L'Inquisition
Sans conteste, avec
l'Inquisition, la secte vaticanesque a écrit une des plus belles pages
la criminologie. Le procès de l'Inquisition a été fait à plusieurs reprises
et, à chaque fois, le verdict de l'Histoire a été implacable : une
condamnation sans appel. Toutefois, alors que l'Opus Dei se déchaîne et
ne prend même plus la peine d'avancer masquée, que le lobbying de Rome se fait
de plus en plus outrecuidant auprès des instances internationales – et,
notamment, européennes – ainsi que des États, que Gépétou s'apprête à
prendre la place de dieu lui-même, que des évêques zélés, main dans la main
avec des imams tout aussi zélés, organisent en Afrique des autodafé de préservatifs
et de manuels d'information sur la contraception et la prévention des maladies
sexuellement transmissibles, qu'un certain cardinal a admis que le Sida était
un châtiment de dieu, que Rome voue à la mort des millions de personnes en
s'entêtant à condamner l'usage du préservatif, que les théologues et les scientifiques
catholiques continuent de falsifier l'histoire, que radio vatican émet des
ondes cancérigènes…, que, dans ce contexte, on peut légitiment se demander
si, pour combattre et abattre la bête immonde, l'arme de la critique est
suffisante et si, au contraire, il ne faudrait pas envisager de recourir à la
critique des armes, il m'a paru nécessaire de dresser un bref tableau
historique de l'Inquisition.
En fait, il n'y a pas eu une
Inquisition mais deux Inquisitions : l'Inquisition pontificale qui fut en
même temps le Tribunal ecclésiastique institué au XIIIème siècle
par la papauté, avec, toujours, le consentement et la participation active des
souverains, pour lutter contre les hérésies[1]
et la procédure d'exception utilisée par ce Tribunal – tortures, accusations
et sentences collectives, caractère facultatif de l'accusation et de
l'instruction, suppression du droit de défense, déferrement des condamnés aux
bourreaux des puissances temporelles, pas de possibilité d'appel… -
et l'Inquisition espagnole – ou, plus précisément, castillane
– qui, fonctionnant sous le couvert de la religion dans les territoires
relevant de la couronne hispanique, était en fait une institution politique émanation
directe de la monarchie absolue espagnole.
En ce qui concerne l'Inquisition pontificale, il faut
d'emblée souligner le fait que l'idée d'inquisition (du latin signifiant
"enquête") est presque aussi ancienne que l'Église elle-même : elle
résulte de la lutte contre les hérésies, qui implique la recherche et la
punition des adeptes. Après que Théodose, en 380, eut fait du
christianisme la religion d'État, les délits d'hérésie ont souvent été
assimilés à des crimes de lèse-majesté et punis de manière beaucoup plus
brutale que précédemment : là où les Pères de l'Église avaient préconisé
des peines spirituelles, on devait aller, à la fin de la période romaine,
jusqu'à la peine de mort.
Dans l'Église médiévale, les
évêques sont chargés de découvrir et de punir les déviances doctrinales.
Leur tâche est délicate car les hérétiques se présentent souvent
comme les gardiens de la pureté de la foi.
C'est ainsi que Bernard de Clairvaux, au XIIème siècle, considère encore que les déviants doivent être convaincus essentiellement par la parole. Mais Thomas d'Aquin n'hésite pas, au siècle suivant, à souligner le lien existant entre la théologie et le droit civil. En effet, l'hérétique est doublement rebelle : à dieu d'abord, mais aussi aux autorités pontificale ou royale, voulues et instaurées par dieu sur la Terre. Le coupable peut donc encourir la peine de mort.
Comme les sectes dissidentes se
multiplient au XIIème siècle, menaçant l'unité de l'Église,
celle-ci dessaisit peu à peu les évêques de leur pouvoir d'enquête et met
progressivement en place, en accord avec bon nombre de souverains, une
organisation spécialement chargée de les combattre. En 1179, au IIIème concile
du Latran, le pape Alexandre III promulgue un décret contre les "hérétiques
patarins[2]
et cathares", stipulant qu'il est loisible d'user de violence "contre
leurs violences[3]", de confisquer leurs
biens, voire de les réduire en esclavage. Au concile de Vérone, en 1184,
le pape Lucius III promulgue une constitution créant l'obligation pour les
évêques de faire la chasse aux hérétiques et de les traduire devant leurs
tribunaux. Cela concerne, en particulier, la France méridionale et le nord de
la péninsule Ibérique, où se développe l'hérésie vaudoise. Devant
l'extension du catharisme dans les pays d'oc, le concile de Toulouse, en 1229,
renforce l'inquisition épiscopale par l'adjonction de représentants de Rome,
appartenant pour la plupart à l'ordre, de fondation récente, des Dominicains,
auxquels le pape Grégoire IX accorde des pouvoirs spéciaux. C'est donc
un véritable tribunal d'exception qui fonctionne à partir de 1231. La
procédure d'inquisition permet de se passer de l'accusation (ou de la dénonciation)
pour poursuivre, sur simple soupçon, les hérétiques.
Dés que le tribunal de
l'Inquisition est officiellement installé, a chrétienté est divisée en régions,
dotées chacune d'un inquisiteur. Ce dernier est responsable de la prédication
et des enquêtes : les fidèles sont sommés de dénoncer les hérétiques, et
ceux-ci doivent se rétracter sous peine d'être traduits devant le tribunal
inquisitorial. Les peines encourues sont surtout spirituelles (pénitences, jeûnes,
pèlerinages) pour ceux qui se repentent. À ceux qui persistent dans l'erreur,
on applique la confiscation des biens et l'emprisonnement (en général perpétuel)
; l'usage de la torture, ou question, afin d'obtenir des aveux, est rendu
licite vers 1256[4].
Les sentences sont prononcées publiquement et peuvent aller de la
flagellation à la peine de mort. Dans ce cas, le condamné est remis entre les
mains des autorités séculières chargées de l'exécution sur le bûcher, les
clercs ne pouvant pas attenter à la vie d'autrui[5].
Les repentis qui retombent dans l'erreur (relaps) sont systématiquement
condamnés à la mort par le feu.
Les abus des inquisiteurs (qui
reçoivent le droit de se relever mutuellement de leurs fautes ou des sanctions
prises contre eux[6])
suscitent l'inquiétude des autorités, et provoquent des révoltes populaires.
L'immense pouvoir de l'Inquisition est entamé au concile de Vienne, en 1312,
et ce sont des tribunaux royaux qui mèneront la lutte contre la Réforme. En
France, l'Inquisition est supprimée au début du XVIIIème siècle.
En 1542, le pape Paul III remplace la congrégation de
l'Inquisition par la congrégation du Saint-Office, qui fonctionna jusqu'en
1967.
Mais c'est tout de même en
Espagne que l'Inquisition va connaître son apogée et accéder au titre émérite
de chef d'œuvre de la barbarie !
Dans la seconde moitié du XVème
siècle, la reconquête des terres espagnoles occupées par les musulmans est en
voie d'achèvement et les Rois Catholiques préparent l'unification du royaume,
dans lequel vivent d'importantes communautés juives et musulmanes. Les juifs
sont présents dans la péninsule depuis la diaspora du Ier siècle ;
après avoir été l'objet de très graves persécutions au VIème siècle
de la part de la monarchie wisigothique et au VIIème siècle dans
l'Espagne musulmane, puis de fréquentes attaques dans l'Espagne chrétienne,
ils ont en général droit de cité, sous réserve de quelques contraintes. À
plusieurs reprises, ils ont dû être protégés par la papauté. Les grandes
villes ont une synagogue et des écoles rabbiniques. Mais l'intolérance se
manifeste dès avant 1478. Les juifs sont souvent accusés de s'attaquer à
la religion chrétienne : on les implique dans des affaires d'hosties profanées
ou d'enlèvements d'enfants chrétiens ; autant de mauvais prétextes pour de périodiques
persécutions et confiscations de biens. Mieux traitées sur les terres contrôlées
par les musulmans, les communautés juives sont nombreuses en Andalousie.
Pour échapper aux massacres, de
nombreux juifs se sont convertis, mais ils restent toujours suspects. Les conversos
sont accusés de s'introduire dans toutes les sphères, y compris les plus
hautes, de la société castillane, d'entrer par alliance jusque dans les
familles nobles, d'exercer des fonctions administratives ou même ecclésiastiques,
voire d'occuper des sièges épiscopaux. Aussi les Rois Catholiques sont-ils sollicités
par les chrétiens de souche ancienne (bons chrétiens, ou vieux chrétiens),
pour lutter contre ce péril. À leur demande, le 1er novembre 1478,
le pape Sixte IV autorise la création d'un nouveau tribunal inquisitorial,
voué à la recherche des mauvais chrétiens, conversos ou marranos[7]
affirmant que tout juif converti revenant, officiellement ou en cachette au judaïsme
est un apostat[8].
Le nouveau tribunal, appelé
aussi tribunal du Saint-Office, ne relève pas, contrairement à
l'Inquisition médiévale, de l'Église mais du pouvoir royal. C'est le
souverain, en effet, qui désigne ses membres (deux ou trois), séculiers ou réguliers,
gradués en théologie ou en droit canonique ; dans la pratique, ce sont surtout
des dominicains. Les premières décisions du tribunal ayant alarmé
Sixte IV par leur caractère excessif, il déclare, dans un bref de 1482,
que sa bonne foi a été en quelque sorte surprise, et il refuse d'étendre
l'Inquisition au royaume d'Aragon ; en 1483, il stipule que le Saint-Siège
peut recevoir tous les appels contre les décisions du tribunal. Il aurait même
songé à le supprimer, avant de le confirmer finalement en reconnaissant la nomination,
en 1485, de Tomás de Torquemada comme inquisiteur général pour la
Castille, l'Aragon, la Catalogne et Valence. Le sinistrement célèbre
dominicain exerça la fonction jusqu'en 1498.
Le nom de Saint-Office désigne, outre l'Inquisition
espagnole, une congrégation romaine qui prit officiellement cette appellation
en 1908. Elle avait été créée en 1542 par le pape Paul III,
sous le nom de Congrégation de la Suprême Inquisition, pour combattre les
progrès de la Réforme. En 1965, Paul VI modifia les compétences et
surtout les méthodes du Saint-Office – la procédure inquisitoriale est
abolie –, désormais appelé Congrégation pour la doctrine de la foi.
Les premiers statuts de
l'Inquisition, promulgués en 1484, ont été plusieurs fois modifiés au
cours du XVIème siècle. À sa tête, il y a un grand inquisiteur,
ou inquisiteur général, désigné par le roi, auquel il doit rendre des
comptes. Le grand inquisiteur est secondé par un Conseil qu'il préside, le Consejo
supremo de la Santa Inquisición, ou Suprema. Celui-ci compte sept
membres, théologiens et juristes, dont certains peuvent être des laïcs. Ses
liens sont nombreux avec le Conseil de Castille, auquel appartiennent certains
de ses membres. Des rapporteurs, des secrétaires, des procureurs, des huissiers
et des alguaciles (gardes) complètent le personnel. L'Inquisition compte
en outre un nombre indéterminé de familiers, mouchards et serviteurs
volontaires du Saint-Office. L'Inquisition castillane a été organisée dans
tous les territoires soumis à l'autorité des Habsbourg de Madrid : dans les
colonies d'Amérique, en Sicile, en Sardaigne, aux Pays-Bas comme au Portugal,
dont Philippe II devient roi en 1580. Il y a quatorze tribunaux en
Espagne, deux en Italie, trois en Amérique, ainsi qu'au Portugal, chacun ayant
son propre personnel.
La procédure de l'Inquisition
castillane est sensiblement la même que celle de l'Inquisition médiévale :
arrestation du suspect après dénonciation (l'auto-dénonciation est possible),
recherche des aveux, éventuellement obtenus par la torture, audition des témoins
et prononcé des peines en public. Les sentences des tribunaux du
Saint-Office sont sans appel. Les peines sont variées et exécutées dans
un souci d'exemplarité au cours de cérémonies publiques et fastueuses : les autos
de fe (actes [jugements sur les matières] de foi), autrement dit le bûcher.
L'introduction de l'Inquisition
en Catalogne a donné lieu à de très fortes oppositions, car les communautés
juives jouaient un rôle très important dans les structures socio-économiques
du pays. Mais, après la prise de Grenade, en 1492, les juifs qui refusent
le baptême sont contraints à l'exil. Un grand nombre trouve refuge au Portugal
ou dans l'Empire ottoman. Pour leur part, les moriscos ont été systématiquement
baptisés, sur ordre du cardinal Jiménez de Cisneros, mais presque tous sont
restés musulmans jusqu'à leur expulsion, en 1609, sous le règne de
Philippe III.
L'Inquisition castillane a eu à
connaître de tout ce qui menaçait les bons chrétiens : les hérésies,
l'absence de pureza de sangre (pureté de sang), qui conférait la mancha
(la tache) à tous ceux qui avaient du sang juif ou musulman dans les
veines et leur interdisait du même coup l'accès aux fonctions officielles,
mais également toutes les formes de pensée qui n'étaient pas en conformité
avec les thèses officielles, tant sur le plan spirituel que sur le plan
politique. C'est ainsi qu'ont été traduits devant les tribunaux
inquisitoriaux des humanistes, des adeptes de la Réforme, des alumbrados
(illuminés), des mystiques, dont quelques-uns, comme Thérèse d'Ávila ou Jean
de la Croix, devaient finalement être canonisés[9],
des opposants politiques, tel le secrétaire de Philippe II, l'Aragonais
Antonio Pérez, ou les insurgés des Pays-Bas.
L'Inquisition a donc empêché
la diffusion de la Réforme dans la péninsule Ibérique et limité les effets
de la vague européenne de sorcellerie des XVIème et XVIIème siècles.
Par ailleurs, en soumettant à une surveillance permanente toute expression
d'une pensée originale, tenue a priori pour subversive, elle a réduit
presque à néant la production d'œuvres théologiques ou philosophiques dans
le monde hispanique et fait peser une lourde chape de plomb sur les
intellectuels. Seule la littérature échappe, dans une certaine mesure, à
cet étouffement, mais les grandes œuvres, théâtrales surtout, du Siècle
d'or sont d'inspiration religieuse (autossacramentales), tandis que la littérature
picaresque naissante, coupable d'irrévérence, est poursuivie et inscrite au catalogue
des œuvres interdites aux bons chrétiens, créé en 1559, qui renforce
les prohibitions de l'Index romain. L'Inquisition a, enfin, considérablement
entravé la diffusion dans le monde hispanique de la philosophie des Lumières.
Les historiens sont unanimes à admettre qu'elle eu pour conséquence le retard
considérable que l'Espagne a pris en matière de science et de technique.
Dès la seconde moitié du XVIIIème
siècle, pourtant, sous le règne de Charles III, quelques voix se sont élevées
contre l'institution inquisitoriale. D'autres ont utilisé l'Inquisition à des
fins apparemment paradoxales : ainsi le ministre portugais Pombal s'en est-il
servi contre la Compagnie de Jésus. L'Inquisition, dans la mesure où elle ne ménageait
pas les puissants (noblesse et haut clergé), a joui d'une popularité certaine
parmi bien des petites gens, qui ont combattu en sa faveur pendant les guerres
napoléoniennes et lors de son abolition, en 1808, par Joseph Bonaparte.
Les libéraux des Cortes de Cadix ont confirmé son abolition le 22 janvier 1813,
mais dès son retour, en 1814, Ferdinand VII l'a rétablie. Supprimée
de nouveau en 1820, lors du pronunciamiento de Riego, elle a été restaurée
en 1823, lorsque l'expédition française des Cent Mille Fils de Saint
Louis a remis le souverain sur son trône. Elle ne sera définitivement abolie,
par la régente Marie-Christine, qu'après la mort, en 1833, de Ferdinand VII.
Les procès de ces deux Inquisitions étaient expéditifs et, presque toujours collectifs – toute la population d'un village pouvait être déférée devant l'Inquisition et être solidairement envoyée au bûcher ! -. En outre, des campagnes militaires, dont certaines d'envergure, obéissant à des motifs autant politiques que religieux, ont été organisées sous l'égide de l'Inquisition et ont entraîné des massacres d'une rare envergure pour l'époque[10]. C'est pourquoi les estimations sont fluctuantes selon les auteurs et, surtout, selon que l'on s'en tient aux seuls procès dont on a conservé la trace ou que l'on prend aussi en compte toutes les exactions commises au nom de l'Inquisition et qui étaient tellement expéditives qu'elles ne donnaient même pas lieu à un… simulacre de procès[11] et varient d'un million à plusieurs millions.
[1] Et par la suite, aussi, les sorcières, les mages, les devins et autres satanistes !
[2] Patarin : au XIème siècle, nom par lequel on désignait les membres d’une association chrétienne de Milan constituée pour la réforme du clergé ; au XIIème siècle, ce terme désigna les cathares et les vaudois d’Italie.
Cathare (du grec katharos, pur). 1. adj. Relatif à un mouvement religieux du Moyen Âge, caractérisé par ses croyances dualistes et sa spiritualité austère et rigide. 2. n. Membre de ce mouvement. V. aussi albigeois. - Les cathares furent connus sous différents noms dans les régions d'Europe où ils se répandirent, du XIème au XIIIème siècles : albigeois dans le sud de la France, publicains dans le nord de la France, patarins en Italie du Nord et en Dalmatie, etc.
[3] En fait, la seule violence des hérétiques étaient… d'être hérétiques et, ainsi, de contester les dogmes et l'autorité de Rome !
[4] L'usage de la torture s'explique par le fait que, coupables a priori, les accusés devaient… avouer !
[5] Quelle hypocrisie, comme si condamner à mort n'était pas attenter à la vie du condamné !
[6] Comme cela, ni vu, ni connu et, surtout, pas pris !
[7] Juifs convertis continuant à pratiquer le judaïsme en secret.
[8] On voit donc que l'institution de l'inquisition espagnole, à la différence de l'Inquisition pontificale, n'obéissait pas vraiment à des motifs religieux – la lutte contre l'hérésie – mais… politiques.
[9] Comme martyre… de l'église catholique ?
[10]
La plus célèbre de ces campagnes est, sans conteste, celle
connue sous le nom de croisade des albigeois – qui aurait plutôt mérité
d'être appelée croisade contre les albigeois -. Les missions qui, au XIIème siècle,
furent envoyées pour combattre le catharisme par la persuasion échouèrent.
Seul, saint Dominique, qui parcourut le Midi en 1206, comprit qu'il
fallait adopter le genre de vie des parfaits pour espérer réussir, œuvre
de longue haleine, en contradiction avec le désir du pape Innocent III
d'en finir rapidement. Le meurtre du légat Pierre de Castelnau, en 1208,
donne l'occasion à Innocent III d'appeler à la croisade contre les
albigeois, contre leurs complices, les nobles, et contre ceux qui, tel le
comte de Toulouse, les tolèrent. Chevaliers du Nord, mais aussi du Centre,
prennent la croix en 1209 : Béziers brûle, Carcassonne est prise et
donnée en fief à Simon de Montfort, les châteaux tombent ; les parfaits
pris, sommés d'abjurer, refusent et montent au bûcher. Battu à Muret en 1213,
le comte de Toulouse voit son comté démembré et sa capitale tombe aux
mains de Montfort. Une réaction languedocienne amène un court répit.
Seigneur moyen de l'Île-de-France, Simon de Montfort est un chevalier d'ancienne noblesse vassal du roi de France pour son fief de Montfort, et possédant aussi des biens en Angleterre. Il s'est signalé dans les armées de Philippe Auguste et surtout lors de la quatrième croisade : il a refusé de s'associer aux entreprises vénitiennes et, plutôt que de participer au sac de Constantinople, il s'est rendu en Terre sainte, où il s'est couvert de gloire. En 1209, il répond à l'appel du pape et participe à la croisade contre les albigeois ; remarqué pour sa bravoure lors du siège de Carcassonne, il reçoit du légat du pape la vicomté de Carcassonne, confisquée à Roger Trencavel. À ce titre, il est chargé de la conduite de la croisade ; succès et déboires alternent. Devenu comte de Toulouse par la décision du concile du Latran de 1215, Simon est chassé de la ville par une émeute ; il meurt au combat, en tentant de la reprendre, en 1218.
Louis VIII relance la croisade, et le traité de Meaux de 1229 entraîne la soumission du comté et prépare son annexion au domaine royal. Un concile tenu à Toulouse introduit l'Inquisition, qui va rechercher les hérétiques et vaincre l'hérésie. La résistance s'organise à partir de deux points forts : le pays de Fenouillet, avec ses puissantes forteresses de montagne ; et Montségur, la synagogue du diable, château et peut-être temple consacré au Soleil où quelque deux cents parfaits, une garnison fidèle et de simples croyants sont réfugiés. Après avoir maté une dernière révolte nobiliaire, les armées royales viennent y mettre le siège en 1243 ; et, le 16 mars de l'année suivante, la place doit se rendre : au pied de la montagne, deux cent dix hérétiques meurent sur un immense bûcher. Impitoyablement pourchassé par l'Inquisition, l'albigéisme se meurt malgré les prédications de Pierre Authier, le dernier diacre cathare, à la fin du XIIIème siècle.
[11] De nombreux jugements étaient prononcés a posteriori alors que les accusés avaient déjà été exécutés !