Considérations personnelles sur la violence

Le tragique événement qui a ponctué les manifestations de Gênes contre la mondialisation, en l'occurrence le meurtre d'un manifestant et, plus généralement, la sévérité croissante, pour ne pas dire la brutalité, sauvage, haineuse et gratuite, de la répression policière qui s'abat sur celles et ceux qui, au nom de valeurs humaines, protestent un peu partout dans le monde contre l'aune économique dont on veut faire le seul article de la loi du talion – ou de la jungle, comme on voudra – au nom duquel, désormais, certains se verraient autorisés à bafouer les droits les plus élémentaires des humains et, singulièrement, ceux qui n'ont pas la chance d'être des nantis, m'a amené à reprendre ma réflexion sur la violence, sachant que, à ce jour, je me suis toujours reconnu et déclaré comme pacifiste et… non-violent.

Ce sont donc ces réflexions personnelles que je livre ici après avoir rappelé le cadre conceptuel, théorique et historique de la Violence, cadre qui, s'il n'est pas la limite (in)conditionnelle de ma réflexion, ne constitue pas moins un préalable sur lequel je ne saurais faire l'impasse.

Considérations générales préalables

Il est admis que, comme agressivité et combativité, la violence est au principe des actions humaines individuelles ou collectives[1] tandis que, comme destructivité, elle menace continuellement la stabilité des relations des hommes entre eux, que ce soit en politique intérieure ou en politique extérieure. En tous ces sens, elle est, avec des modulations différentes, une caractéristique constante du développement humain.

À l’époque contemporaine, elle semble poser des problèmes nouveaux, tant par son augmentation et l’importance des moyens qui lui sont consacrés que par la conscience nouvelle que les sociétés en prennent. Ce qui avait toujours été une fatalité de la vie et de l’histoire semble devenir un défi. Il s’agit d’évaluer ce défi, sous tous ses aspects, en un domaine où les craintes ou les espoirs faussent le jugement. Il s’agit aussi de voir si, à une violence d’une importance inégalée, ne correspondent pas, en même temps, des aptitudes nouvelles à aborder les problèmes qu’elle suscite et à les traiter.

Avant de développer mon point de vue personnel, voyons quelles sont les théories scientifiques et conceptions philosophiques de la violence.

Les théories scientifiques de la violence[2]

Les théories de la violence, qui entendent déterminer la nature et les causes de celle-ci, ainsi que, éventuellement, les conditions permettant de la maîtriser, sont tributaires de cette situation ambiguë où l’on a une connaissance à la fois partielle et globale des phénomènes, où les concepts eux-mêmes sont marqués par les présuppositions de la représentation de la société et par le statut que revêt la théorie au sein de cette dernière. En d’autres termes, on ne peut échapper ici à une situation de cercle où, d’une part, la théorie modélise – et, dune certaine manière, voire d'une manière certaine, norme - les faits dont elle rend compte et où, d’autre part, elle les modifie à travers les actions qu’elle légitime et l'observation même qu'elle en fait[3]. S’il est un cas où il faut se rappeler que les théories ne sont pas désincarnées mais répondent à des conditions sociales de production, c’est bien celui-ci.

On peut classer les théories scientifiques de la violence en deux grandes rubriques : celles qui, pour l’essentiel, sont anthropologiques et celles de nature sociologique.

L’approche anthropologique

Les théories anthropologiques sont très diverses, mais leurs différences proviennent surtout des points de vue et des méthodes adoptés.

Les approches de l’anthropologie préhistorique et historique s’efforcent de déterminer la réalité de la violence humaine en prenant en considération aussi bien l’évolution biologique que les développements techniques et sociaux de l’homme. Le constat très largement partagé par les spécialistes est celui de la singularité d’un animal différent des autres animaux : plus démuni que ceux-ci en armes naturelles et en instincts, n’ayant pas une agressivité particulièrement développée, l’homme est un animal intelligent, capable de communication symbolique et d’instrumentation technique, doué surtout d’une curiosité remuante d’omnivore de moins en moins limité à un territoire déterminé. C’est son évolution technique et sociale, avec le développement de l’usage d’outils, les exigences de la chasse, la constitution de groupes sociaux différenciés, qui démultiplie son agressivité en la rendant redoutablement efficace. S’il y a bien des bases naturelles à l’agression, elles font partie de l’équipement de départ d’un animal qui doit survivre dans des conditions difficiles ; mais l’évolution technique et culturelle ultérieure déséquilibre son adaptation en faisant désormais passer celle-ci par des techniques et des médiations symboliques complexes.

Ces conclusions de l’anthropologie préhistorique (Washburn) recoupent les thèses de l’éthologie (Lorenz, Tinbergen, Eibl-Eibesfeldt). Cette dernière part de l’étude des comportements animaux dans leur milieu naturel pour en appliquer les résultats, par extrapolation, à l’animal humain dénaturé, modifié par l’environnement culturel qu’il s’est créé. Qu’on admette, avec Lorenz, l’idée d’un instinct d’agression ou qu’on parle, avec Tinbergen, d’un sous-instinct au service des autres, il faut reconnaître chez les animaux les fonctions adaptatives d’une agressivité-adversité intraspécifique : elle permet la sélection des individus les plus vigoureux et les mieux armés, favorise la distribution des territoires et la répartition des individus dans les niches écologiques, permet l’établissement de hiérarchies de dominance favorables à l’apprentissage. Cette agressivité est heureusement contrôlée par des mécanismes de ritualisation et de "redirection" qui la rendent le plus souvent inoffensive[4]. Chez l’homme, en revanche, indispensable au départ, elle est en partie devenue inutile lorsque la technique et la culture ont pu se substituer à l’instinct ; et, surtout, elle est devenue désadaptative et destructrice avec le progrès des outils meurtriers et avec la faillite des régulations instinctives face aux déterminations de la culture.

Procédant selon un tout autre point de vue, des études physiologiques ont abordé les phénomènes d’agressivité et de violence en examinant leurs bases neurologiques, biolélectriques ou biochimiques. Il a été ainsi montré qu’il y a des conditions cérébrales de l’agressivité : irritabilité mésencéphalique diffuse assortie d’hyper-vigilance, agressivité diencéphalique dirigée sur des objets précis, agression limbique avec fortes valeurs émotives. Il y a, de même, des conditions hormonales : c’est ainsi qu’une chute du taux de progestérone va de pair avec l’irritabilité des femmes lors  du cycle menstruel. Ces connaissances, qui restent cependant très empiriques, suggèrent, en retour, des possibilités de contrôle de l’agression, soit par stimulation électrique de certaines zones cérébrales (travaux de Delgado), soit par administration de tranquillisants légers tels que les phénothiazines (méprobamate).

Par ailleurs, se sont développées les approches psychologiques, qui ne se présentent pas comme des théories générales mais plutôt comme des investigations expérimentales portant sur les différentes conditions de l’agressivité et de la violence. Dans la ligne des premiers travaux de Dollard et de ses collaborateurs, poursuivis par Berkowitz, ont été envisagées toutes les relations possibles entre frustration et agression. Bandura a étudié les conditions de l’apprentissage de l’agression, Milgram le phénomène capital de la soumission à l’autorité, d’autres les liens entre violence et facteurs d’environnement (chaleur, excitation sonore ou visuelle, territoire, anonymat et foule, etc.).

En psychanalyse enfin, Freud, en particulier, a émis l’hypothèse d’une pulsion de mort, conjointe aux pulsions de vie. Intériorisée, elle présiderait aux comportements d’autodestruction ; tournée vers l’extérieur, elle deviendrait pulsion d’agression ou de destruction. Cette approche a été développée, avec des modifications, par Melanie Klein (fantasmatique de la destrudo), puis par Erich Fromm (agressivité maligne). Dans le cas de la psychanalyse comme dans celui de la psychologie expérimentale, il faut noter que l’approche concrète des cas est nettement plus satisfaisante que la construction théorique globale.

Les conceptions sociologiques

Si l’étude des guerres et des conflits, qui faisait naguère l’objet de la polémologie, tend de plus en plus à relever en fait des instituts d’études stratégiques et des écoles de défense militaire, il existe des théories sociologiques, qui tentent d’établir les liens entre violence politique intérieure et organisation sociale et qui font état d’investigations empiriques s’appuyant sur des données quantitatives – avec les limites de principe qui ont été signalées plus haut.

Dans le prolongement de la théorie psychologique qui lie l’agression à la frustration, des recherches historiques et sociologiques ont conduit T. R. Gurr et J. C. Davies à voir dans la privation relative la cause déterminante de la violence politique : celle-ci se développe lorsque l’élévation continue du niveau d’aspiration n’est plus accompagnée par une élévation comparable des satisfactions attendues (théorie de la courbe en J). Sur des bases d’investigation comparables, en multipliant les hypothèses de corrélation, S. P. Huntington et les Feierabend défendent plutôt un lien entre changement, modernisation et violence. Ce sont les sociétés soumises à un changement rapide (à cause de la modernisation) et à une désintégration sociale corrélative, qui sont les plus vulnérables à la violence. Cette position empirique n’est pas éloignée des conceptions marxistes (en particulier, celles d’Engels), qui lient violence, changements économiques et affrontements de la lutte des classes sur l’horizon du progrès industriel.

D’un point de vue encore plus général, les conceptions systémiques de la société (T. Parsons, L. A. Coser) interprètent la violence comme l’effet de la désintégration du système social, qui ne parvient plus à se stabiliser face aux contraintes internes ou externes[5]. À l’inverse, adoptant un point de vue fonctionnaliste, R. K. Merton, R. Dahrendorf et A. Mazrui soulignent les valeurs positives d’intégration du conflit.

Ces approches sociologiques restent cependant trop générales, étant tributaires à la fois de concepts mal définis et de données difficiles à interpréter[6]. En revanche, il faut souligner l’intérêt de nombreuses approches microsociologiques qui lient les études de cas, l’expérience sur le terrain, la description de l’environnement et la psychologie des intervenants : ainsi en est-il des études sur la délinquance des rues, sur le comportement policier de routine (J. Skolnick), sur la violence en prison (H. Toch). Ces approches ponctuelles, qui insistent sur les processus de socialisation en matière de violence (en prenant éventuellement en compte un arrière-plan psychanalytique), sur les subcultures de violence (avec leurs normes de brutalité, de machisme et d’honneur), sur les rituels d’interaction, sont, elles aussi, solidaires d’interventions pratiques (qui sont souvent à l’origine de leur financement).

Les philosophies de la violence

Il n’y a pas à proprement parler de philosophies de la violence si l’on entend par là des systèmes qui prendraient la violence pour seul objet. En revanche, les options philosophiques en matière d’ontologie ou de pensée de l’altérité ou de la différence engagent nécessairement des manières corrélatives de l’appréhender.

C’est ainsi que les pensées qui reconnaissent, dans l’Être, des principes de contradiction ou de négativité admettent tôt ou tard la légitimité ontologique de la violence, puisque celle-ci est une manifestation de la structure même de l’Être. Tel est le cas de la philosophie hégélienne et de tous les systèmes qui en dérivent, qu’il s’agisse des marxismes ou de la pensée critique de l’école de Francfort. La manifestation de l’Être s’opère dans des processus dialectiques, que ce soit ceux de la vie ou ceux de l’histoire. L’Être porte en lui le négatif, et sa dialectique est un travail douloureux et violent, comme l’est, par exemple, celui de l’histoire. L’Absolu ne peut être une totalité heureuse qu’à l’issue du processus (chez Hegel ou Marx), à moins qu’il ne soit condamné au malheur de l’histoire (Théorie critique).

Qu’elles soient d’origine darwinienne comme l’évolutionnisme de Spencer, le pragmatisme, les diverses formes de darwinisme social, ou qu’elles se fondent sur l’héritage schopenhauerien d’une philosophie de la volonté et de la vie comme chez Nietzsche, les philosophies de la vie font, elles aussi, place à la violence en considérant celle-ci comme indissociable des processus d’affirmation et d’évolution de la vie. L’Être est vie et la vie ne va pas sans déchirement ni affrontement – qu’il s’agisse de l’affrontement mutuel des vivants dans leur lutte pour la survie ou de celui des volontés. À certains égards, le marxisme de F. Engels a mêlé l’héritage hégélien-marxiste et un scientisme évolutionniste de cette sorte. Il en est de même dans la pensée de Georges Sorel. Force est d'admettre aussi que les idéologies fascistes de l’espace vital, de la supériorité de certaines races et du droit des plus forts ont beaucoup emprunté à ces philosophies de la vie, fût-ce en les déformant.

Une autre orientation philosophique, héritière des pensées messianiques, légitime une violence pure et furieuse qui est l’analogue humain de la colère par laquelle le dieu biblique affirme son absolue puissance. On trouve cette conception aussi bien chez Hannah Arendt que chez Walter Benjamin quand ils opposent la pureté radicale de la fureur et de la révolte à la violence mécanique des calculateurs qui la rationalisent dans la poursuite de leurs fins trop humaines. Dans la fureur se manifeste la dignité humaine en ce qu’elle a de quasi divin ; mais toute la difficulté est précisément d’échapper au retour immédiat de la pensée instrumentale. Ce courant de pensée s’est prolongé chez des écrivains comme Franz Fañon ou Jean Genet.

À ces ontologies de l’Être, il faut opposer une approche de la violence en termes d’altérité et de différence, telle qu’on la trouve chez Jean-Paul Sartre et chez René Girard pour lesquels c’est le rapport à autrui dans l’affrontement des désirs qui engendre la violence. Pour Sartre, autrui, qui est le même que moi, devient mon ennemi absolu, double démoniaque, quand s’affrontent nos désirs dans l’élément de la rareté. Pour Girard, le désir mimétique de l’autre engendre le désir des mêmes objets et ouvre un monde de violence et de vengeance sans fin, dont il n’est possible de sortir qu’en détournant la violence sur une victime sacrificielle, un bouc émissaire, dans l’institution de ce qui est à la fois le social et le sacré.

Face à toutes ces philosophies, les pensées de la présence ou d’un Être sans différence, qui serait pleine égalité avec lui-même – une égalité jamais quittée ou enfin retrouvée –, commandent une non-violence absolue et prônent une réconciliation de l’humanité et de la nature sous toutes ses formes. La non-violence de Gandhi mais également de nombreuses cosmogonies dites primitives – et, notamment, amérindiennes -  seraient en quelque le paradigme de cette attitude même si, en définitive, toutes les pensées non violentes doivent avoir ce présupposé d’une unité possible de l’homme avec le tout de la nature et de l’Être.

En tout état de cause, les philosophies de la violence restent des approches spéculatives qui valent ce que valent les visions du monde et les discours consolants, mais on peut concevoir autrement la tâche de la philosophie : comme investigation analytique des concepts et de leurs conditions tant de formation que d’usage dès lors que le concept de violence, dans sa relativité, ne peut se comprendre que par l'appréhension spécifique du champ social. Plus profondément, une telle investigation devrait être rapportée à la montée des pluralismes ou de l’antagonisme de points de vue qui introduisent dans le champ social une diversité de critères pour juger de ce qui y arrive. Il doit en résulter la nécessaire remise en cause la légitimité des points fixes ou des discours dominants à partir desquels se faisait l’étiquetage de ce qui est socialement normal et de ce qui ne l’est pas. C’est à partir du moment où apparaît une pluralité de points de vue rivaux que les catégories juridiques se défont et que la notion polymorphe de violence intervient : désormais chacun, ou chaque groupe, dénonce sous ce terme ce que lui-même considère comme inadmissible d’après ses propres normes. L’usage du concept de violence correspond donc à une société qu’on peut considérer, selon son propre degré d’optimisme, comme pluraliste ou divisée. Au demeurant, il est significatif que la question de la violence n’agite aujourd’hui que les sociétés démocratiques, qui sont aussi les seules à admettre et à gérer tant bien que mal les divisions caractéristiques de toute société. Les autres pratiquent la violence sans autre forme de procès. Il est significatif aussi de cette sorte de prise de conscience qu’elle aille de pair avec des interventions pratiques qui ne sont pas sans efficacité, même si elles restent partielles et ponctuelles.

Ma réflexion personnelle

Pour définir la violence, j'aurais voulu pouvoir trouver une formulation aussi concise, incisive et percutante que celle que Proudhon utilisa pour définir la propriété ("La propriété, c'est le vol !"). Je n'y suis pas arrivé tant il est vrai que la violence est un phénomène complexe.

Les dictionnaires la définissent généralement comme "force brutale, abus ou déchaînement de la force". Ainsi, par exemple, le dictionnaire Hachette Multimédia : "1. Usage de la force brutale, en particulier pour imposer son autorité, son point de vue. Faire la révolution par la violence. Condamner publiquement le recours à la violence. Des scènes de violence, pendant lesquelles on fait brutalement usage de la force. Faire violence à quelqu’un: lui imposer quelque chose. par la force. / Figuré:  Faire violence à un texte: en déformer le sens. Se faire violence : se forcer à agir d’une certaine manière. / Droit Civil : Fait de nature à impressionner une personne raisonnable et à lui inspirer la crainte de s’exposer à un mal considérable et présent. (En droit civil, la violence est une cause de nullité du contrat non seulement lorsqu’elle a été exercée sur la partie contractante, mais encore lorsqu’elle l’a été sur son conjoint, sur ses descendants ou sur ses ascendants). 2. (Souvent au pluriel) Acte brutal, violent. Les voyous[7] ont commis des violences.  3. Caractère, comportement d’une personne violente. Une violence contenue. Critiquer avec violence un opposant.  4. Caractère de ce qui est violent (2). La violence d’un séisme".

Ainsi, les dictionnaires, à titre principal, ne donnent pas une définition en soi, sui generis de la violence puisqu'ils la caractérisent comme l'usage de la force et ce n'est qu'accessoirement, mais sous sa forme plurielle – des violences – qu'ils la définissent positivement comme un acte brutal et… violent !

Une telle démarche pourrait a priori traduire une incapacité théorique à définir la violence. En fait, elle obéit à un présupposé et à une intention idéologiques. En effet, en ne donnant qu'une définition médiatisée de la violence – le recours à la force -, les dictionnaires, en fait, se refusent à :

         définir la violence

         resituer la violence dans son double contexte qui est celui des humains – individus – et de la Société – des sociétés dans leurs formes historiques multiples et variées –

         théoriser la violence comme fait social

         définir ou, du moins, supposer – hypothèses – ses origines

         disserter sur sa nécessité – au sens où elle serait inévitable, parce qu'inhérente, par exemple, à la nature humaine

         évoquer les modalités et conditions de sa prévention, de son évitement, de son éradication

En fait, une telle démarche est typiquement théologique, c'est-à-dire… religieuse :  la violence ne serait jamais que la mise en œuvre d'une catégorie, d'un principe, d'une vertu… la force qui, en raison même de son essence, échapperait à l'entendement et, a fortiori, au contrôle des humains et des sociétés qu'ils constituent. En somme, en étant violent on userait fatalement d'une force universelle – la force – comme, en tant que terrien on use fatalement de cette autre force universelle qu'est la gravitation terrestre tout comme, en tant qu'humain, on use fatalement de cette supra-force qu'est… la volonté divine !

De leur côté, les médias, les statistiques de la justice, les spécialistes de politique nationale ou internationale parlent d’agression et de criminalité, de guerre, de terrorisme, de torture ou de formes d’oppression plus discrètes mais tout aussi – sinon plus – dommageables comme l’exploitation économique ; dans ce cas, on ne parle pas de la violence mais de phénomènes violents et, là aussi, on évite ainsi de définir la violence, sachant qu'en la matière il y a des modes[8] et que les éclairages statistiques auxquels il est ainsi procédé, en définitive, ne révèlent que des effets  et non des causes et même, pire encore, l'efficacité des services de répression – Police, Douanes, Fisc… - ou des forces armées et non la réalité de la violence et, surtout, son contexte social, politique, économique, culturel et historique.

Ceci dit, il faut pourtant bien considérer que, du point de vue conceptuel, la violence est presque indéfinissable et que, par exemple, les sciences dites exactes – biologie, neurologie, zoologie… - n'en donnent aucune. Il est toutefois admis que, au même titre que des notions comme celles de chaos, de désordre, de transgression…, elle impliquerait l’idée d’un écart ou d’une infraction par rapport aux normes ou aux règles qui définissent les situations considérées comme naturelles, normales, tolérables ou légales. Plus ou moins explicitement, il y a, dans l’idée de violence, celle d’une perturbation ou d’un dérèglement plus ou moins momentané ou durable de l’ordre des choses mais également, une charge de valeurs positives ou négatives attachée à la rupture, à la transgression, à la violation ou à la destruction de l’ordre Elle constitue donc à cet égard une notion fortement normative : son apparition dans les discours politiques ou les préoccupations d’une opinion publique n’est jamais neutre (on pourrait, après tout, parler directement des guerres ou des homicides, comme on le fait d’ailleurs souvent) : elle exprime des évaluations favorables ou défavorables qui, en retour, pèsent sur les situations ainsi appréhendées et les actions menées[9].

Intuitivement, l'idée de violence repose sur un jugement moral – et politique - qui fait que, en définitive, il n'y a pas une violence mais deux violences : une bonne violence et une mauvaise violence !

Dans ce contexte, il serait donc évidemment difficile et même impossible de définir la violence car il est tout simplement impossible de définir ce qui échappe ainsi aux règles et à toute régularité dès lors que tout essai de définition se fait plus a contrario que positivement, ce qui est logiquement, conceptuellement, théoriquement et épistémologiquement contraire à la rationalité scientifique.

Il n'en demeure pas moins que, pour l'entendement humain du réel,  rien n'est véritablement indéfinissable et que tout fait réel peut et doit être défini – au sens de conceptualisé -, quand bien même il ne s'agirait que d'une définition provisoire, parce que réfutable et non dogmatique[10].

Parmi d'autres, Yves Michaud s'est astreint à cet effort, ce devoir et, selon lui, "La violence est une action directe ou indirecte, massée ou distribuée, destinée à porter atteinte à une personne ou à la détruire, soit dans son intégrité physique ou psychique, soit dans ses possessions, soit dans ses participations symboliques".

Pour moi, la violence est une contrainte[11] exercée sur un tiers pour :

         l'obliger à faire, dire, penser, être… ce que l'on veut qu'il pense, dise, fasse, soit…

         lui interdire de faire, dire, penser, être… ce que l'on ne veut pas qu'il fasse, dise, pense, soit…, cette interdiction pouvant aller jusqu'à la suppression physique dudit tiers.

La condition nécessaire de la violence est qu'elle doit s'inscrire dans une relation, un rapport entre deux parties. Un rapport qui est nécessairement un rapport de forces. Toutefois, il y a lieu de considérer que cette définition n'est valable que si les deux parties ou, au moins, l'une d'entre elle, est une forme de vie.

En effet, dans la nature, en dehors de la vie animale, végétale et… humaine, dans la nature, ce rapport ne présuppose aucune intention – aucune volonté : la foudre en tombant sur l'arbre exerce bien une contrainte sur cet arbre sans pour autant exercer à son encontre une quelconque volonté. Si dans le rapport il y a d'un côté un être vivant – animal, végétal, humain – et de l'autre un matériau, ma définition, en revanche, garde sa pertinence : la vache exerce une contrainte sur l'herbe qu'elle broute pour la transformer en aliment ; le menuisier exerce bien une contrainte sur la planche de bois pour la transformer en meuble ; en construisant un barrage, une digue…l'ingénieur exerce bien une contrainte sur la rivière pour retenir, détourner, canaliser… son cours…

Je signalerai par ailleurs, que dans une acception particulière, la violence ne désigne pas seulement un rapport de force mais une technologie, à savoir l'art - et la maîtrise - d'utiliser un arsenal de moyens coercitifs, plus ou moins sophistiqués, dans le cadre d'un tel rapport. Ainsi, il y a bien des technologies militaires, policières, éducatives, religieuses… de la violence. C'est ainsi, par exemple, qu'il y a une technologie de la torture qui est mise en œuvre par des techniciens, des professionnels et que, plus généralement et depuis pratiquement l'aube des temps, l'exercice de la violence est l'apanage – le monopole légal - de certains métiers[12] et qu'il existe donc des écoles (de la technologie) de la violence. C'est également ainsi que, dans de nombreux ordres – religieux et politiques – cette technologie de la violence est institutionnalisée – Inquisition, Index, djihad… d'un côté, Ministères de la Police, de la Justice, de la Guerre… de l'autre -.

Pour ne nous attacher qu'à l'espèce humaine et, plus précisément, aux relations inter-humaines, la violence est donc un rapport de forces. En dehors de toutes références légales, morales, politiques, culturelles… et à ne considérer ces forces que du point de vue de leur brutalité, deux cas de figure peuvent se présenter :

         les forces en présences sont égales : comme en physique pure, cette égalité a pour conséquence l'annihilation des forces opposées. Le rapport de forces cesse dès lors qu'il n'y a plus… de forces ou d'opposants[13].

         les forces opposées sont inégales : l'exemple singulier le plus significatif est celui du duel qui implique un gagnant – le vainqueur - et un perdant – celui qui est mis hors d'état de combat, c'est-à-dire dans l'incapacité de poursuivre le combat parce qu'il n'a plus de forces en réserve, qu'il est blessé, qu'il est tué ou qu'il renonce, abandonne, capitule en se reconnaissant comme défait, battu -[14]. Le rapport de forces cesse dés lors que l'une des forces en présence se retire ou est supprimée.

Dans le cas du rapport de forces inégales, le résultat du jeu[15] consacre outre un gagnant et un perdant, un tortionnaire, un bourreau, un assassin…mais aussi un dominant[16], un exploiteur, un maître… d'un côté et, de l'autre, un martyr[17], un prisonnier, un dominé, un exploité, un esclave…

Cette définition faite, il convient à présent d'introduire une distinction essentielle. En effet, la violence doit être analysée de deux points de vue différents : celui de l'individu – des individus pris isolément dans leurs rapports inter-personnels – et celui de la Société – des sociétés, des groupes sociaux[18] -, sachant que dans ce deuxième cas une sous-distinction doit être effectuée selon que l'on considère les rapports entre les groupements eux-mêmes[19] ou les rapports réciproques entre les individus et les groupements – voire la Société[20] dans sa globalité – qui sont ceux d'un système.

La violence du point de vue de l'individu

La pensée dominante – pour ne pas dire unique – veut que la violence fasse partie de la nature humaine et qu'il existe des pulsions naturelles de violence, tout l'art – la moralité, la sociabilité… - consistant à contrôler ses pulsions naturelles pour soit les empêcher de s'exprimer, soit les orienter vers des fins admissibles comme, par exemple, l'héroïsme – du guerrier[21], du sportif… -, l'Art[22], le Jeu, la recherche et, surtout, la conquête scientifiques et techniques, le travail dans sa forme la plus achevée – et la plus noble – qui est celle de l'entreprise… et, enfin, la religion avec ces formes extrêmes que sont le mysticisme, l'ascétisme…, c'est-à-dire, le renoncement.

Une telle conception de la naturalité (humaine… trop humaine !) de la violence appelle deux critiques radicales :

         cette conception n'est pas naturelle au sens de réelle mais surnaturelle et, pour être plus précis,… religieuse. Elle participe de cette dichotomie fondamentale qui est celle du Bien et du Mal, notions strictement étrangères à la nature[23], dont l'objectif est de dénier à l'humain toute véritable liberté – notamment de choix – en le soumettant à l'ordre divin et à son seul bon-vouloir, c'est-à-dire au règne absolu de la nécessité qui est celui de la fatalité.

         même avec l'habillage scientifique de l'évolutionnisme[24], cette conception oublie une donnée fondamentale, essentielle : si les hominidés, comme l'ont démontré la paléontologie, la préhistoire, la biologie…, ont bien une souche animale, l'humanité n'est pas seulement une différenciation de l'animalité mais une rupture avec l'animalité[25]. L'humanité n'est pas un acquis au sens d'une simple transmission de caractères appartenant à des parents ou à des ancêtres plus éloignés qui auraient été obtenus au titre de la loi de l'évolution des espèces[26] et qui conditionnerait notamment une prédisposition[27] naturelle à la violence qui serait la dimension animale de l'humain, elle est une construction aussi bien individuelle que collective. Autrement dit, pas plus hier qu'aujourd'hui, on ne naît humain – et donc, aussi, primitivement animal – mais on le devient. L'humanité est un état qui, s'il plonge ses racines dans l'ordre naturel et donc dans l'animalité, n'est pas inné mais, au contraire, choisi. Cet état n'est jamais non plus définitif – au sens d'inébranlable, d'indestructible… - mais toujours provisoire en ce sens que, fragile, il peut être perdu, involontairement[28] ou consciemment[29].

D'autres fondent la nécessité – et la fatalité – de la violence sur un critère économique : les humains sont en concurrence pour satisfaire des besoins illimités alors que les ressources disponibles sont limités : il en résulte donc une lutte pour l'appropriation de ces ressources, une lutte qui peut revêtir un aspect de violence[30]. En tel argument est tout aussi infondé que le précédent. En effet :

         dans la plupart des cas, la rareté n'est pas absolue mais relative. Autrement dit, il y a bien assez de ressources pour satisfaire tous les besoins mais c'est l'accès aux ressources qui, défaillant, fait que certains ont beaucoup, voire tout quand beaucoup ont eu, voire rien. Faut-il rappeler que, au plan mondial, l'agriculture et l'industrie alimentaire génèrent des surplus qui sont jetés ou dont on subventionne la destruction alors que des millions de personnes meurent de faim ou sont en-dessous du minimum alimentaire vital ? que quelques centaines de particuliers ont un revenu égal celui des deux tiers de la population mondiale ? que des stocks de livres invendus vont régulièrement au pilon alors que, faute de manuels et de livres, l'analphabétisme ne cesse de croître ?  que certains font une surconsommation médicale, para-médicale, esthétique, cosmétique… quand la majorité de la population mondiale, faute de revenus suffisants, ne peuvent accéder aux soins et à la prévention ? que dans les pays occidentaux il y a des millions de mètres carrés de logements et de bureaux vides quand le nombre de sans abri et de personnes vivant dans des bidonvilles ne cessent de croître ? qu'avec le prix d'un seul porte-avions nucléaire, dont on se demande en fait s'il ne serait pas plutôt un pédalo ou un sous-marin, on pourrait construire plusieurs dizaines d'hôpitaux dans les pays du Tiers-Monde ? que, en moyenne, le coût d'un prisonnier – bâtiment, gardiens, maintenance… - est plusieurs dizaines de fois supérieur à celui du délit ayant motivé ledit emprisonnement ?… Autrement dit, cette rareté pourrait être totalement supprimée dans le cadre d'un autre mode de répartition et de distribution des ressources, ce qui, bien entendu, suppose en préalable l'abolition de la propriété privée des moyens de production et de distribution et, comme corollaire, une société fondée sur la satisfaction des besoins de tous et non de quelques uns, c'est-à-dire sur l'association, la coopération, la fraternité et non la concurrence, voire la guerre.

         lorsqu'il y a rareté absolue, outre qu'il est toujours possible de dégager des produits de substitution aux richesses insuffisantes – exemple : le nylon pour la soie -, la coopération est un mode plus avantageux que la concurrence pour satisfaire globalement, le plus et le mieux possible, les besoins collectifs. C'est en tous les cas ce qu'a compris la totalité des sociétés humaines dites primitives mais également de nombreux animaux (comme, par exemple, tous les carnassiers qui chassent en meute)[31].

D'autres encore considèrent que la violence est naturelle mais du point de vue de l'individu et non de l'espèce : elle ne participerait donc pas d'une concurrence à laquelle se livreraient les humains pour satisfaire leurs besoins dans le contexte d'une rareté des ressources ou d'une quelconque sélection naturelle mais du… jeu, c'est-à-dire de la recherche du plaisir. Autrement dit, un humain exercerait sur un autre humain une violence gratuite pour… se faire plaisir ! Ici encore, deux arguments sont à opposer :

         même dans le monde animal, il n'y a jamais de violence gratuite : une violence est toujours une contrainte délibérée exercée pour satisfaire une fin donnée. Le sadisme, si par ce terme on désigne une violence gratuite, n'existe pas dans l'état naturel.

         supposer qu'il existe un principe naturelludique – de plaisir assouvi dans/par la violence infligée à l'autre suppose que, d'une part, ce principe soit universel et que, d'autre part, il s'assortisse de sa nécessaire contrepartie : l'acceptation de la violence infligée par l'autre et, autrement dit, l'acceptation pour soi de la souffrance comme ludisme ! Or, en toute objectivité, et sauf aliénation mentale[32] ou perversité psychologique, la souffrance ne constitue pas un… plaisir. C'est pourquoi, ne pouvant accepter sa nécessaire réciprocité inverse, on ne peut accepter le postulat d'une violence gratuite exercée au nom d'un principe naturel de plaisir.

Pour me résumé : il y a quelques millions d'années, des animaux ont fait le choix de rompre avec l'animalité et d'accéder à l'humanité. Par ce choix, ils ont introduit cette rupture essencielle qui existe entre l'animalité et l'humanité : la liberté. En effet, en faisant ce choix d'être humains, ils ont fait le choix de se donner la liberté de rester humains mais également de régresser à l'animalité ou de renoncer à leur humanité pour de sujet devenir objet.

Dans le cadre de cette liberté constitutive de l'humanité, la violence entre individu n'est pas une nécessité ; encore moins une fatalité : elle est un choix. Le choix d'exercer la violence dans son rapport à l'autre. Mais aussi, bien entendu, le choix de ne pas recourir à la violence dans sa relation à l'autre[33]. Les rapports entre humains, parce qu'ils sont personnels et directs, ne sont pas condamnés à être des rapports de force : ils peuvent aussi être des… relations humaines. C'est une question de choix. De liberté. D'humanité.

On l'a vu, à la concurrence peut se substituer la coopération, l'association, la fédération. Au recours habituel à la violence pour régler un différend, voire un conflit peut se substituer un autre choix, celui de la discussion[34] qui n'est toutefois possible qu'à une double condition :

         l'acceptation des différences de l'autre, c'est-à-dire la reconnaissance de ce qu'il est pour ce qu'il est et non pour ce que l'on voudrait qu'il soit ou ne soit pas[35]

         la réciprocité de l'expression et de l'écoute : pour discuter il faut que chacun parle mais aussi que chacun écoute[36].

Seule la discussion permet de trouver un tel règlement autrement que par le recours à la violence[37] et de vérifier le bon sens et l'universalité de l'adage selon lequel "il n'y a pas de problème sans solution" et que, inversement, "lorsqu'il n'y a pas de solution, il n'y a pas de problème".

La violence du point de vue de la société

Une société est un système complexe. Comme tout système, elle ne saurait se réduire à la somme de ses seuls éléments – les humains -. Elle est une réalité objective de nature sociale, politique, culturelle, économique, matérielle… inscrite dans l'Histoire, c'est-à-dire dans le temps de son devenir[38], mais également dans l'espace qui est à la fois celui de la nature – la géographie, la climatologie… - et de l'humain – l'urbain ou la cité, l'architecture, l'aménagement… -.

Une société est système humain. Comme tout ce qui participe de l'humain, ce système est placé sous l'égide de la liberté[39]. Individuellement, les individus qui la composent peuvent donc toujours faire le choix de s'en retirer ; c'est le choix que font les en-dehors, les marginaux, les déviants, les misanthropes, les ermites… Collectivement, ils peuvent également faire le choix de se constituer en subsociété autonome – l'underground, la résistance (squat, désobéissance civile…), les bandes, les groupes divers, les clubs, les sociétés plus ou moins secrètes… plus ou moins assortie d'un contre-pouvoir, de nature purement défensive[40] ou, au contraire, offensive[41].

Dans tous ces cas de figure, il y a une multiplicité de rapports possibles qui sont de groupes entre eux, d'individus isolés ou regroupés  avec la Société et, réciproquement, de la Société avec les individus isolés ou regroupés, sachant que tous ces rapports ne sont pas personnels mais sociaux[42], c'est-à-dire collectifs.

Lorsqu'elle est évoquée pour les rapports entre les individus eux mêmes, la violence, que je qualifierais donc d'individuelle, est soit physique, soit psychologique mais toujours directe, personnelle, nominative. En revanche, lorsqu'on l'analyse au niveau des rapports collectifs, même si elle est mise en œuvre par des individus,  la violence est toujours médiatisée par le groupe, un corps spécialisés - la Justice, la Police, l'Armée, l'Éducation… et, de ce fait, impersonnelle[43] -.

De même qu'entre individus, la violence exercée lors de rapports collectifs peut ne pas être physique et, à la contrainte, qui est le recours effectif à la force, il peut être préféré l'usage d'une forme de violence plus insidieuse : celle de la persuasion, de la menace, du chantage, de l'intimidation, de l'auto-renoncement [44], de la propagande, du conditionnement ou lavage de cerveaux

J'ai dit que la violence collective est toujours médiatisée en ce sens qu'elle est anonyme et non personnelle ; ais elle peut-être aussi sur-médiatisée : la Société – autrement dit l'ordre en place -, pour diverses raisons peut convenir de ne pas engager directement un rapport de force avec tel ou tel groupement – de dissidence, d'opposition, de contestation… - d'individus et préférer que ce rapport de force ait lieu avec un autre groupement. C'est la vieille tactique du bouc émissaire : on désigne à la vindicte populaire l'ennemi que l'on ne veut pas combattre et abattre soi-même ou celui auquel on veut imputer une faute dont il n'est pas responsable pour détourner l'attention populaire du véritable coupable[45]. Dans ce cas, l'avantage pour la Société est double : elle ménage ses propres forces tout en obtenant le but recherché – l'élimination ou, du moins, la neutralisation de l'ennemi et elle se présente à la fois comme le seul vrai défenseur de l'intérêt général et le seul vrai juge suprême en entretenant ainsi le mythe de sa représentation générale, universelle.

J'ai indiqué plus haut que la violence n'est pas une catégorie neutre, objective mais, au contraire, l'expression d'une morale distinguant et opposant le bien et le mal et, par conséquence, une bonne violence et une mauvaise morale.

Le point de départ de ma réflexion a été la récente répression policière d'une manifestation contre la mondialisation qui s'est traduite par le meurtre d'un manifestant. Bien entendu, compte tenu à la fois des techniques modernes de communication – internet et téléphone portable en particulier - et de ce que cette  manifestation s'inscrit dans un mouvement mondial d'opposition sinon structuré, du moins coordonné internationalement et localement, les ordres nationaux et internationaux n'ont pu étouffer l'affaire et sceller cette mort de la chape de plomb du silence mais, déjà préventivement, ils avaient orchestré une campagne de (dés)information tendant à dénoncer la mauvaise – et, même, la criminelle – violence de la manifestation et transformer chaque manifestant en un délinquant – criminel -, potentiel ou réel, usant de la violence comme seule forme d'expression et, par-là même, se refusant à tout dialogue.

Or, ceux qui ont condamné la violence de la manifestation et les violences des manifestants, tout comme ceux qui ont approuvé cette condamnation et, de ce fait, ont surenchéri sur elles, sont les mêmes qui :

         ont légitimé la violence de la Résistance, même lorsqu'elle prenait une forme individuelle et aveugle contre des individus (attentats contre des soldats et officiers, gestapistes, miliciens)

         ont fait des Révolutions[46], c'est-à-dire enfreint de Lois pour abolir un régime en place en, opérant éventuellement quelques joyeux massacres, y compris, personnellement,  parmi les représentants de l'Autorité en place alors même que, de nos jours, ils se déclarent les défenseurs de l'Autorité, de l'Ordre, de la Loi…

         ont approuvé le lâchage de bombes et de missiles sur des cibles civiles en Irak, en Yougoslavie

         considèrent comme légal, légitime et moral cet assassinat légal qu'est la peine capitale

         ferment les yeux sur ces marchés de la mort que sont les trafics de drogue, d'armes, d'instruments de torture, d'organes humains, d'enfants

         ignorent sciemment l'esclavage, la prostitution, les conditions inhumaines de travail, les salaires de misère

         restent insensibles à cette boucherie légale que sont les accidents de la circulation

         au nom patriotisme et du nationalisme, la fleur au fusil, s'en vont massacrer joyeusement des gens ou font en sorte que, business is business, des gens se massacrent joyeusement

         tolèrent les commandos anti-IVG (y compris lorsqu'ils commettent des crime), les autodafé de préservatifs organisés par des illuminés et ne font rien pour les empêcher de nuire ou pour leur appliquer la Loi et les sanctionner

         condamnent à mort des millions de personnes en leur déniant le droit d'accéder aux soins et à la prévention

         organisent des corridas, des courses, des combats de boxe… où la violence règne et où il peut y avoir mort d'homme

         organisent délibérément les famines, les épidémies, l'absence de soins, d'éducation…

         maltraitent leurs propres femme et enfants

         exercent sur leurs subalternes, leur entourage…cette forme particulière de violence qu'est le harcèlement (moral et/ou sexuel)

         se déchaînent devant leur poste de télévision en criant "à mort l'arbitre" quand l'équipe qu'ils soutiennent perd

         interdisent que l'on se serve contre eux des armes qu'ils fabriquent et vendent

         condamnent la planète et l'humanité à mort à cause de la pollution

        

Ainsi, alors même qu'ils ont accédé au pouvoir par la force[47] et que, depuis, ils exercent sans discontinuité la violence de leur force légale contre toute forme d'opposition ou, simplement, de contestation, les ordres en place condamnent une certaine forme de violence qui est, naturellement mauvaise, puisque prétendant s'exercer contre eux, eux les tenants de l'Ordre, du Droit, de la Justice, de la Morale, du Bien, du Bon, du Vrai…, eux, les infaillibles dépositaires, mandataires de cette volonté universelle qui doit nécessairement s'imposer à toutes et à tous puisqu'étant celle de… dieu !

Toutes les bourgeoisies au pouvoir n'ont accédé au pouvoir que par l'usage victorieux de la force contre d'autres ordres alors en place. A cette occasion, comme en France et aux États-Unis, elles n'ont pas manqué de déclarer des droits universels, inaliénables et imprescriptibles comme le droit à l'insurrection ou, pour le moins, à la défense contre la tyrannie. Mais il est vrai que c'est là un droit général qu'elles ont reconnu à une entité, une idée, une abstraction : l'Homme et non pas à cette seule réalité tangible que sont les humains !

Il n'empêche que, sur cette base, on peut et doit considérer que, dans certains cas, les humains ont toute légitimité, pour ne pas dire toute légalité à revendiquer un droit à l'usage défensif de la violence lorsque leurs droits sont menacés et, a fortiori, enfreints, bafoués par un régime tyrannique. Reste à savoir ce qu'est la tyrannie, sachant qu'aucun droit ne la définit. En quoi, par exemple, le régime des talibans serait tyrannique parce qu'il fait exploser à la dynamite des statues de Bouddha alors que ne serait pas tyrannique le chef d'entreprise qui impose des cadences infernales et des conditions inhumaines de travail en contrepartie d'un salaire de misère ? En quoi seul un Tribunal international constitué par les vainqueurs d'un conflit militaire serait-il habilité à qualifier a posteriori de tyrannique et à juger comme tel un régime qui aurait été militairement défait ?

La désincarnation d'un droit générique au profit d'une idéalité, d'une entité – l'Homme – n'a pas seulement pour objectif de ne pas reconnaître de droits réels – comme ceux à la désobéissance, à la résistance, à l'insurrection… -  aux humains, à titre individuel ou collectif – minorités en particulier –, il répond à une intention bien précise qui est de pouvoir conférer ce Droit général à une majorité qui, dans le mythe fondateur de la démocratie moderne, est supposée incarner tous les membres d'une Société, telle qu'elle s'incarne elle-même dans l'État-nation et, ainsi, de faire accroire que ce Droit est celui de tous les individus du seul fait qu'il a été institué par la majorité et que celle-ci, représentant l'universalité des individus composant cette Société, charge l'État, en tant qu'incarnation de la Société, d'en assure la défense et la mise en œuvre au nom de et pour le compte de la Société et donc de chaque individu et, in fine, de tous les individus sans aucune exception !

Dans le mythe de la démocratie tel que conçu par l'esprit bourgeois, il n'y a donc de Droit que de la majorité. Aussi, en résulte-t-il que, de même que la majorité qui s'incarne dans l'État ne saurait user de violence contre elle-même, de même la Société - c'est-à-dire les individus - ne saurait user de violence contre l'État et, en définitive, contre elle-même !

Par ce même artifice, le mythe fondateur de la démocratie déplace le problème du Droit et, notamment du Droit d'user de la violence – et, a contrario, du Droit interdisant l'usage de la violence – du terrain de la légitimité à celui de la légalité. En effet, dans le régime démocratique, le Droit n'a pas à être a priori légitimé dans la mesure où il n'est pas le fondement de la démocratie, de la Société et de l'État  puisque que cette fondation est assurée par la majorité, c'est-à-dire l'expression de la volonté générale. Le Droit n'est donc que le cadre légal de l'expression de la majorité, autrement dit de la volonté générale, lorsque celle-ci dit ce qui est autorisé et ce qui est interdit.

Certains ne manqueront pas de me rétorquer que dans de nombreux pays véritablement démocratiques les minorités – ou, du moins, certaines minorités – disposent de droits. A ceux-là, je rétorquerai que :

         ces droits conférés sont justement des droits et non le Droit

         s'ils ont un fondement légal – des lois, des règlements… -, ils n'ont d'autre légitimité que celle que la majorité veut bien leur reconnaître ; autrement dit, leur légitimité n'est pas la/les particularité/s de ces minorités mais le bon vouloir de la majorité

         ces droits ne sont jamais que des dérogations, des exceptions, des permissions, des autorisations… bref, des tolérances et que la majorité qui les reconnaît aujourd'hui peut, parce qu'elle est la majorité, peut, demain, les nier, les défaire.

Ainsi, dans le système démocratique il ne peut y avoir véritablement de débat sur la légalité de la violence qui ne soit aussi et d'abord le débat sur la légitimité de la majorité.

A ne poser la question de la violence qu'en terme de Droit et donc de légalité on ne peut conclure qu'à l'illégalité de toute violence qui n'est pas exprimée par l'État, c'est-à-dire au nom de la majorité comme expression de la volonté générale, et, ainsi, par la ruse de la jésuitique bourgeoise, par la Société elle-même. C'est pourquoi, dans ce seul cadre, toute violence exprimée par un individu ou par un groupe d'individus est condamnée à être considérée comme illégale et, de ce fait, à être sanctionnée, réprimée – même férocement – dés lors qu'elle est dirigée contre l'État au motif qu'elle est dirigée en fait contre la Société elle-même.

C'est pourquoi, il convient de reposer le débat dans le champ de la légitimité. Que constatons-nous alors ?

L'ordre bourgeois qui détient aujourd'hui le monopole de la définition de la légalité parce qu'il serait l'incarnation de la volonté générale, était hier un contre-ordre dépourvu de toute légalité[48] et qui, au nom de la légitimité qu'il se reconnaissait au nom de l'universalité de principes et de valeurs mais aussi de la pseudo universalité de son incarnation sociale du peuple, pour d'abord faire (pré)valoir ses droits et surtout, ses intérêts, puis pour s'imposer en tant qu'ordre dominant a usé de moyens illégaux et, notamment de la violence, pour combattre et abattre l'ordre légal en place, un ordre qui tirait sa légitimité d'un autre ordre, celui de… dieu ! A cette époque, et du seul point de vue démographique, la bourgeoisie n'était qu'une… minorité, ce qui ne l'a nullement empêché de s'imposer à la majorité ou, du moins, à l'autorité qui, alors, était supposée incarnée non seulement la majorité mais encore l'universalité du peuple !

Forte de sa légitimité, la bourgeoisie ne s'est embarrassée d'aucune argutie sur la légalité de ses actes : elle a agi et… elle a pris le pouvoir et, aussitôt après avoir légitimé le nouvel ordre ainsi établi au nom de la démocratie – et donc de la majorité, de la volonté générale,… du contrat social -, elle a légalisé ses droits en constituant/instituant en un corpus juridique universel : le Droit.

Posons donc le problème en terme de légitimité et demandons-nous si l'ordre bourgeois a pleine et entière légitimité à prétendre qu'il représente et sert les droits et les intérêts de la majorité de la population, voire même de l'humanité dans son universalité. A une telle question la réponse est nécessairement négative quand on ne peut constater que, du seul point de vue des intérêts, l'ordre bourgeois, qu'il soit national, international ou mondial, sert seulement les intérêts d'une infime minorité aux dépens de ceux de l'immense majorité.

Ainsi, quand bien même l'ordre bourgeois est moins nocif et, dans une certaine mesure, plus progressiste, que d'autres ordres – ceux des staliniens, des compradores, des féodaux les plus archaïques, des talibans, des ayatollah, de l'Opus Dei… -,  il n'y a aucun fondement à sa prétention de représenter la seule et unique légitimité universelle et, au minimum, sa légitimité n'est qu'une parmi d'autres légitimités. En outre, et toujours du seul point de vue des intérêts, d'autres groupements sont sans aucun doute plus habilité à fonder leur légitimité sur le plus grand nombre, voire sur l'écrasante majorité.

C'est pourquoi, et en ne s'en tenant qu'à la seule logique du mythe fondateur de la démocratie moderne, force est d'admettre que les violences exercées contre l'ordre bourgeois – et, dans le cas d'espèce qui a motivé ces considérations personnelles, contre la mondialisation – sont pleinement légitimes même si, par ailleurs, elles sont totalement illégales par rapport à la légalité bourgeoise[49].

J'ai indiqué que les relations humaines peuvent et doivent éviter de prendre la forme d'un rapport de force – et donc d'une violence –par le recours systématique à la discussion pour comprendre et accepter des différences, régler des différends, des oppositions… et que la confrontation n'est pas condamnée à être un affrontement.

Je suis persuadé qu'il en est de même au niveau des rapports collectifs et donc des relations entre groupements ainsi qu'entre les individus et la Société (et réciproquement) pour autant que les deux conditions énoncées précédemment soient également préalablement remplies, à savoir :

         l'acceptation des différences de l'autre, c'est-à-dire la reconnaissance de ce qu'il est pour ce qu'il est et non pour ce que l'on voudrait qu'il soit ou ne soit pas[50]

         la réciprocité de l'expression et de l'écoute : pour discuter il faut que chacun parle mais aussi que chacun écoute.

L'ordre bourgeois ment en disant qu'il est contraint d'user de la violence pour interdire et/ou contrôler/réguler une manifestation qui est l'expression d'une autre volonté[51], d'un point de vue différent, de contre-propositions au règlement d'un problème, d'intérêts divergents… Il a certes la légalité pour lui, étant toutefois précisé que la légalité d'une violence n'emporte pas obligation d'en faire usage, mais il n'en demeure pas moins qu'il ment s'il n'a pas fait le choix d'engager une discussion remplissant les deux conditions préalables précitées. Il ment en déclarant que la violence de la manifestation incriminée est illégitime alors que celle-ci, en usant des mêmes arguments logiques et historiques dont il s'est servi pour s'instituer en tant qu'ordre, est tout à fait… légitime. Il ment parce qu'il a fait le choix de l'usage de la violence alors qu'il pouvait faire le choix de recourir à d'autres moyens.  Et l'ordre bourgeois se ment à lui même en croyant que, par la violence, il pourra faire taire la voix de la différence, de l'opposition, de la contestation car l'Histoire montre que tous les ordres qui ont refusé d'entendre les cris de mécontentement, de colère, d'indignation, de contestation, de revendication, d'appel au secours… de minorités et, a fortiori, de majorités ont, invariablement, fini par être contraints d'entendre le bruit et la fureur de la révolte, de l'insurrection, de la guerre civile, de la révolution, de la guerre[52].

Mais le manifestant qui se dirait contraint d'user de la violence mentirait tout autant s'il n'a pas préalablement fait le choix de tenter de se faire entendre par d'autres moyens.

Gandhi et, plus tard, Martin Luther King mais d'autres aussi, moins connus, voire totalement anonymes, ont montré que la non-violence pouvait être un moyen plus efficace pour se faire entendre et, au besoin, pour faire triompher sa cause. Certes, les temps ne sont plus les mêmes et il n'est pas sûr que la non-violence puisse continuer d'être un moyen aussi efficace quand les techniques policières se sont développées, perfectionnées et permettent en amont d'isoler et de neutraliser les meneurs et, par conséquent, de neutraliser l'organisation d'une manifestation non-violente, de faire dégénérer une manifestation non-violente en une manifestation violente, voire en émeute par son noyautage par des éléments incontrôlés et qui, en fait, sont télécommandés, de susciter une contre-manifestation dont l'effet sera un affrontement entre groupements et non l'opposition d'un groupement à l'État[53], de capter et retourner l'opinion publique[54]contre les manifestants en les décrédibilisant, en les diabolisant et en leur faisant perdre tout le capital de sympathie qu'ils avaient initialement acquis en raison de l'aura religieuse, mystique, mythique, héroïque… de la non-violence…[55]

Mais, depuis, la non-violence a su se donner des formes plus actives et, très souvent, d'une grande efficacité : la désobéissance civile (refus de porter l'uniforme militaire, de payer l'impôt, de se faire recenser…), le referendum d'initiative populaire[56], la conférence de presse et, plus généralement, l'occupation de la scène médiatique, la lettre ouverte et les pétitions[57], l'outing, les concerts et autres manifestations de contestation, le suicide de protestation[58]… et, plus récemment, le spaming, le boycott[59]. De même, profitant du développement des techniques de communication, elle a su renouer avec des armes fort anciennes mais qui n'ont rien perdu de leur (im)pertinence, au contraire : l'humour, la caricature, le pamphlet…

Mais, comme le disent les adages populaires "A l'impossible, nul n'est tenu" et "Il n'y a pas de pire aveugle/sourd/muet que celui ne veut pas voir/entendre/parler". C'est pourquoi, l'opposition qui a vainement tenté tous les moyens possibles pour contraindre pacifiquement l'ordre établi à d'abord l'entendre, puis à discuter avec elle, qui, à toutes ses demandes ne s'est vu opposer qu'une seule réponse celle de la violence, c'est-à-dire de la répression, de l'oppression et qui est donc confrontée à un ordre se situant en dehors des relations humaines pour ne s'en tenir qu'au seul rapport de forces[60] n'a plus que deux seuls choix à faire : celui du silence, de la résignation, du renoncement ou celui de… la violence.

Dans de telles conditions, le choix de la violence n'est pas véritablement un choix[61] et s'il n'est pas véritablement une contrainte il est, pour le moins, un choix par défaut.

Même contraint, un tel choix n'est pas facile à faire car, outre qu'il impose de se mettre soi-même en deçà – ou, pour le moins, en dehors – de l'humanité, il implique un calcul économique qui, par la rigueur de sa rationalité, est… effrayant : celui du ratio entre le prix à payer – et ce prix, ce sont des vies humaines – pour obtenir gain de cause.

Dans les armées comme dans un parti totalitaire de type fasciste ou léniniste, pour lesquels seule la fin ou la cause compte, soldats ou les militants n'étant qu'une ressource, plus ou moins limitée ou renouvelable, parmi d'autres, il y a des stratèges et des tacticiens qui, appliquant les lois de la guerre[62], sont en mesure d'effectuer des calculs suffisamment fins et probants pour d'abord évaluer les chances e victoire[63], ensuite évaluer le ratio précité et, enfin, décider de l'engagement, de la poursuite ou de l'arrêt des combats[64].

Or, l'opposition à la mondialisation est un mouvement de personnes et d'idées et non une organisation oppositionnelle parfaitement structurée. Reposant pour une large part sur la spontanéité du ras-le-bol, du coup de gueule, de l'indignation, de la révolte…, ce qui n'exclut nullement, bien au contraire, ni une analyse et une critique préalable faites en toute rationalité, ni l'adhésion à des valeurs et principes différents de, pour ne pas dire contraires à ceux des mondialistes, ni un engagement politique, individuel ou collectif…, cette opposition ne peut – heureusement d'ailleurs - se livrer à de tels calculs. Dés lors, accepter qu'au champ de la discussion et de la confrontation se substitue celui de la violence et de la bataille, c'est courir le risque de mettre le doigt dans un engrenage qui peut broyer de nombreuses victimes et, finalement, déboucher sur la défaite.

Pour ma part, mais peut-être parce que je suis résolument optimiste et/ou foncièrement, viscéralement non-violent, il me semble que toutes les voies non-violente n'ont pas été épuisées – loin s'en faut – pour contraindre les mondialistes à la discussion et que, quand bien même la violence de l'opposition à la mondialisation serait légitime du fait de l'entêtement persistant des mondialistes à refuser d'entendre l'expression pacifique de cette opposition  et à ne répondre que par la violence de la répression et de l'oppression, il importerait de systématiser – en l'organisant, l'étendant quantitativement et géographiquement, l'intensifiant…- le recours à la contrainte non-violente.



[1] En ce sens, naturelle, elle serait inhérente à l'humain et, par conséquent, inévitable. Elle serait une fatalité et il ne saurait y avoir d'Éros sans Thanatos ! La violence serait la condamnation des humains à… l'humaine condition de violence !

[2] Pour beaucoup, la violence serait un phénomène spécifiquement moderne, du moins du point de vue du nombre. Rappelons quedurant la guerre de Trente ans, entre 1618 et 1648, la population de l’Empire romain germanique serait tombée de 21 à 13,5 millions d’habitants, par suite non seulement des combats mais aussi des famines, pillages et épidémies. Autre exemple, pour la première guerre de l’Opium en Chine (1839-1842), les estimations varient entre 4 000 et 35 000 victimes. À partir du XIXème siècle, les estimations deviennent plus fiables ; ainsi, selon Singer et Small, l’on recense, entre 1816 et 1965, 367 guerres, grandes ou petites, qui auraient fait environ 29 millions de victimes directes, compte non tenu des victimes civiles – qui sont, désormais, qualifiées de victimes, voire de simples dommages collatéraux -. Pour les conflits intérieurs, les données sont encore plus incertaines, même à l’époque contemporaine. Ainsi, la longue période de désorganisation sociale et de guerre civile qui a marqué l’histoire de la Colombie de 1948 à 1958, et qu’on désigne par le nom de La Violencia , aurait fait entre 100 000 et 300 000 victimes. Pour les massacres de communistes en Indonésie en 1965-1966, l’incertitude est extravagante puisque, selon les parties, les chiffres varient de  80 000 et 1 million de morts.

À la limite, la violence peut faire l’objet d’une dissimulation complète : ce ne sont pas les morts ni les déportés qui viendront témoigner. Il a fallu des recherches minutieuses pour évaluer le nombre des victimes des purges staliniennes à 20 millions de morts au minimum entre 1930 et 1950. On ne saura jamais combien il y eut de morts au Cambodge sous le régime des Khmers rouges.

Dans le domaine de la criminalité, les choses sont aussi peu claires, malgré les comptes annuels de la justice, ou de la police, en particulier à cause du fameux "chiffre noir" qui sépare la criminalité enregistrée de celle qui se produit réellement. Comme le montrent les enquêtes de victimisation (on demande aux individus appartenant à un échantillon représentatif de population s’ils ont été victimes ou s’ils connaissent directement des victimes de tels ou tels actes), le décalage est en général très important, en particulier en matière de viols et de vols, ce n’est pas le cas pour les homicides, ce qui est assez compréhensible.

Il faut quelquefois des "affaires" retentissantes ou des changements considérables de mentalité pour que des violences comme celles qui sont infligées aux enfants ou aux femmes (enfants martyrs et femmes battues) apparaissent dans toute leur étendue. Il en est de même pour les viols homosexuels en prison. Ne pas déclarer une violence ou ne pas en tenir compte, c’est évidemment en changer la nature et modifier le comportement social en conséquence. Inversement, le progrès de l’enregistrement des données peut, à lui seul, constituer une source de l’apparente montée de la violence. Ici encore, réalité et conditions d’appréhension ont partie liée.

[3] On sait très bien que toute publication de statistiques sur la violence et, en particulier, sur la violence délictuelle a une incidence directe sur les faits observés. On sait également que de nombreuses études ne sont pas le reflet d'une certaine violence mais de celui des activités des services chargés de la prévenir ou de la réprimer.

[4] Par exemple, les combats de loups ne se terminent jamais par la mort du vaincu puisque celui-ci, en offrant sa gorge au vainqueur, paralyse ce dernier en annihilant toute son agressivité. La soumission, chez les animaux, est donc un facteur naturel de régulation et de contrôle de la violence.

[5] La violence, individuelle et collective, résulterait donc du dysfonctionnement de la fonction de régulation à l'image du dérèglement du métabolisme hormonal.

[6] Un autre facteur est à prendre en considération : La Violence en tant que telle n'existe pas. Il existe seulement des formes et des actes de violence dont l'approbation et la condamnation varient dans le temps et dans l'espace. Ainsi, certaines conduites violentes peuvent être exaltées, recherchées, érigées en vertu héroïques dans certaines cultures alors qu'elles peuvent être strictement interdites par d'autres. L'acte de violence par excellence qu'est le meurtre est généralement interdit alors que, dans certaines circonstances – la guerre, la répression d'une manifestation, la résistance à l'envahisseur… -, il est non seulement admis mais encore imposé. Enfin, le statut de l'auteur et celui de la victime sont des éléments à prendre en compte pour expliquer la qualification ou l'absence de qualification de la violence.

S'agissant du relativisme historique et culturel de la violence, rappelons l'histoire de la violence montre que les attitudes et la sensibilité par rapport à celle-ci peuvent être très variables. Lorsqu’en 1968, après les émeutes des ghettos noirs et les manifestations étudiantes contre la guerre du Viêt-nam, la société américaine crut découvrir la violence politique, des historiens durent leur rappeler que l’histoire des États-Unis avait été scandée par une violence qui fut souvent importante mais que l’on considérait comme normale : celle de la Révolution et de la guerre d’Indépendance au XVIIIème siècle, celle de la guerre civile de Sécession ensuite, mais aussi celles de la Conquête de l’Ouest, des guerres d’extermination contre les Indiens, du vigilantisme (groupes d'autodéfense et milices privées), des émeutes urbaines, de la tradition des bandits, de la criminalité organisée, des démonstrations agrariennes et ouvrières, des nombreuses exécutions capitales… De même, on a pu dire que l’histoire de l’Angleterre victorienne avait été une subtile dialectique de la violence et de la réforme. C'est ainsi aussi que la montée de l’État au début de l’Europe classique - et son achèvement sous la forme de l'État-nation - s’est faite par la répression sanglante des particularismes, la persécution religieuse, la répression sauvage du vagabondage et de la criminalité.. : "Le fouet et le gibet ont été le premier symbole de l’État moderne" (M. Walzer). N.Elias a montré que l’histoire des mœurs témoigne de ce que la brutalité des sociétés du passé a souvent été sans commune mesure avec celle de nos sociétés contemporaines ; ainsi, par exemple,  dans la vie anglaise du XVIIIème siècle, la violence, sous les diverses formes des meurtres, des émeutes, de la répression, du régime des asiles, de la pratique des supplices… était une part normale de la vie. Quant à l’insécurité des rues, elle a été la règle générale jusqu’au début du XIXème siècle : on ne pouvait, en effet, sortir sans gardes du corps. Qu’on songe aussi à la misère et à la brutalité de la condition ouvrière à la même époque, telle qu’elle est décrite par Dickens, Zola ou Villermé. Cette redécouverte d’une violence extrême ne doit pas dissimuler pour autant, qu’elle était, pour les critères de l’époque, une composante normale de la vie ou la simple fatalité d’une existence malheureuse. Il suffirait d’envisager certaines subcultures contemporaines (ghettos noirs américains, chicanos , monde rural d’Amérique centrale ou d’Amérique du Sud, banlieues industrielles déshéritées, cités de transit, bandes de Rockers, monde des prisons…) pour retrouver une brutalité analogue – normale -, sinon pire, de la vie quotidienne.

[7] Je pense que, sous peu, les dictionnaires remplaceront le terme de voyous par celui de manifestants anti-mondialisation !

[8] Comme la mode actuelle de révéler/dénoncer les actes de violence des manifestants contre la mondialisation, ce qui permet de faire une double impasse sur les actes de violence des forces de répression et aussi, et surtout, sur la violence de la mondialisation !

[9] Il résulte de cela que, par exemple, on ne parle pas de la violence mais de la sécurité comme un droit bafoué et un état idyllique perdu à l'image du paradis. Par là-même, on ne parle ni des effets réels de la violence, ni des origines réelles de la violence, ni, enfin, de ce qui pourrait/devrait être fait pour l'éviter !

[10] Sauf pour la religion, une définition- une conceptualisation -  n'est pas une vérité, a fortiori, une vérité révélée et donc universelle, définitive et… infaillible.

[11] La contrainte est l'ensemble des moyens – dont la force – dont on use pour agir en vue d'obtenir de celui/celle sur le/laquel/le elle est exercée un effet escompté, recherché.

[12] Organisés en corps et, parfois, en charges héréditaires : bourreaux, guerriers…

[13] Dans un cas extrême, les opposants s'entre-tuent ; avec leurs morts meurent disparaissent – les forces préalablement opposées.

[14] Gagnant et perdant sont des termes couramment utilisés dans le Jeu qui, bien souvent, est une ritualisation, une symbolisation du duel ou de la guerre. Or, il existe des jeux qui ne se fondent pas sur la compétition des joueurs mais, au contraire, sur leur coopération et dont le but – le gain, la victoire – est de réussir à faire ensemble. Il est vrai que de tels jeux, parce que contraires à l'esprit de compétition du capitalisme qui implique nécessairement des gagnants et des perdants, ont une notoriété et une aire de distribution qui relèvent de la confidentialité, pour ne pas dire de la clandestinité !

[15] On parle couramment d'un jeu de forces pour désigner un rapport de forces !

[16] Même s'il se donne alors le titre de protecteur.

[17] Au sens, par exemple, d'un enfant martyrisé et non dans l'acception religieuse du terme.

[18] Et peu importe leur appellation : classes, castes, corps, groupes, bandes…

[19] Exemples : la lutte des classes mais également les conflits armés entre États.

[20] Terme auquel je préfère celui d'ordre.

[21] Dont l'exemple le plus frappant est celui du chevalier ou du samouraï.

[22] N'est-il pas courant en effet d'entendre, depuis Freud, que l'Art est une double sublimation de pulsions naturelles : la sexualité et la violence, Éros et Thanatos ?

[23] En fait, au regard de la nature, elles sont un  non-sens, un a-sens : la foudre n'est ni un bien, ni un mal ; elle est un phénomène naturel, une force naturelle. De même, le chasseur - qu'il soit humain ou animal - tuant sa proie pour se nourrir est en-dehors du bien et du mal il est dans l'acte vital par excellence qui est celui de la survie de l'individu et de l'espèce.

[24] Le nazisme et plus généralement le fascisme et le racisme se fondent scientifiquement sur le darwinisme social.

[25] Pour justifier la fatalité de la violence comme inhérente à la nature humaine qui serait la continuité de l'animalité, certains avancent l'argument de l'instinct de chasse, animal par excellence, qui survit chez les chasseurs modernes alors même que la chasse n'est plus utile à la survie de l'individu et de l'espèce, du moins dans les sociétés dites avancées. S'il est vrai qu'il existe encore des chasseurs là même où la chasse n'est plus nécessaire à l'alimentation, il ne faut pas oublier que, collectivement, l'humanité, avec cette révolution fondamentale que furent l'agriculture et l'élevage, a rompu avec la période précédente de la chasse et de la collecte et que c'est par cette révolution que, en tant qu'espèce, elle a réellement rompu avec l'animalité plus que par l'utilisation, puis la production d'outils que l'on retrouve chez certains animaux. Du point de vue de l'espèce, en devenant agriculteurs et pasteurs, les humains ont cessé d'être ces prédateurs primitifs qu'étaient les chasseurs ; par là-même, ils ont véritablement cessé d'être des… animaux.

[26] La transmission par descendance de facteurs génétiques et psychologiques structurerait/conditionnerait le comportement humain et définirait ainsi l'humanité par l'accumulation et la reproduction de ces facteurs. Il y aurait donc des facteurs primitifs – pré-humains – dans l'homo sapiens sapiens qui relèverait toujours de l'animalité et, parmi ceux-ci… la violence. Or, si la science, tant chez les animaux que chez les humains, a pu mettre en évidence des facteurs, endogènes ou exogènes, d'agressivité, elle n'a en revanche isoler ni gêne, ni même seulement instinct d'agression et, plus précisément, de violence !

[27] Au double sens d'aptitude et de nécessité.

[28] Par déchéance comme dans l'aliénation religieuse, l'asservissement…

[29] Le renoncement.

[30] Par là-même, ils admettent que la loi du capital s'est substitué à la loi de la jungle ou bien encore que la loi du capital n'est qu'une autre forme de la loi de la jungle !

[31] En matière de survie de l'espèce, ces mêmes peuples primitifs pratiquent différentes formes de coopération sexuelle : la polygamie, la polyandrie, le mariage collectif, l'amour libre…

[32] Et… religieuse !

[33] Le choix humaniste et, singulièrement, anarchiste est de ne pas faire le choix de la violence mais celui de la coopération, de l'association, de la fraternité…

[34] Qui n'est pas nécessairement négociation et qui n'emporte pas nécessairement compromis, voire compromission !

[35] C'est la tolérance au sens propre et noble du terme qui n'a rien avoir avec la tolérance que concède le maître, le dominant… et qui peut être retirée du fait du seul bon vouloir de ce dernier. La véritable tolérance est définitive, entière, irréversible.

[36] Cette lapalissade n'est que d'apparence quand on sait que, souvent, le dialogue n'est en fait que la juxtaposition de deux monologues !

[37] Qui, au sens strict, n'est pas le règlement du problème mais la suppression, par la contrainte, de l'énoncé du problème !

[38] Qui peut être celui de l'évolution, de la transformation, du développement, du progrès, de la pathologie… mais aussi de la régression, de l'éclatement, de l'absorption, du dépérissement,…de la mort.

[39] Une liberté qui, bien entendu, ne saurait être absolue au sens où elle ne tiendrait compte ni des contraintes, ni des potentialités !

[40] Comme les anciennes corporations de métier et, plus tard, les syndicats.

[41] Comme le fit la bourgeoisie pour abolir la royauté, libérer l'économie et installer son propre pouvoir, c'est-à-dire l'ordre bourgeois.

[42] Même s'ils peuvent revêtir un aspect politique, culturel, religieux…

[43] Cela n'empêche pas que, dans le face-à-face d'une foule anonyme de manifestants et d'une cohorte anonyme de policiers, la Police peut préalablement repérer tel ou tel individu sur lequel elle exercera, de façon ciblée, une violence spécifique plus ou moins proportionnée.

[44] La partie adverse renonçant à recourir à l'usage de le violence et, plus simplement, à entrer dans un rapport de force. C'est, par exemple, le défaitisme par anticipation.

[45] Comme illustration de ce second motif je citerai : le juif – antisémitisme historique -, le communiste, l'anarchiste, l'ennemi de l'intérieur – la fameuse cinquième colonne -, le pacifiste, le traître, l'hérétique, l'étranger, le franc-maçon, l'athée, le fasciste, le révisionniste, le déviationniste…

[46] Il est vrai… bonnes puisque… bourgeoises

[47] Révolutions, putschs…

[48] À l'exception de certains droits particuliers, c'est-à-dire de… tolérances !

[49] Je rappelle que la violence n'est aucunement un problème de morale  puisqu'elle est a-morale. Ainsi, aucune morale ne peut définir a priori ou reconnaître a posteriori une bonne violence et une mauvaise violence. En revanche, du point de vue de l'individu, l'éthique permet de qualifier une violence d'acceptable ou d'inacceptable au regard de sa finalité – pour quelle fin est-elle mise en œuvre ? -, de ses effets et, plus précisément, du coût de ses effets – à supposer que la fin soit juste, le gain obtenu par le recours à la violence est-il supérieur ou inférieur au prix payé ? – et, surtout, de la réponse apportée à cette question cruciale : n'y a/avait-il définitivement aucun autre moyen que le recours à la violence ?

[50] C'est la tolérance au sens propre et noble du terme qui n'a rien avoir avec la tolérance que concède le maître, le dominant… et qui peut être retirée du fait du seul bon vouloir de ce dernier. La véritable tolérance est définitive, entière, irréversible.

[51] Quand bien même elle serait minoritaire et non majoritaire.

[52] Aucune page de l'Histoire est silencieuse. Même étouffés par le capitonnage d'une cellule de prison ou d'hôpital psychiatrique ou de la peur, par l'éloignement du bagne, du goulag ou du bannissement… les cris finissent toujours par retentir et être entendus pas l'Histoire.

[53] L'État qui intervient alors, au nom de sa légalité et de l'intérêt général, pour réinstaurer l'ordre public qui a été perturbé par des désordres de factieux alors que l'intention d'origine était bien de perturber l'ordre de l'État.

[54] Cette forme subtile de violence qui, sans légitimité ni légalité, est une arme, défensive ou offensive d'une redoutable efficacité.

[55] J'ajouterai qu'il existe une autre technique policière qui consiste à conditionner à la violence les chiens de garde de l'ordre. Elle consiste, en préalable à une manifestation, à faire stationner la meute le plus longtemps possible dans des conditions les plus inconfortables possibles de telle sorte que, en accumulant un maximum d'énergie, faute de pouvoir, par exemple, se mouvoir, la meute ait véritablement un besoin physiologique de dépenser ce surplus énergétique et que, à peine lâchée, elle… se déchaîne (à l'image du chien qui, enfermé pendant des heures, dans un caisson, se met à courir comme un fou dés qu'on le libère) ! Ce conditionnement a également une dimension psychologique : l'inconfort prolongé infligée à la meute se traduit pour elle, en toute objectivité, par une véritable souffrance. L'art du meneur de meute consiste à lui faire croire que ce n'est pas lui qui est responsable de cette souffrance mais… le manifestant ; dés lors, par cette véritable régression à l'animalité, la meute, lâchée, n'a qu'une seule envie : se venger du manifestant qui l'a faite souffrir, comme le cien n'a d'autre envie que de mordre la main qui l'a frappé et donc fait souffrir !

[56] Même s'il n'a aucun fondement légal et doit parfois être organisé dans la clandestinité.

[57] Qui ne sont jamais qu'une modernisation des anciens cahiers de doléances !

[58] A ce sujet, j'indiquerai une constante historique de tous les ordres : celle de ne pas savoir lire et comprendre l'Histoire pour en tirer toutes les conséquences nécessaires. Ainsi, l'Histoire démontre que la victimation de l'opposition par la répression policière, judiciaire et (para)militaire ne fait, en définitive, que renforcer cette opposition. Ainsi, sauf à faire dans la terreur totalitaire des versaillais, des nazis, des staliniens et autres dictateurs ou, pire encore, dans l'extermination systématique de type génocide, la martyrologie d'une cause ne fait que renforcer la détermination de ses militants et augmenter ses effectifs !

[59] Qui peut être dirigé aussi contre des entreprises que des Services publics mais, également, le système démocratique lui-même avec le boycott des urnes qui, par sa ponctualité et son effet de masse, est différent de choix politique de ne pas participer audit système : l'abstentionnisme telle qu'il est largement prôné par l'anarchisme.

[60] Et qui, de la sorte, régresse de l'humanité vers l'animalité !

[61] Il n'y a de choix véritablement fait que… positif.

[62] Qui, pour la plupart, ont été sinon scientifiquement, du moins rationnellement établies par Clausewitz.

[63] Ou, ce qui revient au même, de défaite de l'adversaire.

[64] L'art de la guerre (ou de la révolution) n'est pas pour autant une science exacte comme l'est la physique et l'Histoire abonde d'exemples de calculs erronés lourds de conséquences : défaites au lieu de victoires, insuffisance de ressources pour préserver les gains acquis (par exemple, territoires conquis dont il faut finalement se retirer), coût tellement prohibitif de la victoire que, exsangue, l'ordre victorieux – empire, féodalité locale, colonisateur… - finit pas s'effondre et par disparaître dans les sables du passé…


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