Effectivement… Effectivement ! vous avez dit effectivement ?...
Effectivement…
Tous les idiomes, dans leur expression orale, usent de
"ponctuations" – virgule, point, point d'exclamation -, éventuellement
renforcées d'une gestuelle quelconque. Il s'agit soit d'onomatopées, soit de
mots vidés de leur sens. Ces ponctuations sont particulièrement usitées dans
les formes populaires, argotiques, régionales, professionnelles, communautaires
ou identitaires… des idiomes. En
voici quelques exemples : té - vé
– putain – con
– chié – man – euh
- …
Il arrive que certaines de ces ponctuations soient empruntées à d'autres
idiomes comme par exemple, en Français, le man
des beatniks, puis de hippies états-unien(ne)s. Cet emprunt participe autant
d'un effet de mode que d'une affirmation identitaire trans ou inter-nationale
plus ou moins consciente.
Certaines de ces affirmations peuvent être propres à un individu et devenir célèbres
comme, par exemple, le ché du… Ché
Guevara.
Lorsqu'il s'agit de mots, le vidage de sens peut résulter d'une utilisation mécanique,
rituelle (voire, ritualisée) d'un mot alors même que, à l'origine, il y avait
une intention consciente de l'utiliser comme mot, à raison de son sens, et non
comme ponctuation. Ainsi, le man des
beatniks et des hippies, originellement, est une adresse faite à la personne à
laquelle on s'adresse : il est l'équivalent du terme Homme de nombreux idiomes dits primitifs (Sioux, Cheyenne, Inuit,
Bantou…) au sens de ecce homo, autrement dit comme reconnaissance-(ré)affirmation
de l'humanité de la personne considérée.
Cette forme de ponctuation peut également être faite avec une locution comme,
par exemple, c'est clair.
Dans leur usage classique ces
ponctuations ne sont que ce qu'elles sont, à savoir des… ponctuations,
autrement dit des figures de style d'expression orale permettant de rythmer les
phrases à l'instar du phrasé musical. Mais, en même temps elles sont un signe
d'expression… identitaire comme l'est l'accent.
Dans cette forme classique, la ponctuation illustre
les mots, les phrases d'une langue qui, média de communication, permet
d'exprimer des idées, des concepts, des informations… et donc de…
dialoguer. Cette ponctuation classique,
si elle est vide de sens, du point de vue sémantique, n'altère pas pour autant
le sens des mots et des phrases qu'elle ponctue, la preuve en étant que, sans
cette ponctuation, les mots et les phrases ont du sens, signifient bien quelque chose.
Sous leur forme classique, ces ponctuations ne peuvent pas être qualifiées de
tics verbaux dans la mesure où, généralement, les personnes qui les utilisent
peuvent se dispenser d'en faire usage. Ainsi, par exemple, si entre gens
du coin on usera et même abusera du té
ou du vé, au Bureau, à l'École, au
tribunal…, avec des… estrangers, à l'écrit…
on n'y aura pas recours.
Mais, avec le développement de la télévision, il est apparu une forme moderne
de ponctuation qui, elle, relève du tic verbal.
En effet, il est de plus en plus courant que le mot ou l'expression fréquemment
utilisé par un(e) bonimenteur-trice de la télévision se répande comme un
virus particulièrement actif et soit repris par de nombreuses personnes au
point de devenir pendant un temps plus ou moins long la tintannabulation
dominante du troupeau.
Il en est ainsi, depuis quelque temps, de l'adverbe effectivement.
Il est tout d'abord surprenant de constater la vitesse avec laquelle ce mot
s'est propagé mais, surtout, son degré extrêmement élevé de contagiosité
puisqu'il est repris par des personnes qui ne regardent et n'écoutent pas la télévision
et qu'il se répand chez les personnes en contact
verbal à l'occasion d'une réunion de travail, d'un débat, d'une simple
discussion…
Un petit rappel sémantique : Effectivement
est un adverbe signifiant : 1. De manière effective (il est alors
synonyme de réellement) 2. En
effet.
Il vient de l'adjectif effectif
(du latin effectus, influence) qui signifie : 1.
Qui existe réellement, qui se traduit en action. Recevoir une aide
effective. 2. [Droit] Qui
prend effet, entre en vigueur. 3. [Logique]
Se dit d'une méthode, d'un raisonnement qui, à l'aide d'un nombre déterminé
d'étapes, permettent d'aboutir à une démonstration complète et vérifiable.
Une remarque s'impose : effectivement
dans l'usage (abusif) qui en est fait en tant que signe
de ponctuation (?) est vidé de son sens, tel que, en Français, il est établi
par les dictionnaires les plus courants (Larousse, Robert…).
Dès lors ne question s'impose : est-ce que l'origine latine du mot (effectus,
influence) ne serait pas un clin d'œil malicieux fait par je ne sais trop
quel inconscient collectif pour rappeler (mais était-ce vraiment nécessaire
?) la puissance que la télévision exerce en matière d'influence,
autrement dit de conditionnement, d'uniformisation, de standardisation, de normalisation… d'…. aliénation ?
L'usage d'un terme vidé de son sens peut laisser supposer que la connaissance
du sens des mots est… fort réduite, autrement dit que la maîtrise de la
langue (en l'occurrence, du Français) est réduite à sa plus simple…
expression. Et,… effectivement…,
force est de constater que les effectivementistes
ont un vocabulaire fort réduit, limité à quelques mots et expressions d'une
banalité affligeante attestant d'une pauvreté intellectuelle, culturelle
qualifiable, sans exagération, d'… indigence..
Un vocabulaire à forme et contenu de kit
qui, à l'image du baise-en-ville qui n'avait pas pour objet l'amour mais le coït
passager, n'a pas pour… propos de parler et de communiquer mais d'éructer, de
péter, de borborygmer…, bref d'émettre
des sons comme tous les bestiaux le font pour se reconnaître et, ainsi, marquer
l'unité du troupeau.
Cette pauvreté de vocabulaire n'est pas seulement le fait de personnes n'ayant
pu, pour une raison ou une autre, accéder à l'apprentissage de la langue ;
non, elle est le fait de personnes qui, dans une vie… antérieure,
ont été à l'École, ont lu, écrit, appris… et qui savaient donc… parler
parce qu'elles savaient penser, réfléchir… et qu'elles avaient donc des choses
à dire. Elle est donc un… appauvrissement relevant de la même logique que
l'… abêtissement au sens strict du terme, c'est-à-dire une déshumanisation,
une aliénation, une désindividualisation…
Dans ce contexte, il n'est plus possible de parler de ponctuation car effectivement
ne ponctue… rien, si ce n'est quelques mots entassés sans aucune intention
significative et signifiante : des banalités interchangeables qui gagneraient
beaucoup à rester… non dites tant leur platitude est une offense à l'esthétisme
de la langue !
Tirer en rafales
comme des hoquets, les effectivement saccadent
des phrases vides de sens. Et ce qui est dramatique en la matière c'est non
seulement que ces rafales soient tirées inconsciemment, mécaniquement,
automatiquement… bestialement, mais encore qu'elles ne choquent pas les auditoires !
En effet, tic verbal préfigurant peut-être ou, pire encore, d'ores et déjà révélant
cliniquement un syndrome de Gilles de la Tourette,
le effectivement émarge désormais à
l'inconscient de la personne qui le crache. S'il n'est pas entendu par l'auditoire c'est que ce dernier a lui-même été
contaminé par la propagation de ce tic viral car comment ne pas considérer
comme choquant, insupportable, inacceptable, inaudible…
ce psittacisme qui assène ce qui n'est plus que du… bruit cacophonique ?
L'argument selon lequel ce psittacisme serait une forme moderne de la langue de
bois me semble totalement irrecevable car la langue de bois est l'art de ne rien
dire avec des mots chargés de sens, un art qui, lorsqu'il est le fait de
personnes maîtrisant la langue, peut donner lieu à de véritables chefs d'œuvre
de rhétorique ne serait-ce que parce qu'ils ravissent l'oreille.
Or, à l'évidence, les effectivementistes
ne disent rien parce qu'ils n'ont rien à dire ou ne savent pas dire : leur éructation
ne ponctue que le débit de leur insignifiance,
de leur fatuité, de leur misère
intellectuelle, de leur pensée indigente.
On pourrait considérer que l'effectivementisme
est ou, plus exactement, n'est qu'une mode et qu'il n'y a donc pas lieu de s'en
inquiéter puisqu'elle… passera. Je ne suis pas du tout sûr qu'il ne s'agisse
là que d'une mode, autrement dit d'un mouvement…
passager. Je pense au contraire que ce phénomène – ce symptôme – révèle
un processus structurel durable (et irréversible ?) : la désindividualisation, l'anéantissement des individus et l'avènement
progressif du règne absolu du troupeau, c'est-à-dire de la tyrannie humanicide
parce que liberticide.
Quelle liberté de conscience ? Quelle liberté de pensée ? Quelle liberté
d'expression ? Quelle liberté individuelle ? Quelle liberté essencielle ?...
quand il n'y a plus de libre parler humain mais langage normé de robot ?
En effet :
- locution conjonctive
introduisant une explication ; car. Il n'a pas pu venir : en effet, il était
malade.
- locution adverbiale
exprimant un assentiment ; assurément, effectivement. C'est en effet la
meilleure solution. En effet, vous avez raison.
Indigence nom féminin (latin
indigentia) : 1. État
d'une personne qui vit dans la misère. 2.
Grande pauvreté intellectuelle ou morale. L'indigence de sa pensée
est affligeante. Le Petit Larousse Copyright © Larousse / VUEF 2001
Le syndrome de Gilles de
la Tourette
est une affection neurologique chronique rare caractérisée par l'existence
de tics, accompagnés ou non de coprolalie (émission de mots orduriers) et
d'écholalie (répétition de fragments de mots ou de phrases).
Personnellement, ce lancinant borborygme fait que, physiquement et non plus
seulement intellectuellement, je ne supporte plus le charabia des effectivementistes
! et je mets au défie quiconque d'y trouver une musicalité qui le rendrait
acceptable car plaisant à l'oreille !
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