce qui le conduit à
l'affrontement et, ipso facto, nécessite un règlement des conflits, une
civilisation par la règle.
B/ L'être
humain est un animal psychique
Selon le psycho-sociologue Erich Fromm (1900-1980)
(Erich Fromm, The anatomy of human destructiveness, Holt, Rinehart and
Un animal
psychique qui entend se différencier
De fait l'être
humain vit en société, dans des groupes sociaux plus ou moins complexes, des
groupes sociaux hiérarchisés avec des dominants et des dominés. Dans ces
groupes et face aux autres l'être humain prend plus ou moins conscience de sa
situation dans la hiérarchie sociale et, en fonction de son degré d'agressivité,
de sa personnalité et du milieu, c'est à dire des réactions des autres, il
essaye de trouver la place qui lui paraît correspondre à ses capacités.
Aussi, dans son groupe d'appartenance, l'être humain entend se faire reconnaître
comme valeur et bénéficier d'une juste place. Or, dans tout groupe social,
pour être justement reconnu il faut faire ses preuves. Il faut donc, pour
pouvoir faire ses preuves, avoir des moyens d'action et d'expression mais il
faut également avoir des libertés d'agir, qui ne peuvent être accordées que
par les dominants du groupe d'appartenance.
La soif de liberté
c'est la soif de disposer de moyens d'action et d'expression, moyens qui
devraient permettre de faire ses preuves pour se situer à une juste place dans
une hiérarchie sociale.
Le problème c'est
que faire ses preuves dans le groupe d'appartenance c'est nécessairement entrer
en compétition avec les autres, selon les règles du jeu en vigueur dans le
groupe, tout en respectant une certaine forme.
Qui entend se
différencier tout en se conformant
Aucun groupe social
ne peut fonctionner sans règles,
notamment de régulation… sociale. Pour éviter d'être marginalisé, ce qui
peut être mortel, l'individu doit respecter ou feindre de respecter ces règles.
Or ce sont les dominants qui ont le plus intérêt à ce qu'elles soient respectées,
afin de se maintenir en tant que dominants, ce qui n'est pas sans avantages pour
eux. Ce sont ainsi les dominants qui favorisent le conformisme social. Mais, se
conformer, c'est faire comme les autres, autrement dit, imiter l'autre. Or
l'imitation, par le désir, peut conduire à l'affrontement, mais l'affrontement
peut conduire à la civilisation.
Ce qui peut
conduire à l'affrontement et à… la civilisation
L'être humain est
un imitateur, c'est sur l'imitation que repose l'apprentissage, l'éducation.
Mais l'être humain est également un être de désir. Le désir a trois
objectifs fondamentaux : la jouissance, la puissance et la gloire (Si la voie
naturelle du désir est : jouissance, puissance et gloire, la voie culturelle du
non-désir est : paix, vérité et joie. La paix c'est la paix externe et la
paix interne ; la paix externe c'est le non-conflit avec l'autre et la paix
interne c'est le non-conflit avec soi-même. La vérité c'est la conviction
profonde de savoir le fondamental, de connaître l'essence du monde, d'être
avec l'Etre. La joie c'est l'illumination de la béatitude, le plein du vide,
l'extase du Bon et du Bien pour l'Eternité).
L'être humain étant
un être de désir souhaite s'approprier les objets, les autres et la considération
des autres. Le problème c'est que la rivalité pour l'objet, pour l'autre et la
considération de l'autre, suscite l'envie et la jalousie, qui conduisent à la
haine, aux conflits et à la violence.
Pour éviter que la
violence ne détruise la Société il faut la réguler, il faut civiliser par
la règle.
C/
Les conséquences positives et négatives de l'existence de l'agressivité
constructive
Les conséquences
positives
Les conséquences
positives de la mise en oeuvre de l'agressivité constructive humaine sont évidentes.
C'est l'histoire des civilisations (Arnold Toynbee, A Study of History,
12 vol., Oxford University Press and Thames and Hudson Ltd, London, 1927-1961, A
Study of History, a new edition revised and abridged by the author and Jane
Caplan, idem, London, 1972, L'Histoire, Elsevier Séquoia, Bruxelles, 1975) qui
fait passer l'être humain de l'homo sapiens sapiens d'il y a 130 000 ans (En
Afrique de l'Est, 90 000 ans environ pour l'homo sapiens sapiens de
Qalzeh-Nazareth et 35 000 pour l'homo sapiens sapiens européen) à l'homo
sapiens sapiens technologique d'aujourd'hui (Jacques Ellul, Le Bluff
technologique, Hachette, Paris, 1988). Il paraît difficile d'affirmer qu'il n'y
a pas eu progrès, même si le progrès ne paraît pas toujours évident pour ce
qui est du comportement social de l'individu au sein des groupes et du
comportement des groupes entre eux.
Les conséquences
négatives
Il faut bien
constater que la compétition entre les individus au sein des groupes sociaux et
la compétition intergroupes peut être une compétition particulièrement
sanglante ("L'histoire des peuples n'est qu'une longue succession de
guerres et de massacres, d'assimilations forcées, de réductions à l'esclavage
et de rivalités entre sociétés qui, de génération en génération, défient
le temps et le bon sens. Les Etats multi-ethniques ou multi-culturels ne
maintiennent le plus souvent leur unité que par la dominance plus ou moins
tyrannique d'une de ces unités". André Langaney, Le Sexe et
l'Innovation, Le Seuil, Paris, 1979, Points Sciences n°54, Paris, 1987, p.
152). C'est, notamment, la conséquence de la mise en oeuvre d'une agressivité
positive excessive, conduisant à un narcissisme (Béla Grunberger, Le
Narcissisme, Payot, Paris, 1971) individuel et/ou social.
Par exemple la mégalomanie
d'un Chef d'Etat peut avoir sur son peuple et les autres peuples des conséquences
désastreuses. Et le narcissisme d'un dirigeant de groupe conduit facilement au
narcissisme du groupe tout entier. De ce fait, l'agressivité positive,
constructive, peut avoir des conséquences négatives particulièrement lourdes.
Mais c'est, évidemment,
l'agressivité négative, la violence de destruction, qui est, en principe, la
plus douloureuse, encore que tout ne soit pas négatif dans le négatif.
La violence de
destruction
La violence de
destruction est l'agressivité négative qui a pour objet et généralement pour
effet de faire souffrir et/ou de détruire, soi-même et/ou les autres (Jean
Baudrillard, La Transparence du mal, Galilée, Paris, 1990). Ses manifestations
sont physiques, telles que les coups et les blessures, la réclusion et la mort,
et/ou psychiques telles que les menaces, les injures, la diffamation,
l'assujettissement "moral" de l'autre. Les deux grandes formes de
l'agressivité négative destructive sont, selon la classification analytique, (§
1) le sado-masochisme et la nécrophilie caractérologique. Les causes (§ 2)
sont diverses et diversement appréciées par les spécialistes. Les conséquences
(§ 3) ne sont pas que négatives.
Les deux grandes
formes analytiques de la violence de destruction
Le
sado-masochisme
Le sadisme se définit[1]
comme étant la passion de contrôler totalement l'autre, pour en faire son
objet, sa propriété, en suscitant chez lui un attachement absolu, le fait de réduire
l'autre en esclavage procurant un plaisir morbide intense. Le sadique et son
objet, le masochiste, cherchent une relation de symbiose : le sadique fait du
masochiste un prolongement de lui-même, et le masochiste se fait le
prolongement du sadique. Et, si le sadique paraît libre, par rapport à sa
victime, en réalité il est également une victime, car ayant besoin d'elle
pour exister psychiquement, il dépend autant d'elle qu'elle dépend de lui.
Dans ces conditions, si l'esclave échappe au maître la souffrance du maître
est aussi forte que celle de l'esclave, l'un et l'autre sont dans un état de
manque comparable à celui d'un drogué frustré.
Le masochisme, par
rapport au sadisme, peut être défini comme étant la passion de dépendre de
quelqu'un, de subir sa loi, d'être son objet, sa propriété, pour y trouver un
plaisir morbide suicidaire. Du point de vue qui nous intéresse, à savoir
l'agressivité, c'est la passion active qu'est le sadisme qu'il faut considérer
principalement.
Il y a deux types
de sadisme. Le sadisme peut être bienveillant ou malveillant. Il est
bienveillant lorsque le sadique est persuadé d'agir pour le bien de celui qu'il
contrôle : par exemple, c'est le cas, bien connu des psychologues, des mères
abusives. Il est malveillant lorsque le sadique ne fait que rechercher sa
jouissance personnelle.
Selon l'école
psychanalytique, fondée par Sigmund Freud (1856-1939)( Sigmund Freud, Gesammelte
Werke, 18 vol., London, 1940-1952, The Standard Edition, 24 vol.,
London, 1953-1966, Oeuvres complètes, 21 vol., PUF, Paris, 1988-1996),
le sadisme est fondamentalement une perversion sexuelle alors que pour les
autres écoles psychologiques le sadisme n'a pas d'implication sexuelle spécifique.
Selon Fromm
(1900-1980) le sadisme est une thérapeutique, c'est le remède des handicapés
psychiques qui, pour cacher leur angoisse de vivre, ont la manie du contrôle,
c'est pourquoi certains auteurs comparent le bureaucratisme au sadisme.
Pour lui, le
sadique est quelqu'un qui est fondamentalement angoissé. Il a peur de tout ce
qui n'est pas prévisible et certain, de tout ce qui oblige à des réactions
spontanées et originales. Il a peur de ce qui est nouveau et différent, qui dérange
sa construction mentale, irréelle, mais bien ordonnée, de la vie. Il a peur de
la réalité qui lui semble désordonnée.
Toujours selon
Fromm le sadique est un maniaque du contrôle, qui a un esprit méthodique
rigide. Il ne peut pas supporter que les choses ne soient pas à leur place,
c'est à dire à la place où il les a mises, et ne soient pas en ordre : il a,
ainsi, l'impression de contrôler l'espace. Il est habituellement excessivement
ponctuel, et exige qu'on le soit : il a, ainsi, l'impression de contrôler le
temps. Mais il peut aussi ne jamais être ponctuel et exiger que les autres le
soit, ce qui est une autre forme de perversité. Il est obsédé par la propreté
des autres, notamment par leur propreté morale, tout en n'étant pas nécessairement
très propre lui-même : il se situe ainsi en marge d'un monde qu'il n'apprécie
pas et qu'il pense hostile et sale.
Selon certains spécialistes,
notamment Erich Fromm (Erich Fromm, op. cité pp.307-308), le caractère
bureaucratique est l'équivalent du caractère sadique. Dans un système
bureaucratique classique les relations entre les éléments du système obéissent
au principe hiérarchique rigide qui ne laisse aucune initiative aux
subalternes, dont les agissements sont totalement contrôlés, et qui ne peuvent
"monter en grade" qu'à condition d'être "bien vu" de leurs
chefs, qui eux-mêmes doivent être "bien vu" de leurs chefs, qui
eux-mêmes ... et cela jusqu'au sommet de la hiérarchie. Toujours selon Fromm
dans un système bureaucratique classique, où chacun contrôle étroitement ses
inférieurs et est étroitement contrôlé par ses supérieurs, les relations
sociales sont dominées par la méfiance, le mépris et la flatterie, la
rancoeur et l'esprit de vengeance, sentiments hautement sado-masochistes.
La nécrophilie
caractérologique ou psychotique
La nécrophilie
caractérologique est une maladie psychique, une psychose, particulièrement
grave, qu'il faut définir et qui se diagnostique.
Tout d'abord la nécrophilie
caractérologique en tant que psychose doit être distinguée des deux formes
traditionnelles de nécrophilie, bien connues des psychiatres et des
criminologues, la nécrophilie sexuelle et la nécrophilie non-sexuelle. Elles
concernent, notamment et éventuellement, le personnel des morgues et des établissements
funéraires.
La nécrophilie sexuelle est la passion masculine d'avoir des contacts sexuels
avec le cadavre d'une femme.
La nécrophilie
non-sexuelle est la passion, plutôt masculine, qui pousse à regarder des
cadavres, à les manipuler, et, éventuellement, à les dépecer, et même à
les ingérer (En 1998, peu après la Saint-Valentin, David Harker, psychopathe
anglais de 24 ans, assassine sa maîtresse de 32 ans, une mère de famille de
quatre enfants, la découpe en morceaux et mange un morceau de cuisse, cuisiné
avec des pâtes et du fromage. Il a été condamné le 11 février 1999, à la
veille de la Saint-Valentin, à la prison à vie, avec une peine incompressible
de quatorze ans).
Quant à la nécrophilie
psychotique ou caractérologique c'est le comportement général de quelqu'un
qui a un attrait passionné, irrésistible, pour tout ce qui est mécanique, répétitif,
triste et ennuyeux, morbide, mort, détruit, putréfié..., qui peut désirer,
lui-même, détruire et tuer, et qui peut bien entendu passer à l'acte.
Des tendances nécrophiles
peuvent être décelées par l'analyse de certains comportements systématiques,
ce que l'on appelle des actes marginaux involontaires. Certaines personnes ont
des manies caractérisées, comme, par exemple, de casser systématiquement des
allumettes, des fleurs, des objets, de salir les peintures et d'arracher les
tapisseries. Installée dans un appartement neuf la personne nécrophile le dégrade
très rapidement, alors que les appartements voisins, de même niveau culturel,
sont normalement entretenus.
D'autre part
certains rêves (Sur les rêves en général : Jean-Robert Pasche, Les Rêves ou
la connaissance intérieure, Buchet/Chastel, Paris, 1987. Jean Picat, Le Rêve
et ses fonctions, Masson, Paris, 1984) sont considérés comme étant particulièrement
significatifs, qui généralement se déroulent aux toilettes ou dans des salles
de bain plus ou moins envahies par des excréments, déchets divers, morceaux de
cadavres ...
Quant au
comportement général des nécrophiles certains portent un très grand intérêt
ou même un intérêt exclusif à la maladie et à la mort. Certains nécrophiles
ne se sentent vraiment bien que dans les hôpitaux, les morgues et les cimetières.
Et certains nécrophiles ont un comportement physique typique : triste figure,
tristes vêtements, tristes paroles, tristes plaisirs.
Les causes de
l'agressivité destructive (de la violence de destruction et de certaines
manifestations excessives de l'agressivité constructive)
Les causes sont
diverses et diversement appréciées par les spécialistes (Denise Van Caneghem,
Agressivité et combativité, PUF, Le Psychologue 72, Paris, 1978 Denise Van
Caneghem, Agressivité et combativité, PUF, Le Psychologue 72, Paris, 1978).
Les instinctivistes, naturalistes, mettent plutôt l'accent sur les causes
bio-physiologiques alors que les environnementalistes, culturalistes, donnent
plutôt la primauté aux causes psycho-sociales.
Les causes
bio-physiologiques
Celles qui sont généralement
invoquées, et qui sont ou non acceptées par la majorité des scientifiques
sont : l'agressivité innée de Konrad Lorenz, la pulsion de mort de Sigmund
Freud, le chromosome supplémentaire (y) de Patricia Jacobs, le saturnisme de
Derek Bryce Smith, les malformations du cortex et l'influence des corps
chimiques.
Konrad Lorenz pense
que l’agressivité qui pousse l’être humain, comme certains animaux, le rat
et certains poissons notamment, à détruire et à tuer, est une agressivité
innée.
Pour lui c'est la civilisation, la culture positive, qui, par les règles
sociales, et notamment les règles morales, mais aussi les règles juridiques,
peut conduire l’être humain à se contrôler. Lorenz ajoute, cependant, que
l'état de guerre permanente, qui existe chez les rats, a une fonction sociale,
à savoir celle d'exercer la sélection des plus forts, dans le but de conserver
l'espèce.
Sigmund Freud
(1856-1939), à la fin de la première guerre mondiale et dans le dernier état
de sa pensée, affirme qu'à côté de la pulsion de vie (Eros) existe une
pulsion de mort (Thanatos)( Sigmund Freud, Jenseits der Lustprinzips, 1920, in
Gesammelte Werke, vol. XIII, Imago, London, 1940/1952, Au-delà du principe de
plaisir, in Essais de psychanalyse, Payot, Paris, 1963 ; Das Unbehagen in der
Kultur, 1929, in Gesammelte Werke, vol. XIV, Imago, London, 1948, Malaise dans
la civilisation, PUF, Paris, 1968), pulsion qui pousse l'homme à commettre des
actes destructifs. Eros et Thanatos sont inséparables et mélangés, ce qui
permettrait d'expliquer la composante sado-masochiste du comportement humain.
Le point de vue de
Freud a été repris et développé par certains de ses disciples, notamment la
britannique Melanie Klein (1882-1960)( Melanie Klein, Contributions to
Psychoanalysis, Hogarth Press, London, 1947, Essais de psychanalyse, Payot,
Paris, 1972. Phyllis Grosskurth, Mélanie Klein, son monde et son oeuvre, PUF,
Paris, 1990).
Ce point de vue est minoritaire dans l'école psychanalytique, notamment française.
Dans l'espèce
humaine les chromosomes sont au nombre de 46 : 22 paires de chromosomes
identiques, les autosomes, et 2 chromosomes sexuels, les gonosomes : X et Y chez
l'homme, XX chez la femme. A partir de 1959 ont a constaté que certains hommes
étaient porteurs d'un chromosome X supplémentaire, donnant la formule
chromosomique (47 XXY), c'est le syndrome de Klinefelter. On affirme alors que
les sujets (47 XXY) présentent souvent un quotient intellectuel peu élevé,
une certaine tendance au nanisme et à la délinquance. En 1965 la biologiste
britannique Patricia Jacobs (Michel Benezech, Aberration du chromosome Y en
pathologie médico-légale, Masson, Paris, 1973) présente des travaux qui
vont faire sensation dans les medias, qui parlent de "chromosome du
crime".
Selon Patricia
Jacobs l'on constaterait chez les criminels masculins la fréquence particulière
de la présence d'un chromosome supplémentaire (Y) s'ajoutant à la paire
sexuelle normale (XY), dont la formule devient alors (XYY), donnant un caryotype
(47 XYY). Alors que la fréquence de cette formule est de 1 à 2/1000, dans la
population dite normale, elle serait de 1 à 2/100 dans la population
criminelle, soit dix fois supérieure. Les travaux de Jacobs sont repris et
confirmés en Grande-Bretagne (Mary Tiefer), aux États-unis et en France (Lise
Moore), à la fin des années 60, puis contestés à partir de 1972.
Aujourd'hui la thèse
de Patricia Jacobs est toujours contestée et n'est pas considérée comme
valide par la majorité des scientifiques. Cependant en 1989 le professeur
Jean-Claude Job (Serge Caudron, Tonus n°1252, 4-4-1989, 7-8) , chef de
l'Unité de neuro-hémobiologie et physiopathologie du développement de l'Hôpital
Saint-Vincent-de-Paul à Paris, a fait connaître les résultats de ses
recherches sur les anomalies gonosomiques qui permettraient de constater,
notamment :
- que les (47 XYY),
d'une taille de 10 à 15 cms au-dessus de la moyenne à l'âge adulte, donnent dès
l'enfance des personnalités difficiles, une partie d'entre elles étant
associales et/ou agressives (le tueur en série Francis Heaulme serait un XYY) ;
- et que les (48 XYYY), très rares, ont de fortes perturbations intellectuelles
et caractérielles.
Selon le chimiste
britannique Derek Bryce Smith (1974) le saturnisme, c'est à dire la maladie du
plomb, est un facteur de criminalité car il favorise l'hyperactivité désordonnée
de ceux qui ont dans le sang une plombémie (taux de plomb) supérieure à la
moyenne.
Cette thèse ne
semble pas avoir convaincu, bien que l'on sache parfaitement que le saturnisme
est un facteur de débilité et d'agitation (De 1987 à 1990, dans les 11ème et
18ème arrondissements de Paris, 411 cas de saturnisme ont été diagnostiqués,
essentiellement chez des enfants du quart-monde ayant absorbé les sels de plomb
contenus dans les peintures à la céruse (interdites depuis 1948) d'immeubles
insalubres. Les spécialistes de l'hôpital Trousseau, qui les traitent,
constatent chez les enfants sérieusement intoxiqués une amputation de la
capacité de mémoire, d'attention, et du quotient intellectuel qui représentent
des séquelles potentielles graves.
L '"hyperactivité
avec déficit de l’attention" (HADA), d’origine probablement génétique,
concernerait aux États-unis, selon les travaux de recherches, de 3 à 5% des
enfants d'âge scolaire (comportement entre 4 et 9 fois plus fréquent chez les
garçons que les filles). A l'adolescence 40% des atteints ont un déficit
intellectuel et 30% deviennent délinquants), et que l'on se préoccupe de la
question depuis la fin des années 80 dans les arrondissements du nord de Paris
ou subsistent encore de vieux logements avec des peintures à la céruse
(plomb), peintures interdites depuis 1948.
Le
disfonctionnement du cerveau, causé par des malformations d'origine
bio-physiologique, est la cause de certains comportements agressifs chez les
malades mentaux et les obsédés sexuels. Depuis les années 1970, aux États-unis
notamment, la micro-chirurgie, alliée à la chimiothérapie, permet de traiter
certains délinquants sexuels, exhibitionnistes chroniques, violeurs non
occasionnels et même homosexuels pédophiles ou non, lorsqu'ils sont
volontaires et/ou sur intervention de la justice (Les neurophysiologistes français
ne sont pas, semble-t-il, favorables à la psychochirurgie : notamment Pierre
Karli, L'Homme agressif, Odile Jacob, Paris, 1987, p. 304 et sv. Les délinquants
sexuels sont éventuellement traités par chimiothérapie
("castration" chimique) et analyse psychologique. En France avec la
chimiothérapie l'on préfère privilégier les psychothérapies, bien que l'on
connaisse leurs insuffisances, et malgré les demandes des victimes ou de leurs
ayants-droits, le sexe masculin restant encore sacralisé, et les psychologues
manquant de clients ...
L'influence des
corps chimiques implique que l'on différencie ceux qui sont produits par le
corps humain et ceux qui ne le sont pas.
Ceux non-produits
par le corps humain sont des drogues médicales (tranquillisants et excitants),
dont on rappellera que les français font une grande consommation (Médaille
d'or aux jeux olympiques pharmaceutiques !). Leur utilisation excessive
entraîne un dysfonctionnement du comportement qui est favorable au développement
de l'agressivité destructive.
Il en est de même
pour l'alcool et les drogues au sens courant du terme, qui déstructurant la
personnalité, sont désocialisant et engendrent, soit directement soit
indirectement, la violence et la délinquance.
Mais, les cellules
nerveuses du cerveau sécrètent des corps chimiques qui sont des
"transmetteurs", permettant ou empêchant le passage de l'influx
nerveux, il s'agit des endorphines, de la noradrénaline, de la sérotonine, de
la dopamine. Des sécrétions anormales peuvent entraîner un comportement
agressif destructif. L'excès de sécrétion des hormones sexuelles mâles, les
androgènes, et particulièrement l'excès de testostérone, entraîne une
augmentation du niveau d'agressivité qui peut conduire à la délinquance,
notamment sexuelle.
Les causes
psycho-sociales
Les causes sociales
et les causes psychologiques qui sont invoquées le sont, essentiellement, par
les environnementalistes, les culturalistes. Les "thérapeutiques",
les "remèdes", psychologiques ou… non, ne sont pas inexistants.
La vie en société
suppose l'existence de rapports sociaux plus ou moins agressifs. Mais
l'agressivité est accrue et même exacerbée lorsque la vie sociale est perçue
comme étant une atteinte au Moi et que les règles sociales, et notamment
morales, ne jouent pas pleinement leur rôle de frein. Selon certains
sociologues, la vie moderne, caractérisée notamment par une forte
concentration urbaine et un manque de "socialisation", fabrique de la
destructivité (Henri Laborit, L'Homme et la ville, Flammarion, Champs n°17,
Paris, 1971).
Ainsi, les trop
fortes concentrations urbaines sont stressantes, angoissantes, pour les
personnes qui sont psychologiquement faibles. La dépersonnalisation des
rapports sociaux au sein des concentrations urbaines excessives peut conduire à
la névrose et à la psychose, celui qui pense ne plus être reconnu par l'autre
comme ayant une valeur, comme étant socialement existant. En réaction, celui
qui se sent rejeté peut soit se replier sur lui-même jusqu'au suicide éventuel
soit, pour attirer l'attention sur lui, ce qui est une forme d'appel au secours,
transgresser l'interdit et devenir un délinquant. Seule l'existence de règles
sociales considérées par la personne comme étant impératives pourrait la
retenir sur le chemin de la commission de l'acte.
En outre, la
concentration urbaine excessive s'accompagne, le plus souvent, d'un relâchement
des liens sociaux traditionnels fondés sur la famille (Sur le rôle fondamental
de la famille dans la Société, notamment l'influence des structures familiales
sur les systèmes idéologiques et sur le développement, lire les très intéressants
ouvrages d'Emmanuel Todd, La Troisième planète : Structures familiales et
systèmes idéologiques, Le Seuil, Paris 1983 ; L'Enfance du monde :
Structures du développement, Le Seuil, Paris, 1984 ; L'Invention de
l'Europe, Le Seuil, Paris, 1990. Egalement Pierre-Patrick Kaltenbach, La
Famille contre les pouvoirs : De Louis XIV à Mitterrand, Nouvelle Cité,
Paris, 1985. , la tribu, la religion, la vie communautaire coutumière, sans que
de nouveaux liens soient tissés qui les remplacent, qui peuvent être fondés
sur la vie associative et/ou politique ou sur l'adhésion au nouveau mode de vie
individualisé qui utilise les médiateurs techniques que sont le téléphone,
le minitel, internet, la télévision ou l'automobile.
Or, si les liens
sociaux traditionnels ont des inconvénients, en ce sens qu'ils limitent la
liberté d'action des personnes, ils ont leur utilité régulatrice car
l'individu, intégré dans la société, peut hésiter à donner libre cours à
une agressivité excessive ou négative, de crainte en violant l'interdit, d'être
marginalisé, d'être excommunié, sans parler des sanctions transcendantes
comme, par exemple, la damnation éternelle.
Evidemment la vie
moderne individualisée (François Bourricaud, L'Individualisme
institutionnel, PUF, Paris, 1977) permet à l'agressivité de chacun de
s'exprimer plus facilement. Mais cela n'est pas sans inconvénients sociaux : un
accroissement du nombre des actes délictueux et, en conséquence, de l'insécurité
et du sentiment d'insécurité (Sebastian Roché, La Société incivile,
Seuil, Paris 1996).
Par ailleurs, de
nombreuses théories psychologiques tentent d'expliquer l'existence de
l'agressivité destructive chez l'être humain. Les plus intéressantes nous
semblent être les suivantes : la théorie de la conscience morale d'Henri Baruk,
de l'hétérophobie de Gaston Bouthoul, de la frustration-agression de John
Dollard, des déterminants éducatifs d'Olweus, de l'angoisse d'Henri Laborit.
Selon le psychiatre
Henri Baruk (1897-1999)( Henri Baruk, Tsedek, droit hébraïque et science de
la paix, Zikarone, Paris, 1970 ; La Psychiatrie sociale, P.U.F., QSJ
n° 669, 6ème éd. Paris, 1982), un facteur essentiel de l'agressivité
destructive est la violation et/ou le refoulement de la conscience morale, de la
conscience du bien et du mal qui vit au fond de l'âme de chacun. Ainsi, la paix
sociale ne peut se construire que par la Justice, c'est à dire le respect de la
conscience morale de chacun.
Le
psycho-sociologue Gaston Bouthoul (1896-1980), fondateur de la polémologie
(Gaston Bouthoul, Traité de polémologie, sociologie des guerres, Payot,
Paris, 1970 ; Gaston Bouthoul et René Carrière, Le Défi de la guerre,
PUF, Paris, 1976 : De 1740 à 1974 l'état de guerre a été permanent et si les
pertes humaines peuvent être évaluées à 85 millions de tués (dont 38
millions pour la deuxième guerre mondiale) et à quasiment autant de décès
subséquents par famines et épidémies (21 millions de morts pour la grippe
espagnole consécutive à la première guerre mondiale, 6 millions pour la révolution
bolchevik, 20 millions pour la dictature stalinienne) la population mondiale est
passée de 700 millions à 4 milliards de personnes et l'Humanité a été
profondément transformée par la révolution industrielle) , la sociologie de
la guerre, affirme que l'être humain est un hétérophobe (Les phobies sont des
phénomènes primaires encore mal expliqués. Selon un sondage IFOP de fév/mars
1990 sur les phobies des français et des françaises à l'égard des animaux (à
l'égard des humains le sujet est tabou en France) les résultats seraient les
suivants (N. Obs. 1324, 28 mars 1990, p. 10) : Phobies des hommes : Les
serpents 40%, Le vide ou la hauteur 23 %, Les guêpes ou les abeilles 13%, Les hôpitaux
ou cliniques 12%, Les araignées 9% ; Phobies des femmes : Les serpents 59%, Le
vide ou la hauteur 41%, Les rats ou les souris 32%, Les araignées 29%, Les
chauves-souris 28%.
L'hétérophobie,
qui est la tendance, variable selon les personnes, à craindre ceux qui sont
différents, est évidemment un facteur d'agressivité négative. Selon Bouthoul
l'hétérophobe craint l'autre parce que celui-ci lui paraît étrange, parce
qu'il n'est pas à l'image de son Moi, satisfaisant par définition pour lui, et
que la différence lui semble menacer son intégrité physico-psychique, sa
structure existentielle.
C'est en politique
que l'on pratique tout particulièrement l'hétérophobie. Selon le sociologue
allemand Carl Schmitt (1888-1985)(Carl Schmitt, La Notion de politique,
Calmann-Lévy, Paris, 1972, Flammarion, champs 259, Paris, 1992 ; Die
geistesgeschichtliche Lage des heutigen Parlamentarismus, Duncker &
Humblot, Berlin 1923, Parlementarisme et démocratie, Le Seuil, Paris,
1988 ; Politische Theologie, 1922, Politische Theologie II,
Duncker & Humblot, Berlin 1970, Théologie politique, Gallimard,
Paris, 1988 ; Du Politique, Légalité et légitimité et autres essais,
Pardès, Révolution conservatrice, 45390 Puiseaux, 1990 ; Théorie de la
Constitution, préface d’Olivier Beaud, PUF, Paris, 1993) , disciple plus
que conservateur du sociologue libéral Max Weber (1864-1920), le politique se définit
par la polarité ami-ennemi. L'ennemi c'est l'autre, c'est à dire l'adversaire
public (hostis, et non pas inimicus - le non-ami qui est un
adversaire privé) qu'il faut vaincre. L'homme politique, conscient de lui-même
et de son destin historique, ne peut accepter la coexistence avec l'autre,
l'adversaire public, l'ennemi. Le conflit est alors inévitable.
L'hétérophobie de
Gaston Bouthoul est à rapprocher de ce que les neuro-physiologues appellent
"les émotions de nature aversive", qui, selon Pierre Karli
(Pierre Karli, L'Homme agressif, Odile Jacob, Points OJ4, Paris, 1987 ; Le
cerveau et la liberté, Odile Jacob, Paris 1995), notamment, sont
primordiales et de nature biologique.
Selon Karli l'émotion
aversive est causée par "toute situation perçue comme une menace pour
l'intégrité physique et/ou psychique de l'individu". Elle suscite un
comportement qui vise à faire cesser l'aversion, qui est soit un comportement
d'agression soit un comportement de fuite. Ainsi, l'émotion aversive est liée
à la "néophobie" :
- la "néophobie",
c'est à dire la crainte de ce qui est nouveau, peut se traduire par un
comportement intolérant à l'égard de ce qui est perçu comme étant étrange,
et par là-même dangereux ;
- Karli constate également que la frustration suscite une émotion aversive, la
colère, qui conduit, souvent, à un comportement agressif destructif.
La théorie de la
frustration-agression de John Dollard et autres auteurs (Dollard, J.; Miller,
N.E.; Mowrer, O.H.; Sears, G.H.; Sears, R.R., Frustration and Aggression,
Yale University Press, New Haven, 1939) a eu aux Etats-Unis d'Amérique un succès
considérable, qui subsiste encore partiellement malgré sa remise en cause.
Quelle est-elle ?
Selon cette théorie,
élaborée au moment de la grande crise économique de 1929, la présence d'un
comportement agressif présuppose toujours l'existence d'une frustration et
l'existence d'une frustration conduit toujours à de l'agression. Aussi, pour éviter
toute manifestation agressive il faut éviter la frustration et en conséquence
adopter un comportement "libéré" : aussi, si c'est la consommation
qui procure la satisfaction qui exclut l'agression, il faut…consommer !
Le système éducatif
américain et plus généralement tout le système social ont été profondément
marqués par la mise en application de cette théorie, qui a aidé au développement
d'une société permissive allant économiquement dans le sens d'une
consommation accrue dans tous les domaines.
Aujourd'hui la théorie
de la frustration-agression est sérieusement remise en cause.
Non seulement, dans la vie de tous les jours, l'on peut subir des frustrations
sans réagir négativement, mais encore c'est l'acceptation de la frustration
qui permet de devenir adulte. Il semble bien que l'on puisse dire que ce n'est
pas la frustration en elle-même qui produit l'agression mais ce qu'elle
signifie pour le frustré. Autrement dit le frustré ne devient agressif
destructif que parce qu'il estime que la frustration est insupportable, qu'elle
n'est pas "juste".
La personnalité du
frustré est sans aucun doute un facteur très important à prendre en considération.
Or, aujourd'hui, l'on pense que la personnalité agressive, sur la base génétique
du caractère, se forge dans les premières années de l'enfance (René Zazzo, Où
en est la psychologie de l'enfant ?, Denoël, Folio-essais n°92, Paris,
1983).
Selon le
psychologue suédois D. Olweus (1984)( Olweus, D., Developpement of stable
aggressive reaction patterns in males, in Blanchard, R.J. et Blanchard, D.C.
(Eds), Advances in the study of agression, vol.1, pp.103-137, Academic
Press, Orlando, 1984) chez le jeune garçon la personnalité agressive apparaît
très tôt et demeure ensuite d'une grande stabilité.
Il en déduit que
les deux principaux déterminants de la personnalité agressive de l'enfant sont
constitués par les attitudes suivantes de la mère :
- d'une part, son
attitude négative faite de froideur, d'indifférence à l'enfant, ou même
d'hostilité déclarée et de rejet ;
- d'autre part, son
attitude permissive, qui accepte toutes les agressions de l'enfant, sans essayer
de les contrôler ni d'apprendre à l'enfant à les contrôler.
D'un autre côté,
de nombreux spécialistes sont d'avis qu'un grand nombre d'agressions ont leur
source dans l'angoisse existentielle de leurs auteurs. C'est, notamment,
l'opinion du fondateur de l'anesthésiologie moderne le biologiste
psychosociologue Henri Laborit (1914-1995)( Henri Laborit, L'Homme imaginant,
UGE, 10/18 n°468, Paris, 1970 ; L'Agressivité détournée, UGE, 10/18 n°527,
Paris, 1970 ; L'Inhibition de l'action, Masson, Paris, 1979 ; La Vie
antérieure, Grasset, Paris, 1989). Selon ces spécialistes l'agressivité
destructive peut apparaître lorsque le but que l'on souhaitait atteindre,
consciemment ou inconsciemment, paraît ou est inaccessible de par les moyens de
l'agressivité positive normale, d'où l'angoisse de ne pouvoir vivre comme espéré..
L'agression
destructive n'est pas, évidemment, la seule réaction possible aux contraintes
insupportables, ou ressenties comme telles. Tout d'abord le niveau d'insupportabilité
peut être relevé par l'action psychologique. D'autre part il peut y avoir
fuite ou retrait, ou affirmation de soi par compensation, transfert, et/ou
sublimation.
§
A cause de la plasticité,
de la maléabilité, du cerveau, le niveau d'insupportabilité peut être modifié.
L'on a constaté qu'en période exceptionnelle, guerre, crise économique et/ou
politique grave, le niveau d'insupportabilité pouvait être repoussé considérablement,
la priorité étant, alors, accordée à la survie. En la matière la
psychologie du comportement, le behaviorisme fondé par le psychologue américain
John Broadus Watson (1878-1958)( John Broadus Watson, Psychology as the
behaviorist sees it, 1913 ; Behavior : An Introduction to Comparative
Psychology, Holt, New York, 1914 ; Behaviorism, University of Chicago
Press, Chicago, 1958) et développée par son disciple Burrhus Frederic Skinner
(1904-1990), permet, par le conditionnement, d'obtenir des résultats qui
peuvent être significatifs (Burrhus Frederic Skinner, Behavior of Organisms.
An Experimental Analysis, New York, 1938, L'Analyse expérimentale du
comportement, Mardaga, Psy. et Sc. hum. n°38, Liège, 1971 ; Science and
Human Behavior, Macmillan, New York, 1953, Pour une science du
comportement : Le Behaviorisme, Delachaux et Niestlé, Neuchâtel, 1980 ; Verbal
Behavior, 1957 ; Technology of Teaching, New York, 1968, La Révolution
scientifique de l'enseignement, Mardaga, Psy. Sc. hum. n°27, Liège, 1968 ;
Beyond Freedom and Dignity, 1971, Par delà la liberté et la dignité,
Hurtubise , Montréal, 1972).
Et l'on constate que l'éducation, l'information médiatisée ou non, la
publicité et la propagande, permettent d'obtenir des conditionnements qui sont
variables dans l'espace et le temps, et; par là, d'obtenir des niveaux d'insupportabilité
également variables.
§
La compensation, quant à
elle, est une forme de fuite qui permet "d'oublier" la frustration et
l'angoisse dans, par exemple, la consommation, généralement boulimique (ou son
contraire, l'abstinence pathologique (La boulimie alimentaire et son contraire
l'anorexie sont les troubles psychiques les plus fréquemment observés chez les
adolescentes - les adolescents ne représentent qu'un anorexique sur dix et un
boulimique sur sept (Michel Sanchez-Cardenas, Le Comportement boulimique,
120 p., Masson, Paris, 1991. Ginette Raimbault, Caroline Eliacheff, Les
Indomptables, figures de l'anorexie, Odile Jacob, 1989 ; Anorexie et
boulimie, modèles, recherches et traitements, Cahiers critiques de thérapie
familiale et de pratiques de réseaux, De Boeck Université, Bruxelles 1996.
Bernard Brusset, L'Assiette et le miroir: l'anorexie mentale de l'enfant et
de l'adolescent, Privat, Paris, 1985), l'anorexie - ce qui peut conduire à
la dépression et à la névrose et, éventuellement, à la psychose (André
Manus, Psychoses et névroses de l'adulte, PUF, Paris, 1987), au suicide
(François Terré, dir., Le Suicide, PUF, Paris, 1994) - à moins que ce
ne soit à la guérison par écoeurement.
§
Le transfert est une
forme de retrait mais aussi d'affirmation de soi qui permet d'obtenir des
satisfactions de substitution dans d'autres domaines, professionnels ou encore
le sport, la musique, l'art, la chasse, ou la culture du jardin ...
§
La sublimation est la
mise en oeuvre d'une affirmation de soi qui permet de passer du négatif au
positif, de faire du constructif avec du destructif. C'est le comportement d'un
être humain réellement mature, qui surmonte sa frustration, son angoisse
existentielle, par l'action positive. C'est ce comportement "sublime"
qui est, semble-t-il, le moteur du progrès véritable qui permet à l'être
humain de s'hominiser, d'être plus humain ...
Les conséquences
négatives et positives de l'existence de l'agressivité destructive
Les conséquences négatives
de la mise en oeuvre (La guerre, et notamment la guerre civile, a toujours été
et est encore un excellent terrain d'action pour les sadiques et les nécrophiles.
Toutefois c'est un champ d'action qui tend à se réduire du fait du plus ou
moins contrôle de l'ONU, en fonction des intérêts des États-unis d'Amérique.
Il faut donc que les sado-nécrophiles s'expriment ailleurs ...) de l'agressivité
destructive sont évidentes, pour les individus comme pour les sociétés (Peter
Reichel, Der Schöne Schein des Dritten Reiches, Carl Hanser Verlag,
1991, La Fascination du nazisme, Odile Jacob, Paris, 1993).
C'est la désagrégation des personnalités (Par exemple : Virgil Ierunca, Pitesti,
laboratoire concentrationnaire (1945-1952), Bucarest, 1990, Ed. Michalon,
Paris, 1995, préface de François Furet ) et des groupes sociaux, la victoire
de la mort sur la vie (Hannah Arendt (1907-1975), On Violence, Harcourt,
Brace & World Inc., New York, 1969, Sur la violence, in Du
mensonge à la violence, Calmann-Lévy, Paris, 1972, Presses Pocket, Agora n°37,
Paris, 1989).
Inversement, grâce,
notamment, au transfert et à la sublimation des conséquences positives peuvent
naître de l'agression destructive. On peut dire que l'organisation sociale
policée, la civilisation, est née à cause de l'agressivité destructive, de
l'agressivité négative et de l'excès d'agressivité positive. Il a fallu,
pour que la vie sociale soit possible, réguler les comportements par la
religion et/ou la morale et/ou le droit.
[1] Il s'agit là d'une définition psychiatrique, sociologique, juridique (pénale), morale… et non philosophique et esthétique.