Message fraternel aux camarades libertaires

 

"L'anarchie est la formulation politique du désespoir. L'anarchie n'est pas un fait de solitaire ; le désespoir non plus. Ce sont les autres qui nous informent sur notre destinée. Ce sont les autres qui nous font, qui nous détruisent. Avec les autres on est un autre. Alors, nous détruisons les autres, et, ce faisant, c'est nous-mêmes que nous détruisons.

[…]

L'anarchie, cela vient du dedans. Il n'y a pas de modèle d'anarchie, aucune définition non plus. Définir, c'est s'avouer vaincu d'avance. Définir, c'est arrêter le train qui roule dans la nuit quand il s'écartèle à l'aiguillage. Autant dire qu'on est pressé d'en finir avec l'intelligence de l'événement. C'est par son inaptitude foncière à ne savoir rien définir que l'homme piaffe dans les remarques et la philosophie".

(Léo ferré in "L'anarchie est la formulation politique du désespoir" ou "Introduction à l'anarchie" )

 

Salut !

 

Même si j'ai une certaine bouteille et que mon pécule d'années commence à s'alourdir, j'ai cette même naïveté que j'ai eue, lorsque enfant j'ai fait le choix d'être libertaire, de considérer qu'être libertaire :

•         c'est adhérer, en toute conscience et en pleine liberté, à un corpus de valeurs, de principes et de buts

•         c'est être anti-autoritaire, c'est-à-dire s'opposer à toute forme ou même velléité d'autorité et, en même temps, être incapable d'exercer quelque autorité que ce soit contre qui que ce soit

•         c'est être capable d'empathie à l'égard de l'autre

•         c'est reconnaître que mon identité ne peut être affirmée, reconnue et, au-delà possible et effective que pour autant qu'elle est reconnaissance de l'altérité

•         s'opposer à tout ordre, en tant que système d'oppression et de répression à finalité de domination, d'exploitation…, qu'il soit politique, religieux, militaire, familial, sexuel… sans pour autant s'imaginer que mettre le désordre – dans un débat libertaire par exemple – est un rituel anarchiste auquel il convient de se livrer systématiquement pour affirmer/démontrer son identité libertaire ("La destruction est un ordre inversé", Léo Ferré)

•         être dans l'incapacité d'être un "chef", petit ou grand, et toujours un tyran et n'avoir aucune ambition à le devenir même du fait de la passivité, du renoncement… des autres ou bien encore de ces soit-disant "nécessités" que sont le pragmatisme, l'urgence, le danger, l'efficacité…

•         c'est admettre qu'il peut et doit exister des formes d'organisation politique, sociale, culturelle… qui ne soient pas constitutives d'un ordre mais d'une association d'individu(e)s qui, fondée sur le partage d'une communauté de valeurs, de principes et de buts, ne reconnaît d'autres relations que de fraternité, d'égalité, de liberté, de respect, de cordialité…

•         c'est admettre que l'association librement consentie d'individus libres emporte "nécessairement", comme tout organisme vivant, comme tout système complexe d'"éléments particuliers" ne peut vivre et, a fortiori, se développer que dans l'unité, c'est-à-dire dans la cohérence en un mouvement continu d'équilibre qui, s'il est bien une dynamique de "forces", n'en est pas pour autant un rapport de force(s)

 

Libertaire et humaniste j'ai cette autre naïveté de considérer que :

•         il n'y a de tolérance que (quasi)absolue qui n'a d'autre limite que l'intolérance qui se propose de la nier, de l'anéantir

•         une tolérance aussi absolue ne saurait s'ériger en fanatisme car elle n'est pas une religion mais un humanisme qui se reconnaît pour ce qu'il est et qui s'achève dans la relation à l'autre

•         cette tolérance n'est pas exclusive d'une intransigeance à l'égard des valeurs, des principes, des buts auxquels, libertaire, on adhère librement mais l'est de toute compromission ou même seulement de tout compromis

•         cette intransigeance n'est pas non plus un fanatisme qui reposerait sur un "corpus de vérités révélées" qu'il serait interdit de soumettre au doute et à la critique systématiques de la raison mais aussi du "cœur" mais un ensemble de convictions qui, fondées sur un état donné de connaissances objectives, se reconnaissent pour "relatives", "provisoires" au sens où elles peuvent – et doivent – évoluer

•         l'anathème, l'excommunication, l'insulte, les hurlements, les invectives, voire les coups de poing ne sont pas des arguments de débat, de discussion et, plus généralement, d'expression mais des actes de force dont le seul propos est d'instituer à son avantage un rapport d'autorité et donc d'oppression, de répression, de domination… et, in fine, de négation de l'autre

•         un débat est une confrontation de points de vue, d'idées, de propositions, de critiques… mais aucunement un affrontement de personnes

•         il ne peut y avoir de débat libre – et donc libertaire – que dans le respect de l'autre

•         personne ne peut prétendre parler à l'autre et s'en faire comprendre si, en même temps, il n'accepte pas d'entendre et, surtout, d'écouter cet autre et, de ce fait, de le comprendre

•         les différences ne sont pas des atteintes à l'unité mais, au contraire, un enrichissement, individuel et collectif, pour autant qu'elles sont partagées

•         entre humains, les différences individuelles ne sauraient occulter cette unité identitaire fondamentale, universelle qu'est l'humanité

 

Et j'ai aussi cette "candeur" d'estimer que la naïveté (du latin "nativus", naturel et "natus", né) n'est pas une tare mais la qualité, la "vertu" d'une conscience "simple", spontanée, dépourvue d'artifices, d'arrière-pensées, d'intentions inavouées parce qu'inavouables qui permet de "voir  et de "comprendre" les choses et les gens avec cette fraîcheur libertaire, c'est-à-dire libre et libératrice,  d'une raison et d'un cœur qui n'ont d'autre certitude… que

 

"[C]ette parole d'évangile
qui fait plier les imbéciles
et qui met dans l'horreur civile
de la noblesse et puis du style
ce cri qui n'a pas de rosette
cette parole de prophète
[que] je […] revendique et […] vous souhaite
NI DIEU NI MAîTRE

Bien fraternellement,

 

JC