Changer le ou de monde ?
En regardant, malgré moi et d'un
œil aussi distrait que mon oreille, la french TV's Big Brother, un coup de
gueule m'est revenu à l'esprit, celui de Gide : "Familles, je vous hais
!" et, alors, dans ma tête, je me suis mis à gueuler… "Société,
je te hais". Une gueulante venue du plus profond de mes tripes au point
que, moi, le non-violent par nature et
par choix, j'ai eu envie que le roboclown de service annonce la fin imminente du
monde et que, l'annonce ne venant pas, je me suis plu m'imaginer à me
transformer en une sorte de bombe humaine explosant en un lieu stratégique pour
enclencher un processus systémique d'implosion du monde.
Lorsque, à 14 ans, par
humanisme, j'ai fait le choix de l'anarchisme, j'ai commencé à faire ce rêve
dont, à présent, je commence à douter de sa faisabilité
et même de sa vraisemblance, celui de changer le monde ou, du moins, de
participer, à la mesure de mon pouvoir et à la démesure de mon vouloir, au
changement du monde en vue de l'instauration d'un monde nouveau, l'anarchie, qui
verrait enfin l'avènement d'une société… humaine.
Mais il faut se faire une raison
: on ne transforme pas un âne en un cheval de course ou bien une prison, fût-elle
dorée, en une terre de liberté, on n'améliore pas une maladie, on la supprime
; on n'amende pas une tyrannie, on l'abat… Et si, dans la nature "rien ne
se crée, tout se transforme", force est de constater que le nouveau
ne peut naître que de la disparition de l'ancien.
Et que toute (r)évolution est toujours violente puisque le changement se heurte toujours à la résistance de ce qui est appelé
à disparaître, que cette résistance soit la force de l'inertie ou de la réaction.
Ce n'est donc pas pour rien que
les révolutionnaires des temps anciens appelaient à faire table rase du passé,
autrement dit à détruire la société contre laquelle ils luttaient pour
pouvoir en construire non pas tant une nouvelle
qu'une autre, conforme à leurs idéaux, leurs aspirations, leurs espoirs…
Le monde dans lequel nous vivons
est mortifère en ce qu'il détruit les individus comme l'environnement.
Pourtant, à l'évidence, il semble bien immortel
puisque, en dépit des leçons de l'Histoire, et malgré la multitude de
tentatives faites depuis l'aube des temps, il est toujours bien vivant,
toujours aussi inhumain.
Il me semble donc parfaitement
illusoire d'espérer, de rêver de changer
le monde : la seule issue est de changer de monde, autrement dit d'abattre,
de DETRUIRE celui qui existe à ce jour pour en construire un autre. Un autre
monde qu'il nous appartient, nous, anarchistes, d'inventer même si nous en
connaissons déjà le nom : l'Anarchie, c'est-à-dire l'humanité, une humanité
libre, égale et fraternelle dans TOUS ses individus. Faisons en sorte que nos révoltes
individuelles se conjuguent en un déchaînement
de violences (r)évolutionnaires et que, le drapeau noir claquant au vent de
nos révoltes, les humains puissent enfin et définitivement faire le deuil de
tous les drapeaux.
Au seuil de cette nouvelle année,
je me plais donc à rêver que je ne serai pas le seul à faire mienne ces
maximes : "Tout Etat est une tyrannie, que ce soit la tyrannie d'un seul ou
de plusieurs" ; "Ne cherchez pas dans le renoncement à vous mêmes
une liberté qui vous prive précisément de vous-même, mais cherchez-vous
vous-mêmes...Que chacun de vous soit un moi tout-puissant" ; "Tu as
le droit d'être ce que tu as la force d'être" [Stirner] ou bien encore :
"L'histoire consiste dans la négation progressive de l'animalité première
de l'homme par le développement de son humanité" ; "Si dieu est,
l'homme est esclave; or l'homme peut et doit être libre : donc dieu n'existe
pas" ; "Je ne suis humain et libre moi-même qu'autant que je
reconnais la liberté et l'humanité de tous les hommes qui m'entourent"
[Bakounine] et que nos chants ne seront pas simplement de luttes mais, aussi, de
combats et, surtout, de victoire !