L'art de marcher sur la tête

Hier, par hasard, j'ai capté la Voix du mensonge qui, comme chacun le sait, est la radio officielle de ce petit pays, Absurdia[1].

A cette occasion, j'ai pu entendre le Président d'Absurdia se livrer à une leçon magistrale de prouesse autant physique qu'intellectuelle et morale : l'art de marcher sur la tête !

Ce Président, en effet, depuis quelque temps, est mis en cause dans un certain nombre d'affaires qui laisserait à penser que, antérieurement à ses fonctions actuelles, il a abusé des prérogatives d'autres fonctions pour détourner, à son avantage, des fonds publics et, ainsi, par la fraude, le mensonge,  la captation d'intérêts, le détournement d'usage, l'abus de pouvoir…, réaliser son ambition personnelle de pouvoir, sa volonté de puissance qui n'est pas celle du bien-être général mais de son patrimoine.

Que nous a dit ce Président ?

Il a d'abord contesté le montant des sommes en cause comme si, en passant de plusieurs millions de crapulos[2] à moins d'un million on en arrivait miraculeusement[3] à supprimer le corps même du délit : le détournement de fond !

Il a ensuite démontré que c'était une violation de la vie privée – dont l'intégrité est constitutive de l'un des droits universels des humains – section parrains – que d'enquêter sur l'usage, même abusif, qui peut être fait, à titre privé, dans son intérêt et celui des siens, d'une fonction de nature publique.

Il a ensuite dénoncé les inavouables buts poursuivis par certains juges qui, au motif de l'enquête, précitée, ont interrogé les siens alors que ceux-ci n'intervenaient dans la sphère publique des fonctions publiques qu'il occupait qu'en tant que membre de son entourage privé sans le moindre mandat officiel.

Il a ensuite rappelé que, avant de s'interroger sur les manœuvres éventuellement frauduleuses qui ont pu caractériser l'exercice de ses anciennes fonctions publiques, il fallait s'inquiéter de la mauvaise manière dont d'autres pouvaient exercer actuellement d'autres fonctions publiques et ce, alors même qu'il n'a donné aucun critère d'appréciation objective de ce mauvais usage;

Avec force d'effets de manches, comme un véritable Cicéron, il a amené son auditoire à quitter la scène du tribunal - et donc du Droit – pour rejoindre celle de pantomime et de la gesticulation du sermon moral, fortement empêtré de religiosité, et, ainsi, donner libre cours au délire d'une imagination débridée qui n'est plus le reflet du réel mais un discours sur le réel et qui, ainsi, aux faits, a substitué la… représentation.

En raison de ces allusions liturgiques à la religion, tout le monde a noté qu'il n'a pas pour autant eu recours à son habituel symbole de la pomme car, outre que celle-ci a des pépins[4] et se décompose souvent du fait de l'œuvre putride d'un… ver, celle-ci aurait pu évoquer la pomme… d'Adam et donc le péché originel, quand qui dit péché, nit nécessairement faute et… punition !

Ceci dit, la démonstration aura été brillante. Je n'en veux pour preuve que la béatitude pré-électorale dans laquelle est tombé profondément l'auditoire.

La messe a donc été dite. L'électeur-mouton est donc tout à fait prêt pour une nouvelle… tonte.

Au fait, pour celles/ceux qui ne le sauraient pas : il est d'usage que les cheptels lainiers finissent par aller à la réforme, c'est-à-dire à… l'abattoir !