Droits et devoirs
Réflexions personnelles
"Le devoir de ne pas faire son devoir est souvent le seul
devoir".
GOURMONT, Rémy de : Le Devoir...
"La paresse n'est pas un droit mais un devoir qui nécessite un réel
apprentissage tant nous sommes convaincus que « la » société nous
doit tout, nous assiste en tout, alors que notre degré de liberté se mesure à
l'aune de nos initiatives détachées de l'échange monétaire, de nos errances
personnelles, de nos rencontres avec nous-mêmes".
Thierry Paquot
"L'anarchie est la plus haute idée de l'ordre puisqu'elle est
l'ordre sans le pouvoir"
(D'après Élisée Reclus)
a) Faculté d'accomplir ou non quelque chose, d'exiger quelque chose d'autrui, en vertu de règles reconnues, individuelles ou collectives ; pouvoir, autorisation. On n'a pas le droit de fumer dans les bureaux. Avoir des droits et des devoirs. – Être en droit de : pouvoir. – Faire droit à une demande, satisfaire une demande.
b) Ce qui donne une autorité morale, une influence. Droit d'aînesse. Avoir des droits sur quelqu'un, quelque chose.
c) (Familier) Avoir droit à : ne pas pouvoir éviter quelque chose de désagréable. Vous aurez droit à une amende.
d) Somme d'argent exigible en vertu d'un règlement ; impôt, taxe. Droits de douane. Droits d'auteur.
e) Ensemble des principes qui régissent les rapports des hommes entre eux, et qui servent à établir des règles juridiques. – Droit naturel, droit qui trouve son fondement dans la nature de l'homme et fournit les règles universelles auxquelles doit se conformer, antérieurement à toute spécification du droit, la coexistence des individus et des sociétés. – Monarchie de droit divin, monarchie dans laquelle le roi tient son autorité souveraine de Dieu. – Qui de droit : la personne compétente, qui a l'autorité requise. S'adresser à qui de droit. – À bon droit, de plein droit : à juste titre, légitimement.
f) Ensemble des règles juridiques en vigueur dans une société. Droit coutumier et droit écrit. – Droit positif, droit effectivement appliqué dans une société. – Prisonnier de droit commun, prisonnier dont l'infraction relève des règles de procédure générales et non de dispositions spéciales (par opposition à prisonnier politique). – Droit constitutionnel : ensemble des règles, des institutions et des pratiques relatives au pouvoir politique. – Droit canon ou canonique.
Bien que chaque pays possède son système de droit interne, certains systèmes présentent des ressemblances et des analogies importantes. On distingue ainsi le système des pays latins auquel se rattachent, à des degrés divers, la Belgique, l'Espagne, la France, l'Italie, le Portugal et divers États d'Amérique du Sud ; le système anglo-saxon, qui caractérise le droit britannique, celui des États-Unis et ceux de nombreux États du Commonwealth ; le système germanique, auquel se rattachent l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas et la Suisse ; le système musulman, fondé sur le Coran et la tradition du Prophète (charia), etc. L'évolution du droit contemporain est marquée par une complexité croissante et par un enchevêtrement des branches de droit entre elles. On peut cependant les classer en deux groupes : le droit public (droit constitutionnel, droit administratif, finances publiques, etc.) et le droit privé (droit civil, droit commercial, droit pénal, etc.). Enfin, des droits supranationaux, émanant des organes auxquels les États ont délégué leur compétence, sont en voie de création (droit européen, par exemple).
g) Droits de l'homme : droits et libertés que chaque individu possède du seul fait de sa nature humaine. (Ils ont été proclamés par divers textes solennels, généralement appelés "déclarations" : Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen Déclaration universelle des Droits de l'Homme…)
h) Science des règles juridiques. Faire des études de droit. Faire son droit.
i) Taxe ou impôt (Exemple : Droit de timbre).
Le terme devoir a cinq sens[1]
:
a) Toute action qu'un homme est obligé d'accomplir ou de ne pas accomplir. La cause de cette obligation peut être naturelle — biologique, par exemple — sociale ou institutionnelle. Obligation morale en vertu de laquelle les individus sont tenus d'accomplir ou de ne pas accomplir une action. Obligation particulière liée aux circonstances. Devoir professionnel, civique, religieux. Devoirs religieux. Les devoirs de l'amitié. Avoir le sens du devoir. Homme de devoir, respectueux de ses obligations. – Se mettre en devoir de : se préparer, se mettre à. - Manquer à ses devoirs.
b) En droit (civil) : obligation imposée à l'individu et qui diffère du devoir moral en ce que son observation peut être assurée grâce aux moyens de contrainte dont dispose la société. Ainsi, celui qui n'exécute pas une obligation découlant d'un contrat pourra être assigné en justice par son créancier; celui qui cause d'une manière illicite un dommage à autrui pourra être astreint à le réparer; celui qui enfreint un impératif du système juridique, enjoignant par exemple de ne pas voler, se verra infliger une peine…
c) Charge, office, fonction, responsabilité…, voire… corvée.
d) Travail, exercice écrit que doit faire un élève, un étudiant.
e)
(Ancien) Compagnonnage
; rites et idéal auxquels se soumettait le compagnon. Le Devoir : l'ensemble
des compagnonnages.
N.B. Dans sa forme pluriel il désigne une marque de respect ou de politesse ; hommages. Présenter ses devoirs à quelqu'un. – Derniers devoirs : honneurs funèbres.
Attachons-nous d'abord aux droits et, pour ce faire, en premier, au Droit :
Le Voyage du jeune Anacharsis a pour première qualité de faire découvrir à ses lecteurs la Grèce antique, mais au souci pédagogique de l’œuvre s’ajoute parfois, comme dans ce passage, une réflexion plus contemporaine qui fait écho aux philosophes de son temps, à Rousseau principalement. Parce que la place du philosophe dans la société ne saurait être celle du courtisan, Barthélemy[2] met son érudition au service d’une défense des Lumières du XVIIIe siècle.
Je vais vous dire mon secret, et vous dévoiler celui de presque tous les hommes. Les devoirs de la société ne sont à mes yeux qu’une suite continuelle d’échanges : je ne hasarde pas une démarche sans m’attendre à des retours avantageux ; je mets dans le commerce mon esprit et mes lumières, mon empressement et mes complaisances ; je ne fais aucun tort à mes semblables ; je les respecte quand je le dois ; je leur rends des services quand je le puis ; je leur laisse leurs prétentions, et j’excuse leurs faiblesses. Ils ne sont point ingrats : mes fonds me sont toujours rentrés avec d’assez gros intérêts.
En avril 1792, présentant un rapport sur l’instruction publique, le marquis de Condorcet défend une conception de l’enseignement témoignant de l’imprégnation de la Révolution par l’esprit des Lumières. Il juge que tout homme portant en lui sa propre perfectibilité, une politique égalitariste d’instruction publique permettra de former une société composée d’individus responsables, égaux et opposés au despotisme. Dès lors, parce qu’il détermine l’émergence d’une conscience civique et citoyenne, le droit universel à la pédagogie et au partage de la connaissance cautionne en profondeur le progrès de l’idéal du bonheur commun, vertu nécessaire à l’affirmation d’une vraie démocratie.
En marge de la Déclaration Universelle de L'Homme et du Citoyen, La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791) est l’une des premières expressions revendicatrices des idées féministes développées au siècle des Lumières. Sur le modèle de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, à partir de laquelle s’articule le texte d’Olympe de Gouge, cette publication (qui n’a en définitive jamais été votée ni adoptée par l’Assemblée) réclame l’égalité complète des sexes, en droits et en devoirs.
L'unification du droit a favorisé son expansion qui, dans l'ensemble des sociétés développées, s'est traduite par une hausse très significative du recours au règlement judiciaire des différends, par une prolifération des règles juridiques et par une spécialisation du droit. Alors qu'au début du XIXème siècle les pays de tradition romano-germanique ne connaissaient que le droit privé (c'est-à-dire le droit civil et le droit pénal) et le droit public, encore embryonnaire, on dénombre aujourd'hui une multitude de droits particuliers, comme le droit administratif, démembrement du droit public, ou le droit du travail, le droit commercial, le droit de la famille, qui constituent des démembrements du droit privé, s'appliquant à des publics particuliers ou à des secteurs se signalant par leur technicité (à l'instar du droit aérien, du droit de l'audiovisuel, de la concurrence, de la consommation, de la construction, ou encore du droit régissant la propriété intellectuelle ou du droit de l'immigration). Si cette multiplication de droits particuliers ne remet pas en question le caractère général et abstrait du droit, elle encourt le reproche de rendre beaucoup moins "lisible" le régime juridique en vigueur.
Les philosophes grecs de l'Antiquité furent les premiers à élaborer une doctrine du droit naturel. Au VIème siècle av. J.-C., Héraclite parlait d'une sagesse commune qui pénétrait l'univers entier, "car toutes les lois humaines sont nourries par une loi unique, la loi divine". Aristote distinguait deux catégories de justice : "Est naturelle une règle de justice qui a la même validité en tout lieu et qui ne dépend ni de notre assentiment ni de notre désapprobation. Légale (conventionnelle) est avant tout une règle qui peut être interprétée indifféremment d'une manière ou d'une autre". Les stoïciens et en particulier le philosophe Chrysippe de Soli élaborèrent une théorie systématique du droit naturel. Pour le stoïcisme, le cosmos dans sa totalité est ordonné rationnellement par un principe actif, le logos, indifféremment appelé Dieu, esprit ou destin. Chaque nature individuelle fait partie intégrante du cosmos. Vivre vertueusement signifie vivre en accord avec sa propre nature, vivre selon la raison. La passion et l'émotion étant considérées comme des mouvements irrationnels de l'âme, l'individu sage cherche à se détacher des passions et à mener sa vie selon la raison. Cette doctrine fut diffusée chez les Romains par l'orateur du Ier siècle av. J.-C. Cicéron, qui donna une définition célèbre du droit naturel dans De Republica : "La loi vraie est la raison juste en accord avec la Nature; elle est d'application universelle, invariable et éternelle ; elle invite au devoir par ses commandements et détourne du mauvais chemin par ses interdictions, etc. Les lois ne seront pas différentes à Rome ou à Athènes, et elles ne différeront pas d'un jour à l'autre : une seule loi éternelle et invariable sera valide pour toutes les nations et en tout temps". Dans le Corpus juris civilis, compilation de droit civil romain établi au VIème siècle sous l'empereur Justinien Ier, il est fait état d'un jus naturale, mais on ne trouve ni affirmation de la supériorité du droit naturel sur le droit positif ni justification des droits de l'individu (l'esclavage, par exemple, était légal).
Avec Des lois, écrites au premier siècle avant Jésus-Christ, Cicéron[4] affirme que les lois humaines doivent reposer sur les lois de la nature, c’est-à-dire sur la raison qui fonde les vertus. En effet, le droit ne peut se réduire aux seules lois édictées par le législateur qui ne sont pas toujours justes. C’est une façon pour le grand orateur latin, par ailleurs avocat, de lutter contre l’arbitraire législatif et de proposer une morale politique.
Les chrétiens trouvaient la doctrine du droit naturel des stoïciens tout à fait compatible avec leurs croyances. Paul parlait des païens privés de la loi mosaïque, qui "accomplissent naturellement les prescriptions de la Loi" (Épître aux Romains, II, 14). Le théologien espagnol du VIe siècle Isidore de Séville affirmait que le droit naturel est observé partout par instinct naturel; à titre d'exemple, il citait les lois ordonnant le mariage et la procréation. Les textes d' Isidore cités au début du Decretum (v. 1140) par l'érudit italien Gratien, manuel du droit canon au Moyen Âge, suscitèrent d'intenses discussions chez les scolastiques. L'enseignement de Thomas d'Aquin[5] sur le droit naturel est de loin le mieux connu. Dans sa Somme théologique (1265-1273), il nomme "loi éternelle" le caractère rationnel de la création par Dieu. La "loi éternelle" confère à tous les êtres humains l'inclination à entreprendre des actes et à suivre des buts qui leur sont appropriés. Commandant leurs propres actions et celles des autres, les créatures rationnelles participent de la raison divine elle-même. "Cette participation des créatures rationnelles à la loi éternelle est appelée droit naturel" dont les préceptes correspondent aux inclinations fondamentales de la nature humaine. Aussi est-il possible, de l'avis de Thomas d'Aquin, de distinguer le bien et le mal au moyen de la lumière naturelle de la raison.
Thomas d'Aquin a adhéré au mouvement de redécouverte des philosophes antiques et a alors cherché à concilier les apports des Anciens, parmi lesquels Aristote qu’il tenait pour "le " philosophe, avec la théologie chrétienne. Dans la Somme théologique, Thomas définit la justice comme une vertu qui aboutit à l’égalité. De là l’idée que la justice, à la différence des autres vertus qui ne concernent que l’homme vis-à-vis de lui-même, est essentiellement un rapport à autrui.
S’interrogeant sur les principes du droit naturel, dans les Devoirs de l’homme et du citoyen, Pufendorf[6] conclut à l’existence de trois grandes catégories de devoirs : les devoirs envers Dieu, les devoirs envers soi-même et les devoirs envers les autres hommes. Le principe de sociabilité fonde la dernière catégorie et le droit naturel. Pour autant, l’amour de Dieu et le souci de soi-même n’en sont pas exclus. Il s’agit alors d’aménager ces divers fondements pour trouver un point d’équilibre entre eux.
Au XIXème siècle, l'esprit critique domina les discussions sur le droit naturel. Affirmant que le droit naturel ne peut être démontré, les tenants de l'utilitarisme, formulé par le philosophe anglais Jeremy Bentham, le remplaçaient par le principe du "plus grand bonheur du plus grand nombre" et les adeptes du positivisme soutenaient que le droit ne repose que sur "la volonté du législateur" selon la formule du philosophe anglais John Austin.
À la suite des atrocités perpétrées par l'Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale, le besoin d'établir des normes universelles pour le droit positif se fit ressentir à nouveau, comme le souligna Leo Strauss, théoricien contemporain du droit naturel[7]. La charte des Nations unies (ONU) proclame la "foi" de cette organisation dans les droits de l'Homme et, le 10 décembre 1948, l'assemblée générale de l'ONU adopta la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, qui constitue cependant plus une déclaration morale qu'un traité légalement applicable.
Pour Rawls[8], la première vertu des institutions est la justice. Aux termes de la Théorie de la justice, quatre principes sont dégagés pour que le système légal soit véritablement juste, c’est-à-dire que le rapport entre le droit et la liberté soit équilibré. Le premier est le principe de possibilité qui commande d’édicter des règles qui peuvent être respectées. Le second est le principe d’égalité qui commande de traiter également les cas semblables. Le troisième est le principe de légalité qui exige que les lois soient connues et édictées. Le dernier est le principe d’impartialité du procès dont les procédures doivent assurer l’équité et la transparence du règlement judiciaire des litiges.
Que celui qui a des yeux regarde,
Que celui qui a des oreilles écoute,
Réaffirmant que les êtres humains sont invariablement égaux en droit et en dignité,
considérant que l'universalité, deux siècles après la proclamation révolutionnaire des Droits de l'Homme, est une réalité de l'existence humaine,
que le monde moderne menace autant qu'il encourage la libre expression des différences,
que le respect des patrimoines naturel et culturel est une question de survie,
que plus rien n'échappe à la responsabilité individuelle et que seule l'éducation en permet le développement,
que plus rien ne peut, à l'ère de la communication, justifier le manque de dialogue et les guerres qui s'en suivent, que la paix est plus que l'absence de guerre, qu'elle passe en particulier par la solidarité et la tolérance,
que le progrès scientifique doit libérer l'être humain et non l'asservir,
nous, jeunes des quatre coins de la planète, réunis en convention par notre seule volonté, sans autre légitimité que le désir ardent d'être activement des citoyens du monde,
persuadés de ne pas avoir atteint la perfection ni de détenir la vérité,
proclamons avec le ferme engagement d'en rechercher l'application, les Droits et Devoirs suivants :
Article
1
Tous les êtres sont universellement égaux et particulièrement différents.
L'égalité universelle et les différences particulières doivent être respectées.
Article
2
Le
fondement du pouvoir politique au sein de l'État
réside dans l'assentiment de toute sa population.
Les
États ont le devoir d'assurer les conditions
de la démocratie. Ils doivent notamment respecter,
sans pour autant méconnaître les libertés
individuelles, l'identité des communautés et
des peuples, favoriser leur développement,
contribuer à l'épanouissement de toute forme de groupe
d'expression et à l'information des personnes.
La
communauté internationale,
comprise comme l'ensemble des juridictions internationales,
les peuples, les organisations non gouvernementales
et toute personne ont le devoir de veiller
à ce que tout État souverain, toute institution ou
toute personne ne porte atteinte aux droits fondamentaux
de l'être humain.
Une
instance supranationale, indépendante,
avec des règles de fonctionnement démocratiques,
doit garantir la protection de ces droits et la préservation de la paix.
Article
3
Nous sommes tous citoyens du monde.
Tout
être humain a le droit à au moins une citoyenneté
et le droit de changer cette citoyenneté.
Nul ne peut être déchu de sa citoyenneté.
Toute
personne résidant dans un pays
a le plein droit à l'égalité
devant le droit national en respectant l'intégrité des autres individus.
Cela inclut le droit à la participation civile, sociale,
économique et culturelle et au libre déplacement.
Article
4
Toutes
les applications de la science
doivent être soumises au plus large consensus social.
Tout
être humain doit être informé
et pouvoir bénéficier des ressources
que l'avance de la science et de la technologie met à son service.
Aucune expérimentation sur l'être humain
ne peut être tentée sans le consentement du sujet.
Aucune intervention ni expérimentation sur l'être humain
ne peut en elle-même être source de profit.
L'être
humain possède une identité
physique, génétique et mentale
dont la diversité doit être respectée et protégée.
Il ne doit pas être agent de sélection de sa propre espèce.
Article
5
L'environnement naturel est patrimoine commun de l'Humanité.
L'être
humain a droit à un environnement de qualité, varié,
équilibré et approprié au développement de la vie de toutes les espèces.
Tout
individu a le devoir de conserver l'environnement
en faveur des générations présentes et futures,
en particulier par l'utilisation responsable des ressources naturelles.
Les
peuples dont le mode de vie et la culture
sont intimement liés à un milieu naturel
ont droit à la conservation de ce milieu.
Tout pays a le devoir d'offrir une éducation de base sur l'environnement.
Tout
individu a droit à des sources d'information
pluralistes sur l'état et la conservation de l'environnement.
Il doit être consulté avant toute action pouvant modifier l'environnement.
Tout
individu a le droit de participer aux décisions
sur l'environnement et éventuellement de s'y opposer,
notamment en saisissant une instance nationale ou internationale.
Sous
aucun prétexte, aucune entité,
gouvernement, entreprise, ou individu n'a le droit
de faire peser une menace sur l'environnement.
Un État ne peut en particulier invoquer son développement économique,
sa sécurité ou sa souveraineté nationale.
La
communauté internationale s'engage à
organiser une coopération pour la conservation planétaire de
l'environnement.
Article
6
L'espace
extra atmosphérique et tous les corps célestes,
constituant le patrimoine commun de l'Humanité,
ne peuvent faire l'objet d'une appropriation d'aucune sorte.
L'accès y est donc libre et égal pour tous.
Les activités humaines y bénéficient de ce même régime de liberté dès lors :
-
qu'elles sont menées au bénéfice de l'humanité tout entière et que,
à cet effet, elles sont pacifiques et civiles;
- qu'elles respectent les souverainetés nationales
-
qu'elles accordent une attention particulière à
l'élimination des inégalités de développement dans le monde.
Toute
forme d'exploitation de l'espace doit
strictement reposer sur le principe d'équité.
L'espace
extra atmosphérique et tous les corps célestes
doivent être préservés au même titre que l'environnement terrestre
en raison de leur égale importance pour la survie de l'humanité.
Les
contraintes liées à l'adaptation de la vie dans l'espace
ne peuvent justifier une quelconque atteinte aux droits de la personne
humaine.
Ces contraintes imposent un devoir particulier d'assistance et de coopération.
L'informatique
doit être au service de chaque individu
et chacun a un droit égal à ses bénéfices.
Ce
droit s'exerce au moyen d'une coopération internationale
et d'un transfert de données équilibré et contrôlé.
Un
système éducatif approprié doit garantir
un développement harmonieux et non discriminatoire
de l'informatique dans le respect de la culture,
de la personnalité et de l'environnement
de chaque individu et de chaque peuple.
L'enregistrement
d'informations nominatives
et l'accès à ces informations ne peuvent être autorisés
que si les intéressés en sont informés
et bénéficient d'un droit de rectification.
L'utilisation
de telles informations ne peut
en aucun cas porter atteinte à la vie privée
et aux droits fondamentaux de l'individu.
Aucun
individu, aucune organisation publique ou privée
ne peu rassembler ni enregistrer des données personnelles
sur des individus sans leur consentement préalable.
Tout système déjà constitué doit également
être porté à la connaissance des personnes intéressées
et tout fichier à caractère personnel doit être détruit
dès qu'il n'a plus raison d'être.
Toute
personne doit bénéficier d'une protection
de son intégrité, de sa dignité et de sa liberté
contre les excès ou les erreurs de l'informatique.
Une décision concernant un individu ou une société prise
à la suite d'un processus informatisé ne peut s'imposer
sans qu'un recours spécial n'ait pu être exercé.
L'ensemble des protections des personnes et des sociétés
doivent s'établir dans le cadre d'une éthique de l'informatique.
Article
8
Tout
être humain a le droit à la liberté
d'expression et de communication.
Ce
droit comprend celui de ne pas être inquiété pour ses
opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre sans
considération de frontières, les informations et les idées
par quelque moyen que ce soit, en éliminant toute sorte de
contrôle, de censure ou de manipulation de la part des États ou
des groupes de pression.
Ce
droit exige l'accès garanti aux moyens culturels et techniques de la
communication pour chaque être humain.
Protectrice
de la vie privée des personnes et de la
sécurité publique, la loi doit en outre garantir
l'indépendance et le pluralisme des médias.
Toute
nation a le droit de diffuser et de recevoir l'information en pleine
égalité de conditions sans que les progrès technologiques
en matière de communication aggravent la soumission de certains pays
vis-à-vis d'autres pays.
Article
9
Doivent
être garanties les conditions économiques,
sociales, et légales permettant aux femmes d'exercer leurs droits
civils, politiques, sociaux, économiques, culturels et à
l'éducation.
Doivent
être préservées en toutes circonstances et de
manière permanente l'intégrité physique et psychologique
des femmes et la libre disposition de leur corps en accord avec leurs
convictions ce qui implique l'accès sûr, libre et gratuit à
l'éducation sexuelle et à l'utilisation des méthodes
contraceptives et le droit de décider de leur maternité.
Toutes
les pratiques mutilatrices, surtout lorsqu'elles sont sexuelles,
I'exploitation de la femme, la violence à son égard, constituent
une violation de son intégrité.
Les
femmes peuvent choisir le mariage ou le divorce dans des conditions
égales et équitables. Le choix de leur maternité ne doit
pas porter atteinte à l'exercice de leurs droits.
Article
10
Tous
les enfants doivent être égaux entre eux, quelle que
soit leur filiation. Ils ont droit à la même protection sociale.
L'enfant
a droit à une nutrition saine, à un logement
décent, à être vêtu et à une protection
suffisante de sa santé.
Tout
enfant a le droit de développer sa personnalité, sa
spiritualité, sa propre identité et sa créativité
par l'exercice d'un droit à la famille, à la nationalité,
à la citoyenneté, à l'éducation et aux loisirs.
L'enfant
ne doit pas être utilisé dans les conflits quels qu'ils
soient. Il ne doit pas subir d'abus d'ordre économique, sexuel, physique
ou psychologique de la part de ses parents ou d'une tierce personne.
Tout
enfant, personne à part entière, a le droit à la
parole, de s'exprimer dans sa propre langue, à une information
pluraliste, de s'associer.
Il a le droit d'être représenté et défendu devant la justice.
La
communauté internationale s'engage à donner la priorité
aux droits des enfants, principalement en cas d'urgence, et à les
promouvoir, par des moyens multiformes, en particulier financiers, par
l'adoption des instruments juridiques appropriés. Des mesures
spéciales de sanction devront être prises à l'encontre des
pays violant les droits des enfants.
Article
11
Toute
personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer
un état de complet bien-être physique, mental et social.
L'égalité
d'accès aux soins médicaux, aux services
sociaux nécessaires, de même que l'accès à
l'information adaptée doit être assurée.
A ce
titre, la solidarité doit être mise en oeuvre aussi bien au
niveau national qu'international.
Toute
personne a droit à une assistance adéquate en cas de
chômage, de maladie, d'invalidité, ou dans les autres cas de perte
de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa
volonté.
Nul
ne doit subir de discrimination liée à une maladie.
Toute personne infectée ou malade doit être particulièrement
soutenue et protégée par la société tout
entière qui doit mettre en place un programme global et une politique de
prévention et de soin respectant le droit à la dignité et
à l'intégrité de la personne humaine.
Tout
être humain dûment et complètement informé de
son état de santé a le droit au respect de son choix de mourir
dans le cas d'une souffrance grave et irréversible.
Article
12
La
collectivité doit assurer une protection à toute
personne sans emploi. Tout individu a droit à une formation et à
une information professionnelles permanentes pour s'insérer, s'adapter,
se promouvoir ou se réinsérer dans la vie professionnelle.
La
société doit être garante du respect des libertés
individuelles et collectives des travailleurs de même que de la mise en
oeuvre d'une politique sociale pour tous.
Le
travailleur doit participer à la vie de l'entreprise et
bénéficier de ses résultats.
Toute
personne a un droit égal à rechercher, à obtenir et
à conserver dans la dignité un travail.
Article
13
Les handicapés ont droit :
- à l'égalité des chances, à la dignité, à la citoyenneté ;
- au respect de leur liberté de choisir leur mode de vie ;
- à
la reconnaissance de l'égalité d'accès
à tous les domaines de la vie sociale : éducation, formation,
emploi, logement, transport, loisirs, culture, moyens de communication
et tout ce qui permet leur intégration effective et leur autonomie ;
-au respect de leur participation aux services qui leur sont désignés ;
- au
développement des technologies élaborées de
préférence par et pour les handicapés.
Article
14
L'objectif
du Droit pénal est d'assurer le respect des Droits de
l'Etre Humain et non de faire prévaloir l'intérêt de l'État.
Les méthodes
d'investigation durant la procédure doivent
respecter la dignité humaine et la présomption d'innocence.
Le droit du public à être informé ne doit pas violer ces principes.
Chacun
a droit au service d'un interprète ou d'un traducteur à
chaque étape de la procédure.
L'accusé
a le droit de choisir un avocat ou d'être défendu
gratuitement s'il n'en a pas les moyens.
Les
États doivent garantir la libre circulation des avocats de toute
nationalité sur les territoires.
Le
but principal de la sanction est d'éviter la perpétuation de
l'infraction et d'assurer la réinsertion du condamné.
Un
traitement humain, des soins médicaux, I'enseignement et le contact
avec le monde extérieur doivent être assurés en prison.
La
peine de mort et la torture sont incompatibles avec
les droits de l'être humain.
Les
organisations non gouvernementales doivent avoir les moyens de
vérifier que les États agissent conformément aux principes précédents.
Article
15
La démocratie
est une condition du développement.
Le développement contribue à l'établissement de la démocratie.
L'objet
du développement doit être la satisfaction des besoins
des individus, en se fondant sur la solidarité et la
co-responsabilité de tous les acteurs économiques.
Toute
personne a le droit d'être informée et de se prononcer
librement sur la politique économique de son pays.
La
justice et l'équité doivent inspirer tous les échanges
économiques internationaux.
Tout
pays a le droit de déterminer librement sa politique
économique et financière et de choisir son propre processus de
développement en accord avec les caractéristiques de sa société.
Tout
pays dispose d'une souveraineté permanente sur ses richesses
naturelles, dans le nécessaire respect de l'équilibre écologique.
Toute
appropriation illicite des biens et des ressources naturelles d'un groupe
ou d'un pays est un fait délictueux imprescriptible.
La communauté internationale a l'obligation de veiller à
la restitution de ces biens à la communauté nationale d'origine.
Article
16
Toute
personne craignant des persécutions de toutes natures
du fait de ses opinions politiques, religieuses, de son appartenance à
un groupe social, une communauté ou un peuple, ou dont les droits
fondamentaux sont violés a droit à un territoire d'accueil.
Tout
État d'accueil a le devoir de traiter ces personnes
de la même manière que des nationaux.
Il
appartient à tous les États de garantir aux personnes
déplacées suite à une catastrophe naturelle ou à
un conflit le soutien économique et social nécessaire aussi
longtemps que ces personnes en ont besoin.
L'égalité
des réfugiés devant ce droit est garanti
par l'institution d'un organisme supranational et indépendant,
compétent pour décider du statut de réfugié.
Cet
organisme doit veiller à ce que les États, en fonction
de leur situation économique et sociale, participent équitablement
à l'accueil des règles.
Article
17
La
protection des Droits de l'Etre Humain et la préservation
de la Paix sont le devoir de tout individu.
Tous
les gouvernements et toutes les entités gouvernementales
ont l'obligation de prévenir et d'empêcher tout conflit armé.
La
production, le commerce, la détention et l'utilisation des armes
doivent être strictement limités et contrôlés.
Le réarmement
et la course aux amendements constituent un péril
et une grande menace pour l'ensemble de l'humanité.
Toute
tentative, externe ou interne, d'extermination et de destruction
du patrimoine culturel d'une communauté ethnique, culturelle ou religieuse
est un crime contre l'humanité.
Article
18
L'établissement
d'un État souverain et indépendant,
la libre association ou l'intégration dans un autre
État indépendant ou l'apparition
de n'importe quel autre statut politique
choisi librement par un peuple constituent
les modes d'expression du droit
à l'autodétermination de ce peuple ayant une langue,
une culture et une histoire commune.
Tout
groupe ethnique, linguistique, religieux ou ayant un système
socio-économique distinct du reste de la population se trouvant
en position non dominante par rapport à l'ensemble de la population
d'un État souverain dont il fait partie, a droit à une reconnaissance
officielle.
A ces
groupes doivent être garantis, en plus des droits inviolables
prévus dans cette déclaration, ceux qui visent à
la conservation et au développement de leurs singularités et de leur
culture, dans le respect des droits de l'être humain.
Chaque
État doit assurer à ces groupes la possibilité
de participer aux affaires publiques, et en particulier aux décisions
qui les concernent directement
De
manière à empêcher la non-assistance à peuple
en danger, cette garantie de protection
doit être soutenue par un droit international
des minorités auquel tout peuple peut avoir recours
s'il est confronté à une agression
qui porte atteinte à ses justes droits.
Ces
garanties de protection doivent être
soutenues par un droit international des minorités.
Article
19
Tout
système éducatif doit promouvoir les valeurs
et les principes énoncés dans la présente Déclaration.
L'école
doit être instrument de paix et favoriser la formation
sociale ainsi que le développement de la critique créative.
Toute
société doit assurer un enseignement
gratuit et à tous niveaux a ses membres.
Chaque
être humain peut créer librement en tout endroit du monde
des lieux du savoir accessibles à tous et se placer à tout
âge de sa vie en situation d'enseignant ou d'enseigné.
Tout
individu a droit au pluralisme dans les lieux, les contenus, les modes
et les méthodes de transmission et de production de la connaissance.
Les modes d'évaluation scolaire ne peuvent être discriminatoires
envers un groupe ethnique, social ou culturel. Tout individu, tout groupe,
tout État doit être partie prenante et bénéficiaire
de la coopération culturelle internationale qui suppose le respect
de l'identité culturelle définie par chacun
Les
ressources éducatives mondiales
sont patrimoine commun de l'humanité.
ANNEXE
Cette
déclaration est le fruit du vote de 500 jeunes
de 80 nationalités différentes lors d'assemblées plénières
préparées par des débats en colloques.
Chacun
des articles a été approuvé
à la majorité des 2/3 des suffrages exprimés
et a fait l'objet d'un consensus de la part des délégués présents,
eux-mêmes issus de cultures et de milieux différents.
C'est
ainsi qu'un article relatif
au droit pour les femmes à un "avortement libre et gratuit"
a été voté par une grande partie des délégués
mais n'a pas recueilli un assentiment général suffisant
pour être intégré dans le corps
de la déclaration (65 % pour; 23 % contre; 12 % d'abstention).
Ce sont des principes non écrits, mais de portée générale et quasi universelle. Il s’agit, d’une part, des principes communs aux ordres juridiques des États civilisés transposés dans les relations internationales. Sont ici visés les principes tels que l’autorité de la chose jugée, le respect des droits acquis, la réparation du dommage causé.
Au niveau du droit communautaire (européen), à l’origine, les traités instituant la Communauté économique européenne (devenue l’Union européenne à la suite de la ratification du traité de Maastricht) ne contenaient pas de dispositions relatives à la protection des libertés et des droits fondamentaux. Cependant, ils n’excluaient pas le recours, par la cour de justice de Luxembourg, à des sources de droit non écrites. Ils invitaient même la cour à faire référence, dans sa tâche d’interprétation du droit communautaire, aux "principes généraux communs aux droits des États membres".
Se fondant sur ce renvoi et sur sa mission de protéger les droits et libertés, la cour de justice a pallié cette carence. Elle accorde aujourd’hui une large place aux sources non écrites en s’appuyant notamment sur le droit comparé, tout en cherchant à dégager des principes propres à l’ordre juridique communautaire.
Ces principes généraux du droit communautaire sont directement invocables par des particuliers lors de litiges devant nos juridictions nationales. Ainsi, les juges français ont eu l’occasion d’appliquer le principe dit de "confiance légitime", principe jusqu’alors étranger à notre tradition juridique.
·
"Le devoir est la nécessité d'agir par
respect pour la loi". (Idem)
·
"Devoir ! mot grand et sublime, toi qui ne renfermes rien d'agréable,
rien qui s'insinue par flatterie, mais qui exiges la soumission, sans pourtant
employer, pour ébranler la volonté, des menaces propres à exciter
naturellement l'aversion et la terreur, mais en te bornant à proposer une loi,
qui trouve d'elle-même accès dans l'âme et gagne cependant elle-même, malgré
nous, la vénération (sinon toujours l'obéissance), et devant laquelle se
taisent tous les penchants, même s'ils travaillent secrètement contre elle;
quelle origine est digne de toi ? Où trouver la racine de ta noble tige
[...] ?" (Critique de la raison
pratique, 1788)
Une action accomplie en conformité apparente avec le devoir n'est pas nécessairement, pour Kant, une action morale ; pour qu'elle le soit, il faut qu'elle ait été accomplie par devoir, c'est-à-dire par pur respect de la loi morale.
Expression-formulation d'une morale, religieuse ou civile, le devoir est, pour reprendre l'expression de Kant dans ses Fondements de la métaphysique des mœurs, un impératif catégorique, c'est-à-dire, un commandement que se donne la raison pratique à elle-même. Cet ordre moral implique un acte qui doit être réalisé de manière inconditionnelle (à la différence de l’impératif hypothétique) et nécessaire, et peut être formulé ainsi : "Agis de telle sorte que la maxime de ta volonté puisse en même temps devenir une loi universelle ". C'est donc la maxime qui fait le lien entre la volonté humaine et la loi morale, sachant que, absolue et universelle, la loi morale ne peut être représentée comme objet de connaissance dans l’expérience et qu'elle constitue le fondement rationnel qui détermine la conduite morale.
Dans son acception morale,
l'injonction morale qu'est le devoir peut être positive : "Tu
aimeras ton prochain comme toi-même" ou négative : "Tu ne
tueras point". Dans le premier cas, elle est prescriptive – elle
appelle à faire -, dans le second, prohibitive – elle somme de ne pas
faire -. Une tel précepte, en lui-même, ne contient, n'énonce ni récompense,
ni sanction (ou, s'agissant de la morale religieuse, ni châtiment)
car, à strictement parler, et d'un point de vue théologique (… idéologique),
la récompense et la sanction ne s'appliquent pas à l'acte,
respectueux ou non de l'injonction, mais à l'acteur lui-même en ce qu'il se
conforme ou non à l'injonction, à la volonté de l'injoncteur et se
montre donc fidèle ou infidèle… moral ou immoral.
C'est en période de crise que le binôme droits-devoirs apparaît comme oppositionnel ou, tout simplement, se révèle. Ainsi, c'est dans la France occupée par les nazis que les devoirs de fidélité (à la partie, à la démocratie, à la république, aux valeurs et principes fondateurs de la République tels que proclamés en 1789…) se sont opposés, du moins pour certain(e)s aux droits nouveaux – et, a contrario, aux non-droits - (ré)instaurés par le régime de collaboration ou imposés par l'occupant. De même, c'est à l'occasion des guerres (post)coloniales que les convictions philosophiques, politiques, religieuses… de certains ont emporté un devoir de désobéissance, d'insoumission allant à l'encontre de l'obligation légale de conscription. Et c'est en cette période d'hystérie, pour ne pas dire de paranoïa sécuritaire que l'opinion publique est martelée de ce lancinant rappel : il n'y a de droits qu'assortis de devoirs… assumés.
Les récents débats sur le train de mesures législatives et réglementaires qui ont été prises, par la gauche comme par la droite, au nom d'un totalitarisme sécuritaire célébré en une sorte de messe œcuménique et baptisé, non moins œcuméniquement, sur les fonts sacrificatoires des libertés individuelles, sont révélatrices de cette même moralisation du Droit ou, plus exactement, d'une certaine conception de la justice et donc de l'application discriminatoire du Droit.
L'instauration d'une justice et d'une police dites de proximité va dans le même sens puisque cette proximité n'est plus seulement spatiale, géographique, urbaine (les Quartiers, les Cités, les cages d'escalier, l'espace public, les transports publics…) mais, de plus en plus, sociologique : le voisinage, voire l'intimité des personnes.
Force par ailleurs est de
constater que, de plus en plus, les jugements ne sont plus des sentences
judiciaires rendues a posteriori au terme d'une procédure contradictoire qui,
respectant le principe de présomption d'innocence et préservant le droit à la
défense et la publicité des débats, la culpabilité effective dûment établie
et reconnue, se traduit par un verdict[19]
individuel, au besoin personnalisé, prononcé sereinement sur le fond[20]
aussi bien en Droit qu'en… Équité mais la simple exécution de sentences
prononcées à l'encontre de présumés coupables (ou innocents) au terme d'une
procédure univoque – inquisitoire – menée préalablement ou simultanément
en d'autres lieux : la scène médiatique, la
tribune politique, la manifestation, le lobbying… dans le silence (complice)
des consciences muettes (ou bâillonnées, endormies, hypnotisées…)[21]
ou, au contraire, dans le vacarme de foules hystériques, de troupeaux en furie
![22]
Le Droit se simplifie pour ne plus connaître qu'une seule loi, celle de Lynch
et les jugements deviennent des coups de poker ou des… ordalies,
l'humain cédant la place à l'anti-humain, au non-humain, à l'infra-humain, à
l'a-humain… ! La présomption d'innocence cède le pas à la présomption de
culpabilité pour certains et, pour d'autres, à… l'impunité absolue ! La
Justice se fait harpie et les palais de justice maison d'intolérance
!
Ainsi, insidieusement d'abord et ouvertement à présent, la Morale – la Morale dominante bien entendu, c'est-à-dire celle de l'ordre constitué – envahit le Droit et, de ce fait, les droits… reculent !
En effet, le Droit positif
moderne [théoriquement] pose comme principe qu'est licite tout ce qui est légal,
autrement dit tout ce qui n'est pas expressément interdit par la Loi et que
seuls les actes illégaux accomplis ou dont l'engagement est attesté sont répréhensibles
et, au besoin, condamnables. D'un point de vue strictement juridique, le Droit
positif ne connaît donc que des actes, éventuellement criminels et point de
criminels[23]
: il autorise le jugement de personnes à raison de leurs seuls actes et non de
leurs intentions [ou de leur abstention comme dans le cas de la non assistance
à personne en danger, du délit de fuite…] et la criminalité est
affaire de sociologues, de psychologues, d'ethnologues, de romanciers,
d'historiens,… de policiers mais aussi de… moralisateurs.
La Morale, elle, s'attache à la
personne. Est moralement fautive la personne qui a fauté non pas parce qu'elle
a commis telle ou telle faute (péché, transgression, crime…) mais parce
qu'elle n'a pas respecté son devoir, qui est de ne pas fauter
et qu'elle est donc entrée en conflit avec dieu ou qu'elle a rompu
un pacte ou un contrat social (la coutume, la tradition,
les usages, un corpus de principes… par exemple). Elle considère l'acteur à
raison de son action et non de son acte même si ce dernier est punissable par
ailleurs[24]
Dans ce contexte de moralisation de la res publica il est évident que la distinction droits-devoirs s'atténuent, voire disparaît, du moins pour celles et ceux dont l'éthique personnelle et la morale collective auxquelles elles-ils adhèrent sont en conformité avec la normalité dominante, c'est-à-dire aux règles normatives - et normantes - et dont la personnalité – les convictions, les opinions, le caractère, le comportement… - est… régulière.
Une morale ne peut être dominante que dans un corps social monolithique (totalitaire et totalisant) qui ignore l'élément – l'individu – et qui ne concède aucune place aux libertés individuelles ou bien dans un corps social qui soumet les minorités – individuelles et collectives – au diktat d'une majorité[25].
Or, force est de constater que
dans le contexte d'une justice sans limite qui se veut être celle de dieu (?!?)
et, sous prétexte de la défense d'une liberté immuable, la différence,
c'est-à-dire la non-conformité à un corpus de normes –
philosophiques, religieuses, politiques, sociales… mais aussi sexuelles,
culturelles, vestimentaires, corporelles…- est de plus en plus constitutive
d'une anormalité dont l'individu, pourtant reconnu comme humain et, à
ce titre, doté de la liberté intrinsèque, essencielle de la liberté
de conscience et d'expression, ne peut plus se prévaloir pour revendiquer et
assumer les devoirs qu'il se reconnaît du fait de… sa liberté de conscience
et d'expression, autrement dit de son humanité [au sens de dignité
humaine] !
De nos jours, la République
française n'a officiellement pas renoncé à sa filiation révolutionnaire de
1789 et donc à la proclamation des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. Or,
en cette période révolutionnaire, il y eut une autre Déclaration, celle de 1793
dite montagnarde qui, si elle ne fut
jamais appliquée et reprise dans quelque Constitution que ce soit, n'en demeure
pas moins être d'une actualité brûlante puisque, plus que celle de 1789, elle
affirme le primat de la liberté individuelle comme réalisation de la
dignité humaine. Bien que de nature révolutionnaire, elle ne saurait être
qualifiée de terroriste, anti-démocratique, anti-républicaine… et,
de ce fait, prohibée, interdite, reniée, trahie… par les nouveaux apôtres
de la liberté que sont les (néo)libéraux. Elle est donc, me semble-t-il,
tout à fait appropriée, pertinente pour être revendiquée par les individus
qui, s'affirmant dignes de leur humanité, entendent bien assumer pleinement
leur Liberté, toutes leurs libertés et, ainsi, opposer aux principes et
valeurs qui fondent la démocratie leurs devoir et, notamment, leur devoir de…
résistance, voire d'insurrection quand l'étendard sanglant de la tyrannie est
levé et que, un peu partout, rugissent les féroces soldats qui, jusque dans
l'intimité des consciences, s'en viennent assassiner la Liberté et égorger
ses filles et ses fils !
[…]
"- Article 6 : La liberté est le pouvoir qui appartient à l'homme de
faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d'autrui : elle a pour principe, la
nature ; pour règle, la justice ; pour sauvegarde, la loi ; sa limite morale
est dans cette maxime : Ne fais pas à
un autre ce que tu ne veux pas qu'il te soit fait ;
-
Article 7 : Le droit de manifester sa
pensée et ses opinions, soit par
la voie de la presse, soit de toute autre manière, le droit de s'assembler
paisiblement, le libre exercice des cultes, ne
peuvent être interdits. La nécessité
d'énoncer ces droits suppose ou la présence ou le souvenir récent du
despotisme.
-
Article 27 – Que tout individu qui
usurperait la souveraineté soit à l'instant mis à mort par les hommes
libres.
-
Article 33 – La résistance à
l'oppression est la conséquence des autres droits de l'Homme.
-
Article 34 – Il y a oppression contre
le corps social lorsqu'un seul de ses membres est opprimé. Il y a
oppression contre chaque membre lorsque le corps social est opprimé.
-
Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le
plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs". […]
[1]
Je citerai pour mémoire le devoir… conjugal qui n'est pas nécessairement
une… corvée sauf s'il est "accompli", non sous le
"feu" de la passion, mais sous la trique d'un impératif
moral, religieux, social… !
[2]
Jean-Jacques Barthélemy (Cassis 1716 - Paris 1795). Abbé, écrivain français
membre de l'Académie française.
[3]
Issus des conceptions du droit naturel, qui fondent leur statut
philosophique, les droits de l’Homme ont fait l’objet d’une
reconnaissance progressive en droit positif depuis la proclamation de la Déclaration
des droits de l’Homme et du Citoyen par les révolutionnaires français en
1789. Cette reconnaissance se traduit aujourd’hui par une protection
juridictionnelle accrue tant au niveau européen qu’au niveau national. En
effet, de nombreux États, dont la France, se sont dotés de mécanismes
favorisant le recours devant le juge en cas d’atteinte aux droits de
l’Homme tels qu’ils sont garantis par les textes de portée
internationale.
[4]
Cicéron, en latin Marcus Tullius Cicero (Arpinum 106 - Formies 43 av.
J.-C.). Homme politique et orateur romain. Issu d'une famille plébéienne
entrée dans l'ordre équestre, avocat, il débute dans la carrière
politique en attaquant Sulla à travers un de ses affranchis (Pro
Roscio Amerino), puis en défendant les Siciliens contre les exactions
de leur gouverneur Verrès (les
Verrines). Consul (63), il déjoue la conjuration de Catilina et fait exécuter
ses complices (Catilinaires). Il embrasse le parti de Pompée, mais, après
Pharsale (48 av. J.-C.), se rallie à César. À la mort de ce dernier, il
attaque vivement Antoine et lui oppose Octavien. Proscrit par le second
triumvirat, il est assassiné. S'il fut un politique médiocre, Cicéron a
porté l'éloquence latine à son apogée : ses plaidoyers et ses discours
ont servi de modèle à toute la rhétorique latine (De
oratore). Il est l'auteur de traités (De
finibus, De officiis) qui ont intégré la philosophie grecque à la
littérature latine. On a conservé une grande part de sa correspondance (Lettres à Atticus).
[5]
Thomas d'Aquin (Roccasecca, Aquino, province de Frosinone, 1225 - abbaye de
Fossanova, province de Latina, 1274). Théologien italien. Dominicain, maître
en théologie (1256), il enseigna surtout à Paris, où il avait été l'élève
d'Albert le Grand et avait découvert l'œuvre d'Aristote. L'essentiel de
son enseignement (thomisme) se trouve dans la Somme
théologique (vers 1266 - vers 1273), qui s'attache à restaurer, en
harmonie avec la foi, l'autonomie de la nature et de la raison. Docteur de
l'Église (1567).
[6] Samuel, baron von Pufendorf (Chemnitz 1632 - Berlin 1694). Juriste et historien allemand. Reprenant et développant les idées de Grotius, il écrivit Du droit de la nature et des gens (1672), où il fonde le droit sur un contrat social.
[Pour
mémoire : Hugo de Groot, dit Grotius (Delft 1583 - Rostock 1645).
Jurisconsulte et diplomate hollandais. Dans le De
jure belli ac pacis (1625), il combat l'esclavage et s'efforce de prévenir
et de réglementer les guerres. Cet ouvrage, véritable code de droit
international public, a valu à son auteur le titre de "Père du droit
des gens".]
[7]
Strauss, Leo (1899-1973), philosophe et historien allemand, un des plus
influents penseurs politiques du siècle. Né à Kirchain, dans une famille
juive orthodoxe, il fit des études à l'université de Fribourg où il
suivit les cours d'Edmund Husserl et de son assistant Martin Heidegger, puis
séjourna à Berlin. En 1932, il quitta l'Allemagne pour la France puis
partit pour les États-Unis, où il enseigna notamment aux universités
d'Annapolis et de Chicago. Les travaux de Leo Strauss portent sur la
philosophie grecque, sur Spinoza et sur Maïmonide, mais son œuvre concerne
surtout les faits et les valeurs politiques. Il s'est ainsi penché sur
l'origine du droit naturel dans les œuvres de Platon, de Thucydide, et de
Hobbes, et sur la crise du droit moderne (Droit naturel et Histoire, 1963).
Il analysa l'histoire de la pensée politique grecque à travers les œuvres
de Platon, d'Aristote et de Thucydide (la Cité et l'Homme, 1964). Il fut
surtout important par ses idées sur l'histoire de la naissance de la
modernité (Essais politiques, 1975). Il estimait que trois philosophes ont
opéré une coupure entre la pensée antique et la pensée moderne :
d'abord Machiavel, dans la lignée duquel il situait l'Anglais Hobbes, par
sa réduction du problème moral à un problème technique, puis Rousseau,
qui opposait nature et histoire, et enfin Nietzsche par la volonté de
puissance et le renversement des valeurs qu'il préconisait pour l'arrivée
du Surhomme. Il voyait dans ce dernier la naissance théorique du fascisme.
[8]
John Rawls (Baltimore 1921). Philosophe américain.Il analyse les rapports
difficiles entre la justice sociale et l'efficacité économique (Théorie
de la justice, 1971).
[9] Qui, dans certaines circonstances, peut être droits versus devoirs ou devoirs versus droits ou bien encore droits ou devoirs !!
[10]
"L'État opprime et la loi triche
- L'impôt saigne le malheureux
- Nul devoir ne s'impose au riche
- Le droit du pauvre est un mot creux - C'est assez languir en
tutelle - L'Égalité veut d'autres lois
- "Pas de droits sans devoirs, dit-elle - Égaux, pas de devoirs
sans droits !
" (L'Internationale ; Eugène Pottier).
[11] Ce qui exclut les régimes qui, bien que qualifiables de démocratiques, se fondent sur une religion d'état, que cette religion soit religieuse (Royaume Uni par exemple) ou séculière (cf. l'exemple de l'ex-U.R.S.S.).
[12] Pour mémoire, je rappellerai que dans ce pays on parle d'une majorité aussi bien silencieuse que… morale !
[13] Et oui, cela existe !
[14]
Cette expression, consacrée par l'usage du discours politique, médiatique,
historique mais aussi par la jurisprudence (cf. le procès Papon), est un euphémisme
dont l'intention hypocrite est évidente : faire oublier que la France,
patrie des Droits de l'Homme, s'est légalement doté d'un État fasciste
qui s'est montré non seulement collaborateur zélé mais également, secondé
en cela par l'Église gallicane, marraine de la fille aînée de l'Église
vaticane, allié fidèle [jusque dans la mort et l'exil pour certains, la repentance
et le retournement de veste pour beaucoup d'autres] de cet autre État
légal : le Troisième Reich nazi ! Elle atteste d'un déni de droit : celui
de la non reconnaissance de ce principe du Droit positif public : la
continuité de l'État.
[15]
Rappelons en effet que ce régime a institué les Ordres (des Médecins,
des Avocats…), en contradiction absolue avec le principe de liberté
individuelle instituée par la Déclaration des Droits de l'Homme mais aussi
de libertés d'entreprise [de commerce], d'expression, d'opinion…
reconnues par le Droit positif (dans ses formes civile,pénale,
commerciale…) pour épurer ces professions de la gangrène
juive, communiste mais aussi… franc-maçonnique !
[16] Rappelons également que, au regard des traités, des conventions, des accords, de la Cour de Justice… de l'Europe ces Ordres sont… illégaux.
[17] Un examen attentif des statistiques de ce type de fraude montre que la majorité, et de loin, des fraudeurs est en mesure de s'acquitter du titre de transport.
[18] Ce qui met en évidence l'effondrement d'une illusion : celle de la séparation des pouvoirs politique et judiciaire.
[19]
Une sanction qui n'est pas nécessairement une peine (d'amende,
d'emprisonnement…) puisqu'elle peut aussi être un… acquittement !
[20]
Et non sur la forme alors que, de plus en plus, c'est la forme qui l'emporte
sur le fond au point que, souvent, la justice rendue est inique puisqu'elle
prononce le non-lieu – et, concrètement parlant, la relaxe – de
coupables avérés pour cause de vice de… forme !
[21] Un silence complice qui amène à considérer qu'aujourd'hui ce qu'il faut craindre ce n'est pas tant le bruit des bottes que le silence des pantoufles !
[22]
Sémantiquement, nous assistons à un nouveau glissement de sens : d'action
de juger selon le Droit et de décision
rendue par un tribunal, le terme de jugement devient synonyme
d'opinion que l'on se fait d'une chose ou d'une personne, d'appréciation
que l'on porte, de sentiment que l'on ressent pour ou à l'encontre de…
[23]
Cette distinction emportant séparation absolue et préservation de la
personne à raison de son humanité est, bien entendu, l'un des fruits
essentiels des Lumières et de leur humanisme. L'ancien Droit, celui de la
monarchie, de la féodalité, de la théocratie… ne faisait bien entendu
pas une telle distinction. Ainsi, une sorcière était brûlée vive es
qualité puisqu'elle n'était plus humaine au sens de créature de
dieu pour être devenue créature du Mal et ce, malgré ses aveux
alors que, d'un point de vue théologique et dans la plus stricte orthodoxie
christique, l'aveu emporte le… pardon !
[24]
Pour mémoire : l'Inquisition jugeait les hérétiques à raison de
leur blasphème (l'action) mais laissait le soin aux tribunaux royaux
de juger et de punir l'hérésie (l'acte) et… l'hérétique
(l'acteur) !
[25]
Cette majorité pouvant être agissante comme, par exemple, dans les pays traditionalistes
ou inactive, silencieuse au motif qu'elle a donné mandat de représentation
à des mandataires – des chefs, des gourous, des pasteurs, des élus…
- ou qu'elle a intérêt à se taire et à laisser faire une minorité (dans
laquelle, in fine, elle… se reconnaît sans pour autant oser le dire ou même
se l'avouer) [Dans ce dernier cas, cf. le silence complice ou la complicité
agissante mais discrète de la majorité catholique dans les pays soumis à
l'occupation nazie].
[26] Au sens stirnérien du terme.
[27]
Ou, la terre étant du genre féminin : la matrie.
[28] Au sens de chef d'œuvre.
[29] Ceci n'est pas une erreur de frappe mais le hiéroglyphe de "Liberté – Égalité – Fraternité" !