Je voudrais crever…
… dans la discrétion d'un passager clandestin de la vie. Sans que personne le sache. Sans que personne ne s'intéresse à cette mort qui ne serait jamais que ce qu'elle devra être : un non évènement. Aussi discrètement que ces éléments du décors du quotidien qui peuvent disparaître sans que personne le remarque. Tellement discrètement que mon cadavre pourrait pourrir et… disparaître sans laisser la moindre trace. Pas même l'odeur de la putréfaction. Ou bien alors qu'il soit tellement peu identifiable et reconnaissable comme des "restes" humains qu'on le jetterait dans un sac poubelle pour l'envoyer à l'usine d'incinération des ordures ménagères.
Je voudrais crever discrètement pour que personne puisse dire que ma mort est survenue dans l'indifférence de qui que ce soit, cette indifférence qui, pourtant, est la scène, déserte bien sûr, même de moi, sur laquelle je joue (mal, très mal) ce que d'aucuns pourraient appeler la vie, ma vie et qui, en définitive, n'est que la longue attente de la fin de la pièce (la… représentation) tant l'acteur et le scénario sont mauvais.
Je voudrais crever dans le silence d'un monde de vacarme.
Je voudrais crever dans la discrétion de l'immobilité d'un temps qui, s'il est court, trop court pour les gens… affairés à… vivre, est long, top long, lent, trop lent pour celui qui, comme moi, regarde le temps passer ou, plus exactement le traverser pour le fuir, lentement, comme le sable s'écoule lentement dans le sablier.
Je voudrais crever dans la discrétion des pages d'un livre que l'on ne tourne pas parce que l'on ne sait pas lire ou bien parce qu'il n'a pas d'image et que, désormais, seules les images… parlent.
Je voudrais crever dans la discrétion de ce qui ne serait pas un départ mais une… évaporation comme l'eau s'évapore, discrètement, sous la brûlure du soleil.
Je voudrais crever discrètement dans l'absence. L'absence de tout mais, surtout, de celle des gens.
Je voudrais crever dans la discrétion d'un animal qui se retire dans sa tanière pour …crever.
Je voudrais crever dans la discrétion d'une musique qui n'est pas jouée et qui reste donc silencieuse, comme inexistante.
Je voudrais crever dans la discrétion de ces mots que l'on ne dit pas parce qu'il n'y a personne à qui les dire et que, quand bien même ils seraient dits, ils ne seraient pas compris et donc entendus.
Je voudrais crever dans la discrétion de l'exilé(e) qui, loin du monde, s'endort sans savoir s'il le fait de son dernier sommeil.
Je voudrais crever dans la discrétion d'une nuit sans lune, sans étoile… et qui n'est donc pas une nuit mais le… néant.
Je voudrais crever dans la discrétion de celui qui, partant au loin, ne se retourne pas parce qu'il vient de nulle part.
Je voudrais crever dans la discrétion de celui qui ne vit pas mais… attend.
7 octobre 2006
7 octobre 2006