L'aliénation absolue
La religion – toutes les religions, c'est-à-dire aussi
bien les convictions religieuses que les pratiques religieuses et les ordres
religieux – constitue l'aliénation absolue de laquelle découlent toutes les
autres aliénations et, par conséquent, et sans que je donne à l'expression le
moindre sens religieux ou moral, tous… les maux dont peuvent souffrir les êtres
humains.
Elle est l'aliénation absolue
car :
• elle est d'abord l'aliénation des humains à… l'humain puisqu'elle nie l'humain pour le soumettre à un ordre non-humain : l'ordre divin. Pour elle, l'humain n'est pas une condition, une catégorie, une essence… mais un état, un état qui est celui de la déchéance, de la soumission, de l'inachèvement, de la transition, de l'errance… Elle est dépossession de l'humain de ce qui lui est propre : l'humain. Elle est l'anéantissement de l'humain et, à ce titre, constitue la forme la plus achevée de l'anti-humanisme.
• elle est ensuite l'aliénation de l'Un à lui-même puisque, ne le considérant pas comme un être en soi et pour soi – une fin à l'égard de lui-même et donc, aussi, de l'humain -, elle le pose comme une créature, c'est-à-dire un objet entre les mains d'un ordre, divin donc, dont il est le jouet, privé qu'il serait de toute liberté de conscience et, plus généralement, d'être. La religion médiatise la relation de l'Un à lui-même puisqu'elle pose dieu comme sa conscience – son deus ex-machina –, une conscience qui, par ailleurs, n'est ni libre, ni même autonome puisque l'ordre religieux – éventuellement assisté de l'ordre temporel qui lui est soumis ou dont elle s'est assuré la complicité agissante : l'État, la Justice, la Morale… - se charge d'en assurer l'enrôlement, le contrôle, la surveillance, le conditionnement, la sanction (que cette sanction soit une peine ou une récompense). Elle est la négation de l'individualité, de l'unicité.
• elle est en outre l'aliénation de la relation de l'Un à l'Autre – à tous les autres – puisque cette relation est médiatisée par l'ordre divin et ses représentants terrestres – le clergé – mais également par les convictions – avec tout ce que cela emporte comme impératifs moraux, interdits, obligations… - et, surtout, les pratiques religieuses, c'est-à-dire le rite comme codification/normation de l'être et du paraître. Elle est le sceau de l'assujettissement, de la domination, de l'appropriation, de l'exclusion, de la confusion… Elle est le meurtre permanent de l'Un et le triomphe du troupeau.
• de surcroît, elle est l'aliénation de l'humain au naturel – la vie en général, c'est-à-dire l'univers au sens cosmogonique : le végétal, le minéral, l'animal… - puisque, soit elle ignore la nature qui n'est ni le temps, ne l'espace de la vie mais, tout au plus, le temps et le lieu du passage vers la vraie vie qui est… ailleurs et antérieure/ultérieure, soit elle prétend soumettre – en l'objectivant - la nature aux humains alors que ceux-ci n'en sont pas les propriétaires mais, tout au plus, de simples locataires.
•
elle est enfin aliénation au temps et à l'espace alors que
ceux-ci sont la seule mesure objective de l'unique possible existentiel de
l'humain : la vie, une vie humaine, ici et maintenant.
Comme je l'ai dit d'entrée,
l'aliénation religieuse est le fondement – idéologique, moral, politique,
culturel… - de toutes les autres aliénations et, par delà, l'alibi, la légitimation,
l'explication… de tous les maux dont souffrent les humains : injustice,
inégalité, violence, exploitation… Ainsi :
• la religion – toutes les religions -, même lorsqu'elle s'assortit – s'agrémente - de divinité féminines ou de cultes féminins - exemple le culte marial - , est le fondement du paternalisme[1]. Le paternalisme, tel que légitimé par la religion, institue un (sous)sous-humain[2] : la femme, dont la caractéristique est double : elle est d'une part celle de l'incomplétude, voire de la monstruosité[3]– il lui manque quelque chose ou bien, au contraire, elle a quelque chose en trop pour être un être humain, c'est-à-dire, en définitive, un… homme à part entière, l'homme étant bien entendu l'aune de la normalité et, d'autre part et par conséquent, celle de l'incapacité qui la place nécessairement sous la tutelle du… pater. Dans le paternalisme, les hommes semblent avoir la part belle mais, à y regarder de plus près, force est de constater que, in fine, le pater – suprême en quelque sorte – n'est autre que dieu et que, par conséquent, les hommes n'exercent sur les femmes et les enfants qu'une autorité déléguée par dieu lui-même alors même qu'ils sont, eux aussi, soumis à cette autorité divine. Il est courant, du moins dans les formes archaïques, que la paternalisme confère au pater familias un véritable droit de vie et de mort sur sa famille (épouse/s, enfants, parents, clients, esclaves…) ; sachant que cette autorité n'est qu'une délégation de celle de dieu, on voit bien que, en fait, c'est dieu lui-même qui dispose de ce droit de vie et de mort sur toutes ces créatures. Il en résulte que la domination paternaliste exercée par les hommes sur les femmes ne l'est que par délégation et que les hommes eux-mêmes sont soumis à une autorité supérieure et unique, celle de dieu. Dans ces conditions, les hommes tout autant que les femmes en restent, en définitive, à l'infra-humain, c'est-à-dire à un état d'incomplétude, d'objectivation, de soumission, d'assujettissement... En outre, devant se conformer à un modèle de domination (apparente), ils sont contraints de renoncer à s'assumer dans leur plénitude humaine et, de ce fait, de développer un comportement névrotique puisque, par exemple, ils ne peuvent assumer leur fragilité – qui est le propre de la féminité -. En fait, dans le modèle paternaliste l'homme n'est jamais que le kapo d'un univers concentrationnaire dont le gardien en chef n'est autre que… dieu et dont il n'est rien d'autre qu'un prisonnier, certes privilégié, mais, essenciellement, un prisonnier quand même !
• parce qu'elle est dépossession de l'humain de lui-même et appropriation des humains par le divin – à travers son ordre de représentation, de domination, de répression… – la religion sacralise la propriété, toute contestation de la propriété d'objets matériels pouvant glisser vers la contestation de la propriété essencielle qui est celle de dieu sur les humains, vers une revendication de libération, de liberté. En outre, l'ordre religieux tire de substantiels revenus des biens, meubles – dont ces non-humains que sont les esclaves – et immeubles, qu'elle a en pleine propriété (juridique) ou en usufruit et dont elles dépossèdent régulièrement des humains. C'est pourquoi, la religion est toujours du côté du propriétaire contre le prolétaire, l'esclave, le serf… Il est d'ailleurs curieux de voir combien les religieux se prosternent devant les propriétaires particulièrement nantis – en fait, ils se prosternent non devant des personnes mais devant la propriété et les avantages et privilèges qui en découlent : richesse, pouvoir… - alors même qu'elles poussent les non-propriétaires à… se détacher de cette contingence matérielle qu'est cette propriété dans l'attente de leur accession à la vraie vie, celle de l'au-delà ! La sacralisation de la propriété est toujours la sacralisation d'une certaine propriété, de propriétaires bien identifiés et, en même temps, de la misère, de la pauvreté, du renoncement. Riche pour les uns, ascétisme pour les autres !
• la sacralisation de la propriété emporte nécessairement sacralisation des inégalités (sociales, politiques, culturelles…). La religion est toujours du côté du grand et du puissant contre le petit et le faible. Et comment pourrait-il en être autrement d'une idéologie et d'un ordre fondés sur la domination, le contrôle, l'appropriation/expropriation, l'exploitation, l'assujettissement… ? Il en résulte nécessairement que la religion est invariablement conservatrice, voire réactionnaire au sens où elle s'oppose à tout changement qui, en perturbant l'ordre social, politique, culturel… établi, pourrait perturber l'ordre religieux lui-même. La religion n'est jamais du côté des Lumières, toujours de celui de l'obscurité, de l'obscurantisme.
• la religion, parce qu'elle est un ordre, se fonde nécessairement sur un rapport de force, de domination, de répression… C'est pourquoi si, invariablement elle condamne la violence qui peut être utilisée contre elle – et cette violence n'a aucunement besoin de prendre une forme violente au sens physique du terme : une simple rébellion comme l'apostasie est, pour elle, une violence insupportable -, non moins invariablement elle a recours à la violence pour se maintenir en tant qu'ordre contre toutes les velléités, individuelles ou collectives, de rupture avec cet ordre. En cas de besoin, elle n'hésite jamais à faire donner du sabre, c'est-à-dire de la violence organisée d'un autre ordre, celui du souverain ou de l'État. Toutes les sectes religieuses légitiment invariablement cette forme particulièrement aiguë de violence qu'est la guerre et, plus précisément, la… guerre sainte[4].
• la religion établit un véritable culte de la violence qui révèle, en définitive, un caractère profondément mortifère. C'est la primauté donnée à la mort – du moins celle des… humains – sur la vie, à la souffrance sur la jouissance, au renoncement sur l'engouement, à l'humiliation sur la fierté de l'amour de soi, au martyrologe sur l'héroïsme, à la peine sur le plaisir, à la privation sur le désir, aux larmes sur le rire… Elle est le sacre de la barbarie sur l'autel de la déraison, de la folie sous l'auspice du despotisme, de l'anthropophagie sur le tabernacle de la haine paranoïaque, de l'aveuglement sur le trône de l'indigence… La violence faite aux humains est, pour la religion, l'état normal de la condition humaine ; elle est, en quelque sorte, son unique et seul destin possible. C'et pourquoi, la religion consacre toujours les champs de bataille mais aussi les mines, les usines, les champs, les foyers… où des maltraitances de toutes sortes sont fates aux humains – hommes, femmes et enfants -.
• la religion ne relit pas les humains entre eux mais, individuellement, à dieu. Elle les sépare les uns des autres, les isole, les enferme dans leur incomplétude… Toutes les religions se prétendent universelles. Pourtant, elles ne le sont jamais puisque leur universalité s'arrête aux limites du champ dans lequel elles font paître leurs troupeaux de fidèle de l'herbe de l'ignorance, de la peur, de l'ineptie, de l'imposture… Au-delà de ces limites, point de troupeau, point de salut et donc… point d'humain. La religion est toujours le rejet, le refus, la condamnation, l'exclusion, la ségrégation… d'une certaine altérité : les in-croyants – ou croyants en autre chose - , les hérétiques, les apostats… mais aussi les homosexuels, les femmes, les rebelles, les individus, les marginaux… Elle est donc toujours à la fois la légitimation et l'ordonnancement de l'anéantissement, de l'annihilation, de la déshumanisation de l'altérité. Les écritures saintes, en tant que vérité divine révélée, sont toujours des traités de racisme. Mein Kampf n'est jamais que la version moderne de l'antisémitisme – et, plus généralement, l'anti-humanisme – chrétien ! C'est pourquoi la religion est toujours hostile à tout ce qui peut rassembler – horizontalement, c'est-à-dire entre eux – les humains : un syndicat, une association quelconque, un regroupement de quelque nature que ce soit… sont autant de rupture avec la verticalité divine et, de ce fait, une rébellion, une révolte, voire une révolution contre l'ordre religieux et les ordres temporels qu'elle s'est inféodée ou avec lesquels elle s'est acoquinée pour mieux asseoir sa puissance.
• le pseudo humanisme de la religion, en fait, est la forme la plus achevée de l'anti-humanisme puisqu'il ne pose pas l'humain comme une fin à lui-même – et aux autres humains – mais comme le moyen d'une volonté de puissance non-humaine, in-humaine : dieu. Le fidèle n'est jamais debout : il est toujours agenouillé, rampant. Il n'est jamais libre mais toujours enchaîné, condamné, jugé, marqué, catalogué… Il est la lâcheté érigé au rang de vertu ! Dépossédé de lui-même – ou… possédé – il est interdit de plaisir, notamment sexuel, car tout ce qui participe tant soi peu d'une fin pour lui-même est un vol fait aux dépens de dieu : il est condamné non pas à se reproduire mais à reproduire le troupeau ! C'est pourquoi, sa morale n'et pas celle du héros mais du lâche. Elle n'est pas celle de la libre conscience, de la responsabilité pleinement assumée à son égard et à celui des autres, de la sagesse… mais de la sanction, que celle-ci soit une punition ou une… récompense – la récompense du renoncement à soi et aux autres -. La religion n'est donc jamais du côté du rebelle, du héros mais, toujours, du côté du bourreau, du gardien. Son drapeau n'est pas celui de la Justice mais de l'injustice. Son temple n'est pas celui de la Raison mais de la déraison. Son horizon n'est pas celui du jour mais de la nuit. Sa parole n'est pas de mot mais de silence.
• négation de l'Un et de son unicité, la religion est le sceau de la collectivisation infamante. En déresponsabilisant l'individu par rapport à lui-même, elle lui fait endosser la responsabilité collective du troupeau, présent, passé et à venir. Elle est la négation de la liberté et fait peser sur chacun le poids d'une hérédité collective qui est celle des cimetières des errements de l'histoire humaine. Elle est la négation même de l'Histoire embourbée qu'elle est dans le marécage putride de l'immobilisme qui est celui du paraître quand l'être est un… devenir permanent.
• la religion est une offense permanente faite à l'intelligence. Elle est l'asservissement de l'imagination, du gai savoir, de l'invention… Elle est le refus du possible, la soumission à l'interdit, le mensonge érigé au rang de science… Elle est le travestissement du réel, l'enlaidissement de toutes choses. Elle est l'abstraction – par exemple, la Femme ou la Féminité – qui se fait opium pour mieux enterrer le réel – les femmes – dans cette catacombe de la conscience qu'est la morale du renoncement.
• la religion est l'abrutissement des foules et des individus érigé au rang de science, de philosophie, de sagesse, de morale, d'Art… Elle est donc opposition systématique à tout ce qui peut faire avancer l'état des connaissances – du réel – et, par conséquent, améliorer le sort[5] des humains car tout progrès de l'état des connaissances du réel est la porte ouverte à une rupture avec l'état d'ignorance dans lequel la religion se complaît à maintenir les humains pour mieux les dominer, les asservir, les contrôler, les abuser, les exploiter… La religion est l'imposture faite Vérité.
•
parce que, selon elle, la
vraie vie n'est pas ici et maintenant mais ailleurs et plus tard –
ou… avant -, la religion n'a aucun respect pour la nature qui ne
participe pas du (vrai) réel mais de l'illusion. La religion ne peut pas
participer d'une démarche écologique qui la contraindrait à
relativiser l'humain – le troupeau – et donc elle-même. Par son
caractère mortifère, morbide, au contraire, elle légitime les violences
faites à la nature et sonne les cloches de l'hallali d'une véritable dénaturation
qui sera comme l'apothéose de son grand projet : l'anéantissement de l'humain
! La religion n'est pas amour du vivant mais de la mort ; elle est donc nécessairement…
haine du vivant, des vivants. Ses oriflammes sont les larmes d'un enfant, la
souffrance d'une femme, le sang versé d'un homme, bref le meurtre méthodique,
scientifiquement organisé de l'humain, des humains et, au-delà, de la… vie.
Aliénation absolue la religion
est donc… le mal absolu. Elle est le germe de la mort et sa moisson sera celle
de l'ANEANTISSEMENT.
Toute personne sensée sait
qu'un cancer qui n'est pas traité condamne irrémédiablement à la mort.
Nul ne peut pleinement vivre en ayant au fond de lui le germe de la mort.
L'humanité ne sera sauvée,
c'est-à-dire ne naîtra vraiment à elle même que lorsque ce mal absolu qu'est
la religion sera éradiqué.
Il est des maux [6]
qui ne peuvent être guéris, dont on ne peut vivre avec[7]et
dont la nécessaire éradication passe soit par l'extirpation totale d’un
organe ou d’une tumeur (Éradication des amygdales), soit par la suppression
d’une maladie endémique par action sur l’agent causal ou sur ses vecteurs (Éradication
du paludisme par assèchement des zones marécageuses).
Il en est ainsi de la religion.
Parce qu'elle non seulement violence faite à l'humain mais complot
contre l'humain, un complot dont, en définitive, le but n'est autre que
l'anéantissement de l'humain, la religion appelle les humanistes à engager
contre elle un combat sans merci qui ne pourra connaître ni trêve, ni paix
mais seulement la victoire de l'un des deux camps en présence : celui de
l'humain et de la vie ou celui de l'inhumain et de la mort.
[1] Dont la machisme n'est jamais que l'expression, individuelle - privée - et sociale – publique - de la relation d'un homme à une femme, des hommes aux femmes…la moins hypocrite !
[2] L'homme n'est pas lui-même un être à part entière ; la femme n'est donc qu'un sous-sous-être !
[3] Monstruosité au sens où elle est désobéissante à dieu parce que manipulée par le Mal. On notera le paradoxe : la femme est souvent, en même temps, mère de… dieu et des hommes, celle par le ventre de laquelle la création divine se poursuit… mais aussi celle par laquelle le mal arrive et se propage, celle qui, d'une certaine manière, a déchu l'homme de sa quasi-divinité !
[4] Quel que soit le nom qu'on lui donne. Que cette guerre soit collective – croisade par exemple – ou individuelle – terrorisme -.
[5] Dans tous les domaines possibles du réel : santé, économie, environnement…
[6] Au sens médical du terme.
[7] En tous les cas dans la dignité, le confort, le bien-être…