Interdit… d'interdire ?

 

Depuis l'aube des temps, la Société, à travers ses divers ordres – le souverain, puis l'État et ses sous-ordres que sont la Police, la Justice, l'Armée… ; les religions, les corporations, la morale… -, à chaque fois qu'elle est confrontée à un problème énonce et institue des interdictions (de faire, de dire…., voire même de… penser), qu'elle assortit de sanctions – de peines – en cas d'infraction ou énonce et institue un régime préalable d'autorisation.

Mais quels sont donc ces problèmes ?

Étant de nature variée et, en fait, quasi illimitée, il n'est pas possible d'en dresser un état, même schématique, ou d'en donner une liste significative d'exemples. Il est donc préférable de les présenter sous la forme de problématiques, c'est-à-dire de les énoncer au regard de leur finalité :

Ainsi, de nos jours, en France :

On pourrait multiplier les exemples à l'infini. Là n'est pas l'intérêt. Examinons plutôt les… problèmes que posent ces régimes d'interdiction et d'autorisation préalable :

Une des légitimations régulièrement avancés pour ces régimes est que leur objet est de préserver les libertés individuelles contre les excès de certains individus. Dés lors qu'elle est encadrée par la Loi et, a fortiori, par le Règlement – le fait du prince -, une Liberté cesse d'être un droit universel et inaliénable pour devenir une… liberté surveillée. Ce qui est autorisé ne participe pas de la liberté mais de la tolérance, de la permission, de la grâce, de la faveur, du privilège…  Ce qui relève de l'interprétation – d'une interprétation soumise, qui plus est, à un relativisme aussi universel qu'arbitraire – n'émarge ni au Droit, ni à la Justice mais au pouvoir et à la force. La liberté est absolue ou elle n'est pas. Elle ne saurait se découper, se discriminer, se relativiser, se spécifier, s'immatriculer, se déduire, se quémander…

Un régime d'interdit et d'autorisation préalable n'interdit pas et ne prévient pas des abus de liberté : il annihile la Liberté.

Une liberté susceptible d'être interdite ou soumise à autorisation préalable n'est pas constitutive d'un principe de Liberté mais d'une liberté enchaînée, de l'absence de (la) Liberté !



[1] Il s'agit là d'une constitution identitaire négative puisque fondée davantage sur le rejet de l'autre que sur l'affirmation de soi et, par conséquent, le refus de la différence. Ce mécanisme de construction identitaire n'est pas le fait des seuls régimes se réclamant ouvertement de la xénophobie ; il est de l'essence même de tout nationalisme et donc, nécessairement, de tout Etat-nation.

[2] Lorsqu'il n'existe objectivement pas d'autre à constituer en bouc émissaire, diverses méthodes sont régulièrement mise en œuvre pour en créer un de toutes pièces (propagande, harangues politiques religieuses, lynchage médiatique, nationalisme sportif…) quitte à ce que la Société considéré s'ampute d'une partie d'elle-même pour pouvoir donner corps (social) à l'autre, au non-soi et, ainsi, lui permettre de désigner le bouc émissaire (homosexuels, communistes, hérétiques, sans-papiers…).

[3] Qui, eux, en fait, ne sont pas traités comme des délinquants mais comme… des hommes/femmes d'affaires !

[4] Prenons deux exemples : le Code de la Route énonce toute une série d'interdictions qui, en cas d'infraction, ouvrent droit à des amendes. Y a-t-il véritablement égalité devant ces interdictions entre le propriétaire d'une Ferrari et celui d'une Super 5 ? Une amende de 250 F est-elle égalitaire selon qu'elle frappe un personne assujettie à l'impôt sur les grandes fortunes et le bénéficiaire du R.M.I. ? Autrement dit, une inégalité de revenu n'institue-t-elle pas une inégalité devant la Loi dés lors qu'au-delà d'un certain niveau de revenu on peut aisément enfreindre une interdiction en s'acquittant d'une sorte de droit à l'infraction ? De même, il existe de nombreuses interdictions de pollution qui ne sont pas respectées par de nombreuses entreprises dans la mesure où, en s'acquittant d'une amende ou dune taxe, elles considèrent qu'elles ont acquis un droit de pollution, droit que, à l'évidence, n'ont pas celles/ceux qui n'ont pas les moyens de payer ces amendes ou taxes.

[5] On peut s'interroger sur l'éventuelle finalité qui présiderait à l'organisation délibérée d'un tel univers kafkaïen quand on constate que, d'une part, il en résulte un accroissement de pouvoir et donc d'autorité des tenants de l'ordre considéré aux dépens du simple citoyen qui est totalement – et pour cause – perdu dans ce dédale obscur qu'est cette diarrhée réglementaire – son égarement est d'autant plus lourd de conséquence pour lui que, bien entendu, on ne manque pas de lui opposer le fameux adage "Nul n'est sensé ignoré la Loi" alors même que nous ne somme pas dans la Loi mais dans le Règlement, pas dans le Droit mais dans la Force ! – et que, d'autre part, dans la sphère économique, des experts en kafkaïsme - véritables psychiatres spécialistes de la paranoïa administrative ou gastro-entérologues spécialisés dans l'administra, variante de la tourista, autrement dit de la diarrhée réglementaire -  savent jouer des contradictions, des silences, des confusions, des lacunes, des excès de précision… de ces régimes pour se placer au dessus ou en dehors du Droit/Règlement !

[6] Ce mot de gratuité n'a pas un sens économique (absence de coût à supporter, de coût à payer) . Il renvoie seulement à une notion de sociabilité : les pratiques considérées sont le fait d'individus ou de groupes d'individus à raison de choix personnels ou collectifs – exemple : consommation d'alcool, usage de stupéfiants, homosexualité, incroyance… - faits en dehors de toute logique marchande.

[7] C'est là le fondement de l'éducation comme du dressage !

[8] Cela est  vrai pour l'individu comme pour le groupe. Signalons en outre que l'infraction de la règle (du dehors) constitue régulièrement une source de plaisir jouant à la fois sur la peur d'être pris (et puni), le goût du risque et de la bravade, le piment de la provocation, le calcul économique (le ratio avantage potentiel/coût risqué)… Notons aussi que dans le traditionnel jeu du gendarme et du voleur, spontanément, l'enfant a tendance à jouer le voleur, c'est-à-dire celui qui enfreint la Règle et non celui qui la fait respecter.

[9] La meilleure des prisons n'est pas faite de murs et de barreaux ; elle est de chair et d'individu : elle est l'individu prisonnier de lui-même" (Graffiti anonyme).

[10] On notera que si l'intelligence est généralement déniée aux citoyens, elle leur est tout de même ponctuellement reconnue au moment des élections ! Et encore, cela reste à prouver car l'effectivité d'un vote intelligent reste à démontrer !


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