Conscience et fait divers

 

En France, en 2000, il y a eu officiellement 48 000 femmes violées.

Officiellement, cela signifie que n'ont ainsi été comptabilisés que les viols ayant fait l'objet d'un dépôt de plainte. Ce chiffre officiel ne prend donc pas en compte les viols restés anonymes – et, a fortiori, impunis - et dont ont été victimes des femmes qui, pour diverses raisons (peur, honte, pressions variées, incapacité mentale ou psychologique…),  ne les ont déclarés ni à la Police (ou la Gendarmerie), ni à l'Hôpital, ni à un quelconque service social. Bien entendu, il n'intègre pas non plus les rapports sexuels que de nombreuses femme subissent de la part de leurs conjoints ou compagnons et qui sont pourtant bien des viols puisqu'ils sont vécus comme tels par les intéressées et que, conformément à l'article 222-23 du nouveau code pénal, ils sont commis sur autrui par violence, contrainte, menace ou surprise.

Même s'il reste très en-deçà de la réalité, ce chiffre signifie que :

§         en moyenne, il y a eu 131 viols de femmes par jour, soit plus de 5 par heure !

§         les femmes (officiellement !) violées représentent l'équivalent de la population d'une ville comme Albi !

Même si l'on ne s'en tient qu'aux seuls chiffres officiels, on se rend compte que, en France, le viol de femmes est un phénomène de masse qui, en raison même du nombre de personnes qu'il implique (aux 48 000 femmes violées il faut rajouter le nombre beaucoup plus élevé des violeurs dans la mesure où, de plus en plus, les viols sont collectifs), constitue un fait significatif de société qui ne peut pas passer… inaperçu.

Or, est-ce parce qu'il s'agit de femmes et que la France est une société profondément patriarcale, pour ne pas dire machiste, ou que, insidieusement (?), les faits de société ont vu leur statut évoluer vers celui de faits divers et que, étant donc de média et non plus de Société à strictement parler, ils sont soumis aux fluctuations de l'éclairage (de la mode ?) médiatique, le fait de société – le viol – s'efface derrière… des faits divers individuels, lesquels sont plongés dans la plus totale discrétion.

Il ne m'appartient pas ici d'apporter les réponses à ces questions étant toutefois précisé que ces réponses, à y regarder de près, sont contenues dans l'énoncé même des questions ! Je me contenterai donc de m'interroger pour mieux questionner :

Que sont donc cette conscience collective (l'opinion publique !) et ces consciences individuelles (de morale et non d'éthique !) :

Je ne sais de quelle nature relève ces consciences. Mais, en revanche, je sais que ma conscience, parce qu'elle est libre et donc seulement humaine, me dit que je ne saurai être pleinement humain tant qu'un seul viol de femme – bien entendu, cela est vrai aussi du viol d'un enfant, d'un homme – pourra être commis dans la mesure où l'atteinte faite à l'humanité d'un seul individu est une atteinte faite à l'Humanité et donc à tous les individus. Et donc, aussi, à… moi !

Ma conscience est donc une mauvaise conscience. Cette mauvaise conscience qui est celle de la révolte, désespérée parce qu'isolée et, de ce fait, inefficace, contre l'injustice, l'insupportable, l'inadmissible… Son seul mérite - si j'ose m'exprimer ainsi ! – est que, rompant avec le silence de beaucoup, je me désolidarise d'une culpabilité collective pour n'assumer seulement (!?!) que ma responsabilité individuelle et que, pour reprendre une image populaire mais bien significative, je peux donc continuer à me regarder dans une glace, sans avoir honte de moi, dans la mesure où il m'est bien réfléchi une… humaine condition !


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