La Révolte
Au sens premier, la révolte
est le refus de se soumettre à une autorité. Par extension, elle est un soulèvement,
sinon armé, du moins violent, plus ou moins spontané et organisé, et, plus généralement,
toute manifestation d'opposition et de contestation (manifestation, désobéissance
civile…) contre un pouvoir établi. Une révolte peut être d'envergure
(pillages, sacs, maquis, campagnes militaires…) et durer longtemps (plusieurs
années) mais ne se donne pas pour objectif d'abattre le pouvoir en place et, a
fortiori, de lui substituer son propre pouvoir ; elle entend seulement mettre un
terme à une situation d'injustice, d'abus de pouvoir, d'inégalité socio-économique,
d'absence de liberté…, faire entendre et prévaloir des
revendications, obtenir des réformes ou, au contraire, l'abolition de nouvelles
mesures… C'est pourquoi, il est abusif de dire qu'une révolte est une révolution
manquée[1].
Mais le terme de révolte désigne
aussi un sentiment n'impliquant pas nécessairement passage à l'acte :
le révolté refuse d'accepter, d'admettre, de se soumettre… et sa révolte
est dirigée aussi bien contre un pouvoir, un ordre, une personne donnée, qu'un
acte (l'exécution d'un condamné à mort…), une situation (l'injustice, la
pauvreté…)...
Un certain nombre d'autres mots
sont plus ou moins synonymes de révolte ou, en tous les cas, sont souvent
utilisés comme tels :
• l'émeute (ancien participe passé de émouvoir) est un soulèvement populaire qui prend forme spontanément au cours d’un rassemblement et s’exprime dans le tumulte.
• l'insurrection est un mouvement collectif de personnes qui se dressent violemment et collectivement contre le pouvoir établi[2]. Insurrection armée. Réprimer une insurrection.
• la rébellion est une autre forme de soulèvement contre le pouvoir établi ou contre des autorités représentant ce pouvoir mais son initiative en revient à des fonctionnaires de l'État et, le plus souvent, à des militaires[3]
• la mutinerie est une forme particulière de révolte, armée ou non mais toujours violente, qui est le fait de personnes soumises à un système hiérarchique fortement répressif : prisonniers, militaires…
• la manifestation est un défilé, cortège, rassemblement… tendant à exprimer collectivement et publiquement des opinions, généralement politiques, et, éventuellement, des revendications. Une manifestation n'est pas nécessairement d'opposition ; elle peut être aussi de soutien
• la grève[4] est l'arrêt concerté du travail par un groupe de salariés cherchant à défendre leurs intérêts collectifs ou ceux d'un des leurs. Il existe une forme particulière de grève qui est celle de la faim et qui consiste à refuser de s’alimenter afin de porter une revendication à l’attention des autorités ou de l’opinion publique
•
enfin, la révolution (politique[5])
est le renversement soudain et généralement violent du pouvoir établi, qui
s’accompagne de profondes modifications et même de bouleversements dans le
système politique et social. Une forme particulière de révolution est celle
dite de palais, qui se produit à l’intérieur d’une oligarchie, sans
affecter l’ensemble de la nation
J'examinerai la révolte
des points de vue individuel et collectif :
La révolte individuelle
C'est une évidence : il y a
autant de révoltes individuelles – dans leurs formes, leur objet… - que
d'individus ! Il est donc a priori difficile, pour ne pas dire impossible de modéliser
la révolte individuelle ; c'est pourquoi, pour en parler je me contenterai de
l'illustrer de… ma propre révolte.
Ma révolte est autant
intellectuelle qu'affective, rationnelle que spontanée. Distinguer son pourquoi
de son pour (ou contre) quoi (ou qui) n'est donc pas
évident. Elle est un tout – un art ou choix de vivre – qui ne se
laisse pas facilement décomposer en éléments constitutifs. Elle est inséparable
de ma personnalité, de mon unicité : elle est tout autant la conséquence
de ce que/qui je suis que la cause de ce que/qui je suis ! Elle est mon paraître
au regard des autres et, en même temps, à mon propre égard, elle est mon être.
Ma révolte est celle du… refus
:
•
refus de l'Ordre, de tous les ordres – politique, économique,
militaire, culturel, religieux… - parce qu'il est une atteinte à ma liberté.
Du sel fait de son existence, l'Ordre aliène ma liberté et ce, de deux manières
:
o a priori, par l'oppression qui est tout ce qui fait que je peux pleinement exercer ma liberté. Par diverses interdictions – politiques, morales, légales, religieuses… - , l'oppression consiste à faire en sorte que l'on ne puisse pas effectuer certains choix en les rendant inaccessibles quant à leur objet ou leur champ de réalisation et, au contraire, que l'on se retrouve dans l'obligation dans faire d'autres. L'inaccessibilité fondamentale à la liberté de choix – et donc à la liberté elle-même – est… la propriété, qu'elle soit privée ou publique. En fait, la propriété est l'essence même de l'oppression. Elle enclôt mon espace de liberté et m'assigne ainsi à résidence hors de laquelle je n'ai pas le droit de sortir puisque ce dehors est une propriété dans laquelle il est interdit d'entrer. La propriété de l'un est nécessairement la dépossession de l'autre : elle est dépossession de sa liberté de mouvement ; or, il ne saurait y avoir de véritable liberté qui ne soit aussi liberté de mouvement. Ainsi, même un propriétaire est limitée dans sa liberté de mouvement pas d'autres propriété ; au sein même de sa propriété, le propriétaire à certes une liberté de mouvement mais parce que cette liberté s'arrête à la clôture de sa propriété, en fait, elle est une captivité. Une liberté limitée, surveillée, contrôlée, conditionnelle, assignée à résidence – dans l'espace comme dans le temps, celui de l'usage -… n'est pas une véritable liberté, mais une liberté (légalement) aliénée et, en définitive, une absence de liberté. En somme, au regard de la liberté, le propriétaire ne possède d'autre liberté que celle de tourner en rond dans sa cage, de traîner son boulet, de tirer sur sa chaîne… La propriété est donc la forme suprême de l'aliénation légale de la liberté en ce sens qu'elle met hors de portée, puisque située dans d'autres propriétés, toute une série de choix, des choix que je ne peux donc pas faire puisque légalement inaccessibles. Or, il n'y a de liberté que dans le choix : des choix réduits ne confère donc qu'une liberté réduite, opprimée. La propriété est l'oppression par excellence de la liberté.
o
a posteriori, par la répression[6]
qui est la violence, généralement légale mais pas nécessairement, que l'on
exerce contre moi lorsque je fais un choix qui est contraire à l'intérêt de
l'Ordre et que celui-ci considère donc comme une révolte, c'est-à-dire une
volonté de désordre, dés lors que je suis sorti de l'espace de liberté
auquel je suis assigné et que, ce faisant, j'ai commis une infraction à la
propriété. La répression est exercée contre moi pour me contraindre à
renoncer à ce choix ou me mettre
dans l'impossibilité, physique ou psychologique, de continuer à le faire et à
l'assumer. A la limite, pour me supprimer physiquement (emprisonnement ou
meurtre) et ainsi annihiler tout à la fois ma liberté et ma révolte. La répression
intervient donc en remédiation d'une oppression qui n'a pas su être
efficace. L'oppression comme la répression sont nécessaires à la survie de
l'Ordre et trouvent leur fondement légal dans la propriété.
• refus de toutes les conséquences de l'Ordre : injustice, inégalité, pauvreté, famine, épidémies, violence, souffrances, tueries légales, massacres, pollution, gaspillage,… Refus de l'absence de liberté. Refus de considérer que les relations humaines ne sauraient avoir une autre forme que celle du rapport de force. Refus de l'oppression et de la répression. Refus de la propriété comme fondement légal de l'oppression et de la répression. Refus de l'aliénation, de la fatalité à laquelle les humains seraient condamnés et qui serait celle du renoncement à leur liberté et donc à leur humanité. Refus du déterminisme… Et ce alors même que je n'ai pas personnellement à souffrir de ces conséquences ou que j'en souffre moins que d'autres ou que j'ai l'illusion de ne pas en souffrir. En effet, à la différence de la propriété qui est la marque de la limite de ma liberté, la liberté de l'autre n'est pas la limite de ma propre liberté, mais son enrichissement dans la mesure où, se rencontrant librement, faisant le choix de s'associer et de coopérer, ma liberté et celle de l'autre permet le partage des différences de l'altérité et donc l'enrichissement de l'unicité. L'annihilation de la liberté de l'autre est mon appauvrissement : une liberté ne se reflète que dans le regard d'une autre liberté, pas dans celui de l'enfermement. Ma liberté est donc la condition de la liberté de l'autre et la liberté de l'autre est la condition de ma propre liberté. Je m'appauvris nécessairement des atteintes portées à la liberté de l'autre et, à la limite, je perds ma propre liberté, je l'aliène. Mon humanité est incomplète, inachevée, amputée… tant qu'un seul être humain ne peut pleinement réaliser la sienne et se voit donc déchu de sa propre humanité. Ne pas se révolter contre les conséquences de l'Ordre, quand bien même elles seraient faites à l'autre et non à moi, c'est renoncer à mon humanité.
•
Refus de la condition qui est la mienne, celle de la solitude.
Cette solitude est sans doute la conséquence de choix personnels que j'ai faits
en toute liberté mais je ne l'ai pas choisie : elle m'est imposée.
Relativement à moi-même, cette solitude est le signe de mon incomplétude
puisqu'elle est l'absence de l'autre et qu'elle me met en deçà de l'humanité
en m'excluant du partage. Relativement aux autres, elle m'exclut de l'agora
et, pour une large part, du réel en me condamnant à me réfugier dans
l'illusion, la virtualité de la relation scripturale à l'autre alors même que
l'écriture n'est pas dialogue mais monologue. Un monologue qui plus est qui se
tient dans le silence. Elle me condamne au rêve qui est un véritable
gaspillage vital puisqu'il se substitue à la vie, à l'être. Elle me relègue
dans cette situation qui n'est pas seulement paradoxale mais aussi tragique
puisqu'elle est blessure faite à ma vie : celle de ne plus trouver de sens à
ma vie alors que mon sens de la vie est toujours aussi intact, passionné et
passionnel ! Elle est souffrance puisque, pleinement conscient de ce que je suis
sinon la condition, du moins l'opportunité de la liberté de certains, et que,
pour un certain temps encore, je ne puis aller au terme ultime de ma liberté
absolue et faire le choix de ne plus vivre. Face à cette condition, ma révolte
a l'accent tragique du désespoir qui est celui du sentiment de… l'absurde !
Mais ma révolte est aussi,
outre l'affirmation de Moi, l'énoncé d'un projet – d'une utopie – que je
porte et qui est celui d'un monde véritablement humain, un monde de
liberté, de fraternité, d'égalité, de solidarité, de dignité…, bref,
d'humanité : l'anarchie. Cet énoncé est autant affirmation –
de principes, de valeurs, d'intention… - que contestation/protestation de ce
qui est et de ce qui n'est pas. A ce titre, ma révolte est une force
de destruction, certes, - destruction, bien entendu, de l'Ordre – mais aussi
de construction. Elle est la force non de la continuité, de la reproduction, de
la substitution, de la conformité… mais de la rupture, du changement, de
l'invention et de la libération. C'est pourquoi, à proprement parler, elle
n'est pas l'énergie de l'être mais du devenir, de la vie
mais de la vitalité, du savoir mais de la recherche, de l'état
mais du mouvement, de la durée mais de l'instantanéité,
de la rationalité mais de la spontanéité… Elle est grosse
d'espoir ou, plus exactement, libératrice de l'espoir. Elle est un cri qui
retentit depuis cet instant où un pré-hominidé a fait le choix de
rompre avec son animalité et d'inventer son humanité. Elle est mon humanité
parce qu'elle est ma liberté. Une liberté qui, d'un point de vue philosophique
et éthique, est réellement absolue dès lors que on peut toujours faire
le choix de ne pas y renoncer, de ne pas se coucher, quitte à mourir
debout mais… libre !
Ainsi, fondamentalement, la révolte individuelle est révolte
contre l'Ordre, refus de l'oppression et de la répression de la liberté. En ce
sens, elle est universelle et intemporelle. Elle est aussi la caractéristique
d'une liberté assumée quand l'absence de révolte l'est du renoncement à
l'humanité.
Comme sentiment né en réaction
d'une situation non choisie comme, par exemple, dans mon cas, celle de la
solitude, elle est aussi bien refus que protestation. Elle peut alors se décliner
en une multitude de formes selon la personnalité de chacun.
Dans le premier cas, l'accent
est mis sur la révolte elle-même alors que dans le second il l'est sur le/la révolté/e.
C'est pourquoi, par exemple, en littérature, on distingue l'épopée héroïque
du roman d'une révolte qui est l'histoire (généralement tragique) d'un/e révolté/e,
la révolte de Robin des Bois de Don quichotte le révolté du désespoir – à
moins que cela ne soit le désespéré de la révolte -.
J'en viens à présent à :
Depuis le XIXème siècle
les termes de révolte et de révolution sont intimement associés
alors même que, conceptuellement et théoriquement, cette association n'a
jamais été clairement expliquée.
Toutefois, dans le prolongement de l'héritage historique de la Révolution
de 1789, le marxisme et, plus tard, le léninisme, ont fortement contribué à dévaloriser
le terme de révolte considérant qu'elle n'était pas conforme à leur
schéma révolutionnaire de prise du pouvoir en vue de l'instauration de la
dictature du prolétariat et qu'elle ressortissait à un mouvement de mécontentement
s'inscrivant dans l'éphémère car ni structuré par un parti
d'avant-garde ni porteur d'un projet révolutionnaire. En fait, cette
dévalorisation du terme traduit leur opposition à la spontanéité
anarchique des masses et le corollaire de leur jugement est que, pour
eux, la révolte est la vaine
affaire des anarchistes dont le seul but est de détruire pour instaurer le désordre,
le chaos quand la révolution est la grande œuvre du parti communiste
qui se propose, en guidant les masses, de prendre le pouvoir pour
construire le socialisme en vue de l'avènement du communisme !
Cette dévalorisation de la révolte
a été reprise par tous les ordres en place et, tout particulièrement, les
ordres bourgeois dans la mesure où la minimisation de la fonction de la révolte
a pour objectif d’assurer l’ordre, l’ordre de l’État qui, dans les
meilleures circonstances, est toujours prêt à admettre le non-conformisme des
subjectivités mais qui supporte pas des actions marginales refusant de
se plier à la logique et à la nécessité de la discipline.
En fait, il n'y a ni opposition,
ni contradiction entre révolte et révolution mais différence de
finalité et, accessoirement[7],
de méthode et la véritable opposition à la révolte est la non-révolte,
c'est-à-dire l'acceptation de la conformité, la soumission à l'ordre,
le renoncement à la liberté.
La révolte est un… symptôme
et, comme tel, une force. En effet, la révolte comprise comme symptôme
est un indice historique qu’il s’agit d’analyser dans sa signification
concrète. Un exemple est significatif : l’histoire de la Grèce classique n'a
pas enregistré de révoltes d’esclaves alors que celle de Rome, en revanche,
témoigne d’une classe servile intervenant sporadiquement sur la scène
politique par… des révoltes. La structure sociale d’ensemble et le mode de
production sont les mêmes : la
non-existence de la révolte servile là et son existence ici constituent un symptôme
– de changement, voire de rupture - qu’il importerait de comprendre en le
prenant à sa racine.
Par rapport à la Société dans
laquelle elle éclate, la révolte est un symptôme[8]
qui révèle que quelque chose ne va pas et, pour reprendre une image médicale,
l'émergence de ce désordre profond qu'est une révolte est
symptomatique de l'état pathologique[9]
d'une Société. Autrement dit, la Société n'est pas malade de la révolte
mais de quelque chose d'autre qui a provoqué la révolte.
Fondamentalement, la révolte
n'est pas tant l'atteinte d'un ordre donné, le projet d'un désordre,
d'un chaos que la révélation du dysfonctionnement de cet ordre, d'un
ordre qui n'est plus ordonné, ordonnancé, régulé. C'est donc l'ordre lui-même
qui produit le désordre, c'est-à-dire la révolte comme symptôme.
Masquer le symptôme – d'abord
en refusant d'écouter la révolte, puis en l'étouffant dans le silence de la répression
et de l'oppression -, c'est se fermer les yeux à la pathologie, c'est
s'enfermer dans l'illusion, c'est se couper du réel. C'est donc refuser de se
soigner et se condamner à souffrir[10],
voire à mourir[11].
Seul un corps vivant peut, par
divers symptômes, révéler qu'il souffre d'une pathologie donnée. Ce corps
vivant particulier qu'est une Société qui ne connaîtrait jamais de révolte
ne témoignerait pas d'une absence de pathologie mais d'une absence de… vie.
Nulle santé de fer – quand bien même ce fer serait celui des barreaux des
prisons, des chaînes, des fusils et des canons… - ne saurait définitivement
mettre une Société à l'abri de la maladie et donc de la révolte. L'Histoire
témoigne au contraire de ce que les anciennes Sociétés qui n'ont plus connu
de révoltes sont celles qui étaient en train de mourir et qui, finalement,
sous le coup, notamment, de facteurs exogènes – le virus barbare par
exemple – ont fini par mourir.
Tout Ordre est condamné à
susciter des révoltes, ce qui me fait dire que, en définitive, un ordre n'a
jamais que les révoltes qu'il mérite.
Nulle oppression ne saurait être
absolue, du moins définitivement. A cette inévitable émergence de révoltes,
l'Ordre, de son point de vue, est condamné à répondre par la répression.
Par rapport à l'ordre, la révolte
n’est rien qu’elle-même ; comme telle, elle est significative. Si l’on
tente de la constituer comme catégorie historique, il importe de la soustraire
aux investigations, prétendument expérimentales, de la psychosociologie. Elle
n’est pas, en tous cas, l’andante de l’allegro révolutionnaire
; encore moins son scherzo . Quand elle surgit, elle est
l’indication qu’un seuil d’acceptabilité est dépassé. Les forces
de l’ordre s'estiment toujours assez puissantes pour maintenir le statu
quo ante . Peine perdue! La révolte se répand et prolifère ; elle
s’éteint et, sans arrêt, renaît de ses cendres.
Le processus peut se reproduire
et ne déboucher sur rien... La révolte ne prépare pas ; elle ne répare
pas non plus. Elle indique, elle alerte, elle accuse, elle dénonce, elle
refuse… Elle est donc la porte ouverte à l'espoir parce que, en tant que
force, elle est libératrice d'énergie.
Aucune oppression n'interdira l'émergence
de révoltes. Aucune répression n'étouffera
à jamais les velléités, puis les volontés de révolte. La révolte est
l'autre face nécessaire de l'Ordre. Vous voulez supprimer la révolte…
supprimer l'Ordre !
De nombreuses révoltes ont
marqué l'Histoire. Il m'a semblé d'en mentionner quelques unes, sachant que
l'Histoire n'a donné de nom propre qu'à certaines d'entre elles et que, pour
les autres, l'identification ne peut se faire que par le nom de son héroïne
ou de son héros :
Épisode important de la genèse de la guerre d'Indépendance américaine, la Boston Tea Party est une manifestation populaire spontanée de protestation contre les lois coloniales britanniques, qui eut lieu le 16 décembre 1773. Moins de deux ans plus tard éclatait la guerre d'Indépendance.
Depuis plusieurs années,
le roi George III et son parlement, confrontés à des problèmes de trésorerie,
multipliaient les mesures de taxation du commerce des Treize Colonies américaines,
au seul profit de la métropole. Le thé devint rapidement l'une des principales
pommes de discorde entre Américains et marchands anglais en raison d'une
surtaxation exorbitante. Aussi, lorsque le Tea Act fut voté en mai 1773,
la contrebande devient pour les colons un devoir patriotique. Les membres
d'associations autonomistes, comme les Fils de la Liberté, décidèrent de ne
plus accepter les abus fiscaux, et certains de leurs membres, déguisés en
Indiens, jetèrent par-dessus bord le contenu de trois navires marchands. Déjà,
en 1770, Boston avait été le théâtre de graves émeutes : des soldats
anglais, pris à partie par la foule, avaient ouvert le feu. En 1773, la
ville fut le foyer principal d'agitation anti-anglaise. Pour mettre à raison
les Bostoniens, George III signa un décret (1774) ordonnant l'interdiction
de commercer pour le port de Boston. Cette mesure révolta les Bostoniens et
contribua au déclenchement de la guerre d'Indépendance en 1775.
Chef de la tribu apache des Chiricahuas (vers 1812 ; 1874). Après avoir longtemps entretenu de bonnes relations avec les Blancs, il s'opposa ensuite farouchement à leur intrusion. Alors qu'il vivait paisiblement dans les montagnes Chiricahua en livrant du bois au relais de diligences, il fut accusé à tort d'avoir kidnappé un jeune métis. Arrêté alors qu'il venait parlementer avec les troupes fédérales pour nier les faits, il parvint tout de même à s'enfuir avec des otages mais fut blessé et six de ses compagnons furent pendus.
Cochise rassembla alors
son peuple pour venger les morts et pour défendre sa patrie contre les
envahisseurs. Il multiplia les attaques contre les ranchs isolés et les
diligences. La plus célèbre fut celle qu'il mena en septembre 1861 à la
tête de 700 guerriers contre la milice californienne sur le site qui a conservé
le nom d'Apache Pass. Il ne signa la paix qu'en octobre 1872 et mourut de
maladie deux ans plus tard.
Chef amérindien de la nation des Sioux Oglalas (vers1849 ; 1877). Son nom sioux, Tashunca-Uitco, se traduit littéralement par cheval sauvage ou indompté. Dès son plus jeune âge, Crazy Horse nourrit une profonde haine à l'égard des Blancs. Ce sentiment lui avait été notamment inspiré par la découverte du campement dans lequel il vivait près de Ash Hollow dans le Nebraska, complètement détruit par l'armée américaine, le 3 septembre 1855.
Les manifestations d'hostilité des Indiens à l'égard des Américains n'avaient jamais complètement cessé pendant la guerre civile (guerre de Sécession) mais, en 1864, le massacre de Sand Creek marqua le début d'une nouvelle période de conflit ouvert. C'est à cette époque que Crazy Horse devint un grand chef de guerre. Il fut impliqué dans le massacre du capitaine Fetterman et de ses hommes, le 21 décembre 1866, et participa au combat de Waggon-Box, le 21 août 1867.
Au début des années 1870, il se livra à de nombreuses attaques contre les équipes de surveillance de la voie ferrée de la Northern Pacific et, en 1873, il affronta par deux fois les troupes du général Custer sur les bords de la rivière Yellowstone. Peu à peu, la bande de Crazy Horse se développa pour devenir une grande confédération sioux de près de 1 000 guerriers. Celle-ci défit l'armée du général Crook près de la rivière Rosebud, dans le Montana, le 17 juin 1876, et participa au massacre du général Custer et du 7ème régiment de cavalerie lors de la bataille de Little Big Horn, le 25 juin. Au cours de chacun de ces affrontements, Crazy Horse était en première ligne pour mener ses hommes.
Malgré la reddition de la
plupart des chefs Sioux, peu de temps après Little Big Horn, ou leur fuite à
l'étranger, Crazy Horse continua de résister. Il finit toutefois par se
rendre, le 6 mai 1877, au général Crook à Fort Robinson, dans le
Nebraska. Quatre mois plus tard, le 5 septembre, Crook donna l'ordre de
l'emprisonner. Crazy Horse tenta alors de s'échapper et se fit tuer par un des
gardes.
Esclave originaire d'Apamée,
en Syrie, chef de la révolte des esclaves, en Sicile, qui tint en échec les
Romains de - 135 à - 132. Assiégé dans Tauromenion Taormina), il fut capturé
par Publius Rupilius. Il mourut en prison.
Chef de la tribu apache des Chiricahuas (entre 1823 et 1829 ; 1909). Pour venger l'assassinat de sa famille par des Mexicains en 1858, il participa à de nombreux raids. Sa bravoure lui valut d'être élevé au rang de chef. Après avoir combattu les Mexicains jusque dans les années 1870, il joua un rôle important lorsque les Apaches, déportés de force dans une réserve dans l'est de l'Arizona, rompirent la paix avec les États-Unis.
En 1876, les Apaches furent déportés vers la réserve honnie de San Carlos, située dans la vallée désertique de la rivière Gila. Deux ans plus tard, Géronimo s'enfuit au Mexique ; mais il revint en 1880 après avoir effectué de nombreux raids. Il resta en paix jusqu'à l'automne 1881, date à laquelle il reprit ses habitudes de pillard sur les deux côtés de la frontière américano-mexicaine. Il échappa aux troupes lancées après lui par les deux pays pendant plus de deux ans mais finit par se rendre en mai 1883 et retourna à San Carlos.
En 1885, accompagné de 34 guerriers, 8 adolescents et 92 femmes et enfants, il quitta la réserve et recommença ses raids. Pourchassé par une puissante expédition militaire, il finit par se rendre le 25 mars 1886, mais s'enfuit de nouveau avec 24 compagnons. Le gouvernement américain lança alors à sa poursuite 5 000 soldats, 500 scouts apaches et des milliers de miliciens. Géronimo ne se rendit que cinq mois plus tard. Tous les Chiricahuas furent alors déportés comme prisonniers de guerre vers la Floride.
Conformément au traité signé
par Géronimo avec le gouvernement de l'Union en mars 1886, ils
furent installés en 1894 à Fort Sill dans l'Oklahoma. Désormais célèbre,
Géronimo visita l'Exposition internationale de Saint Louis et assista à la cérémonie
d'investiture du président Théodore Roosevelt, en 1905. La même année,
il dicta son autobiographie, Géronimo, sa propre histoire, au journaliste S.M.
Barrett. Il mourut d'une pneumonie à Fort Sill, le 17 février 1909.
Réformateur chinois ( 1813 ;
1864), il fonda, en 1836, la secte des Adorateurs de Dieu, qui se proposait de
libérer la Chine de la domination mandchoue et d'instaurer la propriété
commune de tous les biens. En 1851, il déclencha l'insurrection des Taiping et
se proclama Roi du ciel. Deux ans plus tard, il s'empara de Nankin, où
il établit sa capitale. Mais il ne put obtenir l'appui recherché des
Anglo-Français, ni prendre Pékin ; il subit de graves revers et se suicida après
la chute de Nankin.
Cistercien hongrois (1190
;1251), il déclencha une révolte populaire contre la noblesse et le clergé,
qui gagna toute la moitié nord de la France. Le soulèvement, connu sous le nom
de croisade des Pastoureaux, avait pour but de délivrer Saint Louis des infidèles.
Après avoir traversé Paris, Jacques se heurta à l'autorité royale et fut tué
alors que ses bandes étaient dispersées.
Révolte amorcée en avril 1829 dans la forêt de Saint-Lary (Hautes-Pyrénées), la guerre des Demoiselles éclata au moment de la promulgation du Code forestier, en 1829. La remise en ordre forestière, avec son cortège obligatoire de réglementation des coupes et de mise en défens pastoral, fut insupportable à une population surabondante habituée à l'usage de toutes les ressources de la montagne, quel qu'en fût le propriétaire. Les troubles explosèrent dans la région centrale des Pyrénées, le Couserans (Bellongue, Biros, Salat et Massatois) et s'étendirent hors de la région.
Les insurgés furent qualifiés de Demoiselles en raison de leur habillement, qui comprenait une chemise de lin passée sur les habits et serrée à la taille d'une ceinture rouge et une peau de mouton en guise de coiffure. Le visage des insurgés était barbouillé de suie striée de rouge. Opérant par bandes d'une vingtaine d'hommes, mais parfois également en manifestation de masse (jusqu'à 800 personnes à Massat), les Demoiselles multiplièrent les exactions en 1829 et 1830 contre les gardes forestiers, les charbonniers, les maîtres de forge, et la forêt elle-même, où l'on vit de nombreux arbres cravatés, c'est-à-dire incisés à la hache sur toute la largeur de l'écorce.
Face à cette insurrection, les
quelque 1 200 hommes de troupe appelés en renfort restèrent longtemps
impuissants devant la fluidité des groupes d'insurgés.
Série d'émeutes que provoqua
dans plusieurs régions de France, en avril 1775, l'augmentation du prix du blé,
et donc du pain. Cette hausse des prix faisait suite à la promulgation, par
Turgot, de l'édit sur la liberté du commerce des grains coïncidant avec une
mauvaise récolte. Ces troubles, suscités par les partisans du monopole, furent
sévèrement réprimés par Turgot (à Paris, en mai 1775).
La Jacquerie
Révolte paysanne qui affecta en 1358 la région parisienne et principalement l’Île-de-France, le Beauvaisis et la Brie ; la première manifestation eut lieu le 28 mai à Saint-Leu-d’Esserent. Principalement dirigé contre les nobles, le mouvement fut extraordinairement violent : des seigneurs furent massacrés, des femmes violées, un enfant rôti vif. Surtout, les châteaux brûlèrent, les récoltes furent saccagées, le cheptel tué. La révolte fut cependant aussi brève que brutale. L’alliance de la bourgeoisie parisienne (Étienne Marcel, prévôt des marchands) ne procura aux jacques, dirigés par Guillaume Carle ou Karle, qu’un soutien épisodique. Les Parisiens subirent à Meaux un échec cuisant, cependant que la noblesse réformatrice (menée par le roi de Navarre, Charles II le Mauvais) préférait obéir à ses intérêts et se dressait contre les paysans: les jacques furent écrasés le 9 juin à Mello. Les bourgeois se détachèrent rapidement des paysans et se rangèrent aux côtés du roi (assassinat d’Étienne Marcel, 31 juillet).
Née d’une dépression économique
amorcée depuis la fin du siècle précédent, la jacquerie fut à certains égards
une révolte de la misère et une conséquence de la guerre de Cent Ans et de la
peste noire. Mais elle fut surtout la contestation, par les petits possesseurs
— et non par le prolétariat rural —, d’un système seigneurial de moins
en moins adapté aux nécessités de l’exploitation, alors qu’une longue
stagnation des prix céréaliers privait le tenancier de ses profits et incitait
le propriétaire noble ou bourgeois à renforcer ses exigences. Le mécontentement
général contre la noblesse, consécutif à la défaite de Poitiers (1356), ne
fit évidemment qu’aggraver le malaise au sein duquel éclata la jacquerie.
L’échec rapide de celle-ci fut en grande partie le fruit de
l’inorganisation, de l’incohérence des mouvements et de l’absence de chef
véritable.
La journée des Tuiles (7
juin 1788)
Depuis mai 1788, les protestations se multipliaient à Grenoble contre les édits royaux réformant les parlements (réforme de Lamoignon). Le 7 juin, l'agitation tourna à l'émeute lorsque la nouvelle se répandit que les parlementaires grenoblois avaient reçu des lettres de cachet leur ordonnant de s'exiler sur leurs terres. La population de la ville descendit dans la rue. Alarmés par le tocsin, les paysans des villages voisins accoururent en renfort. De durs affrontements opposèrent les troupes de la garnison aux manifestants, dont certains, juchés sur les toits, bombardaient les soldats avec des tuiles. Assailli dans son hôtel, le gouverneur dut céder et autoriser la réunion du parlement.
Ce triomphe populaire inquiéta autant qu'il satisfaisait les notables. Réunis à l'hôtel de ville le 14 juin, sous la présidence du comte de Morges, ils appelèrent à une nouvelle assemblée élargie à la province toute entière. Une vigoureuse campagne de mobilisation contraignit le pouvoir royal à tolérer que cette assemblée se tînt hors de Grenoble, au château de Vizille. Le 21 juillet, les représentants exigèrent le retrait des édits et le rétablissement du parlement, la convocation des états généraux avec double représentation du tiers et le vote par tête, un programme politique qui allait bien au-delà des objectifs initiaux de la noblesse parlementaire révoltée.
Suite à cette journée des
Tuiles, le roi, par les arrêts des 2 et 8 août, autorisa la réunion
des états de la province et annonça pour le 1er mai 1789 la réunion des
états généraux.
La rébellion d'An Lushan
(755-763)
An Lushan (705-757) n’est en fait que le principal héros d’un épisode central dans l’histoire de la Chine impériale. Né dans le Nord-Est d’un officier sogdien et d’une mère turque, polyglotte, propulsé au sommet de la hiérarchie militaire par ses prouesses et par un talent exceptionnel pour l’intrigue, c’est un pur produit de cette frontière sino-barbare dont les Tang, à partir des années 730, ont abandonné la défense à des commissaires impériaux (jiedushi ) commandant des armées professionnelles de mercenaires. Dans les années 740, il est devenu la coqueluche de la cour, qui, tout en s’amusant des pitreries de cet obèse jovial, redoute sa puissance; il finira par cumuler de nombreux titres honorifiques avec le commandement de trois régions militaires, dans le Nord et le Nord-Est (746). Entré en conflit avec le Premier ministre Yang Guozhong, il lève l’étendard de la révolte (755), marche sur la plaine centrale, s’empare de la capitale orientale, Luoyang, et se proclame empereur d’une dynastie Da Yan. Malgré la résistance qui s’organise (il est coupé de sa base du Nord-Est), il réussit à prendre la capitale Chang’an. L’empereur Xuanzong fuit vers l’ouest, doit faire face à une révolte de sa garde, laquelle obtient l’exécution de Yang Guozhong et de sa cousine, la favorite Yang Guifei (épisode entré dans la légende et chanté par les poètes), et va se réfugier au Sichuan après avoir laissé le trône à son fils, le futur Suzong, chargé de sauver la dynastie. Malade et sujet à des accès de démence, An Lushan est assassiné par son fils An Qingxiu (757), qui poursuit la lutte. À la fin de 757, les Tang ont repris les deux capitales avec l’aide d’une tribu de Turcs sédentarisés, les Ouïgours, qui retournent chez eux gorgés de butin. À Fanyang (Pékin), Shi Siming (?-761), le principal lieutenant d’An Lushan, se rallie aux Tang puis rompt avec eux dès qu’il sent sa sécurité menacée (758). Appelé au secours par An Qingxiu au Henan, il bat une coalition de neuf jiedushi loyalistes, exécute An Qingxiu, prend la tête de la rébellion (couramment appelée rébellion d’An et de Shi pour cette raison) et s’empare à nouveau de Luoyang (761). Il est à son tour assassiné par son fils Shi Chaoyi, coupable de n’avoir pu prendre Chang’an. Rappelés à la rescousse, les Ouïgours reprennent Luoyang (fin 762), et c’est la fin : Shi Chaoyi, réfugié dans la région de Fanyang, est capturé et exécuté par le jiedushi local (début 763).
Rien ne sera plus comme avant.
Les Tang, qui jusqu’au milieu du VIIIème siècle avaient régné sur une cour
extraordinairement brillante et un empire centralisé dont la domination s’étendait
loin des limites de la Chine propre, se retrouvent à la tête d’un territoire
confiné à ces dernières, menacé sur ses frontières et en butte à des révoltes
armées à l’intérieur. L’ancien système de conscription, fondé sur les
couches moyennes d’une paysannerie libre, est tombé en désuétude, et les
satrapies des jiedushi s’étendent désormais à la plaine
centrale ; disposant d’une large autonomie, ils livrent l’impôt à la
capitale quand ils le veulent. Les pays du bas Yangzi, déjà pressurés pour
financer la résistance contre la rébellion (d’où plusieurs révoltes),
resteront jusqu’à la fin de l’empire la principale source de revenu du
gouvernement central. De même, la réforme de l’impôt double (780),
qui revient à légaliser la grande propriété privée, a des conséquences
sociales et économiques qui dureront jusqu’en plein XXème siècle.
Enfin, les méfaits du militarisme conduiront à l’éclatement de l’empire
au début du Xème siècle
et, par réaction, à l’instauration d’un régime dominé par la
bureaucratie civile lors de la réunification des Song (960).
La révolte des Bagaudes
On désigne sous le nom de bagaudes (terme d’origine celtique qui signifie les combattants) les paysans gaulois qui se révoltèrent contre les Romains à l’époque de Dioclétien (fin du IIIème siècle) et les révoltés de Gaule et d’Espagne dans la première moitié du Vème siècle. Le premier soulèvement, qui avait été précédé d’un certain nombre de troubles, commença en 283 et dura jusqu’en 311. Les révoltés, qui se dressaient contre la pression fiscale, sont souvent traités de voleurs (latrones ) par les auteurs latins. En réalité, leurs bandes, qui se livraient bien entendu au pillage, constituaient de véritables armées animées d’un certain patriotisme. Ils furent battus par Maximien Hercule, et leurs chefs Aelianus et Amandus, qu’ils avaient élus empereurs, furent considérés comme des martyrs et des saints. À la fin du IVème siècle et au début du Vème, les bagaudes réapparurent un peu partout, habitants de la campagne se révoltant contre les impôts et contre la justice de Rome.
Salvien, moine de Trèves qui se fixa dans les îles de Lérins vers 450, s’exprime comme suit : "Nous les appelons des rebelles, des hommes perdus, nous qui les avons poussés à être des criminels. S’ils sont devenus des bagaudes, n’est-ce pas à cause de nos injustices, de la malhonnêteté des gouverneurs, de leurs confiscations, de leurs rapines, eux qui, sous le prétexte de percevoir les impôts publics, détournent à leur profit les sommes perçues ?" (De gubernatione Dei , V, VI). La comédie latine, Querolus, Le Grognon, ou l’Aulularia, qui date de la fin du IVème siècle ou du début du siècle suivant et qui est imitée de Plaute, montre comment les paysans repoussent les lois romaines et s’organisent pour rendre la justice. On signale des bagaudes au Vème siècle en Espagne, dans la Tarraconaise. L’écrivain grec Zosime dépeint leur activité dans les Alpes en 408. Mais c’est en Armorique, où se manifeste un chef de bagaudes, Tibatto, que les révoltés sont les plus actifs et les plus puissants. Ici encore, il apparaît nettement que les paysans sont mus par un sentiment antiromain. Goar, le chef des Alains, peuple originaire du Caucase auquel Aetius, qui avait lui-même reçu mission de défendre l’Armorique, avait fait appel, voulut noyer dans le sang la sécession des Armoricains. Mais saint Germain s’interposa. À cette même date, on constate l’immigration en Armorique d’hommes et de femmes de Grande-Bretagne. Le terme de bagaudes n’est pas employé pour désigner les révoltés de Grande-Bretagne qui sont cependant signalés à la même époque dans la région londonienne et ailleurs.
En Gaule, le nom apparaît dans
des documents postérieurs au Vème
siècle, ne laissant aucun doute sur l’ampleur de la révolte. Un diplôme de
638 relatif à Saint-Maur-des-Fossés, dans la région parisienne, mentionne un
retranchement des bagaudes dans la localité.
Parmi tous les soulèvements qui marquèrent la fin de la dynastie des Qing, le plus lourd de conséquences fut la révolte de la secte du Poing fermé (d'où le nom de Boxers), qui éclata en 1900, à la suite des empiétements européens sur le territoire chinois.
Comme cela s'était produit souvent dans le passé, il s'agissait d'un mouvement populaire, nationaliste et xénophobe dirigé contre les classes possédantes, et les dirigeants mandchous en particulier. Le gouvernement de Pékin fit alors preuve d'une grande habileté, en parvenant à canaliser le mouvement et en en faisant une véritable croisade contre les étrangers qui se partageaient la Chine depuis la guerre de l'Opium. On vit alors des réguliers chinois se battre contre les Occidentaux aux côtés des rebelles, dont les dirigeants furent en rapports étroits avec la cour. En juin 1900, les Boxers envahirent les missions catholiques, assiégèrent les légations étrangères, tuant de nombreux prêtres ainsi que le ministre d'Allemagne Ketteler. Mais la réaction de l'Occident (ou mieux, des puissances coloniales, car le Japon participa aussi à la guerre) fut plus vive que la cour ne l'avait prévu. Tandis que les troupes russes occupaient la Mandchourie, un corps expéditionnaire international placé sous le commandement du maréchal allemand Alfred von Waldersee fut alors envoyé en Chine ; après avoir débarqué près de Tien Tsin, il prit Pékin (août 1900) et parvint à dégager in extremis les légations européennes, assiégées depuis cinquante-cinq jours. Sentant bien qu'il serait impossible de se justifier auprès des vainqueurs, l'impératrice douairière Cixi s'enfuit avec l'empereur pour ne revenir à Pékin qu'en 1902, non sans qu'ait été signé un traité désastreux pour la Chine : ouverture de nouvelles concessions territoriales et paiement d'une énorme indemnité de guerre.
La révolte des Boxers, par ses
conséquences, obligea Cixi à procéder aux réformes indispensables ; mais
elles furent trop timorées. Par ailleurs, les Mandchous avaient révélé leur
faiblesse. Des intellectuels progressistes, ulcérés par la défaite et le régime
des capitulations, étaient en train d'acquérir une véritable
conscience nationale : parmi eux, Sun Yat-sen, qui transformera le réformisme
en véritable mouvement révolutionnaire.
De 1702 à 1715, la révolte des camisards contre l'autorité royale (Louis XIV) fut une insurrection protestante, paysanne et cévenole. À l'origine, on trouve le refus du catholicisme, imposé par la force depuis 1685, et la révocation de l'édit de Nantes, car la région est massivement protestante.
Le premier acte du soulèvement fut l'assassinat de l'abbé du Chayla, vicaire général du diocèse de Mende. Pour convertir, ce prêtre usait de méthodes violentes; on lui tendit une embuscade et il fut tué le 2 juillet 1702, au Pont-de-Montvert. Ce crime déclencha un mouvement général, qui, sans plan concerté, s'étendit à tout le pays cévenol.
Les paysans, privés par la persécution d'une organisation religieuse régulière, étaient ardents et même exaltés : ils avaient connu, dans les années 1690, un mouvement de prophétisme populaire avec visions et extases. Le maréchal de Villars évoque dans ses Mémoires l'exaltation religieuse des protestants cévenols : "J'ai vu dans ce genre des choses que je n'aurais jamais crues si elles ne s'étaient passées sous mes yeux : une ville entière dont toutes les femmes et les filles, sans exception, paraissaient possédées du diable. Elles tremblaient et prophétisaient publiquement dans les rues. J'en fis arrêter vingt des plus méchantes".
Cette population paysanne demeura isolée dans sa révolte. Les élites locales avaient souvent émigré, et dans les villes du pourtour des Cévennes la bourgeoisie protestante ne bougea pas. Aussi les combats se limitèrent-ils aux montagnes cévenoles et à des attaques nocturnes, où, dans une nature demeurée très sauvage, évoluaient des bandes dont l'uniforme consistait exclusivement en une chemise blanche passée sur les vêtements : en patois d'oc on disait camiso, d'où le nom de camisard.
Cette guerre de partisans et son cadre naturel déconcertèrent les chefs militaires envoyés de Versailles : ils étaient habitués à déployer, dans les plaines du nord de la France, des armées bien alignées. En 1704, l'administration royale avait perdu le contrôle du pays et les ennemis de la France, engagée dans la guerre de la Succession d'Espagne, incitaient à la révolte sans toutefois l'encourager matériellement.
Louis XIV envoya alors le maréchal de Villars à la tête d'une troupe importante. Villars accentua l'effort militaire mais surtout négocia avec les chefs des insurgés. Il promit l'amnistie et même des récompenses. Il réussit à diviser ses adversaires et à rallier, en 1704, le plus considérable d'entre eux, Jean Cavalier, qui fut nommé colonel et pourvu d'une pension. Cavalier passa ensuite en Angleterre, où il mourut après avoir combattu la France. Après son départ des Cévennes, un calme relatif se maintint et Villars quitta son commandement dès 1705.
En définitive, la révolte des
camisards avait imposé le protestantisme à l'autorité royale. En 1715,
un synode protestant se réunit de façon à peine secrète près de Nîmes.
On désigne par "révolte des canuts" le mouvement de grève déclenché par les tisserands de soie lyonnais, en novembre 1831, et qui tourna à l'insurrection. L'ordre fut rétabli par la troupe. Au XIXème siècle, les soyeux lyonnais constituaient un prolétariat important, soumis à des conditions de travail très dures. Affublés par la population bourgeoise du sobriquet méprisant de canuts, en raison de l'utilisation d'une canne dans l'emploi des métiers à bras, ils travaillaient dans des ateliers concentrés dans le quartier de la Croix-Rousse, une colline située entre Rhône et Saône, qui domine le centre ville bourgeois.
Les fluctuations de la demande de la soie à l'exportation et le fait que les salaires étaient payés à la pièce entretenaient un chômage endémique. De plus, l'industrie de la soie lyonnaise souffrait d'une organisation hiérarchique contraignante, qui multipliait les intermédiaires entre les ateliers et les marchands, réduisant les canuts à la condition de simples sous-traitants.
Ainsi, lorsque en 1831, sous l'effet d'une vive concurrence internationale, les salaires furent réduits à la portion congrue, les canuts, acculés à la misère, se révoltèrent. Leur mécontentement entraîna une telle agitation que le préfet de Lyon, désireux de désamorcer une situation explosive, tenta d'organiser une conciliation entre les intermédiaires et les canuts. Ces derniers exigèrent un minimum salarial, dont les prud'hommes devaient être chargés de surveiller la stricte application.
Mais, au sein de la bourgeoisie, un groupe représenté par quelques fabricants se constitua pour refuser l'accord. C'est ainsi que le 10 novembre 1831, les fabricants firent connaître leur opposition à toute forme d'accord. Ce refus suscita un climat d'émeute au sein de la population des canuts. Le 21 novembre, ces derniers décidèrent une grève générale, et des groupes armés marchèrent vers le centre ville de Lyon au cri de "Vivre libre en travaillant ou mourir en combattant". Une première échauffourée avec la troupe tourna à l'avantage des canuts. Un comité insurrectionnel se forma, mais, faute d'un véritable programme, ne prit pas de mesure concrète.
La réaction du gouvernement de
Casimir Perier fut brutale. Une armée fut constituée, placée sous le
commandement conjoint du fils aîné du roi Louis-Philippe, le duc d'Orléans,
et du maréchal Soult. Les soldats pénétrèrent à Lyon le 5 décembre 1831,
sans rencontrer de résistance ; le préfet fut révoqué tandis que les mesures
sociales furent abrogées. Seuls les meneurs furent poursuivis, mais, par précaution,
le roi décida de faire construire un fort en lisière de la Croix-Rousse, pour
isoler ce quartier de la ville.
La révolte des Cipayes
(1857-1859)
Les cipayes, de l’anglais sepoy , venu du persan sipāhi (le français spahi n’a pas d’autre origine), étaient les mercenaires autochtones de l’armée britannique de l’Inde au XIXème siècle.
Les expressions quelque peu péjoratives de "révolte des cipayes" et de "mutinerie indienne", utilisées respectivement en français et en anglais, désignent un événement capital qui a marqué l’Inde au siècle dernier et que l’on nomme sur place la "grande rébellion", la "première révolution indienne" ou la "première guerre d’indépendance indienne".
Le point de départ en fut effectivement une mutinerie de soldats indiens de la garnison de Meeruth (10 mars 1857), que leurs officiers britanniques voulaient contraindre à déchirer de leurs dents de nouvelles cartouches enduites de graisse de bœuf (animal sacré des hindous) ou de porc (animal impur des musulmans comme des hindous). La révolte gagne rapidement les autres garnisons, dont celle de Delhi, et se transforme en un soulèvement général de toute la population de la plaine du Gange contre l’occupant étranger. Les Britanniques sont assiégés dans leurs quartiers.
Hindous et musulmans, citadins et paysans appauvris, artisans ruinés par l’industrie anglaise, fonctionnaires démis, princes dépossédés, tous ont des griefs qui les unissent contre la domination coloniale.
Plusieurs personnalités de premier plan se révèlent dans l’action : outre le Grand Moghol Bahādār chāh, souverain théorique de l’Inde, qui, malgré son grand âge, suit le mouvement, ce sont principalement Nana-Sahib, dernier héritier des souverains mahrāttes, Tantia Topi, son général, puis la rāni (reine) de Jhānsi, qui meurt à la tête de ses troupes et est célébrée comme une Jeanne d’Arc de l’Inde moderne.
Mais le mouvement ne peut gagner tout le pays et reste limité à l’Inde du Nord et du Centre. La supériorité technique et logistique des Britanniques l’emporte, appuyée sur d’autres mercenaires : Gurkhas du Népal, Afghans et Sikhs du Punjab, par exemple. Mais l’armée britannique met plus d’un an à rétablir l’ordre colonial ; officiellement, cet ordre revient le 8 juillet 1858 ; en fait, le conflit persiste jusqu’en 1859, cela au prix d’atrocités nombreuses, les atrocités des Britanniques surpassant celles des révoltés, car elles sont commises systématiquement, en nombre, et à froid : sac de Delhi et massacre de centaines d’Indiens attachés à la bouche des canons.
Cette première révolution indienne oblige la puissance britannique à infléchir considérablement sa politique en Inde. Le gouvernement supprime la Compagnie des Indes, le pays est administré directement, et le souverain anglais ceint la couronne impériale de l’Inde. Sur place, au lieu de tendre à évincer les princes locaux, l’administration s’appuie sur eux et renforce leurs privilèges; par crainte des anciens cadres administratifs musulmans de l’Empire moghol, les Britanniques favorisent pour un temps leur remplacement par des hindous.
Quant aux Indiens, ces événements
leur auront donné confiance en eux-mêmes, en montrant à quel prix
l’occupant pouvait être mis en difficulté : la condition est de réaliser
l’unité nationale et de maîtriser le progrès technologique.
La révolte des comuneros
En 1520-1521, les communes de
Castille, sous la conduite de Juan de Padilla, se soulevèrent contre le
gouvernement de Charles Quint, en essayant de s'appuyer sur la reine mère
Jeanne la Folle, internée au château de Tordesillas. Mais Padilla ne put entraîner
la noblesse castillane : il fut arrêté et exécuté. L'échec du mouvement accéléra
l'évolution vers l'absolutisme royal en Espagne.
Les Gueux fut le surnom des nobles des Pays-Bas qui, en 1568, se soulevèrent contre le pouvoir des Espagnols ; il leur fut donné le jour où, pauvrement vêtus, portant écuelle et besace, ils vinrent présenter leurs requêtes à la régente Marguerite de Parme (Compromis de Breda, 1566). Mécontents d'être écartés des charges publiques, ils voulaient imposer le respect de leurs libertés locales, demandaient l'abolition de l'Inquisition et s'élevaient contre la rigueur de la lutte contre l'hérésie protestante (les édits de persécution, subis sous Charles Quint, étaient devenus odieux à cause de la rigueur inflexible avec laquelle Philippe II les faisait appliquer). Le duc d'Albe, envoyé par Philippe II (1567), organisa contre eux une répression impitoyable (création du Conseil des Troubles, dit Tribunal de Sang). En 1568, Guillaume le Taciturne, qui s'était retiré en Allemagne, rentra aux Pays-Bas à la tête d'une petite armée et l'insurrection éclata.
On distingua les Gueux des bois,
qui menèrent une guérilla à l'intérieur du pays, et les Gueux de la mer, qui
harcelaient les navires espagnols ; en 1572, ces derniers soulevèrent la Zélande
et la Hollande et s'emparèrent du port de La Brielle ; on parla également des
Gueux d'État et des Gueux de religion, selon la nature de leur revendication
essentielle.
La révolte des maillotins
(1382-1383)
Nom donné à des révoltés parisiens, en 1382, en raison des maillets de plomb pris comme armes par les émeutiers. Le mouvement est, à long terme, le résultat d’un quart de siècle de stabilité monétaire défavorable aux débiteurs et aux locataires, les éléments les plus modestes de la population, cependant que la reprise démographique laissait stagner les salaires après la saignée de la peste noire et la flambée des salaires qui résultait de cette épidémie.
À court terme, la révolte naquit du rétablissement des impôts sur les denrées alimentaires, inévitable mais maladroitement décidé par le gouvernement des oncles de Charles VI, particulièrement le duc d’Anjou, après la suppression déclenchée par une décision, populaire mais peu réaliste, de Charles V à son lit de mort (1380).
Le 1er mars 1382, les émeutiers venus des quartiers les plus modestes de la ville tinrent les notables sous la terreur, massacrèrent quelques usuriers et spéculateurs, et ne surent que faire de leur victoire. Le mouvement fut rapidement exploité et amplifié par les éléments marginaux de la population parisienne, ainsi que par quelques pêcheurs en eau trouble appartenant à la haute bourgeoisie. Sans relations efficaces avec les autres révoltes urbaines, cependant contemporaines (Rouen, Orléans, Reims, Gand, etc.), le mouvement parisien ne put obtenir aucun avantage durable et sombra très rapidement; par l’intermédiaire de ses éléments les plus modérés, la bourgeoisie parisienne traita avec le gouvernement des princes, qui s’était établi à Vincennes. En fait, à peine l’ordre était-il rétabli que la répression s’abattait sur la capitale : l’exécution des principaux agitateurs commença dès le 11 mars.
Après avoir réprimé la révolte
des autres villes, en particulier celle des Gantois (Roosebecke, 27 nov.
1382), le roi vint châtier les Parisiens (janvier 1383). La capitale perdit,
pour plusieurs années, ses principaux privilèges et même sa municipalité.
La révolte des Nu-Pieds
(1639-1640)
La révolte des Nu-Pieds, soulèvement populaire de Normandie, est à la fois rurale et citadine ; elle fut châtiée par une expédition punitive du chancelier Séguier en personne.
Dans l’Avranchin en 1639, le bruit s’était répandu que le gouvernement allait interdire le sel blanc et établir la gabelle. Le pays jouissait du privilège du sel de la baie, et une telle décision menaçait les quelque 1 200 personnes qui vivaient des salines. Les troubles éclatent à Avranches le jour où un officier de police de Coutances est accueilli par des clameurs contre le "gabeleur, les monopolistes" : il est assommé par une foule déchaînée ; même sort est promis à quiconque voudrait introduire un nouvel impôt. En quelques semaines, l’agitation gagne toute la Basse-Normandie. Une armée de près de 20 000 hommes se lève dans les campagnes, encadrée par des gentilshommes et des prêtres. Ils disent avoir pour chef un certain Jean Va-Nu-Pieds, dont on a cherché en vain l’identité. Des manifestes en vers incitent à la révolte la noblesse normande, les bourgeois et les rentiers contre les humiliations et les spoliations. Il est fait appel à l’insurrection jusqu’en Poitou, en Bretagne, à Paris.
Le peuple de Rouen se soulève pour s’opposer à un nouveau droit sur les étoffes teintes; robins, fabricants, artisans se jettent dans la révolte. Le premier officier chargé d’appliquer l’édit sur les teintures est tué sur le parvis de la cathédrale; les maisons des traitants sont pillées, le bureau des aides attaqué ; un horloger, Gorin, prétend être le lieutenant de Jean Va-Nu-Pieds et prend la tête de l’émeute. L’agitation règne à Caen et à Bayeux.
Richelieu, qui ne veut pas détourner
une armée des frontières pour rétablir l’ordre, conseille à ses agents
d’agir avec adresse, puis le Conseil royal décide d’écraser la province
rebelle : la répression est confiée au colonel Gassion et à ses troupes étrangères
qui pillent Avranches et dispersent les Va-Nu-Pieds. Le châtiment s’abat sur
Rouen où le chancelier Séguier s’établit à l’abbaye royale de Saint-Ouen
(1640), loge ses soldats chez l’habitant, remplace la municipalité par une
commission, interdit le parlement et surtout rétablit tous les impôts contestés.
Quand il s’avance vers Caen, toute la Normandie est terrorisée.
Mouvement chinois
politico-religieux d'inspiration taoïste qui a mobilisé des millions de
paysans à la fin de la dynastie des Han (184-186). Cette révolte fut durement
réprimée.
La révolte du papier timbré
(1675)
Révolte survenue en Basse-Bretagne, d’autant plus grave qu’elle se produit pendant une émeute bordelaise au cours de la guerre de Hollande (1675). En Bretagne, les officiers seigneuriaux (sénéchal, notaire, sergent, procureur fiscal) jouaient le rôle d’hommes d’affaires du seigneur; rémunérés par vacations, ils se montraient tracassiers. Les seigneurs eux-mêmes résidaient sur leurs terres dont la gestion était confiée à un intendant ou à des fermiers. Généralement pauvres, ils exigeaient rigoureusement leurs droits. Dans un climat déjà tendu entre les seigneurs et les paysans, le parlement de Bretagne ajoute une nouvelle charge, par l’édit royal de 1674 qui rend obligatoire, dans tout le royaume, le papier timbré pour les actes de justice et les actes notariés. Un autre édit impose la marque à la vaisselle d’étain, un troisième réserve au roi le monopole du tabac.
La révolte éclate à Rennes où les bureaux pour la vente du tabac et du papier timbré sont pillés. À Nantes, les bourgeois font cause commune avec les insurgés. Quand, en juin, Louvois ordonne l’intervention des troupes à Rennes, le parlement se dresse contre cette violation des privilèges municipaux. Il sollicite du roi le retrait des trois édits. L’agitation gagne les campagnes où le bruit se répand que le roi veut établir la gabelle. Les paysans, en armes, entraînent leurs recteurs, en Cornouaille, dans le pays de Poher (région de Carhaix) ; entre Châteaulin et Quimper plus de deux mille hommes marchent sous la conduite d’un caporal. Partout les bureaux de papier timbré sont pillés, les châteaux attaqués, les chartriers brûlés ; les insurgés exigent la reconnaissance d’un code paysan qui s’en prend au régime domanial ; ils proclament la liberté de la province armorique et la suppression des droits seigneuriaux; ils décident de présenter leur requête aux états provinciaux.
Ces paysans furieux, coiffés du
bonnet rouge, luttent à la fois contre les seigneurs et contre les agents du
roi. Ce ne sont pas des révolutionnaires, ils n’ont pas de programme pour
remplacer l’ordre social et politique existant. L’ordre fut rétabli par des
renforts envoyés au gouverneur, le duc de Chaulnes; les meneurs furent jugés
et condamnés aux galères, le parlement exilé à Vannes. Les états de
Bretagne versèrent un don gratuit et Louis XIV accorda l’amnistie générale
en février 1676.
Chef de la tribu amérindienne des Araucans (Chili) (? ; 1557). Fait prisonnier dès les premiers jours de la conquête du Chili par les Espagnols, Lautario devint le serviteur et le palefrenier du conquistador Pedro de Valdivia. Il apprit ainsi la façon de vivre et les faiblesses des Espagnols avant de parvenir à s'échapper. Il retourna alors vivre parmi son peuple, déterminé à les pousser à la révolte. En 1553, il vainquit son ancien maître Valdivia à Tucapel, le captura et le mit à mort.
Francisco de Villagrá, qui prit alors le commandement des troupes espagnoles, fut contraint d'abandonner temporairement la ville de Concepción que Lautario et son armée saccagèrent, ainsi que les autres villes et forts d'Araucanie (partie méridionale du Chili). Les Indiens se retirèrent ensuite dans leurs terres, au-delà de la rivière Bio Bio.
Peu de temps après, les Araucans menacèrent de nouveau la colonie espagnole. Lautario remporta de nombreux combats, mais Villagrá finit par se montrer plus habile tacticien que lui. Le grand chef araucan fut tué lors de la bataille de Mataquito, en avril 1557. Cette défaite marqua également la fin de la résistance araucanienne.
De nos jours, la mémoire de
Lautario est encore célébrée comme celle du premier combattant pour l'indépendance
du Chili.
En France et en Italie, dans les années 1815-1830, ce nom est donné aux militants révolutionnaires affiliés à l'organisation secrète de la Charbonnerie. Un carbonaro est, au sens propre, un fabricant de charbon de bois. Au début du XIXème siècle, les carbonari sont nombreux dans les montagnes forestières de l'Italie du Sud. Viennent vivre avec eux, pendant l'occupation française du royaume de Naples (1806 à 1815), des irréguliers, moitié bandits moitié soldats, qui combattent la domination étrangère et prennent le nom de carbonari. Quand les Bourbons montent à nouveau sur le trône de Naples, la Charbonnerie devient une société secrète, hiérarchiquement organisée en petits groupes : les ventes. Le but visé est d'abattre l'absolutisme monarchique et de conquérir des libertés politiques, le moyen étant le soulèvement généralisé. Le recrutement se fait surtout parmi la jeunesse bourgeoise et les officiers.
En 1820, les carbonari déclenchent à Naples une insurrection ; dirigés par le général Pepe, ils obtiennent du roi Ferdinand Ier une Constitution, mais, dès mars 1821, le monarque fait appel aux troupes autrichiennes qui rétablissent l'absolutisme. La Charbonnerie étend alors son action à toute l'Italie et commence à propager l'idée de l'unité italienne (elle compte parmi ses membres Louis Napoléon Bonaparte, le futur Napoléon III). L'insurrection de Bologne (1831) fut son œuvre. Après l'échec final, la Charbonnerie italienne disparaît. De nouvelles organisations révolutionnaires voient le jour, aux structures moins lourdes, au recrutement plus populaire et aux idées politiques et sociales plus avancées.
La Charbonnerie française,
calquée sur la Charbonnerie napolitaine, se développera à partir de 1818.
Deux jeunes Français revenus de Naples organisent une société secrète,
comprenant des ventes particulières de dix membres, des ventes départementales
et des ventes régionales; le tout étant coiffé par une vente suprême. Chaque
adhérent jure d'obéir aveuglément et conserve chez lui armes et munitions.
Ainsi, les libéraux français espèrent se débarrasser des Bourbons par un
soulèvement armé et convoquer une assemblée constituante. La Charbonnerie
groupe jusqu'à 40 000 affiliés ; elle est dirigée par de grands personnages,
chefs de l'opposition officielle: La Fayette, Manuel, Dupont de L'Eure.
Plusieurs conspirations sont organisées, en vain, à Belfort et à La Rochelle,
parmi les troupes. Après une dernière tentative pour gagner le corps expéditionnaire
français en Espagne, la Charbonnerie se dispersera. Il lui aura toujours manqué
l'appui populaire.
Les funérailles du général Lamarque, un des chefs républicains, sont l’occasion pour des associations révolutionnaires d’essayer de renverser le régime de Juillet. Il y a deux jours d’émeute les 5 et 6 juin 1832. La Société des amis du peuple, la Société des droits de l’homme, des étudiants en droit et en médecine, des artisans et des ouvriers y jouent le principal rôle. Mais les chefs républicains comme La Fayette, Mouguin et le maréchal Clauzel demeurent irrésolus et les forces de l’ordre, armée et garde nationale ont pu, dès le 5 au soir, circonscrire l’émeute entre les Boulevards, les quais et la Bastille. Le 6 juin, les derniers foyers d’insurgés résistent dans la rue du Cloître-Saint-Merri près de la rue Saint-Martin, ils sont dirigés par le républicain Jeanne. Ces deux jours d’émeute font 800 tués ou blessés à Paris. Les journaux républicains, notamment Le National, glorifièrent la résistance du Cloître-Saint-Merri tandis que les députés de l’opposition réclamaient du roi des mesures d’apaisement. La Cour de cassation déclara les conseils de guerre incompétents, et les insurgés arrêtés furent renvoyés devant le jury. Quatre-vingt-deux condamnations furent prononcées et les sept condamnations à mort furent commuées par le roi en déportation.
L’insurrection républicaine
de juin 1832 a inspiré à Victor Hugo l’"Épopée rue Saint-Denis",
vers les barricades de laquelle convergent d’une manière ou d’une autre
tous les personnages importants des Misérables.
L’élection, les 23 et 24 avril 1848, d’une Constituante républicaine modérée a été ressentie comme une défaite par l’extrême gauche révolutionnaire. Au cours de la journée du 15 mai, des émeutiers, peut-être manipulés par la police, réclament une intervention en faveur de la Pologne mais prétendent aussi, à l’exemple des journées de la grande Révolution, soumettre l’Assemblée à la pression des clubs et de la rue. Leur échec élargit le fossé entre les masses parisiennes et le pouvoir, dès lors décidé à liquider les ateliers nationaux qui inquiètent et coûtent cher.
Une agitation révolutionnaire secoue les milieux ouvriers dans les premières semaines de juin. Le 20 juin, la commission exécutive adopte le décret préparé le 24 mai : incorporation dans l’armée des ouvriers de dix-huit à vingt-cinq ans, exclusion des autres à moins qu’ils n’acceptent leur transfert sur des chantiers de province. La parution du décret dans Le Moniteur du 22 juin déclenche le soulèvement. Ce même jour, les ouvriers manifestent contre le "décret de proscription" mais ne peuvent arracher aucune concession ; le 23 au matin, après un grand rassemblement à la Bastille, l’est de Paris se couvre de barricades (trente-huit dans la seule rue Saint-Jacques, plus de quatre cents en tout). Ce mouvement a un caractère spontané ; l’insurrection a un meneur (l’ancien séminariste et sergent Pujol), des cadres subalternes (ceux des unités de la garde nationale qui rejoignent le mouvement), mais point de direction centrale : les états-majors révolutionnaires ont été désorganisés après le 15 mai. Les forces en présence ? Pas plus de vingt mille insurgés sur quelque cent vingt mille ouvriers des ateliers : le gros des insurgés provient d’une masse de chômeurs réduits au désespoir par la misère. "Du pain ou du plomb", tel est leur cri de ralliement. "Vous n’avez jamais eu faim, vous ne savez pas ce que c’est que la misère", déclare un insurgé à François Arago. "On a cherché les causes ; il n’y en a qu’une, c’est la misère", écrit Louis Blanc. "La cause première, c’est la misère", ajoutera Caussidière.
La répression est confiée au général Cavaignac, républicain de bonne souche et brillant soldat, ministre de la Guerre depuis le 17 mai, investi pour la circonstance des pleins pouvoirs. L’état de siège est proclamé. Cavaignac concentre rapidement trente-six bataillons de l’armée et vingt-quatre de la garde mobile, corps improvisé au 24 février et qui se montre fidèle à l’ordre : en tout, avec la garde nationale des quartiers de l’ouest, cinquante mille hommes, dont trente mille soldats éprouvés de l’armée de ligne. Ces forces sont largement approvisionnées et bien commandées, avec Lamoricière et Bedeau en sous-ordre. Du 23 juin après-midi au 26 en fin de matinée, trois jours de combats acharnés s’achèvent par la reddition des derniers îlots de résistance, à Saint-Antoine et à la Bastille. Toutes les tentatives de conciliation ont échoué, de celle d’Arago, le 23 juin, à celle de Mgr Affre, tué probablement par un insurgé le 25, au plus fort de la bataille.
Le bilan est lourd : des milliers d’insurgés ont été tués, certains exécutés sommairement ; plus de quinze mille arrestations ont été opérées ; des commissions mixtes relâchent 6 374 prisonniers, en déportent 4 348 en Algérie "par mesure de sûreté générale" ; le reste sera jugé plus tard. Le 3 juillet, les ateliers nationaux sont supprimés. La dissolution des légions peu sûres de la garde nationale, la fermeture des clubs, l’interdiction de quelques journaux, puis des décrets restrictifs de la liberté de la presse complètent ces mesures auxquelles il faut ajouter l’arrestation de plusieurs chefs, comme Blanqui et Raspail, ou leur exil, comme celui de Louis Blanc.
Quelques remous se sont produits en province. Le plus sérieux, qui a lieu le 22 juin à Marseille, avant Paris et indépendamment de Paris, est réduit le 23. La guerre des rues y a fauché de trente à cinquante hommes en tout, dont neuf soldats de l’ordre; quatre cents arrestations, dont cent cinquante-trois maintenues: tel est le bilan de la répression, que le commissaire du gouvernement, Émile Ollivier, réussit à modérer.
Soulèvement de la misère qui
traduit un conflit de classes, les journées de juin marquent la fin non de la République,
mais d’une conception généreuse de la République; une rupture entre Paris
et la province, qui a envoyé des volontaires pour défendre l’ordre; enfin,
le divorce entre le peuple de Paris et une République qui n’est que libérale.
Nom donné à plusieurs insurrections parisiennes. La première (12 mai 1558), inspirée par la Ligue, contraignit Henri III à s'enfuir de Paris. La deuxième (25-26 août 1648), dirigée contre Anne d'Autriche et Mazarin, qui avaient fait emprisonner le conseiller Broussel, marqua les débuts de la Fronde.
À partir du 19 août 1944, durant les combats pour la Libération de Paris, les résistants parisiens élevèrent des barricades contre les Allemands qui occupaient la capitale.
Dans la nuit du 6 au 7 mai
1968, des étudiants parisiens élevèrent des barricades qui transformèrent en
camp retranché le quartier Panthéon-Contrescarpe-Gay-Lussac.
Sur un autre plan, la civilisation rurale se trouve placée devant des problèmes de pouvoir, de politique, de contestation et de révolte. Elle possède ses cellules de sociabilité politique (la communauté d’habitants), et même ses cellules de sociabilité militaire (le groupe des jeunes gens non mariés du village, organisé en association folklorique, qui peut, éventuellement, contribuer à fournir la piétaille d’une armée rustique). Cependant, les centres essentiels de décision et de prélèvement (l’État, l’Église, la ville, la seigneurie) échappent plus ou moins au contrôle paysan. De là, des frictions et des conflits; de là aussi l’occurrence – assez fréquente dans la société traditionnelle – de révoltes et de guerres paysannes, qui peuvent se comparer aux grèves et aux insurrections ouvrières dans la société industrielle. Les soulèvements agraires ne visent point à prendre possession de l’intégralité du pouvoir : un tel rêve, utopique, n’est guère caressé que par une poignée de millénaristes, beaucoup moins influents dans le milieu rural qu’ils ne le sont dans la population citadine. Prosaïques, les révoltes rurales visent surtout à récupérer, au profit des villages, une partie du pouvoir détenu par la société englobante ; elles visent à diminuer ainsi, voire à annuler, certains des prélèvements qu’effectue celle-ci.
La révolte rurale est rarement le fait unique des éléments les plus pauvres parmi les habitants des paroisses ou des communautés. On trouve cependant, dans le cas certes particulier des civilisations rurales qui sont déjà très pénétrées par le capitalisme, des luttes de classe bien caractérisées entre riches laboureurs et pauvres manouvriers : l’exemple, isolé, de la guerre des Farines, dans les campagnes parisiennes, en 1775, est typique à cet égard. Mais fondamentalement, les révoltes paysannes, quand elles sont importantes, mettent en cause le noyau dur et relativement aisé de la communauté villageoise : autrement dit les laboureurs, les exploitants petits et moyens, et quelquefois les gros exploitants, quand ils existent. Très frappante, quant à ce problème, est la statistique que publia jadis Henri Pirenne, à propos des guerres paysannes, en Flandre, au début du XIVème siècle : la plupart des rebelles, qui, en ce temps-là, furent capturés les armes à la main, étaient des possesseurs-laboureurs, propriétaires d’un ou plusieurs hectares. Éric Wolf, qui a étudié les Guerres paysannes du XXème siècle en Chine, en Russie, au Vietnam, à Cuba et en Algérie, aboutit à des conclusions analogues.
Le type de soulèvement rustique le plus connu, mais pas nécessairement le plus fréquent, dans la civilisation rurale traditionnelle, c’est la révolte antiseigneuriale. Ainsi, au XIème siècle, les rustres de Normandie, par vingt, par cinquante, par cent, forment une puissante conspiration contre la classe nobiliaire et seigneuriale : elle les exploite, disent-ils, à coups de redevances, et aussi de corvées trop lourdes ; elle leur enlève les communaux, les bois, les rivières et les épines, pour y installer ses domaines et ses prairies. Mal en prend à ces campagnards normands contestataires; ils sont massacrés. Quant aux Jacques de 1358, près de Paris, ils sont dirigés, semble-t-il, par des laboureurs aisés ; et ils font un massacre de la noblesse... Les paysans allemands, en 1525, groupés autour de leurs communautés ou Gemeinde , mènent une lutte sur plusieurs fronts ; ils se gardent tout à la fois contre le pouvoir seigneurial, qui les opprime, et contre l’Église, qu’ils accusent d’être infidèle à l’Évangile (on est en période de Réforme) ; de même en France, dans le bassin de Paris et en Languedoc, vers 1560, les redevables ruraux font la grève des dîmes dues au clergé. En 1789, dans une situation qui certes diffère beaucoup de celles qui viennent d’être évoquées, les masses paysannes, idéologiquement réactivées grâce à la mini-culture que distribue l’école paroissiale, retrouvent et entretiennent leur vieille hostilité contre les seigneuries et les noblesses ; celle-ci se conjugue efficacement avec les frustrations antiprivilégiées des masses citadines.
Cependant, la lutte antiseigneuriale n’est pas, il s’en faut de beaucoup, l’élément le plus typique de la contestation paysanne. Pendant une très longue période, du XVème au XVIIIème siècle, les paysans français, par exemple, ont dirigé l’essentiel de leur mince activité militante, quand celle-ci existait, contre l’État et contre ses séides, chargés de collecter les impôts ; éventuellement, par ricochet, ils se sont dressés contre l’armée royale, utilisée par le pouvoir pour la répression des révoltes. Une agressivité de ce type est fort logique : dans une société essentiellement paysanne, l’État est l’une des clés de voûte ou même quelquefois l’organe essentiel de la partie non paysanne ou englobante de ladite société. Cette dichotomie (paysan-non-paysan ; dominant-dominé, englobant-englobé) peut donc se traduire en luttes antiétatiques.
En Normandie, les nu-pieds (ruraux du bocage qui se rebellent en 1639) sont solidaires des bouilleurs de sel, qui font évaporer l’eau de mer dans leurs marmites sur les plages du Mont-Saint-Michel : ces bouilleurs vendent le sel à bon marché aux villages ; alors que Richelieu, lui, prétend faire casser les marmites, afin d’obliger les Bas-Normands à consommer le sel vendu très cher par la gabelle gouvernementale... La révolte des nu-pieds de 1639, issue des petites communautés villageoises de laboureurs du bocage, est dirigée par des curés et vicaires, par de petits seigneurs et des nobles endettés, par des avocats besogneux. Elle a donc son clergé, sa noblesse, son tiers état ; et elle se dresse contre la société officielle et contre l’élite du pouvoir (fiscal...) au nom d’une contre-société à format réduit, chlorophyllienne et contestataire. Les nu-pieds revendiquent le rabais des impôts, le retour à l’âge d’or symbolisé par les noms d’Henri IV et de Louis XII, deux rois dont la voracité fiscale était modérée... ; ils demandent enfin l’autonomie ou même l’indépendance de la Normandie. En Périgord, les nouveaux croquants de 1637 sont conduits par La Mothe la Forêt, petit noble mystique. Ils demandent une société débureaucratisée: les représentants des villages y viendraient verser leur obole, modeste, informelle, et fiscale, au roi lui-même, assis sous son chêne; ce versement se ferait directement de la main à la main», sans prélèvement intermédiaire au profit des sangsues du fisc.
Il faut mentionner enfin les révoltes paysannes contre la ville, celle-ci étant accusée de faire monter les prix par le marché noir; de donner asile aux receveurs des impôts et autres maltôtiers ; d’être l’antre des rassembleurs de terre qui rachètent le lopin du pauvre monde ; d’être la caverne des brigands qui, bien protégés par les murs de la cité, viennent de temps à autre faire des sorties et des raids contre les hameaux sans défense.
"Vous crèverez dans vos villes. Maudits patauts, Tout comme les chenilles, Les pattes en haut" chantent les Vendéens de 1793, à l’encontre des bleus ou républicains qui résident dans les villes. Et deux cents ans plus tôt, les premiers croquants du Limousin-Périgord, en 1593, auraient pu proférer à peu près la même chanson contre leurs ennemis et exploiteurs habitant les villes, en l’occurrence Périgueux et Bergerac, détestées par les croquants à l’égal de Sodome et de Gomorrhe. D’une façon générale, à l’égard de ses éventuels ennemis de tous les bords – seigneurie, État, ville, haut clergé –, le village est fort capable de se battre alternativement, ou même simultanément, sur tous les fronts ; il pratique, dans ces conditions, une stratégie tous azimuts.
Le leadership des révoltes
rurales pose des problèmes : le village, en effet, est trop souvent tourné
vers son propre nombril, le porche de l’église paroissiale étant, pour les
membres de la communauté, l’ombilic de leur petit univers. Les rustres, quand
ils ont affaire au monde extérieur, ont donc tendance à puiser leurs leaders
parmi ces médiateurs naturels que sont, vis-à-vis des forces étranges de la
société englobante, les petits notables, les curés, et aussi, quand ils ne
sont pas en conflit direct avec les paysans, les seigneurs locaux.
Chef des Sioux Hunkpapas (vers 1830 ; 1890), fils d'un chef de second ordre, Sitting Bull fit, dès son plus jeune âge, preuve du plus grand courage. À 14 ans, il combattit les Crows au côté de son père, et reçut le surnom de Tatanka Iyotake ("Taureau assis"). Vers la même époque, il fut initié au chamanisme et devint peu à peu un véritable guide spirituel, non seulement pour sa tribu, mais aussi pour les Cheyennes et les Arapahos.
Après la signature du traité de Fort Laramie, en 1868, les Blancs ne s'intéressèrent tout d'abord que peu aux plaines où vivaient les Sioux; cet attitude changea brutalement après la découverte de l'or dans les Black Hills en 1872. Les Indiens refusèrent catégoriquement de vendre ces terres sacrées au gouvernement des États-Unis. Pendant l'été 1875, Sitting Bull rassembla des milliers de guerriers en vue d'un affrontement qui paraissait inévitable.
Au printemps de l'année suivante, Sitting Bull eut une vision dans laquelle des soldats mourraient dans le camp indien. Ce songe fut interprété par les Sioux comme un présage de victoire sur l'armée et leur inspira la tactique à suivre : laisser pénétrer les Américains au cœur du territoire indien et les attaquer au moment propice. Le 25 juin 1876, le général Custer et le 7ème régiment de cavalerie se firent ainsi massacrer par les guerriers de Sitting Bull lors de la bataille de Little Big Horn.
Malgré cette victoire, Sitting Bull fut contraint de fuir au Canada avec quelques centaines de fidèles. Il ne revint aux États-Unis qu'en 1881 contre une promesse d'amnistie. Il fut tout d'abord placé sous surveillance militaire au Fort Randall puis renvoyé dans la réserve de Standing Rock, dans le Dakota du Nord. En 1885, présenté comme l'assassin du général Custer, Sitting Bull accompagna Buffalo Bill et son Wild West Show lors d'une tournée dans l'est des États-Unis.
Il demeura malgré tout un
symbole de l'opposition aux Blancs et, lorsqu'en 1890, la frénésie de la
Danse des Fantômes prêchée par Wovoka s'empara des réserves sioux,
les autorités décidèrent de le faire arrêter. Le 15 décembre, au cours
de l'arrestation et de la rixe qui s'ensuivit, Sitting Bull et son fils Crow
Foot furent abattus. Le vieux chef indien fut alors inhumé à Fort Yates,
dans le Dakota du Nord. Ses restes n'ont été ensevelis, près de Mobridge,
dans le Dakota du Sud, qu'en 1953.
Mouvement religieux et politique chinois qui fut à l'origine, au milieu du XIXème siècle, d'une grande insurrection populaire contre la dynastie mandchoue, rendue responsable de la décadence du pays. Le promoteur de cette révolte, Hong Xiuquan, prêcha dans les campagnes du Guangxi, à partir de 1843, une sorte de monothéisme agraire, où se mêlaient des éléments chrétiens, bouddhistes et socialistes. Le mouvement s'étendit rapidement. À la tête de bandes armées, Hong, qui avait proclamé en 1851 la déchéance de la dynastie régnante ainsi que l'avènement du Royaume céleste de la Grande Paix (Taiping tianguo) [terme évoquant d'autres révoltes paysannes de la Chine ancienne], s'empara en 1853 de Nankin. Ce n'est qu'en 1864 que le gouvernement impérial put, avec l'aide des Occidentaux, venir à bout de cette insurrection.
[1] Certaines révoltes ont abouti, indirectement, à la chute du pouvoir en place et à la constitution d'un nouveau pouvoir. Au regard de leur but initial, l'Histoire continue de les qualifier de révoltes et non de révolutions.
[2] Au Canada, une insurrection appréhendée est une menace insurrectionnelle qui permet au gouvernement fédéral, en application du droit constitutionnel, de suspendre certaines libertés individuelles.
[3] En France, pour qu'il y ait rébellion militaire et pas seulement acte d'insubordination, voire de désertion, il faut qu'elle soit le fait d'au moins quatre militaires.
[4] Le mot grève vient de la place de Grève de Paris où, autrefois, les ouvriers sans travail se réunissaient dans l'attente d'y être embauchés par un éventuel employeur.
[5] Car il existe des révolutions scientifiques, culturelles – qui n'ont rien à voir avec la révolution culturelle chinoise qui était, en fait, politique -, littéraire…
[6] Du double point de vue théorique et pratique la répression a l'avantage de révéler la nature fondamentalement oppressive de l'Ordre !
[7] Même s'il s'agit d'un accessoire… essentiel !
[8] En médecine, on appelle symptôme le phénomène - ou manifestation - morbide révélant l’existence d’un état pathologique (par exemple, douleur, hypertension).
[9] Un état pathologique est un état dysfonctionnel pouvant aller jusqu'à la morbidité.
[10] Et… à faire souffrir !
[11] Et… à faire mourir !
[12] Les barriquades étaient formées de barriques pleines de terre. Par la suite, l'orthographe a évolué en barricades.