Quand la fumée se fait poudre aux yeux

 "Un jour, il y aura autre chose que... le jour".

Boris Vian

Ce sont les conquistadors qui ont introduit le tabac en Europe, au XVIème siècle, car il s'agit d'une plante du nouveau monde, naturellement inconnue dans l'ancien.

L'usage indien du tabac était strictement chamanique : rituels d'initiation, de guérison… à l'exclusion donc de la vie courante, sociale oui privée. Il était alors fumé, mangé ou bu.

Au début, le tabac consommé en Europe était importé d'Amérique sous la forme de feuilles séchées (ou, plus exactement, que l'on faisait sécher pendant la traversée). Ce tabac américain était alors très fort parce que naturellement riche en nicotine. Substance rare et précieuse, il était fumé occasionnellement dans les salons aristocratiques ou dans certains estaminets. Il s'agissait alors de garder le plus longtemps possible la fumée, que l'on inhalait le plus profondément possible, afin d'en optimiser les effets de nature stimulante et, pour certains, psychotrope (il ne fut en revanche pas bu ou mangé).

Parce qu'il était rare (et donc… cher) et "fort", le tabac resta d'un usage confidentiel pendant longtemps. Cela n'empêcha pas les autorités civiles et religieuses (pour elles, le tabac était une plante du… diable !) de presque tous les pays européens de s'en inquiéter et de l'interdire jusqu'à frapper de peine… de mort toute personne surprise en sa possession !

Malgré son interdiction, le tabac continua d'être importé ; il fut même acclimaté pour donner diverses variétés européennes (certaines furent réimportées en Amérique du Nord pour y donner le célèbre tabac de Virginie) moins "fortes" et donc plus facilement fumables.

A la différence de nombreux autres stimulants mais aussi de l'opium, de la morphine, de l'héroïne, des amphétamines… le tabac, surtout lorsqu'il est fumé, provoque une accoutumance quasi immédiate. C'est pourquoi, la progression de sa consommation se faisant de façon irréversible et… exponentielle, les États changèrent leur fusil d'épaule et se mirent à le "tolérer" au point d'en faire un monopole de production et/ou de commerce… d'État, source de revenus appréciables en constante augmentation et ce, alors même que la nicotine est nocive au point d'être… mortelle [Lorsque le tabac est fumé, la nicotine est pour une large part… brûlée, ce qui fait que sa "prise" n'est pas mortelle ; mais si l'on fait tremper un cigare de type "barreau de chaise" dans de l'eau jusqu'à ce que celle-ci devienne noire, on obtient un liquide qui est un véritable poison mortel puisqu'il suffit à tuer une personne, même si elle est accoutumée au tabac].

Très rapidement les "autorités" médicales ont découvert les propriétés nocives du tabac, en particulier dans le cadre d'une consommation courante. Cela n'a pas empêché les États de passer outre en raison des profits retirés de la commercialisation légale du tabac (taxes), profits d'autant plus "faciles" que le marché est captif pour cause de… dépendance physiologique (et psychologique) et qu'il ne peut donc que s'accroître !

C'est cet appât du gain facile qui explique que des médecins, "payés" à la fois par les États et les fabricants-vendeurs de tabacs (sous la forme de produits finis : cigarettes, cigares, tabac à pipe, à priser, à mâcher..) ont vanté les mérites du tabac et, en particulier, ses capacités de stimulation, de concentration, de relaxation, d'"antisepsie", de "décongestionnement" (du nez, de la gorge…), …, que le cinéma, la littérature, l'iconographie… états-unien lui ont accordé une place omniprésente,… souveraine, que, dans toutes les armées occidentales, la ration quotidienne du troupier contenait (au moins) un paquet de cigarettes…

Avec le temps, les États (occidentaux du moins) ont dû admettre que l'usage courant du tabac, notamment à fumer, avait des effets nocifs, pour ne pas dire ravageurs non seulement pour celles et ceux qui en consomment mais également pour l'environnement (cf. le tabagisme passif). Aussi, mais sans remettre en cause son monopole sur la fabrication et la commercialisation là où il existe, les États ont engagé de soi-disant campagnes contre… le tabac.

Pure hypocrisie ! Tartufferie de mauvais aloi ! Puisque… les États continuent de taxer le tabac et d'encaisser ainsi des revenus qui, même si le nombre de fumeurs-euses tend à diminuer[1], vont en augmentant puisque leur "assiette" (le prix de vente au détail) en fait de même.

Il n'est pas dans mon propos de rédiger un article de fond sur le tabac en développant des arguments médicaux, sociologiques, ethnobotaniques, économiques… mais de pointer une double contradiction de l'État :

Une contradiction de plus… mais cela est parfaitement normal, je dirais même volontiers… "naturel" puisque l'État est l'antinomie d'une société véritablement humaine, c'est-à-dire libre, égale et fraternelle ! Une contradiction qui, à l'instar de toutes les autres, participe de l'essence même de l'État et ne peut donc pas être dépassée comme le croyaient (et le croient encore ?), c'est-à-dire ne peut pas être réglée dans son "cadre" même (l'État). Une contradiction qui, parce qu'elle fait obstacle, avec toutes les autres, à une société humaine doit être… supprimée par l'anéantissement de… l'État !



[1] Cela reste à prouver car si l'interdiction de la publicité du tabac, conjuguée avec des augmentations conséquentes des prix de vente, a, dans un premier temps, entraîné une diminution des ventes, en particulier chez les jeunes, il semble bien que la consommation, chez les jeunes spécialement, soit… repartie de plus belle en raison d'une contrebande organisée, à l'échelle mondiale, par les fabricants eux-mêmes, à commencer par les sociétés étasuniennes !


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