Les Chevaliers
du Travail
Cette planche n'est pas à proprement parler
philosophique mais historique mais, à l'image d'autres comme celles, par
exemple, relatives à l'anti-maçonnisme, elle pourra donner lieu, c'est du
moins ce que j'espère, à une réflexion, pertinente ou… impertinente, sur la F...M...
Et,
pourquoi pas, à un questionnement des FF...
sur la pratique de la F...M... ?
*
* *
En France, la Chevalerie du Travail s'est rattachée aux Knights of
Labour États-uniens et canadiens. C'est donc vers l'Amérique du Nord qu'il
nous faut d'abord nous retourner :
Aux États-Unis, alors qu'il n'y avait pas encore de véritables
syndicats, la première organisation nationale de travailleurs fut l'Ordre des
Chevaliers du Travail. Fondé en 1868, cet ordre s'inspira de la tradition des
loges opératives, véritable combinaison de corporations et de syndicats, qui,
au Moyen-Âge en particulier, avaient servi de cadre d'organisation à diverses
professions, comme celles du "bâtiment" ou, plus exactement, de la
construction. Cet Ordre rassemblait, au sein d'une localité, tous les
travailleurs, Blancs et Noirs (mais ni les Indiens, ni les Chinois), femmes et
hommes, Américains de "souche" et immigrants : ouvriers qualifiés et
non qualifiés, ouvriers agricoles, mais aussi artisans, petits commerçants,
agriculteurs et travailleurs indépendants, à l'exception notoire des avocats,
des banquiers ainsi que tous ceux qui vivaient, d'une façon ou d'une autre, du
commerce de l'alcool. Malgré une répression, autant légale
que sauvage, immédiate, l'Ordre, sans doute à cause de son universalisme et de
la probité légendaire de ses membres, était très populaire et se développa
rapidement. Un peu partout, il initia des Assemblées locales qui étaient les instances d'organisation des membres et de direction des grèves et
organisa la solidarité ouvrière dans la lutte mais également le quotidien
(logement, santé, secours…). En outre, il développa des actions dites
philanthropiques et, en particulier, de formation aussi bien générale que
professionnelle. Les rites des cérémonies d'initiation, les signes, les mots
de passe, les sceaux, les symboles… étaient de facture maçonnique.
L'Ordre se développa rapidement, de façon foudroyante et, à son apogée,
en 1886, regroupa plus de 700 000 adhérents. Organisé par localités,
l'Assemblée locale
étant ainsi la cellule de base, par
districts et Etats, on ne peut toutefois pas considérer que l'Ordre était doté
d'une véritable autorité centrale, car la direction nationale n'avait pas de
pouvoir réel sur les Assemblées locales dont les permanents étaient élus et
payés par les adhérents de base. Le développement de l'Ordre fut tellement prodigieux
que, en 1886, le congrès de Richmond Congrès de Richmond, réunissant 658 délégués,
dut prononcer un moratoire sur l'affiliation de nouvelles Assemblées locales !
Lors de la maîtrise du premier Grand Maître Stephens, le ton était à
la paix et à la conciliation, mais avec l'accession de Powderly, le ton changea
: désormais, c'était l'heure de la lutte et, en particulier de la grève. L'Ordre
fut une société secrète jusqu'en 1878. Dés 1880, les Chevaliers étaient présentés
par de nombreux journaux comme de dangereux terroristes
et il y a fort à parier que les archives de la Police peuvent plus nous
apprendre à leur sujet que le peu d'archives de l'Ordre dont disposent les
historiens !
J'indiquerai, pour mémoire, que, à la même époque, en revanche, l'ancêtre
direct de l'American Federation of Labor (Fédération Américaine du Travail),
la FOTLU (Fédération des Métiers Organisés et des Syndicats de
Travailleurs), qui ne regroupait, sur la base exclusive du métier (trade
union), que des ouvriers qualifiés et, de surcroît, que des hommes, blancs et
américains de souche (des… WASP !), ne comptait fin 1884 que 50 000 adhérents.
Elle était même moribonde lorsque, le 1er mai 1886, elle lança le
premier mot d'ordre de grève générale interprofessionnelle de l'Histoire
Etats-unienne dont la revendication était la journée de huit heures.
Les Chevaliers du Travail, parmi lesquels de nombreux militants
anarchistes, jouèrent un rôle prépondérant dans la grève générale et les
manifestations du 1er mai 1886 alors même que la direction de l'Ordre l'avait
condamnée ; c'est pourquoi, les dirigeants des Assemblées générales ainsi
que les adhérent(e)s furent, avec les anarchistes, les principales victimes de
la répression qui suivit le massacre de Haymarket (Chicago). A cette occasion,
et contrairement à celle de l'American Federation of Labour, la direction de
l'ordre refusa de venir en aide aux accusés, puis aux condamnés de Chicago
alors qu'elle était en mesure de faire jouer en leur faveur son puissant
lobbying politique.
Par la suite, la Direction de l'Ordre élue lors du congrès de Richmond,
rejeta clairement et définitivement l'idée d'un syndicalisme de classe fondée
sur la notion de salariat. En rompant avec son passé de et de luttes
syndicales, l'Ordre des Chevaliers du Travail sonna alors le glas de sa mort. La
plupart de ses membres rallièrent alors la FOTLU, puis l'AFL,
le Congress of Industrial Organisations (CIO) et, surtout, plus tard, l'Industrial
Workers of the World (IWW)
créé en 1905. Certains, rallièrent également des Loges maçonniques tandis
que d'autres restèrent dans l'Ordre jusqu'à sa disparition officielle,
d'aucuns disant qu'il continue à exister sous une forme secrète.
En 1882, l'Ordre des Chevaliers du Travail essaima à Montréal d'où il
rayonna rapidement sur tout le Canada sous le nom de Noble et Saint Ordre des
Chevaliers du Travail. Très rapidement, les Chevaliers organisèrent environ
400 assemblées locales comptant des dizaines de milliers de membres. Mouleurs,
tonneliers et autres corps de métier dirigèrent les premières campagnes de
recrutement des Chevaliers qui prirent soin, comme U.S.A., d'ouvrir toutes
grandes les portes de leurs assemblées à tous les travailleurs, quelle que
soit leur origine nationale et leur sexe, à l'exclusion des banquiers, des
avocats, des joueurs et des propriétaires de saloon mais aussi des Indiens, des
Chinois et des autres asiatiques. Compte tenu de la spécificité linguistique
du Canada, l'Ordre permit la tenue d'Assemblées locales distinctes pour
francophones et anglophones.
En 1885, l'évêque Elzéar-Alexandre Taschereau obtint du Vatican
l'interdiction des Chevaliers du Travail au Québec qu'il présenta comme une secte
maçonnique (sic).
Au Canada encore plus qu'aux États-Unis, les Chevaliers
s'investirent également dans la vie de la Cité. Dans de petites localités
comme Galt et Saint Catharines, en Ontario, tout comme dans les grandes villes
de Toronto, Montréal, Winnipeg et ailleurs, ils créèrent des Assemblées
locales pour satisfaire leurs revendications syndicales (salaires, conditions de
travail…) mais aussi aborder, traiter et faire progresser des questions plus générales
touchant la santé, le logement, l'éducation, la formation de leurs membres et,
au-delà, de l'humanité. Dans leur opposition au monopole industriel, ils lancèrent
de nombreuses coopératives de producteurs et de consommateurs.
Il faut toutefois noter que, à la différence de ceux des
Etats-Unis, du moins jusqu'au Congrès de Richmond, les Chevaliers du Canada, à
l'origine, considéraient que le déclenchement d'une grève ne devait être
qu'un ultime recours, la priorité d'action étant accordée à la persuasion
morale exercée d'ailleurs davantage auprès du Gouvernement que du patronat
afin d'obtenir une réglementation protectrice, voire même protectionniste du
Travail. C'est pourquoi, les Chevaliers canadiens furent régulièrement très
présents et actifs sur la scène politique municipale où ils militèrent pour
un amalgame de réformes radicales pour l'époque : abolition du travail des
enfants ; ; égalité des hommes et des femmes selon la formule "à travail
égal, salaire égal" ; instruction publique…, associé, selon les
Assemblées locales, à une critique du système capitaliste, tout particulièrement
de l'exploitation salariale : "nous ne croyons pas que l'émancipation des
travailleurs réside dans l'augmentation des salaires et la réduction des
heures de travail; nous devons aller beaucoup plus loin que cela, et nous n'y
parviendrons que si le régime du salariat est aboli". Ils peuvent être
considérés comme à l'origine des premiers partis ouvriers indépendants mais
également des courants communautaristes (au sens canadien du terme),
mutuelliste
et municipaliste (ou communaliste) qui perdurent de nos jours et, enfin, de la
problématique écologique, notamment en terme de développement durable.
En 1889, les débardeurs investirent
massivement l'Ordre ; il en résulta rapidement un conflit avec les premiers
Chevaliers qui, contrairement aux idéaux de l'Ordre, s'étaient constitués en
une sorte d'élite ouvrière locale (les maîtres) et qui tentèrent en vain de
vider l'Ordre de tout substrat syndical pour l'orienter vers la seule action
philanthropique avec la création de sociétés de secours mutuels, moins
militantes et revendicatives.
Pour les débardeurs et, plus généralement, les
ouvriers de l'Ordre le projet était de "réunir l'ensemble des producteurs
dans un vaste mouvement pour l'abolition du salariat et le rétablissement d'une
société nouvelle fondée sur la coopération et la petite propriété".
La direction de l'Ordre, à l'image des maîtres, ne manqua pas de s'inquiéter
de ce projet et de la turbulence de plus en plus incontrôlable d'une base
fortement anticapitaliste et anticléricale.
Le conflit alla en s'aggravant et finit par une véritable scission entre révolutionnaires
et réformistes, légalistes et illégalistes et, au-delà syndicalisme et
politique. Cette scission fut fatale à l'Ordre qui finit par en mourir, du
moins officiellement, car au Canada comme aux U.S.A., certains estiment que
l'Ordre vit toujours mais dans le secret de la clandestinité ! Les Chevaliers
d'en bas s'en allèrent vers les syndicats
et les partis ouvriers tandis que ceux d'en haut rejoignirent la F...M... régulière,
l'Armée du Salut et d'autres sociétés philosophiques d'une part et, d'autre
part, la Politique et les partis sociaux-démocrates, voire libéraux.
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La première implantation européenne de l'Ordre des Chevaliers intervint
en Belgique en 1880.
En France, l'Ordre de la Chevalerie du Travail fut fondé le 23 novembre 1893,
grâce à la persévérance de Chauvière, F...M...
par ailleurs et qui en sera le premier G...M....
A la différence des U.S.A. et du Canada, l'Ordre est
strictement masculin. Les Chevaliers sont organisés en chantiers dirigés par
un chef de chantier ou maître et dont les noms sont placés sous le patronage
des Lumières : Voltaire, Diderot, Rousseau… ; de la Révolution (Marat…) ou
de révolutionnaires plus récents (Marx, Eugène Varlin…).
Les chantiers sont regroupés en sections départementales et ceux-ci en
districts régionaux.
Plusieurs conditions devaient être remplies pour devenir Chevalier
: être présenté par un répondant (le recrutement se faisait donc uniquement
par cooptation), avoir 18 ans ou plus ou seulement 16 si un parent l'était déjà,
subir une enquête relative aux opinions et engagements politiques ou
associatifs et prêter le serment suivant : "Je promets sur mon honneur que
jamais je ne révèlerai à qui que ce soit aucun des signes ou des travaux
secrets de notre ordre qui peuvent m'être, maintenant ou plus tard, donnés ou
confiés, aucun acte, fait, aucun objet ou projet conçus, excepté si j'y suis
autorisé par mes fonctions ou par une commission spéciale accordée par
l'Ordre". Le nouveau Chevalier était accueilli par un discours de réception.
En France comme en Belgique, la Chevalerie du Travail se rattacha,
dés sa naissance, à la tradition révolutionnaire et avait pour projet
l'abolition du capitalisme. Elle admettait le sabotage et la grève générale
comme moyen de lutte. Aristide Briand, théoricien de cette forme d'action,
était Chevalier du Travail. L'Ordre était également anticlérical et adhérait
au coopératisme et à l'autogestion. Antiparlementariste, ses membres détenteurs
d'un mandat politique étaient interdits de maîtrise : les élus ne peuvent et
ne pouvaient recevoir de délégation qu'impérative, limitée et révocable à
tout moment.
En plus des allemanistes,
de nombreux membres des Bourses du Travail firent partie de l'Ordre (les frères
Pelloutier et, notamment, Fernand, le fondateur des Bourses du Travail, Désiré
Colombe…) ainsi que du Parti Ouvrier socialiste Révolutionnaire.
De nombreux Chevaliers étaient F...M...
par ailleurs : Marcel Sembat (fondateur de la Loge "La raison" et
auteur d'une conférence, intitulée "Nécessité absolue pour le F...M... d'être socialiste", qu'il prononça, lors de
l'inauguration, en 1904, de la Loge "L'Internationale"), Emile Chauvière,
Adien Veber,
Emile Pasquier,
Charles Brunellière…tout
comme deux de ces trois derniers G...M...
: Jobert, du G...O...D...F...
et Lévy-Oulman, de la Grande Loge.
Les Chevaliers s'appelaient entre
eux FF... et T...C...FF...;
utilisaient les trois points dans leurs
écrits et avaient des mots secrets et des signes de reconnaissance. Selon
Charles Brunellière; l'Ordre était une F...M...
ouvrière et socialiste même si, pour Arthur Groussier,
il n'y avait aucun lien entre les deux. Selon Augustin Hamon, qui fut Chevalier
du Travail et F...M...
: : "Nous sommes sûrs que les Chevaliers du Travail français n'avaient
pas de rapport, en tant qu'Ordre avec la F...M...
française. Beaucoup de Chevaliers du Travail étaient F...M...
; c'était là le seul lien qui unissait les deux ordres dont les buts,
encore qu'assez semblables, n'étaient pas identiques".
En outre, de nombreux Chevaliers du Travail étaient
également membres d'une société de libre pensée, d'un syndicat, d'une coopérative
ou d'un groupe libertaire, formel ou non. Selon Maurice Dommanget,
la Chevalerie du Travail a préfiguré et même favorisé l'unité syndicale et
l'unité socialiste.
La Chevalerie du Travail française était essentiellement présente
à Paris, dans la Seine et la Seine et Oise. Mais de nombreuses villes de
province avaient un chantier : Angers, Rennes, Le Mans, Nantes, Alès,
Decazeville, Figeac, Amiens, Toulouse, Lyon… En 1896, l'Ordre comptait 1 500
membres, ce qui atteste d'une discrétion certaine. Ayant toujours eu des
effectifs modestes, l'Ordre, 20 ans à peine après sa création, était déjà
moribond. Il fut officiellement dissout en 1910.
Toujours restée volontairement discrète, pour ne pas dire secrète,
il est difficile de dire si la Chevalerie du Travail française avait des liens
avec les Ordres des autres pays (Belgique, USA, Canada…) même si, selon
certains auteurs, syndicalistes et/ou anarchistes, ces liens existaient,
notamment, pour assurer, dans les deux sens, des filières de passage permettant
à des Chevaliers de se mettre à l'abri de la répression policière.
En France, d'emblée elle s'est heurtée à l'existence d'un mouvement
syndical fort et ancien. C'est pourquoi, l'hypothèse d'une FM ouvrière est
plus probable quant à son origine. En somme, elle aurait pu être la dimension
"philanthropique et philosophique" du mouvement des Bourses du
Travail.
*
* *
Discussion
:
La Chevalerie du Travail, en Amérique
du Nord, s'est constituée en l'absence d'un véritable syndicalisme alors que
la F...M...
y était encore fort discrète, pour ne pas dire élitiste.
D'initiative ouvrière et non ouvriériste, son objectif originel n'était pas
tant la défense des travailleurs que le changement radical de la société.
Fortement empreinte de moralité et de moralisme, elle avait indéniablement
aussi une dimension philosophique, philanthropique et progressiste mais
l'organisation des travailleurs aux fins de lutte était bien sa mission première.
D'emblée, elle est entrée en concurrence avec les traditionnelles sociétés
philanthropiques qui, d'obédience religieuse, avait pour objet de tempérer
les excès et les conséquences du système économique tout en veillant à ce
qu'il ne soit pas remis en cause. C'est pourquoi, d'emblée, la Chevalerie du
Travail s'est heurtée à l'opposition à la fois aux autorités politiques et
religieuses et au patronat. Mais c'est pourquoi aussi, elle s'est développée
sans aucun lien avec la F...M...
et qu'elle a disparu au profit non de cette dernière mais des syndicats au
fur et à mesure que ceux-ci se sont constitués et se sont démarqués de toute
finalité politique et philosophique.
Au vu de sa brève (mais
tumultueuse) histoire, il ne serait pas excessif de considérer que, d'une
certaine manière, elle a été une parenthèse moyenâgeuse ouverte à l'ère
de l'essor du capitalisme. N'a-t-elle pas été, en effet, une sorte de compagnnonisme
interprofessionnel à l'heure, non plus de l'apprenti, du compagnon et du maître
mais de l'ouvrier, du contremaître et du patron ? N'est-ce pas cette nostalgie
de la maîtrise du métier (et non du travail) qui expliquerait la dérive élitiste
de la Chevalerie canadienne vers le corporatisme et le protectionnisme ? Prônant
l'abolition, non du travail, mais du salariat, n'a-t-elle pas, d'une certaine
manière, un lien de parenté avec le corporatisme de Pétain, la participation
de de Gaulle, la nouvelle société de Chaban Delmas… ?
En revanche, la Chevalerie française et belge est née dans un autre
contexte : celui de la préexistence et du syndicalisme et de la F...M...
L'implication forte de syndicalistes et de révolutionnaires dans sa création
et son développement doit nous faire exclure l'intention de la substituer
autant aux syndicats alors en plein essor et en pleines luttes qu'aux partis en
train de naître et, déjà, de se déchirer. Que de nombreux acteurs des
Bourses du Travail, à commencer par leur père,
Fernand Pelloutier, doit nous amener à exclure cette autre hypothèse qui
serait de considérer la Chevalerie du Travail comme l'École de la lutte ouvrière et, notamment, de l'action directe,
mais aussi de la promotion ouvrière puisque ce rôle était justement, aussi, dévolu
aux Bourses du Travail.
On ne peut non plus admettre que la Chevalerie du Travail ait été l'arrière-boutique,
discrète et même secrète, de la lutte politique ouverte, celle des tribunes
comme des barricades, des joutes oratoires comme des émeutes et des révolutions,
des manifestations, sinon autorisées, du moins officielles parce que publiques,
comme de la grève et du sabotage, en somme, une sorte d'école
de la Révolution et des révolutionnaires. En effet :
- d'une part, alors que le mouvement révolutionnaire, dans sa double
dimension politique et syndicale, est fortement empreint
d'internationalisme, cette Chevalerie s'inscrit dans la plus petite localité
possible, celle du chantier, sans le moindre lien avec l'Association
Internationale des Travailleurs ;
- d'autre part, les révolutionnaires, et, singulièrement, les
anarchistes, qui ont adhéré à la Chevalerie ont toujours privilégié la
lutte sociale pour rejeter la voie politicienne de la représentation
politique et, singulièrement, du parlementarisme.
Dés lors, pourquoi aurait-il été
nécessaire de créer une organisation particulière de combat lorsque les armes
déjà utilisées étaient suffisantes ?
Personnellement, je suis enclin à partager l'avis de Charles Brunellière
: la Chevalerie du Travail s'est constituée en France et en Belgique comme une F...M...
ouvrière, la preuve la plus immédiate en étant qu'elle s'en est donnée la
plus grande apparence possible et que sa création comme son développement –
même s'il a été fort court – ont impliqué de nombreux FF... La question est
donc alors de savoir pourquoi une F...M...
spécifiquement ouvrière quand il existait une F...M...
tout court à vocation et prétention universelle et universaliste.
Les statistiques des différentes Obédiences sont claires : la présence
ouvrière au sein des Loges a toujours été très marginale et il en est
toujours ainsi du reste. A cela plusieurs raisons peuvent être avancées : l'élitisme
de certaines Loges faisant la part belle aux intellectuels,
aux professions libérales, à la… bourgeoisie et rendant ainsi leur accès
culturellement difficile aux… prolétaires
; l'implantation urbaine des Loges dans les beaux
quartiers dont on sait qu'ils ne sont fréquentés par les prolétaires qu'à
l'occasion de l'exercice de leur métier ou de manifestations ; les préjugés
de bon nombre d'ouvriers à l'égard de la F...M...
; l'opposition de certaines organisations politiques à la F...M...
(le Parti Communiste Français par exemple qui, pendant longtemps, interdisait
à ses membres d'adhérer à la F...M...,
les partis troskystes continuant de maintenir cet interdit) ; le missionnarisme
de certains FF... qui
considèrent que le troupeau doit
rester à sa place, en dehors de la Loge, puisqu'ils se sont donnés pour mission
de l'éclairer et de le conduire dans la bonne voie du progrès…
À la fin du XIXème siècle, certains FF...,
refusant que la FM... soit
à l'image d'une société faisant peu, voire pas de place à la classe ouvrière
dans l'Enseignement secondaire et supérieur, les équipements culturels (théâtre,
opéras, bibliothèques…), la représentation parlementaire…, ont estimé
que les ouvriers ne venant pas à la FM...,
ils se devaient d'aller aux ouvriers.
D'où, à mon sens, la création de cette FM...
de substitution que fut la Chevalerie du Travail et, de ce fait, son habillage
maçonnique poussé souvent dans les moindres détails
avec, toutefois, un soin particulier à la rattacher à sa forme dite opérative
et originelle, le compagnonnisme du Moyen-Âge qui, à travers le compagnonnage
toujours vivant, pouvait mieux parler
aux ouvriers. Une création faite à l'initiative, en France comme en Belgique
et en opposition avec l'exemple d'Amérique du Nord, non d'ouvriers mais de révolutionnaires,
ou de FF... et, le plus
souvent, de FF... révolutionnaires
!
Mais d'où également son inévitable sort,
celui de l'échec et d'une mort quasi née. En effet, la Chevalerie du Travail,
dés son origine, s'est trouvée enfermée dans une contradiction mortelle :
comment se prétendre maçonnique et donc universelle et ne s'ouvrir qu'aux
seuls ouvriers ? Autrement dit, était-il pertinent, au seul motif de l'usage de
moyens différents, de créer une organisation particulière ayant le même
projet que la FM... mais aussi que certains partis politiques comme le Parti
communiste ?
Au-delà du projet révolutionnaire de la Chevalerie du Travail qui, à l'évidence,
n'est pas nécessairement partagé par tous les FF...
– et toutes les SS...
– cette initiative, malgré son échec, somme toute consommé assez
rapidement, me semble interroger de nos jours encore la pertinence de la
revendication universelle et universaliste de la FM...
: quelle place la FM...
fait en son sein aux prolétaires – ouvriers, personnels de service, public et
privé, manœuvres… - et, a fortiori, à celles et ceux que l'ont nomme, à
juste titre, les précaires et les exclu(e)s de la Société ? Est-ce que la FM...
est vraiment ouverte à ces… publics
? Est-ce que leur nombre est conforme à leur poids statistique dans la
population ? Que fait-elle pour s'ouvrir à eux ? Est-elle au demeurant si
accessible que cela si l'on prend en
compte d'autres groupes sociologiques comme, par exemple, celles et ceux que
l'on dits de la deuxième, voire de la troisième génération d'immigrés et,
singulièrement, d'immigrés d'origine non européenne ? Est-ce qu'en
poursuivant son travail dans le monde profane un F...
ou une S... n'a pas aussi
pour obligation d'ouvrir le chemin de la FM...
– et donc de la Loge – à celles et ceux qui ne le connaissent pas et
qui risquent fort de l'ignorer toujours ?
A ces questions, je ne tenterai pas de chercher de réponses dans
l'exemple de la Chevalerie du Travail française mais dans celui des Knights of
Labour d'Amérique du Nord : ces simples
manuels, qui, sans la moindre lumière maçonnique, ont su se défaire de
ces préjugés sexistes, sociaux et racistes dans lesquels, à l'aube de ce
troisième millénaire, bon nombre de citoyen(ne)s – et, point
d'interrogation, de FF...
et de SS... – sont
toujours empêtré(e)s.
En 1879, l'Ordre comprenait 1 300 assemblées locales et 23 assemblées de
district.
L'American Federation of Labor (AFL)
fut fondée en 1886 par Samuel Gompers, l'un des dirigeants du syndicat des
cigariers. Regroupant les syndicats d'artisans, l'AFL atteignit 1.750.000
adhérents en 1904, ce qui en faisait alors l'organisation syndicale la plus
importante du pays.
Peu après 1920, des tensions surgirent au sein de l'AFL entre les artisans
qualifiés et les ouvriers des usines. Le conflit entraîna la création
d'une nouvelle centrale syndicale, le Congress
of Industrial Organizations (CIO), ouvert aux seuls ouvriers.
L'organisation se développa rapidement et, à la fin des années 1930, elle
comptait plus de membres que l'AFL. par la suite, l'AFL et le CIO ont
fusionné pour donner l'AFL-CIO.
L'Industrial Workers of the World
(IWW), syndicat créé en 1905 par les représentants de 43 groupements qui
s'opposaient à la politique, réformiste, voire collaborationniste, de l'AFL
est une version révolutionnaire du mouvement ouvrier qui réclamait le
renversement du capitalisme par les grèves, les boycotts et les sabotages.
Il s'opposa à la participation américaine à la Première Guerre mondiale.
Après avoir réuni plus de 100.000 membres en 1912, l'IWW faillit disparaître
en 1925 à cause des poursuites judiciaires engagées par les autorités fédérales
contre ses dirigeants, de la répression publique et privée (patronat) de
ses membres, de l'hostilité orchestrée de l'opinion publique à l'encontre
de l'esprit révolutionnaire et des rouges.
Une nouvelle vague de répression s'est abattue sur elle avec le
maccarthysme mais l'IWW existe toujours bel et bien. Il existe des IWW dans
de nombreux pays, en particulier anglo-saxons et anglophones (Canada,
Australie, Afrique du Sud…) membres de l'Association Internationale des
Travailleurs. Les IWW et, singulièrement l'IWW des Etats-Unis ont nourri
des liens étroits avec la CNT espagnole lors de la guerre
civile de 1936 ; ainsi, de nombreux wobblies – membres de l'IWW –
s'engagèrent dans les Brigades internationales. Ces liens sont toujours
actuels et on notera que, en France, par exemple, la CNT a repris pour emblème
le chat de l'IWW. Comme figure emblématique de l'IWW, je citerai Joe Hill
mais également Sacco et Vanzetti.
"Il y a tant d'anarchistes au Canada ! Ils [ceux
au pouvoir] ont raison de se méfier. Les Français sont bien plus
difficiles à manier que les autres peuples. Nous avons aussi un certain
nombre d'anarchistes aux États-Unis, mais il ne sont pas du genre
dangereux. Le tempérament français est très différent. Massez nos gens
sur toute la longueur de Market Street, vous n'aurez rien à redouter. Mais
faites la même chose avec un nombre égal de Français, alors le pire est
à craindre".
A l'instigation des Chevaliers, en 1886, est créé, le premier regroupement
syndical d’importance au Québec, le Conseil des métiers et du travail de
Montréal, devenu depuis le Conseil régional de la Fédération des
Travailleurs Québécois du Montréal métropolitain.
Exclu de sa centrale syndicale et du Parti Ouvrier Belge en 1921, Julien
Lahaut relança les Chevaliers du
Travail et fondit un Chantier qui fut le point de départ de la future
Centrale révolutionnaire des Mineurs.
Le 5 octobre 1839, naissance d'Eugène VARLIN à Claye Souilly, près de
Paris. Relieur, militant ouvrier, internationaliste et libertaire. En 1865,
il participe à la fondation d'une société d'épargne et de crédit mutuel
des ouvriers relieurs. A la création de l'internationale, il adhère à
l'organisation et devient un des secrétaires du bureau parisien. Il sera délégué
au congrès de l'A.I.T à Genève en 1868, et de Bâle en 1869. Il s'y
prononce pour l'égalité des sexes ou encore pour "la collectivisation
de la terre par les communes solidarisées". Il est aussi, en 1868, à
l'origine de coopératives de consommation. Lorsque la répression s'abattra
sur l'A.I.T, Varlin sera condamné une première fois à 3 mois de prison,
puis contraint de s'exiler en Belgique pour se soustraire à une nouvelle
condamnation en 1870. Il rentre en France à la chute de l'empire, devient
le commandant d'un bataillon de la garde nationale, participe aux élections
du 8 février 1871 puis, à partir du 18 mars, jour de l'insurrection, il
fait partie du comité central de la garde nationale. Le 26 mars, il est élu
membre de la commune. Il participe aux derniers combats de la semaine
sanglante. Arrêté le 28 mai 1871, il est roué de coups, puis fusillé par
les Versaillais, après avoir crié "Vive la république, vive la
commune"!".C'est la fin du vieux monde gouvernemental et clérical,
du militarisme, du fonctionnarisme, de l'exploitation, de l'agiotage, des
monopoles, des privilèges, auxquels le prolétariat doit son servage, la
Patrie, ses malheurs et ses désastres". Eugène Varlin, pendant la
commune
De Jean Allemane (1843 –
1935), syndicaliste et homme politique français qui fonda le Parti ouvrier
socialiste révolutionnaire (POSR) ou allemaniste, préconisant la grève générale
comme moyen d'action révolutionnaire.
Né en 1861, député socialiste
de Paris de 1902 à 1919.