Le Compagnonnage en France de nos jours
"Le Compagnon fini est l'homme dont la conscience est ouverte à l'homme."
"Depuis, la démesure de l’univers industriel a ramené - et ramène encore - vers le compagnonnage des jeunes à la recherche de la "connaissance", revenant aux sources des "vraies vertus" dispensées par le travail et l’œuvre".
"Un véritable métier, nécessaire à la vie matérielle, nécessaire aussi à l’accomplissement de l’être, est facteur d’équilibre social".
"La main est le prolongement du cerveau".
Selon la Fédération compagnonnique des Métiers du Bâtiment, "On peut dire qu'être compagnon aujourd'hui fait référence à une culture patrimoniale inscrite dans l'histoire de l'Europe depuis le XIIème siècle. [Ainsi, de nos jours, être Compagnon] C'est être porteur d'une tradition ancienne issue du corporatisme et ouvert au devenir des technologies de pointe de sa profession. C'est aussi vivre dans "la compagnie" d'autres hommes créant un terreau favorable à l'émulation sociale et professionnelle de chaque individu fréquentant le compagnonnage. C'est être engagé dans la conservation des règles de l'art référençant l'ouvrage technique aux regards de ses maîtres et du grand public. C'est s'impliquer dans la recherche du savoir propre à son évolution individuelle et à celle de son métier. A ce titre c'est participer à la vie éducative, en lien avec les systèmes d'éducation professionnelle, mais aussi participer à la construction d'orientations nouvelles au sein des institutions professionnelles ou publiques pour anticiper les changements à venir et s’y préparer.
Le compagnonnage, c’est ainsi le prolongement d’une méthode d’enseignement technique et philosophique qui a de tous temps été basé sur trois principes :
- le métier : pour être compagnon, il faut d’abord et avant tout être un professionnel,
- le voyage : pour être compagnon, il faut réaliser son Tour de France,
- la fraternité : pour être compagnon, il faut, avec d’autres, participer à la vie sur le Tour de France, recevoir un enseignement et le transmettre lorsque, techniquement et humainement, on est en mesure de le faire".
Il existe aujourd'hui trois grandes organisations compagnonniques :
L'Union compagnonnique, dont le nom complet est "Union compagnonnique des Devoirs unis" et dont le siège se trouve à Versailles, a donc été créée en 1889, suite à la tentative avortée d'unification du Compagnonnage initié par Agricol Perdiguier (1805-1875), alias Avigonnais la vertu, compagnon menuisier du devoir de liberté.
[Au passage : le terme de "devoir", dans le compagnonnage a un sens particulier : il signifie "l'ensemble des règles qui régissent chaque rite, l'histoire légendaire de son fondateur, la séquence des symboles qui constituent l'initiation et les coutumes qui sont venues enrichir ce fond primitif. Le "devoir" est donc tout à la fois une histoire, un rite avec son ou ses rituels et une règle d'action. Ou bien encore… la tradition. On distingue les compagnons du Devoir (rites de maître Jacques et du père Soubise) et les compagnons du Devoir de liberté (rite de Salomon)].
L'Union compagnonnique est l'organisation compagnonnique la moins importante, numériquement. Sa particularité est d'être fondé sur le métier (sous entendu, manuel) en général et non sur les métiers. Ouverte à toutes les professions ayant pour objet de transformer la matière, elle regroupe, en plus des métiers du bâtiment, des métiers d'art (sculpteurs et sérigraphistes en particulier) et ceux de l'alimentation avec, notamment, les cuisiniers qui passent pour être les meilleurs de France et… de Navarre. Elle ne retient aucun signe distinctif entre les métiers, lesquels suivent tous le même et unique rite.
C'est l'organisation compagnonnique la plus "discrète" (ainsi, elle n'a pas de site Internet) et ses diffusions (papier) restent internes. Elle considère que "le Compagnonnage au XXe siècle est toujours la plus passionnante des aventures professionnelles. [Et que] le Compagnonnage n’est pas uniquement une image du passé. Il est toujours vivant et bien vivant, toujours fidèle à ses traditions et à la tâche qui est la sienne : servir le Métier et servir à la promotion des hommes par le Métier". Sa devise est "Travailler mieux, enseigner le métier, aider et soutenir ses Frères". Son but est "L'amélioration des connaissances professionnelles et intellectuelles par le voyage", la tradition du Tour de France (avec un crochet en Suisse – et inversement -) étant maintenue.
L'Union compagnonnique s'étend en Suisse et compte au total 24 sections (dont 3 en Suisse : Neuchâtel, Lausanne et Genève, cette dernière ayant également été fondée en 1889). Chaque section possède une ou plusieurs cayennes, une cayenne étant à la fois l'"auberge" où descendent les Compagnons en voyage, une chambre et le lieu où se tiennent les cérémonies, notamment de réception. Une cayenne est tenue par une "Mère" qui est "sensée remplacer la mère de sang laissée au foyer" et dont la "présence affectueuse rappelle la chaleureuse quiétude du foyer et de la famille". Une Mère est généralement assistée d'une "petite Sœur" qui est sa fille.
Alors que l'Union compagnonnique, avec la Franc-maçonnerie, tombait sous le coup de la loi prohibant les sociétés secrètes et que de nombreux Compagnons allaient être arrêtés, déportés, fusillés, exterminés…, l'Association ouvrière a été créée en 1942 par le Compagnon Jean Bernard qui avait su plaider la cause du compagnonnage auprès du maréchal Pétain en faisant valoir qu'il s'inscrivait parfaitement dans la tradition chrétienne et donc dans les valeurs "Travail – Famille – Patrie" prônée par la "révolution nationale". Il est à noter que, en rupture avec la tradition compagnonnique, l'Association ouvrière s'est déclarée… ouvrière et non… compagnonnique et que, malgré ses orientations pétainistes et donc ses revendications religieuses (catholiques) et "nationales", pour ne pas dire nationalistes, elle a échappé à l'épuration de la Libération et qu'elle a même été déclarée d'utilité publique par le gouvernement du général de Gaulle !
L'Association ouvrière est l'organisation compagnonnique la plus hiérarchisée. Elle regroupe les rites de maître Jacques et du père Soubise. Avec le temps, elle s'est laïcisée et les Compagnons, qui peuvent appartenir à d'autres religions que la catholique, être athées, membres de partis et/ou de syndicats, n'ont plus l'obligation d'aller à la messe dominicale. Toutefois, du fait de ses origines, à la différence des deux autres organisations compagnonniques, elle continue de se défier de la F...M... qu'elle considère comme rationaliste et, surtout, anticléricale.
L'Association ouvrière est l'organisation compagnonnique la plus "florissante" car, en plus des cotisations de ses membres et de la taxe d'apprentissage versée par les entreprises, elle perçoit des "rémunérations" au titre de contrats conclus avec le Ministère du Travail. Elle regroupe de nombreux métiers autour de quatre "familles" : le bâtiment, les métaux, les cuirs et plastiques et, enfin, l'alimentation.
L'Association ouvrière est une organisation fortement centralisée. Elle est organisée verticalement en corps d'État, corporations et un collège des métiers et, horizontalement, en "prévôtés".
Au niveau national, l'instance dirigeante est constituée par les "Assises nationales" rassemblant les représentants de chaque corps d'État porteurs d'un nombre de voix proportionnels à l'effectif du groupe, un délégué par corporation et le délégué du collège des métiers et dont les décisions, en principe, sont sans appel.
La "province" est divisée en "prévôtés", couvrant plusieurs départements et administrées par des "Conseils de province", comprenant six membres, dont un président et confiant l'exécution de ses décisions à un "prévôt".
Au siège social se trouve la "maison mère" et en province les "Maisons" - à raison d'une par prévôté - et auxquelles sont annexés un centre de formation et un centre de loisirs. Une Maison est une sorte d'auberge ou de foyer qui accueille les Compagnons lors de leurs voyages ainsi que toutes les manifestations rituelles de l'Association. Chaque Maison est dirigée par une "Mère" qui commence par être "économe", puis "dame hôtesse", la première "Maison" [On notera que le terme traditionnel de "cayenne" n'est pas repris) a été inaugurée le 24 octobre 1943, celle de Lille en 1976.
Examinons à présent la Fédération compagnonnique des Métiers du Bâtiment qui, si elle est l'organisation compagnonnique la plus récente en tant que personne morale, plonge ses racines dans la Tradition compagnonnique et est donc l'héritière directe d'anciens devoirs
"
La Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment est née le 16 novembre 1952 à Tours. Ce jour-là, cinquante-sept Compagnons délégués par leur société respective se sont réunis à l'hôtel de la Croix Blanche pour en adopter les statuts. Ils étaient trente-huit charpentiers, trois menuisiers, sept couvreurs, deux maçons, deux tailleurs de pierre, trois serruriers et deux divers"."Aujourd'hui, la Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment et Autres Activités est constituée de cinq sociétés légalement et rituellement autonomes :
La Fédération, dont le siège se situe à Paris, a pour but de "réunir, d'aider et de promouvoir les sociétés corporatives de compagnonnage adhérentes, dont les membres sont groupés en fédérations locales, afin de mettre en commun les moyens techniques de perfectionnement professionnel, intellectuel, culturel et moral de l'ensemble du Tour de France. Son action porte sur :
- la définition et l'application de la politique compagnonnique nationale,
- la représentation des fédérations régionales auprès des administrations,
- l'organisation et la direction des différentes commissions régissant l'enseignement et la gestion au niveau national,
- les relations avec les compagnonnages européens et français,
- la circulation de l'information à l'intérieur et à l'extérieur".
La Fédération compagnonnique des Métiers du Bâtiment est une organisation fédérative, fortement décentralisée et démocratique :
"La cellule de base, à l'image de la Loge de la Franc-Maçonnerie, est la cayenne, dont la gestion est assurée par une "Mère" (ou "Dame Hôtesse") assistée d'une "petite Sœur" (qui est sa propre fille). Chacune est totalement autonome pour tout ce qui concerne la conduite de la vie compagnonnique de ses membres en application de son Devoir. Dans chaque ville où elle est établie, elle tient ses réunions, décide des réceptions des nouveaux membres et tranche de manière indépendante de tous ses problèmes internes. Leur action porte sur :
- la vie compagnonnique,
- la promotion et le perfectionnement professionnel, technique, moral et culturel,
- le développement et la sauvegarde de la technicité des métiers,
- l'entraide morale et matérielle entre ses adhérents,
- l'organisation du voyage des itinérants sur le Tour de France qui durent de 4 à 6 ans, à raison d'une à deux villes par an, lesdits voyages étant obligatoires, pour pouvoir être reçus Compagnons, du double point de vue de la formation professionnelle et de l'initiation".
En lien avec l'Union compagnonnique, la Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment a contribué à créer en 1968 la Confédération des compagnonnages Européens, particulièrement vivace en Allemagne, Belgique, Suisse et Scandinavie sont associées avec la Fédération Compagnonnique et l’Union Compagnonnique [Les Compagnons allemands et scandinaves effectuent non pas un Tour de leur pays, mais un tour d'Europe pendant trois ans tandis que les Compagnons suisses font un tour de Suisse et de France].
La Fédération compagnonnique des Métiers du Bâtiment, à la différence de l'Union compagnonnique et de l'Association ouvrière, se revendique comme une "société secrète dont l'initiation doit rester secrète". Ses réunions rituelles sont donc réservées aux seuls Compagnons dûment (légitimement, traditionnellement) reçus. Pour elle, une organisation compagnonnique ne peut pas exister du seul fait de la réunion d'individus s'autoproclamant "Compagnons". En effet, d'une part, un individu ne peut devenir Compagnon qu'il s'il est initié et reçu par des pairs et, d'autre part, une société compagnonnique ne peut exister que si elle s'inscrit dans l'histoire, autrement dit dans la Tradition [c'est donc la Tradition qui légitime une société compagnonnique et exclusivement la Tradition] ou que si elle est créée par une société compagnonnique préexistante. C'est pourquoi, si elle ne reconnaît la légitimité compagnonnique de l'Union compagnonnique, avec laquelle elle entretient en conséquence des relations d'amitié et de fraternité, en revanche, elle dénie toute légitimité à l'Association ouvrière qui n'est pas née de la Tradition mais de la volonté de l'État, en l'occurrence celui de Vichy qui, par ailleurs, était un état illégitime.
Bien qu'appartenant à une société se revendiquant et se vivant initiatique, les Compagnons de la Fédération compagnonnique des Métiers du Bâtiment sont souvent également maçons.
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Au terme de cette présentation générale des trois organisations compagnonniques présentes en France, que pouvons-nous dire de la situation actuelle du compagnonnage en France ?
En plus des querelles intestines, souvent sanglantes, qui, pour des rasions ritueliques, religieuses, philosophiques…, l'ont divisé et, parfois, sinon mortellement, du moins gravement blessé ainsi que des interdictions, religieuses ou politiques qui ont pu le frapper, le compagnonnage a dû affronter des défis majeurs qui ont failli le terrasser à jamais.
Ce fut d'abord, au sortir de la Réforme et de la scission d'Orléans qui s'ensuivit, la Renaissance qui, en faisant de l'art une activité "spéculative" déconnecté de toute contingence "opérative" – la transformation de la matière en vue de la production d'objets, de constructions… - contribua à dévaloriser le travail manuel, fondement du Métier au sens compagnonnique du terme, aux dépens des "arts libéraux". Désormais, l'artisan n'est plus un artiste mais un "oeuvrier" promis à devenir un… ouvrier.
Certes, le mouvement encyclopédique du XVIIIème siècle a tenté de réhabiliter le travail manuel en lui redonnant ses lettres de noblesse et en conférant à l'artisan un statut de quasi-artiste pratiquant un métier d'art et réalisant des œuvres et, notamment, des chefs d'œuvre artistique, mais l'unicité originelle de l'artisan-artiste n'a jamais été recouvrée.
Au XIXème siècle, la révolution industrielle, avec la mécanisation mais, aussi, la rationalisation de la production industrielle et la division du travail, a porté un second coup au compagnonnage. Désormais, en effet, l'oeuvrier n'est bel et bien plus qu'un ouvrier et qui, plus est, un salarié, un prolétaire et l'artisan est devenu un statut juridique caractérisant et qualifiant un certain type de propriété des outils de production et un mode de production.
Ce second coup a failli gommer le compagnonnage du paysage. Pourtant, une première renaissance du compagnonnage est intervenue après la "crise de société" qu'ont connu les pays développé dans les années 1968 en ce que, à de nombreux jeunes ayant perdu leurs repères, moraux et éthiques, dans la société de consommation, sont venu lui demander, en plus d'une formation professionnelle d'une grande qualité, l'éducation morale, philosophique, traditionnelle, humaniste… à laquelle ils aspiraient pour se construire et se réaliser, fraternellement et solidairement, en tant qu'êtres humains.
Une vague de même nature est apparue avec le développement de la problématique écologique. Ainsi, et même si le nombre est marginal, le mouvement est tout de même significatif : des diplômés de l'université et de grandes écoles, des agents de maîtrise et des cadres en poste, des enseignants, des agriculteurs, des artisans, des chefs de petites entreprises…
S'il reste attractif, alors même qu'il reste discret et ne se livre à aucune campagne publicitaire, le compagnonnage, de nos jours, n'attire qu'un nombre réduit de personnes, en faible proportion par rapport aux nombres d'élèves et de stagiaires qui fréquentent les centres de formation professionnelle des organisations compagnonniques. En effet, les trois organisations compagnonniques françaises, tout comme leurs homologues européennes ont depuis longtemps ouvert leurs formations professionnelles en vue de la préparation à des diplômes d'État (C.A.P., Brevets divers…) qui sont fort prisées car elles apportent "autre chose" qu'une simple formation professionnelle, de grande qualité par ailleurs.
Toutefois, ces formations ne "forment" pas pour autant des Compagnons car c'est toujours par initiation et réception, et non par concours ou examen, que l'on devient Compagnon au terme du traditionnel Tour de France et de la confection d'un chef d'œuvre. Dans la plus pure tradition, la formation de compagnons n'est pas une simple formation… professionnelle ; si elle est formation à un métier en vue de sa pleine "maîtrise", elle est aussi, et sans doute d'abord, formation à l'humanité ; en ce sens, elle reste bien initiatique en ce qu'elle est un cheminement personnel : l'engagement de l'individu à se construire en vue de se "surpasser".
C'est sans doute cette ouverture qui fait accroire que le Compagnonnage est devenu mixte alors que, même si l'initiation et la réception de Compagnonnes est (toujours) à l'étude à la Fédération compagnonnique, il exclut toujours les femmes et que les quelques rares réceptions de femmes que l'histoire du compagnonnage a enregistrée ont toujours été récusées et condamnées. Ainsi, dans le compagnonnage, les seules femmes admises sont les "Mères" et les "petites Soeurs" et les cayennes ne sont pas ouvertes aux femmes suivant les formations "ouvertes" [profanes] du compagnonnage.
Compagnonnage et F...M... ont des histoires distinctes même si, à plusieurs reprises, l'Histoire les a réunis dans la même répression aussi bien religieuse que politique. Depuis que l'un comme l'autre sont attestés d'un point de vue historique, autrement dit depuis que leur (co)existence, est objectivement avérée et donc vérifiable de manière scientifique, leurs histoires sont autonomes et, parfois, conflictuelles, au point que, pour mémoire, "Le régulateur du maçon" de 1801 interdisait aux loges maçonniques de recevoir des "artisans et compagnons des arts et métiers". Entre Compagnonnage et F...M... il existe autant de similitudes que de divergences.
De nos jours, assurément, la F...M... est plus florissante, numériquement parlant, que le Compagnonnage. La F...M... travaille à l'amélioration, matérielle, intellectuelle et morale de l'humanité à partir de l'amélioration personnelle de ses "adeptes" selon le cheminement, initiatique et traditionnel de chacun d'eux : l'objectivation de ce travail n'est pas évidente car il participe plus de l'idéel que du réel proprement dit et, singulièrement, du concret, du matériel. La pierre brute – l'humain- qu'elle s'efforce de dégrossir, de polir, d'"achever"… reste abstraite et ne saurait être visible de celles et ceux qui se refusent à voir. En tant que société initiatique et traditionnelle, le Compagnonnage poursuit, à sa manière, le même but. Bien que numériquement plus faible, son travail s'objective dans les chefs d'œuvre que les Compagnons continuent d'achever en cherchant à se dépasser ainsi que dans leurs signatures qu'ils continuent d'apposer dans la pierre, le bois, le verre… de leurs œuvres.
Le Compagnonnage, même sous sa forme la plus ancienne de devoirs, ne s'est jamais confondu avec les corporations, les guildes, les jurandes et, plus tard, les syndicats. En effet, si l'entraide en matière d'embauche, de "salaire", d'hébergement, de soins… a toujours – et est toujours – une dimension importante du Compagnonnage pouvant ponctuellement se décliner en "défense des intérêts" d'un compagnon contre d'autres compagnons [dans le cadre de l'arbitrage, voire de la justice compagnonniques] ou des tiers (pouvoirs publics ou religieux, nobles, banquiers, fournisseurs, clients…), le Compagnonnage, dès son origine, à travers les Devoirs, s'est donné deux missions essentielles :
Ces deux missions qui, en fait, sont indissociables l'une de l'autre, tant elles sont consubstantielles à l'"esprit compagnonnique" tel que "sacralisé" et ritualisé par la Tradition, sont toujours celles du Compagnonnage moderne, du moins celui qui se revendique comme une "société secrète d'hommes libres". Sur ce point précis, le Compagnonnage est très proche, pour ne pas dire similaire, voire même… identique à la F...M.... Toutefois, et comme je l'ai déjà dit, par rapport à la F...M..., sur ce point précis, le Compagnonnage dispose davantage de "force et de vigueur" que la F...M... puisque son action dans et sur le monde profane, d'une totale et, à bien des égards, parfaite, maîtrise, est bien visible et que cette visibilité, en raison de sa force comme de sa… beauté, a une exemplarité, à mon sens, nettement plus… "efficace" et donc… "entraînante", "attractive", "mobilisatrice"…
Le Compagnonnage n'est pas l'exercice d'un art… libéral mais bien d'un art… libératoire, libérateur puisqu'il est la liberté de création en action. En ce sens, son avenir est celui de… l'humanité. Il ne disparaîtra donc pas avec tel ou tel progrès technique, pour ne pas dire technocratique, telle ou telle catastrophe écologique ou économique, politique… mais avec… l'humanité elle-même.
Lors de sa naissance, la F...M... ne connaissait que deux grades : Apprenti et Compagnon, la maîtrise n'étant que la "présidence", ponctuelle et donc éphémère, de la tenue d'une loge. A cette époque, le Compagnon était l'achèvement du dépassement de soi dans lequel s'était, un jour, engagé, le profane reçu apprenti. Comme ses ancêtres, au monde profane, le Compagnon d'aujourd'hui donne – au sens primordial du terme de "don" – son chef d'œuvre qui, pour paraphraser Paul Valéry, est un "supplément de beauté" offert la "vulgarité" de la "profanité", ouvrant ainsi la porte d'une "sacralité", dont la quête est éternelle, celle de… l'humanité.
Ainsi, moi qui, comme on dit vulgairement, ne sait rien faire de mes dix doigts, je me pose cette question : en tant que maçon, qu'est-ce que je donne à voir, à entendre, à toucher, à goûter et à sentir de… beau au monde profane pour, modestement, donner envie à certain(e)s de se mettre à bâtir une société humaine, véritablement humaine, pleinement humaine, c'est-à-dire libre, égale et fraternelle ?
Pour terminer, provisoirement, une citation de Lucien Farnoux-Reynaud :
"""Celui qui accomplit chaque jour sa tâche quotidienne comme si le sort du monde en dépendait, celui-là sera sauvé" dit la sagesse indoue. Le métier devient alors un support de l'initiation. Mais si la connaissance initiatique naît du métier celui-ci devient à son tour le champ d'application de cette connaissance. Cette correspondance parfaite entre l'intérieur et l'extérieur étant établie, l'œuvre produite devient le chef d'œuvre, l'expression même de celui qui l'a conçue. Cette donnée ne nous est pas tellement inconnue. N'est-ce point la raison même des Compagnons du tour de France ? […] Cette discrétion [des sociétés dites secrètes] peut nous surprendre, nous qui supposons facilement que tout est à dire, qui cherchons à le mettre à la portée de tous au lieu de hausser le postulant à la hauteur de la vérité et ainsi confondons la propagande et la vulgarisation".
En complément, les informations ci-après reçues le 10 octobre 2007 par message électronique :
J'ai parcouru votre site, ayant suivi un lien se référant au compagnonnage.
Dans votre rubrique : Le Compagnonnage en France de nos jours, vous parlez de l'Union Compagnonnique Des Devoirs Unis
en ces termes : (ainsi, elle n'a pas de site Internet) et ses diffusions (papier) restent internes.
Je me permets de vous demander, si possible, de rectifier car depuis 2000, l'Union Compagnonnique a son site internet :
www.lecompagnonnage.com.
De plus en ce qui concerne son journal : Le Compagnonnage il est ouvert au public. depuis très très longtemps.
Le prix le l'abonnement ainsi que les modalités de paiement se trouvent également sur le site, ou en écrivant au
Journal Le Compagnonnage BP 500098 - 81501 LAVAUR
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