"Après la mort, il n'y a rien, et la mort elle-même n'est rien"

Sénèque

 

"Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide.

Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue, c'est répondre à la question fondamentale de la philosophie".

Albert Camus

 

"Le suicide est un bris de prison"

Victor Hugo

 

"Le suicide, mais c'est la force de ceux qui n'en ont plus, c'est l'espoir de ceux qui ne croient plus, c'est le sublime courage des vaincus".

Guy de Maupassant

 

"Il y a des gens qui vont à la pêche, à la chasse, à la guerre; d'autres qui font de petits crimes passionnels. Il y en a quelquefois qui se suicident. Faut bien tuer quelqu'un..."

Jacques Prévert

 

"Croire en Dieu équivaut à se tuer. La foi n'est qu'un mode de suicide".

Louis Scutenaire

 

"La mort est une possibilité que chacun porte en soi a chaque instant".

Marcel Achard

 

"La vie est l'attente de la mort".

Alcuin

 

 

"Je suis celui dont on ne se souvient, se soucie que…

lorsque l'on a besoin de lui".

JC

 

 

Lettre à ma très chère sœur S\

 

En navigant dans mon vomitorium [sur mon site], tu t'es inquiétée à mon sujet et tu m'as craindre que je veuille mourir.

Ta fraternelle sollicitude, ma très chère sœur, me touche et je t'en sais gré.

Mais tu te trompes… un peu. Je ne veux pas vraiment mourir. Il y a seulement que je n'ai plus envie de vivre. 

Je n'ai plus envie de vivre parce que la vie, depuis pas mal de temps, a cessé de m'être plaisante, agréable. Elle m'est même devenue pénible, lourde à supporter, dure à porter. Pour diverses raisons que je vais essayer de t'expliquer.

Cette pénibilité du vivre est d'abord physique. Physique au sens de "santé". En effet, suite au traitement que j'ai subi avec succès [?!?], j'ai acquis, semble-t-il, ce que l'on appelle un Syndrome de Fatigue Chronique (S.F.C.), qui ne fait l'objet d'aucune prise en charge médicale. Outre que le terme de "fatigue" n'est pas vraiment approprié et qu'il vaudrait mieux parler d'épuisement, le S.F.C. s'accompagne de divers "bobos" (douleurs articulaires, musculaires…) qui polluent la vie quotidienne au point que certains gestes élémentaires deviennent parfois comme des montagnes que l'on ne peut gravir faute de… force.

99.99% des gens – médecins compris – ne savent pas ce que "être fatigué" de cette fatigue-épuisement veut dire : se coucher parce que l'on est fatigué mais ne pas pouvoir dormir bien justement parce que l'on est fatigué ; se lever fatigué ; devoir sans cesse lutter contre la fatigue alors que le combat est vain puisque, fatigué, on n'a pas la force de lutter… Dans l'esprit des gens "être fatigué" est un état passager que l'on va surmonter avec un bon somme. Mais, vois-tu, cette fatigue – ma fatigue – est… permanente. Et il est fatigant de se dire continuellement fatigué quand, visiblement, on n'est pas pris au sérieux et que, au mieux, on te considère comme… déprimé et que quelques cachetons vont donc te remettre sur pied alors même que les antidépresseurs ne font qu'aggraver la fatigue ! Pourquoi cette incompréhension ? Tout simplement, il me semble, parce que l'on a peine à imaginer un état de fatigue physique… permanent.

Et cette fatigue permanente est… épuisante. Je suis comme une sorte de batterie qui n'est plus alimentée et il faut donc que je tire sur mes réserves pour, aussi, lutter contre les autres "bobos". Or, des réserves, comme elles ne se renouvellent pas pour cause de… fatigue, et bien, naturellement, elles s'épuisent et la fatigue devient terrassante.

Des "bobos" ? sans doute rien de mortel. Seulement des douleurs – et, comme tu dois le savoir, la douleur lorsqu'elle dure est… fatigante ! -, mais des douleurs qui font que, souvent, des gestes aussi simples que déboucher une bouteille de bière, ouvrir une boîte de conserve, se laver, se déshabiller, s'habiller, se brosser les dents, tourner une clé dans la serrure, passer la serpillière, soulever la porte du garage, enfourcher le vélo, pédaler, porter un sac, faire le lit… deviennent difficiles, très difficiles, voire… impossibles.

Alors, de ne pouvoir s'assumer, seul, dans sa quotidienneté, et bien, vois-tu, cela… fatigue… moralement.

L'incompréhension des autres qui ne veulent-peuvent pas entendre-comprendre ta fatigue est… fatigante. Moralement. Car, ce faisant, c'est comme un reproche constant que l'on te fait de ne pas être ce que tu ne peux pas être, physiquement ; c'est comme une contrainte que l'on te fait de t'acharner à… paraître alors que tu n'as plus la ressource, physique et aussi morale, d'être.

Certes, par moment, il y a des "embellies" et, si elle ne disparaît pas vraiment, la fatigue devient supportable et même, dans certains moments d'amitié, de fraternité, de joie…, oubliable. Mais, ensuite, plus dure est la chute, plus dur est le réveil quand la fatigue revient, qu'elle t'envahit, qu'elle te terrasse… Pour reprendre une image, c'est aussi dur que peut être dur à un condamné à l'enfermement de pouvoir goûter quelques instants de liberté.

Enfermement… Le mot est lâché. Je suis enfermé dans la fatigue. Le mur est invisible des autres. Pourtant, il est bien là. Et, pour moi, il devient de plus en plus opaque, m'enfermant sans cesse davantage dans la fatigue. Comme dans un trou noir où je m'enlise inexorablement.

Cette fatigue fait que, par ailleurs, je ne suis plus capable de supporter des relations qui sont fondées sur le mensonge, l'hypocrisie, la "méchanceté", l'agressivité, l'autoritarisme, la médiocrité, la bêtise, la fatuité… et, en la matière, dans l'environnement professionnel, je suis… "gâté" !

Je suis fatigué au point de ne plus, comme je me plais à le dire, savoir tricoter des mots sur le clavier de l'ordinateur. Certes, je continue de penser, les idées continuent de tourbillonner dans ma tête mais, arrivé devant le clavier, je ne sais plus rien faire, tant je suis épuisé. Et je souffre vraiment de ne plus pouvoir écrire car l'écriture a toujours été une grande joie, pour ne pas dire un vrai bonheur, pour moi. De plus, elle me permettait de me… soulager de certaines pensées qu'il vaut mieux coucher sur le papier – même virtuel de la toile – que de les laisser faire le charivari dans sa tête. Et, enfin, elle au passager clandestin de al vie que j'ai toujours été – et suis encore – de "passer", c'est-à-dire à la fois de transmettre, de parler, de donner, de partager, de témoigner, d'assumer, de revendiquer…, bref d'assumer pleinement l'engagement de ma révolte qui est le fondement des choix philosophiques et éthiques que j'ai faits.

Je suis épuisé et, pourtant, "on" continue de me solliciter. Ps tant pour des aides "matérielles" comme, par exemple, un dépannage informatique, que pour des aides… "morales" et, comme je ne sais pas dire non, que je ne suis pas humaniste, maçon… pour rien et que je ne sais donc pas dire non, à chaque fois, il faut que je puise un peu plus dans le peu de ressources que j'ai pour pouvoir répondre et, ainsi, apporter l'aide demandée. En retour, je n'ai pas de "remerciement" ou même seulement de "reconnaissance" mais, comme je n'en demande pas, je n'en attends pas. Pourtant, ce qui me "chagrine", me peine, ajoute à mon désarroi existentiel, me décourage même et me force à désespérer de l'Autre, c'est que mes appels à l'aide – même s'ils ne sont pas dits et qu'ils sont donc discrets, ils sont, à mon avis, parfaitement "audibles", "visibles", "perceptibles"… quand, par exemple, on me voit traîner comme un zombi, avoir du mal à tenir debout, tenir une conversation, même écrite – n'ont d'autre écho que… l'indifférence de celles et ceux-là même que j'ai aidé(e)s et qui, par égoïsme sans aucun doute mal compris, préfèrent me fuir, m'oublier, m'ignorer… alors même que, pour reprendre une image, je suis en train de me noyer devant elles-eux et qu'elles-ils auraient tout loisir de me lancer une bouée, une corde…

Et, c'est dans ce contexte que j'ai commencé à me renseigner sur la retraite (en termes de revenu mais aussi de logement, d'"accompagnement", de santé et donc de "soins"…) et là, vois-tu, il y a comme un vent de panique qui me prend. Non parce que la vieillesse me fait peur en ce qu'elle serait une "décrépitude", un "amoindrissement", une "érosion"… mais parce que, tout simplement, je me suis rendu compte que pour pouvoir "bien vieillir" il faut des… "moyens", divers et variés, que je n'ai pas et que je n'aurai pas et que, à terme, il n'y aura d'autre état que celui de la… dépendance ce qui, pour k'humaniste, l'anar, le maçon que je suis est tout simplement… insupportable.

Alors, cette indifférence des autres et cette perspective de dépendance me minent un peu plus encore et rajoutent la fatigue morale à la fatigue physique, lesquelles en un cercle "diabolique" se renforcent mutuellement.

Cette fatigue est en train de me "légumiser". Tu comprendras que ce n'est pas chose plaisante, agréable quand j'ai fait le choix de naître à mon humanité et que j'ai de moins en moins de force pour continuer d'assumer ce choix, de rester humain. J'erre du lit au fauteuil, du fauteuil à la chaise, du (mauvais) sommeil à l'endormissement subi, du rien faire à… rien… Je ne suis plus "maître" de la vie : elle n'est plus que le temps qui s'écoule à travers moi comme le sable dans le sablier. Je ne suis plus. Je survis. J'attends.

Mais je ne suis pas encore tout à fait légume (hélas, sans doute ?) et je sais que j'ai des responsabilités envers des humains et un animal (Karma). J'ai toujours assumé mes responsabilités, quel que soit le prix à payer. Sache que, avec cette fatigue, le prix est de plus en plus… lourd, cher. Et que je n'ai plus beaucoup… d'économies".

Voilà, je ne sais si tu me comprends. C'est juste que je suis tellement fatigué, épuisé que, de plus en plus, j'ai envie de m'asseoir sur le bord du chemin, parce qu'il ne me sera pas physiquement possible d'aller au (vrai) bout du chemin que je m'étais tracé. Parce qu'il ne me reste déjà plus assez de force pour continuer pendant très longtemps encore.

Alors, légume pour légume, parfois, il me prend le trip de rêver qu'une limace, une tortue, un cheval, une chèvre…, bref un(e) quelconque légumivore ne vienne me bouffer – mais un crabe affamé ferait tout autant l'affaire - pour que l'on n'en parle plus et que le mot "fin", enfin, s'affiche sur le mauvais film qu'aura été et qu'est ma vie.

Cette attente n'est pas lâcheté de ma part. Lâcheté de peur d'une mort assumée comme acte ultime de liberté [le suicide]. Je suis celui qui, à son "poste de travail", attend le… relais pour pouvoir… débaucher.

J'ai toujours été un amant, passionné mais, aussi, trompé, frustré, déçu… - de la Vie. Je n'ai vécu pleinement que dans le don, dans le partage et nombreux-euses sont ceux-celles qui en ont "profité" et qui en "profitent" encore. Mais je ne le regrette pas. Je ne pense pas avoir été jamais un "dupe" : relativement à mes valeurs, mes convictions, même "abusé", j'ai plus profité et je profite plus que celles et ceux sui ont abusé et abusent encore de moi.

En toute honnêteté, relativement à cette utopie, d'une société enfin véritablement humaine, parce que libre, égale et fraternelle – autrement dit : anarchique ou bien encore… maçonnique - je pense avoir "payé ma part". J'espère que la Vie "m'aimera" assez pour, rapidement, faire en sorte que ma vie s'arrête parce que, tout simplement, pour ce qui me concerne, désormais, elle est une "erreur de classement" : un légume n'a pas sa place parmi les humains.

Trisous,

JC

20 août 2006


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