Mais
où (qui) sont donc les parents d'élèves ?
Élus et techniciens de la
Politique de la Ville, du haut de leur "expertise"[1],
définissent au sein de la population des "catégories" sociologiques
comme, par exemple, les "habitants", les "parents d'élèves",
les "citoyens"…. Des catégories, qu'ils observent, traitent, évaluent,
"jugent"…, de leur "extériorité[2]
experte", comme s'ils appartenaient à une autre catégorie, celle des
"acteurs", et qu'ils n'étaient pas ou n'avaient pas à être… des
"habitants", des "parents d'élèves", des
"citoyens"… et que leur expertise externe légitimait le
"reproche" qu'ils font à celles et ceux qu'ils observent, traitent,
évaluent, "jugent"… de ne pas être de (bons)
"habitants", de (bons) "parents d'élèves", de (bons)
"citoyens"… ou bien de l'être mal ou pas assez.
Mon propos ne sera pas de réfléchir
sur la pertinence et sur les implications philosophiques et politiques de cette
catégorisation de personnes mais sur la notion et la réalité de "parents
d'élèves" au regard de l'un des soit-disant effet (ou cause ?) de la
"crise" de l'École[3]
dont l'expression courante est le "désengagement des parents (sous-entendu
d'élèves) au regard des établissements scolaires et, plus généralement, de
la scolarité, voire même de l'éducation de leurs enfants", une telle réflexion
me paraissant indispensable à la compréhension de cet effet particulier de la
"crise de l'École" et, si son effectivité est vérifiée, à avancer
sinon des propositions, du moins des pistes de solution.
* *
*
Notons tout d'abord que la
notion de "parents d'élèves" recouvre, au moins, quatre réalités :
a) d'abord celle de… parents en général (ou, pour reprendre une expression à la mode, celle de "parentalité")
b) ensuite, celle de parents d'un ou plusieurs enfants se trouvant être, accessoirement, ponctuellement et de façon plus ou moins durable, un ou des… élèves
c) puis, celle de parents d'élèves, le terme ayant alors une signification universelle, lesdits parents ne l'étant plus de leur(s) enfant(s) en particulier mais d'une catégorie une classe !) en général celle d'enfants scolarisés, c'est-à-dire d'élèves, de la maternelle au supérieur
d)
enfin, celle de parents d'élèves élus, c'est-à-dire de personnes qui
parents au sens du (b) ci-dessus représentent, au titre d'un mandat électif,
ceux du (c).
Cette distinction, bien entendu,
n'est pas hiérarchisée. Elle n'est pas non plus chronologique sauf que pour être
"parents" aux sens (b), (c) et (d), il faut d'abord l'être au sens
(a).
D'un point de vue général,
qu'est-ce qu'un "parent" ?
Au sens premier, les parents
sont les géniteurs[4] d'un enfant. Ainsi, nous
sommes parents d'enfants parce que nous avons…engendré des enfants. Cette
lapalissade (mais en est-ce vraiment une ?) m'amène à constater que nous ne
naissons pas parents mais que nous le devenons et que nous ne pouvons le devenir
qu'avec la "venue"[5]
d'au moins un enfant.
Dans ce sens premier, la
parentalité s'exerce à la suite de cette venue comme une fonction (obligation
?) d'élevage[6] (comme nous dirions qu'une
chatte élève ses chatons)[7]
qui, chez les humains, n'est pas seulement que physiologique (alimentaire
notamment) mais aussi psychologique, sociologique, culturelle et… politique.
Chez les humains – mais
n'est-ce pas également vrai pour de nombreuses espèces animales ? -une telle
fonction a donc de nombreuses dimensions, expressions et finalités :
apprentissage, éducation, initiation, affection, protection…, dimensions qui
varient non seulement dans le temps et dans l'espace mais également, pour une
société donnée (dans le temps et dans l'espace), d'un couple/groupe de
parents à l'autre, même si ces variations peuvent être limitées (avec un
"minimum" et un "maximum", c'est-à-dire des obligations et
des interdictions[8]) par la Loi et/ou les us
et coutumes.
Nous admettrons que, sauf cas de
"monstruosité" avérée, tout parent assume convenablement cette
fonction ou, du moins, s'efforce de l'assumer au mieux de ses possibilités et
de ses contraintes[9].
Ce point est important car, régulièrement,
"constatant" – voire accusant – l'absence ou l'insuffisance de présence
des "parents d'élèves" dans l'École, on présuppose ou déduit que
la fonction d'élevage n'est pas assurée – ou qu'elle ne l'est pas assez ou
qu'elle l'est "mal" – et que s'il n'y a pas ou plus de "parents
d'élèves" c'est parce qu'il n'y a pas ou plus de parents d'enfants et,
par delà de parents au sens de personnes devant "normalement" assumer
leur parentalité.
Ceci dit, force est d'admettre
que, en France, comme dans la plupart des pays, cette fonction
"naturelle" d'élevage des enfants est de plus en plus soumise à
d'autres limites et contraintes que celles résultant de la Loi ainsi que des us
et coutumes. En effet :
Ø
le chômage et la précarité limitent manifestement les efforts
que déploient de nombreux parents pour élever leurs enfants. Il en résulte
des effets matériels évidents qui, outre des inégalités ébranlant fortement
les principes mêmes mais également le fonctionnement de l'École publique et,
plus généralement, de la République elle-même, produisent des "différences"
qui, au regard du "standard de vie" tel que l'imposent les modes
dominant de consommation, de pensée, de représentation…, peuvent constituer
des handicaps objectifs à la fois pour ceux qui élèvent et pour ceux qui sont
élevés ;
Ø
le chômage et la précarité n'ont pas que des effets matériels
sur les (mauvaises) conditions des gens et donc des parents. Ils ont aussi des
incidences psychologiques et sociologiques fortement déstabilisatrices, pour ne
pas dire destructrices et ce, aussi bien pour les individus que pour les groupes
(le couple, la famille…). Ces effets ont été largement présentés : je ne
reviendrons pas dessus.
Il en résulte qu'un nombre sans
cesse croissant de parents s'éloignent du modèle d'élevage que leur renvoie
la Société, sachant que ce modèle a été construit, pour une large part, sur
des principes socio-économiques – le plein emploi, un niveau de revenu dépassant
largement celui requis par la satisfaction des besoins primaires… - qui, bien
évidemment, ne régissent pas ceux qui, eux, sont soumis aux lois de la nécessité
et de la survie socioéconomique.
Peut-on pour autant considérer
que, au regard de leur fonction "naturelle", ces personnes ne sont pas
des parents ou, ce qui serait pire encore, qu'elles sont de "mauvais"
parents ? La réponse est la même que celle qui serait faite à cette autre
question : peut-on reprocher à l'aveugle de ne pas voir ?
Toujours en France – mais cela
est également vrai pour grand nombre de pays, du moins de pays occidentaux -,
un constat doit être fait : la société française, qu'on le veuille ou non,
que cela plaise ou non, est une société multiculturelle.
Or, en matière d'élevage
d'enfants, les pratiques sont, au moins, aussi différentes qu'il y a de
cultures. À l'exception de certaines pratiques culturelles, comme, par exemple,
l'excision (mais quid de la circoncision ?), la non-scolarisation (plus
courante pour les filles que pour les garçons), la "mise au travail"
(pour ne pas dire en esclavage) précoce, les mariages forcés et, qui plus est,
souvent, précoces…, en ce qu'elles constituent une atteinte à l'intégrité
physique et/ou psychique de personnes (en l'occurrence d'enfants) et/ou une
atteinte aux Droits universels de l'Enfant et qui, en droit comme en éthique,
sont condamnables et doivent être éradiquées, sur quelle critère objectif et
universel peut-on légitimement se fonder pour qualifier une pratique d'élevage
de "différente" et, a fortiori, de "mauvaise" et
donc de condamnable[10]
?
Au nom de quoi (ou de qui)
peut-on affirmer que tel parent est "mauvais" parce que l'élevage
qu'il fait de ses enfants est différent du modèle dominant de la société
dans laquelle il vit ? Cesse-t-on
pour autant d'être en capacité d'être parent dés lors qu'en tant qu'individu
on est culturellement "autre" ?
Intéressons-nous à présent à
une dimension particulière de l'élevage des enfants : celle de l'éducation.
Prenons une définition, parmi
d'autres, du mot "Éducation" :
éducation n. f. 1. Action de développer les facultés morales, physiques et intellectuelles ; son résultat. L’éducation de cet enfant a été négligée. Avoir reçu une bonne éducation. Éducation physique, par la pratique d’exercices physiques appropriés au développement harmonieux du corps humain. Éducation civique. Éducation musicale.
2. Connaissance et pratique des usages (politesse, bonnes manières, etc.) de la société. Avoir de l’éducation. Un homme sans éducation.
3. Action de développer une
faculté particulière de l’être humain. L’éducation du goût.
(© Hachette Livre, 1998)
Je noterai d'abord que l'éducation
d'un enfant ne saurait qu'outrageusement être réduite à l'apprentissage de
connaissances et de savoir-faire. Elle ne saurait non plus être confondue avec
la scolarisation, surtout si celle-ci est entendue au sens de fréquentation
d'un établissement scolaire.
Entendue comme le développement
des "facultés morales, physiques et intellectuelles" d'un enfant, l'éducation
est assurée par les parents (au sens réduit de mère/père) dés la naissance
(ou venue) de l'enfant ce qui signifie, et c'est un point important à
souligner, avant même que celui-ci n'entre à l'École.
Intervenant aux premiers jours
de la vie d'un enfant, l'éducation n'est pas le fait des seuls parents.
D'autres éducateurs y participent : les frères et sœurs, les parents (au sens
large), les compagnons de jeux, les voisins, des personnels médicaux et paramédicaux[11]…,
bref toutes celles et tous ceux qui, contribuant à leur socialisation, développent
avec eux une relation (éducative) par laquelle ils lui transmettent des
connaissances et des savoir-faire lui permettant ainsi de construire son devenir
et de faire l'apprentissage de son être.
En franchissant le seuil de l'École,
l'enfant découvre/affronte un nouvel éducateur : l'enseignant.
Est-ce que ce franchissement
signifie pour autant que les parents (particuliers) d'un enfant (particulier)
cessent d'être parents en général parce qu'ils deviennent parents… d'un élève
? Est-ce que l'intervention de ce nouvel éducateur qu'est l'enseignant a pour
effet que les parents cessent d'être eux-mêmes éducateurs de leur enfant ?
A ces deux réponses, quoi qu'on
dise, quoi qu'on pense, la réponse est négative.
La relation éducative de
l'enseignant à l'enfant est particulière : elle est celle du maître à l'élève.
Elle n'est donc absolument pas de nature… parentale. Une telle relation, plus
encore que celle des parents, est fondamentalement inégalitaire[12]
: il y a d'un côté celui qui transmet des connaissances, des savoir-faire mais
aussi, et surtout – ou, du moins, théoriquement – une capacité et une méthode
d'apprentissage et de l'autre, celui qui reçoit, qui apprend[13].
Analysée comme un "jeu
d'acteurs" elle suppose des "règles de jeu" qui, fondées sur
des connaissances scientifiques (la neurophysiologie, la psychologie, ma
sociologie, la pédagogie…) de l'Enfant et cadrées par la Loi et la Réglementation,
ressortissent aussi d'une déontologie professionnelle (comme pour tous les métiers)
et d'une éthique[14].
Étant différente de celle des
parents, l'éducation de l'enseignant ne saurait être partagée qu'avec
d'autres enseignants (c'est en particulier le cas lorsque les matières à
enseigner le sont pas des enseignants distincts) sauf à être remise en cause
dans son essence même.
La relation éducative de
l'enseignant à l'enfant n'est pas non plus le prolongement chronologique de
celle des parents : l'enseignant ne prend pas le relais des parents et ceux-ci
ne se retrouvent pas déchargées de leur fonction éducative
"naturelle" à l'égard de leurs enfants du jour où ils franchissent
le seuil de l'École.
Un autre différence, et tout
aussi de taille, est à prendre en compte selon que l'éducation assurée par
les parents ou par un enseignant : les parents éduquent (avec d'autres, Cf.
ci-dessus) leurs enfants alors que l'enseignant éduque des élèves, c'est-à-dire
des enfants qui ne sont pas les siens.
Il résulte de cela que l'éducation
des parents est "naturelle" alors que celle de l'enseignant est
"professionnelle" car, quoi que l'on dise, si l'enseignement est bien
un métier, il n'en est pas de même pour la parentalité.
C'est pourquoi, à la notion de
"co-éducation", qui impliquerait une même éducation dispensée
conjointement par plusieurs intervenants, il vaut mieux préférer celle de
pluri (ou multi) éducation dispensée dans des lieux et dans des temps différents
par de nombreux éducateurs, dont les parents et les enseignants.
Rajoutons que la notion (et, a
fortiori la pratique) de co-éducation, en mélangeant les rôles de chacun[15],
ne peut manquer de déboucher sur une dilution, voire même une disparition des
obligations et responsabilités de chacun ainsi que sur une inutile
complexification du "décors" de l'enfant et, au-delà, sur sa
difficulté ou son incapacité à se repérer.
Cette distinction rappelée
entre éducation de parents et éducation d'enseignants, abordons à présent le
rôle, attendu et/ou réellement exercé, des parents d'enfants/élèves.
Il a été admis plus haut que
"monstruosité parentale" est exceptionnelle. On pourra également
admettre que, généralement, les parents souhaitent que leurs enfants réussissent[16]
leur scolarité.
Généralement, même dans les
Quartiers d'habitat social dits "en difficultés" (ou même, parfois
"difficiles"[17]),
parents s'efforcent de suivre la scolarité de leurs enfants du mieux qu'ils le
peuvent, du point de vue tant matériel qu'immatériel. Ainsi, par exemple, ils
se rendent facilement à l'École lorsqu'ils sont invités à y venir au sujet
de leurs enfants relativement à une question particulière (de discipline, de résultat,
d'orientation…). C'est tout aussi facilement qu'ils s'y rendent spontanément
lorsque, selon eux, la scolarité de leurs enfants "pose problème" :
résultats insuffisants, orientation non conforme à leurs aspirations, troubles
du comportement de leurs enfants dont ils pensent qu'ils peuvent avoir une
incidence sur l'École…
Ils font de leur mieux mais ne
peuvent pas forcément faire… beaucoup. En effet :
Ø
quand on est analphabète, comment lire les bulletins scolaires de
son enfant ou les mots du maître ? Comment faire pour se passer de la seule médiation
possible : celle de l'enfant lui-même ?
Ø
quand à la maison on ne parle pas la langue de l'École et que,
à longueur de temps, on entend le "pire" sur les étrangers, est-il
facile de revendiquer et d'assumer sa parentalité dans sa langue, surtout à l'égard
de ceux qui ne la parlent pas ?
Ø
quand on participe à une réunion d'École, quand on écoute
parler à la télévision tel enseignant ou tel membre de la hiérarchie de l'Éducation
Nationale, quand on arrive à déchiffrer le mot du maître… mais que l'on n'a
pas été "initié" à l'ésotérisme de leur langage ne se sent-on
pas trop profane, pour ne pas dire trop ignare pour oser aller discuter avec eux
de la scolarité de son enfant ?
Ø
quelle autorité peut avoir un père (ou une mère) sur un enfant
qui ne l'a jamais vu travailler alors que, dans notre société, c'est toujours
le travail qui donne une place, un rôle, un statut et donc une… autorité à
un individu ?
Ø
quelle autorité peuvent avoir des parents sur des enfants dont
les bourses participent au revenu familial et servent donc à payer "autre
chose que les études" ?
Ø
quand, du fait du chômage et de la précarité et de leurs effets
sur l'équilibre psychologique de la personne, on n'est plus en mesure de se
projeter au-delà de la semaine, voire de la journée, peut-on encore faire
beaucoup pour l'éducation de ses enfants qui impliquent que l'on se projette
sur plusieurs années, voire sur une vie entière ?
Ø
quand, étant venu d'"ailleurs", l'enfant encore
nourrisson, on se faisait dire qu'il ne fallait pas le langer, le nourrir,
l'habiller… et, ainsi, l'éduquer comme "cela" parce que
"cela" était "mal" au regard des manières de faire
d'"ici", peut-on être vraiment parent si, à vouloir le faire selon
sa culture, c'est se rendre coupable d'une faute terrible : celle d'être un
"mauvais parent" ?
Ø
comprend-on que, pour beaucoup encore en France et, en tous les
cas, dans de nombreux pays, le maître, parce qu'il est "celui qui
sait" quand on est soi-même un "ignorant", est ceint d'un
prestige qui appelle respect, humilité, déférence et, dans une certaine
mesure, crainte et que, dans ces conditions, à moins que le maître ne le fasse
lui-même on n'osera pas faire le premier pas pour aller vers lui ? se dit-on
seulement que si, cette rencontre est malgré tout intervenue, le parent garde
les yeux baissés non pas parce qu'il a quelque chose à cacher ou même qu'il
ment mais parce qu'il respecte/craint trop le maître pour le regarder dans les
yeux "d'égal à égal" ?
Bref, se pose-t-on la question
de la facilité – ou de la difficulté - qu'il y a à être aussi bon parent
d'un enfant que d'un élève, même si celui-ci est son propre enfant ? Ne
va-t-on pas trop vite en besogne en affirmant qu'il n'y a plus de parents d'élèves
(particuliers au sens du (b) ci-dessus) parce qu'il n'y a plus de parents…
d'enfants et, pire encore, plus de parents suis generis ?
Se pose-t-on cette autre
question : est-ce que l'École, en tant qu'institution mais à travers ses
personnels éducatifs et administratifs, est aussi accessible et disponible
qu'on veut bien le dire pour justifier la mise en cause des parents d'enfants/élèves
?
Les parents font donc du mieux
qu'ils peuvent pour leurs enfants. La plupart ont parfaitement conscience qu'ils
devraient faire davantage et s'ils ne le font pas, c'est simplement parce qu'ils
ne le peuvent pas.
Dans ces conditions, ayant
objectivement du mal à assumer leurs responsabilités de parents d'enfants/élèves
comment pourraient-ils devenir des… parents d'élèves en générale, c'est-à-dire
sans référence particulière à leurs propres enfants ?
Ne peut-on admettre que, pour un
individu, il est difficile, voire impossible de passer du particulier au général
quand la prégnance des contraintes et des limites du particulier est telle que
l'on a du mal à assumer pleinement sa propre individualité ?
Comment peut-on, après avoir
constaté/déploré/condamné leur absence dans l'École, se mettre au seuil de
l'École et guetter et/ou appeler les parents d'élèves ? Comment peut-on espérer
la venue de parents d'élèves qui se trouvent être des parents d'enfants que
l'on met en cause dans leur parentalité, c'est-à-dire dans l'éducation
"naturelle" qu'ils prodiguent à leurs enfants et dont on dit qu'elle
est insuffisante, défaillante, improductive… et, souvent… fautive ?
Et puis qu'attend-on de
"parents d'élèves" ? Qu'ils soient co-éducateurs, qui plus est au
sein même de l'École, avec les enseignants dont, rappelons-le, le métier est
d'éduquer, pas de co-éduquer ? Qu'ils viennent en "auxiliaires de
police" assurer la discipline des élèves ? Qu'ils viennent contribuer à
l'élaboration des programmes alors que, s'ils ont des compétences éducatives,
ils n'ont pas forcément de compétences pédagogiques (au sens de science de l'Éducation)
et que, plus grave encore, dans le cadre législatif et réglementaire de l'École,
ils n'ont aucune légitimité en la matière ? Qu'ils viennent
"dispenser" autres choses que les matières à enseigner en acceptant
que celles-ci, à force d'activités sportives, culturelles et ludiques[18],
ne deviennent plus que la part congrue du temps scolaire ?
L'École n'a aucune légitimité
à s'ingérer dans l'espace et le temps de la parentalité : pourquoi
demanderait-on à la parentalité de s'immiscer, de s'ingérer dans l'espace et
le temps de la scolarité ?
Et puis d'abord, pourquoi
vouloir que les parents d'élèves entrent, régulièrement et massivement, dans
l'École ? Au XIXème siècle, lors de sa construction puis de son
essor quasi triomphant et conquérant, est-ce que l'École de la République a
eu besoin de mobiliser dans son enceinte les parents des enfants en les
"transmutant" en parents d'élèves ?
Pourquoi tant vouloir que des
"parents d'élèves" – se refusant à voir qu'ils sont d'abord des
"parents d'enfants" et qu'ils ne veulent/peuvent sans doute pas
vouloir être autre chose – viennent se rajouter à la cohorte d'animateurs
socioculturels, d'éducateurs, de moniteurs, de chefs et salariés
d'entreprises, d'artistes, de "mamans", d'"aînés"… pour
co-éduquer des élèves alors que, normalement, l'Éducation Nationale, a seule
le devoir de le faire ?
Prenons une image : une panne générale
d'électricité et d'électronique survient à bord d'un
bateau naviguant, de nuit, par temps de brume, sur une mer parsemée
d'icebergs. Pour assurer la sécurité du navire, de ses passagers et de ses
marins et lui permettre d'arriver à bon port, serait-il sage de demander à
tous les marins et à tous les passagers de venir, ensemble, le co-piloter ? Ne
serait-il pas au contraire plus raisonnable d'attendre que chaque marin soit à
son poste et assume avec compétence sa fonction, les passagers, quant à eux,
restant à leur place, celle de… passagers ?
Pourquoi en serait-il autrement
avec l'Éducation prise au sens de scolarisation assume par l'École ? Pourquoi
ferait-on mieux à plusieurs ce que seul on ne pourrait pas/plus faire ?
S'est-on demandé si la
juxtaposition/multiplication - pour ne pas dire l'entassement - d'activités à
finalités éducatives et déclarées comme étant au service de la réussite
scolaire, c'est-à-dire d'une meilleure scolarité des élèves, se fait dans la
cohérence et non dans la confusion, dans l'ordre et non dans le chaos ?
Est-ce que toutes ces activités participent d'objectifs partagés
clairement identifiés ? Est-ce que les méthodes et objets de ces activités
sont complémentaires ? Réellement utiles ? Est-ce que l'enfant est encore en
mesure de se retrouver et se repérer dans cette mosaïque d'intentions, dans ce
patchwork de temps et de lieux ? est-ce que tout cela construit véritablement
un projet éducatif global cohérent dont les fondations serait une éducation
parentale harmonieusement, pleinement et efficacement assurée ?
On constate, on déplore, on
regrette, on condamne… l'absence de parents d'élèves au sein de l'École ?
Veulent-ils seulement y venir ? Est-ce leur place ? Pour quelle mission veut-on
les faire venir ? Ont-ils légitimité et compétence pour venir ?
Il n'y a pas de "parents d'élèves"…
Sempiternelle et lancinante ritournelle : mais ne se ferme-ton pas les yeux à
d'autres parents qui eux sont présents (même s'ils pouvaient l'être plus et
mieux encore) : les parents d'enfants ?
Cette question de l'absence des
parents d'élèves est posée avec d'autant plus de force que l'École publique
serait en crise, malade. Pour dire ce dont elle souffre ou, plus précisément,
pour décrire les symptômes[19]
de sa maladie chacun y va de son couplet : la violence (violence verbale et
physique, individuelle et collective, ponctuelle ou répétée, dans et hors l'École,
d'élèves contre d'autres élèves, des enseignants…) ; l'absentéisme ; une
assiduité en décomposition ; un
nombre croissant d'illettrés sortant de l'École, leurs études pourtant menées
à terme ; la "non-adéquation" entre l'Éducation et l'accès à
l'emploi[20]
; des enseignants ayant de plus en plus de mal à exercer leur métier ; le développement
d'une stratégie d'"évasion scolaire" (par rapport à la carte
scolaire et/ou du Public vers le Privé)…
A cette polyphonie cacophonique
de chanteurs on propose/impose une réponse quasi unique qui, par son caractère
de panacée, relève de la magie incantatoire : l'investissement des parents d'élèves
dans l'École, certains précisant même leur "réinvestissement"
comme si, à l'époque de Jules FERRY, c'était les parents d'élèves qui
avaient fait – et réussi - l'École de la République !
Puisque mon allusion a été
musicale, je ferai dans le "couac" ce qui, souvent, est le meilleur
moyen pour obtenir le silence et, ainsi, susciter la réflexion, puis le débat
:
Ø
le tableau clinique des "maux" de l'École est un
inventaire de symptômes, d'effets et non de maladies, de causes. Le "bon
sens populaire" se plait à dire qu'aux grands maux il faut de grands remèdes.
Encore faut-il, pour ne pas obtenir d'effets contraires, prescrire les bons remèdes
au regard des… vrais maux ! Pour
pouvoir dire et décrire (quasi cliniquement) en quoi va mal l'École, il
faudrait d'abord pouvoir dire et décrire ce que devrait être l'École et
qu'elle n'est donc pas/plus ; autrement dit, répondre à un certain nombre de
questions préalables : quels sont ses principes fondateurs ? sont-il toujours
respectés et, qui plus est, respectables ? faut-il les modifier, les compléter…
? quelle est ou quelles sont la/les finalités de l'École ? les Lois et règlements
régissant l'École sont-ils bien adaptés aux principes et finalités ? au
regard des finalités posées, quels sont les objectifs qualitatifs et
quantitatifs ? est-ce que les moyens, financiers, matériels, humains,
organisationnels…, mis à disposition de l'École sont nécessaires et
suffisants pour lui permettre d'atteindre ses buts ?… Autant de questions qui,
politiques et philosophiques, ne peuvent trouver de réponses que dans le cadre
d'un débat public et non de réformes générales ou d'initiatives locales
prises en quasi catimini, histoire de dire que l'on fait "quelque
chose" pour la malade et, ainsi, se donner bonne conscience[21].
Mon propos n'est pas d'ouvrir ce débat : seulement de dire qu'il est nécessaire et même urgent (enfin) de l'ouvrir. Il n'est pas non plus d'en déterminer le contenu en termes aussi bien de questions que de personnes devant y (parce qu'habilités à) y participer. Il est encore moins de proposer des solutions.
Il n'en demeure pas moins que, sans courir un grand risque d'erreur, je peux affirmer que certaines des solutions nécessaires devront se trouver au sein même de l'École, en tant qu'institution républicaine mais également qu'organisation sociale, tandis que d'autres ne pourront l'être qu'en dehors de l'École, c'est-à-dire dans la Société et donc, pour partie, aussi, au sein de l'espace/temps familial en tant que lieu et moment d'exercice d'une fonction "naturelle" d'éducation.
Ø
Sans considération de la nature des phénomènes caractérisant
la "crise" de l'École (causes ou effets) : comment se pourrait-il
qu'une seule réponse – l'investissement des parents d'élèves dans l'École
– puisse à la fois tous les traiter et, a fortiori, tous les régler ?
Ainsi, quand bien même on admettrait le bien fondé de cet investissement –
ce que je conteste -, il serait illusoire d'en attendre un effet universel et définitif.
Accessoirement une autre question se pose : au cours du XIXème siècle
l'École de la République a bien fonctionné. Elle a même bien fonctionné ;
la preuve ? Notre système politique actuel est bien encore celui… d'une République
!
Si dans ce temps, en France, et, de nos jours, en d'autres lieux, l'École continue de bien fonctionner – ou, du moins, pour ce qui est de notre époque contemporaine, de mieux fonctionner que la nôtre -, pourquoi faudrait-il que l'École publique française du XXIème siècle ait besoin de la participation des parents d'élèves pour (à nouveau) bien fonctionner ?
Résumons nous :
Ø
la "crise" de l'École a des causes multiples qui
appellent des solutions multiples. Ces solutions doivent être le fait de
nombreux intervenants, parmi lesquels les enseignants et les parents mais pas
seulement eux et surtout pas les uns à la place des autres (et réciproquement).
Cette multiplicité de problèmes, de solutions et d'intervenants implique
l'ouverture d'un débat qui ne peut être que politique et philosophique.
Ø
Pour bien fonctionner, et, tout particulièrement, pour assurer sa
mission fondatrice et fondamentale - l'éducation des élèves -, l'École n'a
pas besoin de parents d'élèves qui seraient investis d'une mission de co-éducation.
Au contraire, puisque le partage de la responsabilité de l'éducation scolaire
ne peut se faire, pour diverses raisons, principalement pédagogiques et
psychologiques, qu'aux dépens de cette forme particulière d'éducation et, par
là-même des élèves eux-mêmes. Il importe donc que chacun reste à sa place,
dans son rôle et dans ses compétences et les enfants seront bien… éduqués[22] [23].
Une précision importante : si,
du point de vue de l'éducation, au sens scolaire, des élèves, la présence de
parents d'élèves n'est pas nécessaire, bien au contraire, deux
"interdictions de présence" au sein de l'École ne se retrouvent pas
pour autant justifiées :
Ø
d'abord, celle de parents venant, à juste titre, dans l'École,
s'intéresser à l'éducation scolaire de leurs enfants : parce qu'ils y ont été
invités par l'enseignant, parce qu'ils souhaitent des conseils, des
explications…
Ø
ensuite, celle d'autres parents (mais cela peut être les mêmes)
qui, en capacité (intellectuelle, psychologique, économique, philosophique…)
de dépasser le particularisme de leur individualité pour accéder sinon à une
"catégorie" universelle, du moins à un groupe (un collectif) général,
entrent dans l'École, en qualité de parents d'élèves, pour s'y investir ou y
être investis, gratuitement, d'une mission d'intérêt générale non-éducative
: animation de l'accueil, de la cantine, de la "garderie"…,
organisation de fêtes, représentation d'un spectacle…
Avant d'aborder le dernier type
de parents, les "parents élus" en tant que représentants de parents
d'élèves, une précision s'impose : l'impossibilité – et, en tous les cas,
le non-souhait – d'une co-éducation scolaire partagée par l'enseignant et
les parents (voire d'autres intervenants) n'implique nullement que des parents
d'enfants n'aient pas le droit et la capacité de porter un regard sur l'éducation
scolaire dispensée à leurs enfants. Bien au contraire, ils ont tout à la fois
le droit, la capacité et le devoir de l'apprécier, de l'évaluer, de la
"questionner"… au regard de leur parentalité, c'est-à-dire de l'éducation
"naturelle" qu'ils dispensent eux-mêmes (par exemple : sont-elles
complémentaires ou divergentes, voire opposées ?), de leurs aspirations pour
leurs enfants, de leurs possibilités et contraintes…
Les parents ne sont d'ailleurs
pas les seuls à pouvoir disposer de cette faculté : d'autres intervenants, en
complément et, dans certains cas, en substitution des parents peuvent
l'exercer. Il en est ainsi d'un(e) assistant (e) social(e), d'un Juge (notamment
des mineurs), d'un tuteur légal, d'une association de défense des Droits de
l'Enfant (ou de l'Homme) dans le cas, en particulier, où l'éducation scolaire
ou celui/celle qui en a la charge porte atteinte aux droits de l'enfant considéré.
Enfin, rappelons que, avec le
temps, et beaucoup plus tôt que certains se plaisent à le penser, cette faculté
peut être exercée par l'enfant lui-même[24].
Venons-en donc aux "parents élus" : en tant qu'institution de la République, l'École doit s'entourer de représentants de parents d'élèves désignés par voie élective[25].
Il est courant d'entendre dire,
déplorer, condamner la faible participation aux scrutins, la rareté – et même
la raréfaction pour cause de "vieillissement" des parents comme des
élèves – des candidatures, une fréquentation "dilettante" des
parents élus aux Conseils et instances… Mais comment pourrait-il en être
autrement ? En effet :
Ø
comme cela a été dit, pour un nombre important – et sans cesse
croissant – de parents, il est difficile, voire quasiment impossible de se
transformer de parents d'enfants en parents d'élèves or, les parents élus le
sont – ou doivent ou devraient l'être – au titre des élèves en général
et non de leurs enfants en particulier ;
Ø
il est tout aussi difficile, sinon impossible à des parents de prétendre
à se faire reconnaître comme parents d'élèves quand ils ne le sont pas comme
parents d'enfants ou bien que la reconnaissance qu'on leur accorde à ce titre
n'est que réprobatrice et culpabilisante[26]
;
Ø
l'investissement citoyen dans la res publica est en
constant reflux : pourquoi en serait-il autrement dans cette institution républicaine
particulière qu'est l'École[27]
?
Il est donc tout à fait
illusoire que, d'un coup de baguette magique, l'École voit venir à elle un
afflux massif de parents d'enfants s'étant, toujours par enchantement,
transformés en parents d'élèves et prétendants à devenir parents élus pour
assurer la représentation de leurs pairs et la défense des élèves en général
en même temps que celle de l'École !
Aucune opération de
"charme" ou de "marketing ne fera que l'École, subitement,
devienne attirante au moins de susciter la transformation de parents d'enfants
en parents d'élèves, électeurs et candidats. L'insuffisance de la représentation
des parents au sein de l'École ne saurait être combattue de l'intérieur même
de l'École puisqu'elle ne saurait être différente de l'intérêt – ou, plus
exactement, du désintérêt – des citoyens à la res publica.
Au sein de la République, il
n'y a pas que l'École qui soit malade. La Citoyenneté l'est tout autant. C'est
pourquoi, il n'y aura de représentation "satisfaisante" des parents
d'élèves au sein de l'École que lorsque la Citoyenneté sera majoritairement
rétablie et que, pour ce faire, la res publica réhabilitée.
Si le désintérêt de la res
publica a de multiples raisons, parmi lesquelles les "affaires"
n'occupent pas nécessairement le premier rang, sa réhabilitation ne peut résulter
que d'un effort collectif : un sursaut de "salut républicain et démocratique"[28].
Un tel "sursaut" doit être aussi celui de l'École. Or, l'École est
une institution et une organisation : en tant que telle elle ne peut pas
effectuer de "sursaut" qui reste donc une affaire de femmes et
d'hommes, parents, enseignants et, plus généralement, citoyens. Mais aussi…
des enfants eux-mêmes[29]
Mon titre comprend deux
questions. En conclusion, essayons d'y répondre mais dans l'ordre inverse :
Ø
qui sont les parents d'élèves ? ce sont d'abord des parents
d'enfants qui, sans aucun préjugé, doivent être reconnus et acceptés dans
leurs différences individuelles, essentiellement culturelles, sans autre
atteinte à leur respectabilité et à leur dignité que celle qui peut résulter
des droits universels de l'Enfant dés lors qu'ils les enfreindraient. Ensuite,
et seulement ensuite, ils ne pourront devenir des parents d'élèves que si, aux
plans socio-économique, la Société, en conformité, faut-il le rappeler, avec
ces autres droits universels que sont ceux de l'Homme, les met dans la capacité
de se soustraire à la loi inique de la nécessité (de survie) pour accéder ,
et, ainsi, de passer du particulier au général. Ensuite, et seulement ensuite,
parce que réconciliés avec eux-mêmes et que, de son côté la res publica
aura été réhabilitée, ils pourront élire des parents d'élèves et,
pourquoi pas même, être élus en tant que parents d'élèves.
Ø où sont les parents d'élèves : actuellement, il est évident qu'il n'y a pas autant de parents d'élèves qu'il y a de parents d'enfants scolarisés. Aussi, selon que, par rapport à ce qui a été dit dans le paragraphe, on est soit pessimiste, soit optimiste, on répondra : "ils sont pour la plupart morts et, pour le reste, en voie de disparition" ou bien alors "ils sont en devenir".
[1] Expert, erte adj. et n. m. I. adj. 1. Qui a acquis une grande habileté par la pratique. Un chirurgien expert. Il est expert en la matière. n. m. C’est un expert dans son domaine.
© Hachette Livre, 1998
Dans leurs "domaines", les escrocs, les faussaires, les bourreaux, les tortionnaires… peuvent être des "experts". Il n'est d'ailleurs pas rare que des délinquants soient requis, voire rémunérés pour mettre leur "expertise" au service d'une organisation chargée de lutter contre les auteurs d'actes délictuels de même nature (exemple : les pirates informatiques).
[2]
Relevons au passage
ce paradoxe que constitue cette "extériorité" : ces
"experts" catégorisent des objets/sujets qu'ils situent au cœur
d'une problématique d'exclusion alors même qu'ils les excluent de la catégorie
dont ils prétendent relever, celle des "Acteurs" (le A majuscule,
bien entendu, s'impose !), comme si leur catégorie était le
"centre" dont celle des objets/sujets serait la "périphérie",
voire le "no man's land" ou même le "vide", comme s'il
y avait les "uns" et les "autres" et que ces derniers,
du fait d'une différence "essencielle", s'opposaient irréductiblement
aux premiers. Dans ces conditions, n'est-il pas légitime de penser que
cette intention des uns de lutter contre l'exclusions des autres est, d'emblée,
vouée à l'échec puisque la catégorisation qui en constitue le préalable
ne pose pas un même ensemble d'"acteurs" dont une partie serait
sortie – aurait été exclue – d'un espace de vie originel commun – la
Cité – mais deux ensembles d'acteurs d'une part et que, d'autre part,
implicitement toujours et explicitement parfois, elle pose aussi deux
espaces de vie… différents ?
[3]
Républicain et
donc naturellement laïque, l'École est, pour moi, celle de la République,
c'est-à-dire l'École publique qui va de la maternelle à l'Université et
aux Grandes Écoles. Ceci dit, ma réflexion sur les "parents d'élèves"
concerne aussi ceux dont les enfants sont scolarisés dans des établissements
privés.
[4]
Au sens de "géniteurs"
les parents sont la mère et le père biologiques d'un enfant sans considération
de leur statut conjugal. C'est là une acceptation stricte qui est trop
restrictive pour être acceptable. En effet, si, au lieu de "mère"
et de "père", dont la signification biologique est évidente et
renvoie nécessairement à une conception réduite de la "parentalité",
on parle de "maternité" et de "paternité" dans leur
dimension sociologique, psychologique et culturelle, on voit que sont aussi
des "parents" ceux qui se reconnaissent comme tels, ceux qui sont
reconnus comme tels par la société à laquelle ils appartiennent et/ou,
enfin, ceux qui sont reconnus comme tels par "leurs enfants".
Cette extension de la parentalité est d'autant plus nécessaire qu'à la
traditionnelle, parce qu'aussi vieille que l'humanité, de la parentalité
par adoption, se rajoute d'autres voies d'accès à la parentalité ouvertes
par la science (fécondation in vitro, "mère porteuse"…
et, pourquoi pas un jour, clonage ?) et par l'évolution des mœurs, du
moins dans certains pays (la "parentalité homosexuelle").
[5]
Ce terme de "venue" est utilisé pour éviter de ne prendre en
compte qu'une parentalité réduite, parce que biologique, ce qui pourrait
être le cas avec celui de "naissance". Bien entendu, pour moi, le
mot "venue" n'a aucune dimension religieuse ou magique !
[6]
"Élevage" est un terme technique utilisé par les zoologues. S'il
est couramment utilisé par les ethnologues et assez souvent pas les
psychologues, il fait cependant "frémir" plus d'une personne
quand on l'applique à des enfants humains. C'est cependant oublier qu'il
peut prendre deux sens :
Ø Contribuer au développement physique et moral d’un enfant en le nourrissant, en prenant soin de lui. Cet orphelin a été recueilli par une tante qui l’a élevé. / Éduquer. Il a été élevé sévèrement.
Ø Porter plus haut. Élever les bras. / Fig. Placer à un rang, à un degré supérieur dans l’ordre social, intellectuel ou moral. Élever quelqu’un au pouvoir. L’héroïsme élève l’homme au-dessus de lui-même.
(© Hachette Livre, 1998)
Dans le premier sens, il est le synonyme d'éduquer. Dans le second, il a une dimension noble qui ne peut faire "frémir" que ceux qui considèrent qu'éduquer un enfant n'est pas lui permettre d'accéder à un état, notamment moral, supérieur et, ainsi, l'inscrire dans cette dynamique qui caractérise l'évolution humaine depuis les premiers hominidés : le progrès de l'espèce, l'élévation des individus.
[7]
Il s'agit là d'une fonction "primaire" au regard de l'espèce
humaine. D'une fonction qui, parce qu'elle est commune à quasiment toutes
les espèces animales, pourrait être qualifiée de…
"naturelle".
[8]
Obligation de nourrir, de loger, de vêtir, de scolariser – ce n'emporte
pas pour autant obligation d'envoyer à l'école
-… ; interdiction de maltraiter, de déshériter – du moins en France
-… Notons au passage que, et cela est vrai pratiquement pour tous les
pays, certaines interdictions
font défaut, d'un point de vue légal en particulier, comme celle
d'endoctriner – religieusement, politiquement, militairement, économiquement…
- alors que l'endoctrinement participe à l'évidence d'une atteinte aux
Droits de l'Enfant au même titre qu'à ceux de l'Homme.
[9] Admettre que, sauf exceptions (en nombre, régularité et fréquence), la fonction d'élevage des enfants est naturellement assumée par tout parent n'est pas poser une hypothèse qui resterait à démontrer ou un postulat dogmatique : il s'agit bien d'un point démontré par le fait même que l'espèce humaine n'a cessé de se développer depuis l'apparition des premiers hominidés et que toute espèce animale, qui n'assumerait pas cette fonction, sans considération de possible évènements externes non inhérents à l'espèce – exemple : cataclysmes – ou qui se verrait mise dans l'impossibilité de le faire, serait condamnée à disparaître.
[10]
Rappelons qu'il y a lieu de considérer comme une atteinte à la fois à
l'intégrité physique et psychique et aux Droits universels de l'Enfant
toute pratique culturelle qui consisterait, en fait, à endoctriner un
enfant, dès lors qu'en aliénant sa personnalité, en
"normalisant" et "orientant" son devenir, elle ne peut
qu'anticiper l'atteinte à la liberté de conscience, d'opinion,
d'expression… qui lui sera faite en tant qu'adulte (femme ou homme) alors
que cette liberté lui est/sera reconnu par la Déclaration universelle des
Droits de l'Homme.
[11]
On pourrait rajouter à cette liste les animaux qui, de près ou de loin,
"animent" l'univers familier de l'enfant, d'une part et, d'autre
part, toutes ces "choses" qui constituent le "décors"
de ce même univers et qui, notamment par leur dimension symbolique, lui
permettent à de prendre ses repères dans les divers espaces – la
famille, le voisinage, le village ou la ville, la tribu… - dans lesquels
il évolue.
[12]
"Inégalitaire" ne signifie pas nécessairement
"tyrannique". Cela n'implique pas non plus que seul l'enseignant
est "actif", l'élève étant voué/astreint à la plus totale
"passivité", pour ne pas dire "soumission", au risque
de se voir puni pour avoir enfreint la règle qui lui imposerait un tel état
!
[13]
Cette relation Maître-Elève est le fondement, en dehors de l'espace
familial (quoiqu'on puisse se demander si elle est vraiment absente de l'élevage
familial et donc de l'espace familial), de toute relation éducative. Elle
n'est pas le fait unique de l'École. On la retrouve partout où il y a
"quelque chose" à transmettre et donc à recevoir : à l'usine,
sur le chantier, dans l'atelier du peintre ou de l'artisan, sur un terrain
de sport, dans une loge maçonnique… même si, souvent, au terme d'Élève
se substitue celui de Compagnon ou d'Apprenti.
[14]
Qui, en France, pour l'École publique, est celle d'une École républicaine
et laïque garantissant à chacun les mêmes droits d'accès aux
connaissances et savoir-faire et, de ce fait, une égalité de chance de réussite
et ce, à l'abri de toute ingérence particulière et partisane qu'elle soit
religieuse, philosophique, politique ou économique.
[15]
Rappelons qu'un éducateur – au sens large – n'est ni un policier, ni un
juge. Et réciproquement.
[16]
Pour la grande majorité des parents, le critère de réussite scolaire
n'est plus tant l'obtention d'un diplôme que l'accès à un emploi aussitôt
l'achèvement des études entreprises – ou, du moins, dans un délai
"raisonnable" le plus court possible – et la possibilité de le
conserver le plus longtemps possible, le terme idéal étant la retraite.
"Étudie pour être fonctionnaire ; au moins, tu auras la sécurité
de l'emploi" !
[17]
Mais en quoi consiste cette "difficulté" ? et à qui d'ailleurs
la poseraient-ils ?
[18]
Sans parler des activités religieuses, avec la ré-intrusion des religions,
et des activités commerciales, avec l'ingérence d'entreprises comme le
Groupe C.I.C. et, ce au mépris du principe de la Laïcité de l'École
publique ainsi que des Lois et règlements qui la régissent.
[19]
Une preuve (parmi d'autres) qu'il s'agit bien là d'effets et non de causes
: prenons par exemple la violence : si la violence était une cause de la
"crise" de l'École et non l'effet d'une ou plusieurs causes (et
il y a fort à parier que, comme pour tous les autres "maux", les
causes sont multiples), elle serait constatée dans tous les établissements
scolaires. Or, nombreux – en fait, la grande majorité - sont ceux qui
n'en pâtissent pas. Comme on peut supposer que ces établissements n'ont bénéficié
ni d'un quelconque "vaccin", ni d'un cordon sanitaire ou policier
les mettant à l'abri de la violence, force est d'admettre que, dans leur
sein ou dans leur environnement, les causes de violence sont absentes. Bien
entendu, ce qui est vrai de la violence l'est aussi pour les autres phénomènes
[20]
Comme si la finalité de l'école,
hormis le cas des filières professionnelles (et encore !), était de
former, de "livrer" des "producteurs" prêts à l'usage
!
[21]
Donner à boire à un malade ne lui fera sans aucun doute aucun mal. Cela
peut même, momentanément, lui procurer un certain contentement, une amélioration
de confort (surtout s'il a soif !) mais, en aucun cas, cela ne le soignera
et, a fortiori, le guérira !
[22]
Ce devoir de "rester à sa place" ne concerne pas seulement que
les enseignants et les parents. Il doit aussi s'imposer aux animateurs
socioculturels, aux artistes, aux policiers…, bref à tous ceux qui, d'une
manière ou d'une autre, chacun dans son domaine de compétence, participent
à l'éducation d'enfants.
[23]
à ceux qui affirmeraient le contraire et qui estimeraient que
la présence de parents d'élèves auprès de l'enseignant, dans le cadre
d'un statut de co-éducateur scolaire, je poserai une question : si, par
exemple, un enseignant estime que tel de ses élèves mange qualitativement
mal, a-t-il pour autant la légitimité et la compétence nécessaires pour
entrer dans le logement familial de cet élève et lui faire la cuisine à
la place de ses parents ? Si une telle co-éducation, associant l'enseignant
aux parents, paraît ridicule et "anormale, pourquoi n'en serait-il pas
de même dans le sens contraire ?
[24]
Cette faculté de l'enfant peut s'exercer, plus généralement, à l'égard
de tous les éducateurs, à commencer par les parents eux-mêmes !
[25]
On pourrait penser que cette obligation emporte celle
d'"organiser" cette représentation des parents d'élèves, c'est-à-dire
non seulement d'organiser les élections mais de susciter et favoriser l'émergence
de candidatures et le vote des électeurs…mais il semblerait que cela ne
soit pas vrai (!?!).
[26]
Quand on a honte de soi, quand on se sent coupable d'être ce que l'on est
– ou de ne pas être ce dont on dit que l'on devrait être - il y a peu de
chance que l'on soit candidat à la représentation d'autrui !
[27]
Ceci n'est qu'une "intuition" fondée sur une expérience
professionnelle personnelle et non sur une validation scientifique (singulièrement
statistique) : il y a – ou il doit y avoir – une forte corrélation
entre l'abstentionnisme aux élections de parents d'élèves dans les établissements
scolaires et celui noté pour les élections politiques,
professionnelles (syndicats, organismes consulaires, Prud'hommes…) et
autres (Caisse d'Allocations Familiales, représentation des locataires au
sein des Offices d'H.L.M.). En outre, ce reflux de la res publica se
constate également au niveau des associations, qu'il s'agisse des adhésions,
du bénévolat ou du vote aux Assemblées Générales.
[28]
Il ne s'agit pas pour autant de "dédouaner" les politiques de
leur part de responsabilité dans cet effort à fournir et … qu'ils ne
fournissent pas. Du moins, dans leur très grande majorité. Plus que des
"affaires" leur responsabilité – leur faute – se déduit de
leur "non-assistance à démocratie en danger" dans la mesure où
ils ne font rien, toutes tendances confondues, pour enrayer ce fléau qu'est
l'abstentionnisme et qui, chez les jeunes, prend une tournure encore plus
aiguë et grave : la non inscription sur les listes électorales. Winston
CHURCHILL a dit que la démocratie n'était sans doute pas le meilleur système
politique mais que l'on n'avait pas trouvé mieux ! Une démocratie qui se
fonde sur un système de majorité absolue peut déjà être tendancieuse et
très éloignée d'un idéal de démocratie directe quand, même avec un
taux de participation de 100%, il suffit d'une voix de plus pour qu'une
majorité impose sa volonté à 49% des votants (sans parler de ceux qui, en
raison de leur âge ou d'un autre motif, ne peuvent pas voter). Mais comment
qualifier cette démocratie quand une majorité se dessine et s'impose avec
seulement 30% de votants ! Quand une majorité universelle est proclamée
par un nombre aussi réduit de citoyens on ne peut qu'être effrayé pour
soi et avoir mal à sa démocratie : ni la Raison, ni le "Vrai",
ni le "Juste"… ne sortent nécessairement du nombre ! Combien de
personnes (scientifiques, philosophes, artistes…), totalement isolées,
ont eu raison contre la majorité pensante et les dogmes de leur temps et
ont pourtant été réduits au silence, voire privés de leurs vies parce
que majorité et dogmes les ont proclamés hérétiques, menteurs,
faussaires… ? Pour revenir à l'École : la République – notre République
– est certes la fille de la Révolution de 1789. Ne l'est-elle pas aussi
de l'École républicaine ? Si, parce que la res publica ne présente
plus d'intérêt pour la majorité des français, l'École publique finit
par mourir d'être malade, est-ce que la république pourra survivre ?
[29] Sans faire de psychanalyse, on notera cependant que la "révolte" contre le Père (mais il ne faudrait pas oublier celle contre la Mère), qui ne saurait être nécessairement confondue avec une rupture, conflictuelle et irréversible, participe du devenir de chaque humain – mais cela est également vrai chez bon nombre d'animaux -, autrement dit de cette seconde "naissance" qu'est l'accession de l'enfant à l'âge adulte ou bien encore au statut de femme ou d'homme. Même si, l'âge adulte atteint et dépassé, elle peut marquer d'autres naissances comme accès à d'autres "statuts" ou "états" (de connaissances, de savoir-faire, de savoir-être, de spiritualité…), la "révolte" de l'Élève contre le Maître est tout autant nécessaire à la réalisation accomplie du devenir humain. D'un point de vue philosophique, mais avec des implications éminemment concrètes et toutes plus inquiétantes les unes que les autres, une École malade qui ne donnerait plus à ses élèves la capacité et, plus simplement, l'envie de se "révolter" les "occuperait non plus à naître mais à… mourir à leur humanité".