Karim Landais

 "La plus belle sépulture des morts, c’est la mémoire des vivants."

Boris

Je ne vais pas parler de l'auteur, du chercheur, du théoricien… mais de l'homme ou, mieux encore, de l'individu.

J'ai rencontré Karim sur la toile et, plus précisément, sur une liste de discussion anarchiste, nous interrogeant tous deux sur ces (soi-disant) anarchistes qui revendiquent leur identité régionale (régionaliste) et qui, pour ce faire, prônent l'instauration d'un… État, au motif qu'il leur faut se défendre contre un autre État ! Ensemble, nous en avons décousu avec ces drôles d'anarchistes, moi sur le ton de la polémique, du coup de gueule… et Karim, sur celui de la théorie, de l'analyse, de la critique scientifique…

En ces occasion, au-delà de la rigueur intellectuelle, toute universitaire, de Karim, j'ai découvert une sensibilité particulière, celle des individus qui, comme moi, sont des.. passagers clandestins de la vie.

Alors, nous avons correspondu plus "personnellement" sur des sujets variés, dont ceux de la vie de tous les jours avec son lot de questionnement, de doute, de joies, de peines, de déprime…

Karim m'a filé pas mal de mp3 anarchistes ou révolutionnaires (comme moi, il n'était pas sectaire et pouvait entendre avec plaisir, ravissement, par exemple, l'Internationale chantée par les Chœurs de l'Armée rouge), des textes et, plus tard, la maquette de son "portail universel de l'anarchisme" qu'il voulait réaliser sur la toile à l'instar d'une véritable encyclopédie (un plantage d'ordinateur m'a malheureusement fait perdre cette maquette).

Souvent, pour ses travaux universitaires comme pour ses recherches personnelles, il me demandait mon avis. Je lui répondais toujours plus du cœur que de la raison car c'est ainsi, me semble-t-il, que l'on répond aux questions d'un ami. 

Karim n'était donc pas seulement mon frère. Il était aussi un ami, mon ami. Nous étions deux confidents, chacun sachant trouvé l'autre à chaque fois qu'il le fallait et plus d'une fois l'un a réconforté l'autre. Par des mots, des mots simples, ceux du cœur, de la fraternité, de l'amitié mais aussi par la simple… présence.

Ainsi, au-delà des mots, nous avons su établir entre nous cette proximité "immédiate" de la… complicité.

Pourtant, Karim ne m'a rien dit de son mal-être qui l'a fait préférer mourir plutôt que de continuer de souffrir[1]. Je ne lui en veux pas mais je m'en suis voulu. Non pas de l'avoir empêché de mettre fin à sa vie – j'aime trop la liberté pour porter atteinte à celle de l'Autre, même en pareilles circonstances – mais de ne pas avoir été, une ultime fois, son commensal, juste… avant, histoire de partager une dernière fois le pain de l'amitié pour en garder pour toujours le goût.

Quelque temps avant son départ, me sachant maçon, il s'est ouvert à moi de son intérêt pour la Franc-Maçonnerie. Relativement à l'anarchisme d'abord, bien sûr (en quoi l'une et l'autre sont compatibles) mais aussi, et sans doute surtout, en tant que démarche personnelle de construction de soi. Nous en avons donc longuement parlé et il a lu avec intérêt plusieurs de mes planches auxquelles il a apporté sa "pierre" – sa contribution – sous la forme non d'une critique, mais d'un enrichissement à partir de son questionnement personnel et avec le souci, encore plus vif que les autres fois, de… partager.

J'ai dit que Karim était un passager clandestin de la vie. Par ses écrits, tant publics que personnels, il aura aussi été un… passeur de lumière, faisant œuvre de maçon sans en avoir porté le tablier !

Karim est, à jamais, l'un des maillons de cette chaîne d'union qui m'unit, dans l'espace et dans le temps, à celles et ceux que je n'aime pas seulement de fraternité mais aussi d'amitié. A celles et ceux que je respecte pour ce qu'ils-elles ont été ou sont. A celles et ceux dont je suis redevable de l'enrichissement dont j'ai pu profiter par le partage que nous avons fait, que nous faisons de nos différences. En somme, à celles et ceux qui me permettent de continuer de… devenir et donc… d'être.

JC

14/04/06


Voir aussi : Karim Landais

[1] J'ai réfléchi à ce silence et je me suis dit que si c'était moi qui avait décidé de… partir, comme lui, je serais resté silencieux sur cette intention.


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