
Joëlle et les autres
Mercredi 16
juin, j'ai diffusé le message ci-après : je le reproduis après en avoir
corrigé les fautes de frappe et je le prolonge de quelques commentaires,
toujours perso :
Salut !
Ce matin, avec des militant(e)s
de "Ne laissons pas faire", des compagnon(ne)s de
la CNT
de Béthune et de Paris, des "fidèles" comme Dominique Grange, des
anonymes et des... vautours, pour ne pas dire des charognards( je ne mets pas au
féminin, car il n'y a pas lieu de le faire), j'étais présent à la sortie de
Joëlle Aubron du Centre de détention de Bapaume, puis aux pot et au repas de
l'amitié et de la fraternité organisés dans les locaux de
la CNT
de Béthune.
Joëlle a été libérée. Il ne
m'appartient pas de parler de cette libération, ni de l'état dans laquelle
elle nous est rendue par l'administration pénitentiaire. Seule Joëlle peut en
parler, si elle le souhaite et quand et dans les formes elle le souhaitera.
Je veux toutefois dire ceci :
Cette libération, si elle est
un soulagement pour une personne, n'est pas... une victoire. D'autres
prisonnier(e)s en effet ont autant de droit et de légitimité à prétendre à
bénéficier de la loi Kouchner que... Papon. Certain(e)s d'entre eux-elles,
comme les camarades d'AD, ont la "chance" d'être "connu(e)s et
de mobiliser des gens en leur faveur. Mais il reste tout(e)s ces anonymes.
Autrement dit, le combat est loin d'être fini, gagné... En fait, il ne cessera
qu'avec la disparition de l'État et l'avènement d'une société véritablement...
humaine.
J'ai pu parler avec Joëlle.
J'ai pu l'embrasser. Au-delà de sa personne, ma pensée allait - et va encore -
vers celles et ceux qui restent en taule. En particulier, je pense à Nathalie Ménigon
et à cette prisonnière basque, dont le nom m'échappe, qui, ce soir et dans
les jours à venir, vont se sentir bien seules. Ne les oublions pas : continuons
le combat !
Lorsque Joëlle est sortie, une
clameur est montée de Bapaume, des cris ont été lancés des you-yous ont
retenti... Tout cela venait de prisonnières de "droit commun", des
prisonnières... sociales, qui ont voulu saluer ainsi celle qui ne s'est jamais
battue pour elle seule mais aussi et, sans doute, d'abord, pour les autres, à
commencer par ces prisonnières de Bapaume. Je suis sans doute trop émotif,
trop sensible, mais j'avoue que j'ai pleuré de cet hommage rendu, en toute
fraternité, à Joëlle, Joëlle que je remercie donc de m'avoir permis de vivre
une telle "scène", un tel moment qui me réconcilient avec cette
humanité dont il m'arrive souvent et, je dois dire, de plus en plus, de désespérer.
Je ne dirai rien de ce pot et de
ce repas de l'amitié organisés dans les locaux de
la CNT
de Béthune qui sont aussi les locaux du syndicat CNT des Sans Emploi et des Précaires.
Cette dernière "appellation" en dit plus que n'importe quel discours
: ce sont celles et ceux qui ont peu, voire rien du tout qui donnent et
partagent le plus ! Une fois de plus, des anars ont montré qu'ils-elles ont le
coeur sur la main et que c'est sans doute pour cette raison qu'il est si facile
de les poignarder en plein coeur !
Je me permets, en cette
circonstance, De citer quelqu'un - Ce vieux Léo, bien sûr - qui a si bien su
dire ce que sont les anarchistes dont les graines, heureusement, continuent d'être
plantées après avoir été portées par le vent de la révolte et de l'espoir
ou... du désespoir :
...
Les anarchistes
Ils ont un drapeau noir
En berne sur l'Espoir
Et la mélancolie
Pour traîner dans la vie
Des couteaux pour trancher
Le pain de l'Amitié
Et des armes rouillées
Pour ne pas oublier
Qu'y'en a pas un sur cent et qu' pourtant ils existent
Et qu'ils se tiennent bien bras dessus bras dessous
Joyeux et c'est pour ça qu'ils sont toujours debout
Les anarchistes
...
Je me permets une petite note
perso :
Somme je l'ai dit, il m'arrive
souvent et même de plus en plus de désespérer de l'humanité. Des moments
comme ce jour, à la fois grands et simples, sont comme des coups de pied au cul
que je me fous pour me dire qu'il ne faut pas désespérer car, quand bien même
il n'en resterait qu'un(e) (je veux dire d'humain), l'humanité, tout de même,
avouons-le, est un beau... projet ! Un projet qui mérite que l'on se batte pour
lui. C'est, en tous les cas, la leçon que je tire de cette journée et que je
voudrais vous faire partager.
J'aurais tant et tant à dire de
ce jour. Mais, je pense que, seul, le silence peut dire l'indicible et que cette
journée, tant elle aura été riche d'humanité, est... inénarrable, au-delà
des mots.
Toutefois, je me permets
d'ouvrir une porte à des pensées, des réflexions ou des sentiments à venir :
en ce jour, il y a eu des absences qui furent, sont et seront à jamais...
inexcusables.
Bien frat,
JC
Commentaires
Ce texte, même s'il a été
repris pour être publié et diffusé en l'état (avec ses fautes de frappe donc
!), est un message personnel qui n'engage que moi. Il n'est pas le communiqué
officiel de quelque organisation que ce soit.
Certaines personnes – je préfère ne pas les nommer, question de… pudeur,
ne voulant pas les couvrir du ridicule dans lequel leur "crétinisme"
les a fait sombrer ! – ont considéré que Joëlle avait été accueilli(e)
par des crétin(e)s se bousculant pour agiter leurs drapeaux rouges et noirs ou
rouges devant les journalistes.
Les militant(e)s présent(e)s à la sortie de Joëlle n'étaient pas là pour
poser devant les journalistes mais pour accueillir cordialement Joëlle et lui
manifester leur solidarité individuelle : il n'y avait donc là que des
individus. Aucune organisation.
Ces militant(e)s, au-delà de l'émotion qu'ils-elles ont ressentie, émotion
teintée de joie mais aussi de peine, sont resté(e)s dignes. Ils-elles n'ont eu
aucune gesticulation.
La seule agitation a été celle des journalistes dont on aurait aimé
qu'ils-elles soient plus présent(e)s pour "couvrir" le combat que Joëlle
a mené derrière les murs de la prison pour faire valoir son droit à une
suspension de peine mais aussi pour "couvrir" les combats et les
situations des autres membres d'Action directe et, plus généralement, de tou(te)s
les prisonnier(e)s qui sont maintenu(e)s entaulé(e)s malgré leur état de santé.
Alors, où se trouve le crétinisme ?
N'est-il pas aussi crétin de traiter de… crétin(e)s les militant(e)s, dont
certain(e)s, qui plus est, étaient des proches
de Joëlle, présents ce mercredi 16 juin 2004 devant les portes de la prison de
Bapaume quand cette accusation est lancée depuis le fauteuil de son salon, bien
planqué(e) derrière l'anonymat de son ordinateur ? Puisque ces militant(e)s
ont fait acte de crétinisme, pourquoi ,ne pas s'être dérangé(e) sur place
pour le leur dire ?
Était-il aussi crétin de partager ensemble et avec Joëlle un pot, puis un
repas de l'amitié, de la solidarité, de la fraternité ?
Était-il crétin de reprendre, avec Joëlle, les chansons de Dominique Grange ?
Bon, je n'en dirai pas plus sur cette accusation de crétinisme : on ne discute
pas d'une vomissure. On la fait disparaître d'un seau d'eau et d'un coup de
balai !
***
D'aucun(e)s ont considéré qu'il n'y avait pas lieu d'être présen(e) à cette
manifestation (et j'imagine au repas qui a suivi ?) au motif que, ce faisant, on
a "cautionné" les crimes politiques de Joëlle (et, au-delà d'AD)
alors que, cénétiste, on ne peut le faire.
Une telle position, à mon sens dogmatique, fortement pontifiante, réduit un(e)
individu à ses actes. Personnellement, j'ai de la fraternité pour Joëlle,
comme pour toute personne, mais j'ai aussi de la solidarité non pour les actes
qu'elle a pu commettre, mais pour l'acharnement carcéral dont elle a fait
l'objet alors même qu'elle était malade et méritait non des "coups"
mais des… soins.
De ma modeste place, j'ai fait ce que j'ai pu – même si, je le reconnais
volontiers, ce fut fort peu – pour l'aider dans son combat, comme je
continuerai d'aider tou(te)s les prisonnier(e)s, d'ici ou d'ailleurs, victimes
d'injustice, de maltraitance, ayant besoin de soins… ; il m'a semblé normal,
naturel, étant dans la proximité géographique de Bapaume, d'être là à a
sortie.
Ma présence n'aura été rien d'autre qu'un acte individuel, personnel. Je ne
représentais personne hier. Je m'y suis retrouvé sous des couleurs qui me sont
chères – le rouge et le noir – parce que j'y ai retrouvé des
compagnon(ne)s cénétistes venu(e)s là, sans aucun état d'âme –
la CNT
n'a-t-elle pas une longue tradition de lutte contre l'emprisonnement, l'univers
carcéral… ? -, au nom des "structures" (syndicats, UL) CNT au sein
desquelles ils-elles militent et qui s'étaient prononcées favorablement pour
cette participation.
Je m'efforce que, en toutes circonstances, mon comportement et mes actes soient
en conformité avec mes convictions, mon engagement. La seule question que je me
pose lorsqu'il s'agit de faire quelque chose est de savoir si ce qui est envisagé
est conforme à mes convictions, à mon engagement. Aucunement, si je suis….
autorisé à le faire par je ne sais trop quelle "autorité" dès lors
qu'il s'agit d'agir individuellement, en mon âme et conscience comme on dit, et
donc… en pleine et entière responsabilité.
S'il est évident que je ne peux représenter une quelconque structure cénétiste
que sur mandat reçu à cet effet, il n'en demeure pas moins que je n'ai besoin
d'aucune autorisation de quelque (prétendue) "autorité" cénétiste
que ce soit pour me revendiquer de
la CNT
, d'être cénétiste. Je suis cénétiste par choix délibéré et non pas
"baptême", "imposition des mains",
"certification"… Ce n'est certainement pas en arborant un drapeau cénétiste
que je suis cénétiste mais il est de ma seule "compétence" d'en
arborer un comme de porter un T-shirt, un pin's, une casquette… avec un logo cénétiste
tout simplement parce que cela relève de ma… liberté.
***
A la sortie de Joëlle, il n'y a eu d'autre déclaration que celle de… Joëlle(Voir
plus loin) car aucun(e) individu(e) venu(e) l'accueillir n'avait de déclaration
à faire, personne n'étant venu pour faire un petit tour de marionnette sur la
scène médiatique. Et d'ailleurs, quel intérêt aurait bien pu avoir pour les
médias des points de vue… individuels qui n'auraient pas été des
"communiqués" mais l'expression d'un ressenti, de sentiments ?
***
N'ayant pas le regard rivé sur le passé, je n'ai vu et je ne vois en Joëlle
qu'une personne malade, affaiblie. Et cela suffit à justifier ma solidarité à
son égard. Lui offrir mon bras pour la soutenir n'est pas "épouser sa
cause", porter le "poids de ses crimes"…. Affirmer le
contraire, qui plus est à mon insu, c'est dire que l'on ne peut donner le bras
à un(e) aveugle pour l'aider à traverser que sur production d'un extrait de
casier judiciaire vierge, une pièce d'identité, un permis de séjour, un
certificat de bonnes mœurs… ! Au risque de choquer, j'aiderais tout autant
un(e) malade qui, par ailleurs, pourrait être policier(e), juge, gardien(ne) de
prison, curé, patron… Tout simplement, parce que, dans ce registre, ce n'est
pas une question de solidarité, dont j'admets tout à fait qu'elle peut être…
sélective, mais de… fraternité et que la fraternité est absolue et première
ou… n'est pas ! La porte de ma fraternité est ouverte sans aucune exclusive :
je ne pourrais la claquer au nez de quelqu'un(e) qu'en renonçant à ma propre
humanité.
***
Déclaration de Joëlle Aubron à sa sortie de prison
Voici le texte lu par Joëlle Aubron quelques instants après sa sortie de la
prison de Bapaume.
"Je suis fatiguée, aussi je dirais seulement trois choses :
La première est d'être bien sûr contente d'avoir la possibilité de me
soigner.
La seconde est que l'application de la loi de mars 2002 reste cependant pour de
nombreuses de prisonnières et prisonniers très en deçà de son contenu même.
La troisième est ma conscience de ce que la libération de mes camarades est
une bataille toujours en cours. Régis est incarcéré depuis plus de 20 ans,
Georges, Nathalie et Jean-Marc, plus de 17. Je sors de prison mais je dois
d'abord vaincre la maladie avant de pouvoir envisager une libération au sens
propre. L'objectif reste ainsi celui de nos libérations".
Joëlle Aubron, Bapaume, 16 juin 2004
***
Hommage à Jean-Michel Treuvey (*)
Malades en prison...
Bonjour,
Parce que nous avons eu l'occasion de travailler ensemble
par le passé, je me permets de faire appel à vous pour diffuser ce communiqué
en hommage à Jean-Michel Treuvey, malade du sida, décédé dans des conditions
de souffrance innommables, parce que la justice refuse d'appliquer la loi sur la
suspension de peine à tous les prisonniers malades.
Pour que sa mort ne soit pas oubliée, pour que les
prisonniers malades puissent bénéficier de leur DROIT à une suspension de
peine du fait de leur maladie.
Merci pour tous ceux et toutes celles qui se meurent dans
les prisons françaises.
Je reste à votre disposition pour toute question.
Charlotte
BAN PUBLIC
06 62 85 62 97
Ci-dessous le texte du communiqué en pièce jointe au
message :
Mise à mort des
prisonnier(e)s malades : Communiqué de Ban Public
Afin de prolonger jusqu’au dernier souffle son supplice physique et moral, le
Ministère de
la Justice
a refusé, pendant plusieurs années, à Jean-Michel Treuvey une suspension de
peine pour raison médicale. Sorti sous le régime de la liberté conditionnelle
le 5 mars 2004, deux contrats de travail en poche, il intègre directement l’hôpital
pour la phase terminale d’une agonie dont la plus grande part fut vécue en
prison. Jean-Michel est mort le 26 avril 2004. Pour ce qui tient lieu de Justice
en France, la >certitude de son décès était la vraie condition de sa
liberté. Peu importait le temps qui lui restait à partager avec son enfant et
ses proches, peu importait l’insulte d’une promesse de réinsertion
intenable, peu importait l’application du Droit.
Jean-Michel Treuvey, en libération conditionnelle, décédé un mois et demi
après, et Philippe Guérin, en libération provisoire pour cause de coma, décédé
deux mois après, font partie des centaines de personnes soustraites chaque année
aux statistiques des décès en prison, néantisées jusqu’à la tombe,
passant du numéro d’écrou à une fraction de pourcentage truqué.
Dans l’indifférence générale de l’opinion publique et des
administrations, l’obstruction complice et criminelle du Pôle suspension de
peine et l’absence de diagnostics et de soins professionnels en prison
entretiennent les conditions d’une peine de mort en plein essor.
Pierre André Franceschi, Laurent Jacqua, Joëlle Aubron, Georges Cipriani,
Nathalie Ménigon, Jean-Marc Rouillan et tant de mourants anonymes, combien
faudra-t-il encore de cadavres et de tortures pour que la démocratie trouve la
dignité qui lui donne légitimité à proférer ses leçons d’humanisme et de
Droit à
la Planète
?
Combien faudra-t-il de morts ? Combien de temps cette loi ne
s’appliquera-t-elle qu’aux puissants soustraits aux mouroirs carcéraux ?
Que faut-il pour que l’attention se porte sur l’indignité collective
d’une justice à deux vitesses dont l’exercice produit le pire pour la
communauté : le discrédit du principe de droit et l’encouragement généralisé
à le mépriser.
BAN PUBLIC se refuse de cautionner cette mise à mort.
Aidez nous en signant et demandant l’application immédiate de
la Loi
du 4 mars 2002 pour la suspension de peine de tous les prisonnier(e)s malades
pour Pierre André Franceschi, Laurent Jacqua, Joëlle Aubron, Georges,
Cipriani, Nathalie, Ménigon, Jean-Marc Rouillan et tous les prisonnier(e)s
malades anonymes.
(*)
Source : Source : http://www.webzinemaker.com/admi/m9/page.php3?num_web=6309&rubr=2&id=199811
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