Humeur rebelle
Le gouvernement français fait
du zèle dans la docilité servile dont il témoigne à l'égard du gouvernement
américain. Ainsi, vient-il de prendre un certain nombre de mesures sécuritaires
: habilitation de la Police à procéder à des fouilles de véhicules en
l'absence même de délit ou de menace de délit ; extension du droit (de
police) de fouille des sacs, des cartables, des attachés, des bagages à
main… et de fouille aux corps aux agents de sécurité d'entreprises privées
; mise en place d'un contrôle systématique des messageries électroniques
(autrement dit de la correspondance privée) ; obligation faite aux
journalistes de révéler leurs sources… qui sont autant d'atteintes
graves aux droits et libertés des individus puisqu'elles instituent une présomption
de culpabilité et qu'elles soumettent les libertés de conscience et
d'expression à un régime surveillé d'autorisation, de surveillance, de
contrôle et, en tant que de besoin, d'interdiction.
Ailleurs, on restreint les
droits des étrangers, du moins de certains étrangers, en matière tant
de circulation que de séjour et de travail, on coordonne les services de police
et, en particulier, les fichiers, légaux ou non, on multiplie les
interpellations et expulsions préventives, on accélère les procédures
d'extradition/expulsion sans aucune considération du Droit et des procédures
– présomption d'innocence, droit à la défense, interdiction faite
aux États abolitionnistes d'extrader des prévenus vers des États pratiquant
la peine de mort quand le crime qui leur est reproché est justiciable d'une
telle peine… -. Un peu partout, notamment sur les radios et télévisions mais
également dans les salles de cinéma, on se livre joyeusement à une censure
(imbécile) en interdisant tout ce qui fait référence à de nouveaux tabous
: avion, pilote, vol (d'avion), tour, bombe, explosion… Certains dirigeants
disent tout haut ce que les autres pensent tout bas, à savoir que la
civilisation occidentale, dans sa forme capitaliste, parce qu'elle est supérieure[1]
aux autres, a vocation civilisatrice, progressiste à dominer le monde…
Mais, singulièrement, si l'on
s'en prend ouvertement aux individus, en revanche, on ne touche ni aux mécanismes
de l'économie mondiale ni à ses acteurs – banques, bourses, agences de
clearing, … - alors même que certains réseaux terroristes s'en sont servi et
continuent de s'en servir contre les États occidentaux !
Ces mesures sont prises alors
que la thèse, partie bien entendu des U.S.A., selon laquelle un rapprochement
est à faire entre le terrorisme international et, notamment, islamiste et
l'opposition à la mondialisation[2],
est de plus en plus reprise par les médias, les commentateurs et autres experts
ainsi que les politiques, de gouvernement comme d'opposition, des pays
occidentaux, dont, naturellement, la France.
Il est pour le moins paradoxal
que ceux qui prennent de telles mesures liberticides, qui participent à l'évidence
d'un terrorisme d'État, sont ceux là-mêmes qui condamnent le terrorisme, qui
ont condamné ces mesures lorsqu'elles étaient le fait d'Hitler, de Mussolini,
de Staline, de Franco, de Mao… et qui les condamnent lorsqu'elles relèvent du
régime, politique, policier et
judiciaire, ordinaire de toutes les dictatures actuelles (Afghanistan,
Chine, Corée du Nord, Irak, Cuba…) comme si, de mauvaises lorsqu'elles
sont appliquées par d'autres, elles avaient la faculté magique, mystérieuse,
miraculeuse… de devenir bonnes lorsqu'elles le sont au nom de la
défense de l'Occident et, plus précisément, de l'☠ politique au
service d'un ordre économique particulier, le capitalisme mondial, dont le
leadership est bien entendu assuré par les U.S.A.[3].
Il est par ailleurs curieux que les zélotes les plus ardents, les plus… fanatiques sont d'anciens gauchistes comme si, en définitive, ils n'avaient jamais été guéris du virus du stalinisme qui les avait frappés dans leur jeunesse et qu'ils s'apprêtaient à concrétiser leur vision totalitariste du monde sous la bannière du libéralisme, faute d'avoir pu le faire sous celle du communisme !
A quand le port obligatoire d'un bracelet électronique de cheville et d'une
camisole chimique des consciences, la transformation d'usage des stades et
gymnases en lieux de résidence assignée, les arrestations et internements
ainsi que les exécutions chirurgicales de prévention… ?
A l'évidence, pour ces
gouvernements, le véritable ennemi n'est pas le terrorisme islamiste mais
l'opposition à la mondialisation. En clair, le slogan bushien "Ceux qui ne
sont pas contre le terrorisme sont nos ennemis ; ceux qui ne sont pas avec nous
sont contre nous" doit être traduit par "Ceux qui sont contre la
mondialisation sont des terroristes ; ceux qui sont contre l'hégémonie américaine
sont contre le Bien et pour le Mal : il est légitime de les
museler et, au besoin, de les abattre".
Bien entendu, en Occident, les
foules imbéciles, savamment plongées dans la transe hystérique de la
religiosité et du patriotisme sous leur forme paroxysmique qu'est le fanatisme,
à l'instar des foules abêties et hébétées – les deux termes étant pris
au sens propre – galvanisées par les discours d'Hitler et la propagande de
Goebbels, applaudissent à ces mesures comme un masochiste qui jouirait de se
faire muselé et ligoté et dont l'immobilisation ultime serait la source d'une
extase comateuse aux effets irréversibles ! Ces mêmes foules hystériques,
dont la pensée a été lobotomisée pour se glisser dans le moule étroit de la
conformité d'une pensée unique, qui
menacent de foudres divines[4]
d'autres foules, tout autant imbéciles, fanatisées ailleurs par la promesse de
l'avènement du règne de leur ∄ au sein duquel
ils jouiront, vivants ou morts, d'une place privilégiée et éternelle !
Dans cette cacophonie de Ø et de morale où les mots ne sont plus dits mais gueulés, aboyés, rugis, où la messe est rendu à chaque manifestation officielle du pouvoir… et où l'index vengeur et menaçant devient la virgule de la moindre logorrhée, l'irrationnel a resurgi d'un inconscient collectif dont les racines s'enfoncent dans le fumier archaïque de la superstition, de la magie, de la peur, du rejet et de la négation de l'altérité, de la haine, de la violence brutale, de la folie… autrement dit dans cette fange qui est le lit de toutes les Ø. Dés lors, la raison est asservie au profit de la déraison – de l'aliénation – et mobilisée à l'usage de desseins criminels.
Les condamnations morales et
religieuses pleuvent comme autant de jugements inquisitoriaux frappant l'hérésie
et le blasphème, autrement dit la liberté de conscience et d'expression, la
liberté d'être soi et seulement soi, simple humain mortel doté de raison
revendiquant l'universalité et l'inaliénabilité de droits individuels à
raison de sa seule et unique humanité. Pourtant, les dirigeants occidentaux
n'ont de leçon de morale à donner ni aux opposants à la mondialisation, ni
aux rebelles à la domination américaine puisqu'ils n'ont d'autre morale que
celle de l'esclavage, de l'asservissement, de l'humiliation, du renoncement à
la dignité et à la liberté humaines, du mépris des Droits des humains, de la
négation de l'humain…. En outre, ils ne peuvent même plus en donner aux
terroristes fanatiques dans la mesure où leur zèle participe lui-même
d'un véritable fanatisme, autant féroce que criminel, les poussant à faire
plus et mieux que le maître aux pieds duquel ils se sont couchés, se vautrant
ainsi dans un immonde courtisanisme, et, ainsi, à organiser l'autodafé des
Droits des humains afin d'y brûler toutes celles et tous ceux qui, persistant
à s'en prévaloir, refusent de se soumettre et se rebellent contre un ☠
qui n'est ni plus ni moins qu'… assassin.
En d'autres temps, on a dit que
nous étions tous des berlinois ou bien des juifs allemands ; aujourd'hui, je me
sens enclin à proclamer que celles et ceux qui considèrent que les Droits des
humains sont supérieurs aux intérêts économiques, aux enjeux
politico-militaro-diplomatiques, aux États, aux entreprises… sont tous des rebelles
et que, dans le contexte actuel d'une militarisation totalitaire des sociétés,
la rébellion est l'ultime refuge – réserve – de l'humanité au sens
de dignité, de liberté et de droits des humains, de tous les humains.
Cette rébellion, parce
qu'elle est humaniste – au sens où elle n'admet rien de supérieur à
l'humain -, ne se propose pas de terroriser les tenants de l'anti-humain
et donc à se livrer à la violence et au terrorisme, sauf à se trahir elle-même
et à se transformer en son contraire ; il n'en demeure pas moins qu'elle se
doit d'affirmer son droit à la résistance
contre ce terrorisme dont on veut frapper les humains pour les soumettre à un ordre
non-humain, celui de l'argent et de son prophète, le dollar, et, de ce fait, de
prôner et de pratiquer la désobéissance civile (et donc, d'abord, politique)
qui consiste à assumer sa liberté de conscience et d'expression et à
persister à se tenir debout quand une certaine meute barbare, criminelle, humanicide
appelle à se coucher aux pieds du maître !
Être et rester humain, plus
que jamais, c'est n'avoir ni ∄, ni maître !
[1] Supériorité dogmatiquement affirmée, comme tout préjugé raciste mais aussi toute vérité religieuse, et nullement démontrée. Or, outre qu'une telle démonstration est impossible parce que, au plan humain, toute idée de supériorité relève de la subjectivité et non de l'objectivité, les tenants d'une telle thèse se livrent à une imposture dont on pouvait penser qu'elle avait été définitivement jetée à la poubelle de l'Histoire puisqu'ils ignorent que l'état de sous-développement de nombreuses économies nationales résulte directement de leur domination par d'autres économies nationales et oublient que leur civilisation a de nombreux génocides et crimes sur la conscience !
[2] Avec deux variantes : soit le terrorisme ne serait que la forme exacerbée de cette opposition, soit l'opposition serait orchestrée, manipulée, financée, soutenue par le terrorisme.
[3] A l'image d'un morceau de pain qui aurait la faculté de devenir le corps d'un mort dont l'historicité reste par ailleurs à vérifier !
[4] Assorties, il est vrai, de quelques compléments profanes : missiles, bombes, mines anti-personnels…