Réflexions (im)polies sur la politesse

 

La vraie politesse n'est que la confiance et l'espérance dans les hommes.

Henry David Thoreau

 

La politesse n'est souvent que l'hygiaphone des hypocrites.

Philippe Briday

 

Politesse: Forme la plus acceptable de l'hypocrisie.

Ambrose Bierce

Le Dictionnaire du Diable (1911)

 

 

Selon le Petit Robert :

 

politesse [pClitDs] n. f. 

• 1659; "propreté" 1578; a. it.  politezza, de  polito  1. poli  

1 ( XVIIe) Vx Délicatesse, bon goût. "La politesse de l'esprit consiste à penser des choses honnêtes et délicates" (La Rochefoucauld).  

2 (1655) Ensemble des usages, des règles qui régissent le comportement, le langage, considérés comme les meilleurs dans une société ( bienséance); le fait et la manière d'observer ces usages ( affabilité, civilité, courtoisie, éducation, savoir-vivre, urbanité, usage). Politesse exquise, raffinée. "La politesse, cher enfant, consiste à paraître s'oublier pour les autres" (Balzac). "la politesse n'exprime plus un état de l'âme, une conception de la vie. Elle tend à devenir un ensemble de rites, dont le sens originel échappe" (Bernanos). Faire une visite de politesse à qqn. Politesse excessive.  obséquiosité. Il aurait pu avoir la politesse de nous remercier. (Menace) Je vais vous apprendre la politesse ! — Formules de politesse, employées dans la conversation, dans une lettre (ex. S'il vous plaît. Veuillez agréer mes salutations distinguées, etc.). — Gramm. Pluriel de politesse ( vouvoyer). Conditionnel, futur, imparfait de politesse (ex. je voudrais pour je veux). — Dire, faire qqch. par politesse. "J'avais l'air de ne la détromper que par politesse" (Radiguet).  

 Loc. Brûler la politesse à qqn : partir brusquement, sans prendre congé (cf. Fausser* compagnie). — Allus. hist. L'exactitude est la politesse des rois.  

3 (1737) Une, des politesses. Action, parole exigée par les usages. Échange de politesses. Se faire des politesses. Politesses exagérées.  courbette, manières , salamalec. "l'urgence de leur besogne leur interdisait de vaines politesses" (Romains). Loc. Rendre la politesse à qqn, lui rendre la pareille (cf. Renvoyer l'ascenseur*). 

 CONTR. Grossièreté, impertinence, impolitesse, incorrection.

 

Selon le Littré :

 

POLITESSE (po-li-tè-s'), s. f.

1° Culture intellectuelle et morale des sociétés. En envoyant ses colonies par toute la terre, et avec elles la politesse, BOSSUET Hist. III, 3. Je viens vous faire admirer un homme qui a su joindre la politesse du temps à la bonne foi de nos pères, FLÉCH. Duc de Mont. Quelles peines n'eut-on pas à lui persuader d'étendre un peu, en faveur de sa dignité, les limites de son patrimoine, et d'ajouter quelques politesses de l'art aux agréments rustiques de la nature ? ID. le Tellier. Les dissensions domestiques, les guerres étrangères, l'ignorance qui toujours en est le triste fruit, avaient répandu sur toutes les parties de l'État je ne sais quel air de licence et de barbarie, toujours fatal à la sainte politesse et à la candeur des moeurs chrétiennes, MASS. Panég. St Bernard. Carthage sortit de ses ruines... elle devint la métropole de l'Afrique, et fut célèbre par sa politesse et par ses écoles, CHATEAUBR. Itin. 7e part.

2° Il se dit aussi de la culture individuelle. La politesse de l'esprit consiste à penser des choses honnêtes et délicates, LA ROCHEFOUC. Maxime 99. Ce nom, capable d'imprimer du respect dans les esprits où il reste encore quelque politesse, FLÉCH. Duc de Mont. Il faut très peu de fond pour la politesse dans les manières ; il en faut beaucoup pour celle de l'esprit, LA BRUY. XII.

    Manière de vivre polie, non sauvage ni farouche. Hélas ! je suis une biche au bois, éloignée de toute politesse ; je ne sais plus s'il y a une musique dans le monde, et si l'on rit, SÉV. 15 juin 1680. Télémaque fut étonné de voir toute la campagne de Salente cultivée comme un jardin : il en fut charmé, car il aimait naturellement les choses qui ont de l'éclat et de la politesse, FÉN. Tél. XXII.

3° Manière d'agir, de parler civile et honnête, acquise par l'usage du monde. La politesse n'inspire pas toujours la bonté, l'équité, la complaisance, la gratitude ; elle en donne du moins les apparences, et fait paraître l'homme au dehors comme il devrait être intérieurement, LA BRUY. V. Il me semble que l'esprit de politesse est une certaine attention à faire que, par nos paroles et nos manières, les autres soient contents de nous et d'eux-mêmes, ID. ib. Il est vrai que les manières polies donnent cours au mérite, et le rendent agréable, et qu'il faut avoir de bien éminentes qualités pour se soutenir sans la politesse, ID. ib. Il [Vauban] méprisait cette politesse superficielle dont le monde se contente, et qui couvre souvent tant de barbarie, FONTEN. Vauban. La politesse est à l'esprit Ce que la grâce est au visage ; De la bonté du coeur elle est la douce image, Et c'est la bonté qu'on chérit, VOLT. Stances, 28. Celui qui ne veut satisfaire qu'aux besoins de la nature, ne se morfond point à la porte des grands, n'essuie ni leurs regards dédaigneux, ni leur politesse insultante, DIDER. Claude et Nér. II, 1. Le peuple est ici plus bruyant qu'ailleurs ; dans la première classe des citoyens règnent cette bienséance qui fait croire qu'un homme s'estime lui-même, et cette politesse qui fait croire qu'il estime les autres, BARTHÉL. Anach. ch. 20. Il avait des manières élégantes, une politesse facile et de bon goût, STAËL, Corinne, I, 3. Une politesse froide, une conversation pleine de solidité, GENLIS Veillées du château t. III, p. 41, dans POUGENS.

    La politesse du coeur, celle qui est inspirée par la bonté, par la cordialité. Il est bon, facile ; il a la politesse du coeur, bien supérieure à celle des manières, BARTHÉL. Anach. ch. 51.

4° Action conforme à la politesse. De toutes les obligations qu'on peut avoir à une belle âme, ces tendres attentions, ces secrètes politesses de sentiment sont les plus touchantes, MARIVAUX, Marianne, 3e part. J'ai dû à M. d'Alembert et à M. Diderot la politesse que j'ai eue pour eux : il n'était pas juste que mon nom parût avant le leur, VOLT. Lett. Panckoucke, 21 févr. 1770. Les hommes savent que les politesses qu'ils se font ne sont qu'une imitation de l'estime, DUCLOS, Consid. moeurs, 3.

    Faire politesse à quelqu'un, se montrer particulièrement civil à son égard. Déjà l'on me fait politesse, Déjà l'on m'attend au retour, BÉRANG. Hab. de cour.

    Brûler la politesse, s'esquiver sans dire adieu.

 

ÉTYMOLOGIE :

    Ital. pulitezza, de pulilo, poli.

 

Selon l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert :

             POLITESSE, s. f. (Morale.) Pour découvrir l'origine de la politesse, il faudroit la savoir bien définir, & ce n'est pas une chose aisée. On la confond presque toujours avec la civilité & la flatterie, dont la premiere est bonne, mais moins excellente & moins rare que la politesse, & la seconde mauvaise & insupportable, lorsque cette même politesse ne lui prête pas ses agrémens. Tout le monde est capable d'apprendre la civilité, qui ne consiste qu'en certains termes & certaines cérémonies arbitraires, sujettes, comme le langage, aux pays & aux modes ; mais la politesse ne s'apprend point sans une disposition naturelle, qui à la vérité a besoin d'être perfectionnée par l'instruction & par l'usage du monde. Elle est de tous les tems & de tous les pays ; & ce qu'elle emprunte d'eux lui est si peu essentiel, qu'elle se fait sentir au-travers du style ancien & des coutumes les plus étrangeres. La flatterie n'est pas moins naturelle ni moins indépendante des tems & des lieux, puisque les passions qui la produisent ont toujours été & seront toujours dans le monde. Il semble que les conditions élevées devroient garantir de cette bassesse ; mais il se trouve des flatteurs dans tous les états, quand l'esprit & l'usage du monde enseignent à déguiser ce défaut sous le masque de la politesse, en se rendant agréable, il devient plus pernicieux ; mais toutes les fois qu'il se montre à découvert, il inspire le mépris & le dégoût, souvent même aux personnes en faveur desquelles il est employé : il est donc autre chose que la politesse, qui plaît toujours & qui est toujours estimée. En effet, on juge de sa nature par le terme dont on se sert pour l'exprimer, on n'y découvre rien que d'innocent & de louable. Polir un ouvrage dans le langage des artisans, c'est en ôter ce qu'il y a de rude & d'ingrat, y mettre le lustre & la douceur dont la matiere qui le compose se trouve susceptible, en un mot le finir & le perfectionner. Si l'on donne à cette expression un sens spirituel, on trouve de même que ce qu'elle renferme est bon & louable. Un discours, un sens poli, des manieres & des conversations polies, cela ne signifie-t-il pas que ces choses sont exemptes de l'enflure, de la rudesse, & des autres défauts contraires au bon sens & à la société civile, & qu'elles sont revêtues de la douceur, de la modestie, & de la justice que l'esprit cherche, & dont la société a besoin pour être paisible & agréable ? Tous ces effets renfermés dans de justes bornes, ne sont-ils pas bons, & ne conduisent-ils pas à conclure que la cause qui les produit ne peut aussi être que bonne ? Je ne sai si je la connois bien, mais il me semble qu'elle est dans l'ame une inclination douce & bienfaisante, qui rend l'esprit attentif, & lui fait découvrir avec délicatesse tout ce qui a rapport avec cette inclination, tant pour le sentir dans ce qui est hors de soi, que pour le produire soi-même suivant sa portée ; parce qu'il me paroît que la politesse, aussi bien que le goût, dépend de l'esprit plutôt que de son étendue ; & que comme il y a des esprits médiocres, qui ont le goût très-sûr dans tout ce qu'ils sont capables de connoître, & d'autres très-élevés, qui l'ont mauvais ou incertain, il se trouve de même des esprits de la premiere classe dépourvus de politesse, & de communs qui en ont beaucoup. On ne finiroit point si on examinoit en détail combien ce défaut de politesse se fait sentir, & combien, s'il est permis de parler ainsi, elle embellit tout ce qu'elle touche. Quelle attention ne faut-il pas avoir pour pénétrer les bonnes choses sous une enveloppe grossiere & mal polie ? Combien de gens d'un mérite solide, combien d'écrits & de discours bons & savans qui sont fuis & rejettés, & dont le mérite ne se découvre qu'avec travail par un petit nombre de personnes, parce que cette aimable politesse leur manque ? Et au contraire qu'est-ce que cette même politesse ne fait pas valoir ? Un geste, une parole, le silence même, enfin les moindres choses guidées par elle, sont toujours accompagnées de graces, & deviennent souvent considérables. En effet, sans parler du reste, de quel usage n'est pas quelquefois ce silence poli, dans les conversations même les plus vives ? c'est lui qui arrête les railleries précisément au terme qu'elles ne pourroient passer sans devenir piquantes, & qui donne aussi des bornes aux discours qui montreroient plus d'esprit que les gens avec qui on parle n'en veulent trouver dans les autres. Ce même silence ne supprime-t-il pas aussi fort à propos plusieurs réponses spirituelles, lorsqu'elles peuvent devenir ridicules ou dangereuses, soit en prolongeant trop les complimens, soit en évitant quelques disputes ? Ce dernier usage de la politesse la releve infiniment, puisqu'il contribue à entretenir la paix, & que par-là il devient, si on l'ose dire, une espece de préparation à la charité. Il est encore bien glorieux à la politesse d'être souvent employée dans les écrits & dans les discours de morale, ceux mêmes de la morale chrétienne, comme un véhicule qui diminue en quelque sorte la pesanteur & l'austérité des préceptes & des corrections les plus séveres. J'avoue que cette même politesse étant profanée & corrompue, devient souvent un des plus dangereux instrumens de l'amour-propre mal reglé ; mais en convenant qu'elle est corrompue par quelque chose d'étranger, on prouve, ce me semble, que de sa nature elle est pure & innocente.

Il ne m'appartient pas de décider, mais je ne puis m'empêcher de croire que la politesse tire son origine de la vertu ; qu'en se renfermant dans l'usage qui lui est propre, elle demeure vertueuse ; & que lorsqu'elle sert au vice, elle éprouve le sort des meilleures choses dont les hommes vicieux corrompent l'usage. La beauté, l'esprit, le savoir, toutes les créatures en un mot, ne sont-elles pas souvent employées au mal, & perdent-elles pour cela leur bonté naturelle ? Tous les abus qui naissent de la politesse n'empêchent pas qu'elle ne soit essentiellement un bien, tant dans son origine que dans les effets, lorsque rien de mauvais n'en altere la simplicité.

Il me semble encore que la politesse s'exerce plus fréquemment avec les hommes en général, avec les indifférens, qu'avec les amis, dans la maison d'un étranger que dans la sienne, sur-tout lorsqu'on y est en famille, avec son pere, sa mere, sa femme, ses enfans. On n'est pas poli avec sa maîtresse ; on est tendre, passionné, galant. La politesse n'a guere lieu avec son pere, avec sa femme ; on doit à ces êtres d'autres sentimens. Les sentimens vifs, qui marquent l'intimité, les liens du sang, laissent donc peu de circonstances à la politesse. C'est une qualité peu connue du sauvage. Elle n'a guere lieu au fond des forêts entre des hommes & des femmes nuds, & tout entiers à la poursuite de leurs besoins ; & chez les peuples policés, elle n'est souvent que la démonstration extérieure d'une bienfaisance qui n'est pas dans le coeur.

 

Selon l'encyclopédie Wikipédia :

 

La politesse est définie par un code. Elle est comme un ensemble de règles acquises par l'éducation. Elle comporte une double finalité : faciliter les rapports sociaux en permettant à ceux qui en usent d'avoir des échanges respectueux et équilibrés ; faire la démonstration de son éducation et de son savoir-vivre. Au cours des siècles, certaines règles de politesse se sont figées alors que d'autres évoluaient. De tous temps, des auteurs ont formalisé et rassemblé ces règles dans des traités dits "de civilité" (autrefois) ou "de savoir-vivre" (aujourd'hui).

La politesse se traduit tous les jours par l'utilisation de certains termes comme bonjour, au revoir, s'il vous plaît, ou merci, et par des attitudes spécifiques : sourire à qui vous parle, adapter sa tenue aux circonstances…

Selon Dominique Picard (professeur de psychologie sociale spécialiste de la politesse), la politesse représente en réalité un système cohérent reposant sur quelques principes fondamentaux comme le respect (de soi et des autres), l'équilibre, l'engagement, l'échange… Ces principes se retrouvent aux fondements de toutes les formes de politesse (celles des grandes cultures, comme celles des micro-cultures). C'est pourquoi cet auteur a divisé les règles de politesse en "règles de surface" (qui changent selon les époques et les cultures) et "règles profondes" qui, elles, sont universelles et intemporelles parce qu'elles sont nécessaires à la vie en communauté.

 

***

 

Ainsi, la politesse est un code qui, non écrit, relève de l'usage, de la tradition, de la coutume… et tend à régir les rapports, oraux, gestuels, comportementaux, épistolaires, protocolaires… entre les gens de telle sorte que ces rapports, acceptés et respectés par les "parties" en présence (en relation) soient "bienséants", c'est-à-dire… harmonieux, "pacifiques", "civiles"… La politesse serait donc… l'art de bien vivre ensemble en société, que cette société soit celle de la famille, de l'agora, du travail, de la "représentation" sociale…

 

Pour le Petit Robert :

 

civilité [sivilite] n. f. 

• 1361; lat. civilitas  

1  Vieilli Observation des convenances, des bonnes manières en usage dans un groupe social.  courtoisie, politesse; affabilité, amabilité, sociabilité. Formule de civilité. Les règles de la civilité. Manquer de civilité.  

2 Au plur., vieilli Démonstration de politesse. Présenter ses civilités à qqn, ses compliments, ses devoirs, ses hommages, ses salutations. "Je lui ai rendu toutes les civilités qui sont dues à un homme de son mérite" (Mme de Sévigné).

 

Pour l'encyclopédie Wikipédia :

 

La civilité ou savoir-vivre désigne un ensemble de règles de vie en communauté telles que le respect d'autrui, la politesse ou la courtoisie.

Selon Dominique Picard, professeur de psychologie sociale à l'Université Paris XIII, les termes de "politesse" et de "savoir-vivre" peuvent être considérés comme des synonymes et définis comme "un ensemble de règles proposant des modèles de conduite adaptés aux différentes situations sociales".

En effet, l'usage et les dictionnaires les définissent parfois de façon différente, mais pas tous de la même façon. Si bien qu'en mettant côte à côte les différentes définitions, on peut indifféremment utiliser l'un des deux termes pour une même définition.

Pourtant, les deux mots continuent de coexister et cela s'explique par le côté ambigu de l'image véhiculée par la politesse (ou le savoir-vivre). D'un côté, la politesse est ressentie comme un acte de convivialité et de respect nécessaire ; et d'un autre comme une hypocrisie qui pousse à faire semblant : d'être content de rencontrer ses partenaires, de les trouver intéressants, de trouver belles les femmes, d'être satisfait du cadeau qu'on reçoit ou du repas qu'on vous sert, etc.

La politesse véhicule donc à la fois une image très positive et une image très négative. Conserver deux termes différents permet de séparer ces deux pôles et de reporter sur l'un les aspects positifs et sur l'autre les aspects négatifs. Ainsi, pour certains moralistes ou certains dictionnaires, le savoir-vivre n'est qu'un ensemble de règles désuètes, artificielles et circonscrites dans le milieu bourgeois alors que la politesse est fondée sur le respect et la reconnaissance des autres. On trouve toutefois le contraire chez d'autres auteurs.

Historiquement, le clivage entre ces deux termes a également existé entre les mots de "civilité" et de "politesse". Aujourd'hui, le terme de civilité n'est plus utilisé, mais son contraire, l'"incivilité", revient en force. Selon les situations et le contexte, on lui oppose la politesse ou le respect (mot qui fait actuellement une percée pour représenter l'aspect positif de la politesse ou du savoir-vivre).

Notons aussi que les manuels qui présentent les règles en usages utilisent quasi-unanimement le terme de "savoir-vivre".

Le civisme est la traduction savoir-vivre dans le domaine politique.

 

***

 

Pendant longtemps, la "politesse" fut enseignée au même titre que… la morale, particulièrement à l'école primaire mais aussi dans/par la famille (éducation primaire), au catéchisme, dans/par les institutions, sur les lieux de travail…

 

En tant que "code moral" la politesse ainsi enseignée relevait d'… injonctions (Pour être poli(e) il faut, une personne polie se doit de…) et d'interdits (Quand on est poli on ne mange pas avec ses doigts…). Il en résulte que la politesse n'est pas "quelque chose" d'acquis, d'inné mais, bien au contraire, d'…imposé puisqu'elle participe de l'obligation et de l'interdiction.

 

La politesse ne s'impose donc pas à raison de son… évidence mais… s'impose. Elle n'est pas spontanée mais… due. Elle est due d'une personne à une autre personne qui se prévaut d'une autorité, qui, dans la "balance" des rapports entre les gens, met en jeu un pouvoir qui lui permet d'exiger qu'on lui témoigne de… la politesse, la preuve en étant que l'impolitesse est sanctionnée, punie, interdite.

 

Ainsi, c'est l'enfant qui se DOIT d'être poli envers ses parents, l'élève envers le maître, le salarié envers le patron, l'ouaille envers son berger, le soldat envers l'officier, l'administré envers l'élu, le fonctionnaire…

 

La personne qui est considérée comme polie est une personne qui se soumet à un code qui lui est imposé et auquel elle n'adhère pas librement. La politesse, du moins lorsqu'elle résulte du respect d'un code, d'une règle, ne participe pas d'un rapport égalitaire mais d'un rapport de domination, pour ne pas dire d'oppression : la politesse est due par le dominant au dominé alors que le dominant n'a aucune obligation d'être poli envers le dominé !

 

Dans ce contexte, où sont l'harmonie, la convivialité, le respect, la "paix civile"… ?

 

Si la politesse consiste en des rapports harmonieux de civilité, de convivialité, de respect… il n'y a de politesse véritable que spontanée, libre dans un rapport égalitaire. A défaut, il n'y a qu'hypocrisie dans un rapport inégalitaire de domination-soumission.

 

Se persuader du contraire et considérer que le dominé est spontanément, librement… poli envers la personne qui exerce à son encontre une autorité, un pouvoir qui le place à son égard dans une situation de domination et, au besoin, de répression, n'est qu'une imposture intellectuelle.

 

Le salut, le geste, le mot… donnés par obligation, contrainte, peur de la sanction… n'est pas acte de politesse au sens d'aménité, de civilité, de courtoisie, d'élégance, de… respect. Il n'y a là qu'hypocrisie (qui ne connaît pas els embrassades… assassines ?), soumission, renoncement, capitulation… Ou, à défaut, ruse, pour "endormir" le "puissant" afin, le moment venu, le dos tourné", de pouvoir… l'étreindre… mortellement.

 

De même que l'excès de non racisme n'est qu'une forme hypocrite de racisme qui consiste à humilier l'Autre (qui ne connaît pas la politesse du maître envers son "bon nègre" ?), de même l'excès de politesse du dominant, du… maître n'est que volonté de puissance exercée pour humilier, rabaisser, réduire, assujettir… (Un exemple type est la politesse avec laquelle le machiste réaffirme le statut de dominé des femmes en confortant son statut de… maître).

 

Si la politesse est le "règlement conventionnel de relations destiné à préserver l'équilibre – et donc la parité, l'égalité – des parties ainsi mises en relation", alors il n'y a de véritable politesse que dans des rapports égaux, librement consentis et noués sous le sceau de la fraternité.

 

La liberté de conscience et la liberté d'expression, en tant qu'éléments constitutifs de ma liberté individuelle, essencielle, c'est-à-dire de ma Liberté comme essence même de mon… humanité, me "donnent le droit de blasphémer" comme celui d'être… impoli. Humain et donc doté de cette liberté essencielle, je revendique la liberté d'être… impoli ou poli, selon mon seul gré, en fonction, non du statut mais de la personnalité, strictement… individuelle et absolument… unique, de la personne avec laquelle, ponctuellement ou durablement, je noue une relation, que celle-ci soit publique ou privée, sociale ou personnelle. Et j'en assume pleinement les conséquences, préférant être considéré comme un impoli, un "vaurien" (une personne qui "ne vaut rien"), un mécréant, un "sauvageon", un incivile, un rustre, un grossier personnage, un insoumis… que de me coucher, par hypocrisie ou peur, devant qui que ce soit, sauf à jouer de la ruse comme déguisement social d'une intention… "malhonnête".

 

La liberté ne se marchande pas : elle est absolue ou n'est pas. Une liberté entravée, réduite, contrôlée, amputée, mesurée, surveillée, autorisée, accordée… n'est pas la Liberté : elle n'est qu'une… franchise concédée qui, à tout moment, peut être retirée, supprimée.

 

Si d'aucuns estiment que la politesse est un "art de vivre" en société, autrement dit dans un cadre de relations inégalitaires et sans véritable fondement libertaire, en dehors de toute fraternité et en pure hypocrisie, alors, je considère et affirme que l'impolitesse est un acte de liberté, un acte de révolte contre la politesse que l'on veut imposer, contraindre, un acte d'indépendance, d'autonomie, d'émancipation, d'affirmation de soi contre une norme aliénante qui scelle le renoncement à soi au profit de la soumission.

 

Par ailleurs, est-il besoin de rappeler que les sociétés humaines étant multiples, il n'y a pas une politesse universelle mais des politesses (et donc des… impolitesses) qui varient dans le temps et dans l'espace.

 

Se plier, se soumettre à UNE politesse qui n'est "vraie" – que parce que… dominante – que dans un espace et un temps donnés, c'est, ipso facto, adhérer à autant d'impolitesses qu'il y a d'autres espaces et temps donnés.

 

La politesse dominante d'un espace et d'un temps donnés qui se veut norme universelle, en tous espaces et temps, en recourant, au besoin, par la contrainte des armes, des sectes, religieuses ou politiques, de la morale, des médias, de l'argent… n'est rien d'autre qu'une tyrannie universelle, une hégémonie totalitaire.

 

Si la politesse est bien, comme je le pense intimement, la marque de déférence que le dominé doit sans cesse prodiguer au dominant, la norme de comportement, de conduite, de pensée… que le dominant impose au dominé, alors, l'impolitesse, même si elle n'est que ruse du faible, acte de désespoir, et non acte réfléchi, posé, mesuré, revendiqué de refus, de révolte, d'affirmation, de revendication…, parce qu'elle met l'individu qui l'assume hors la Loi (qu'elle soit morale ou pénale), est un acte éthique, philosophique, voire politique qui oppose l'Un au troupeau, l'Unique à l'ectoplasme décérébré, amorphe, atone, incolore… et constitue l'impoli dans son essence : l'Humanité.

 

10/07/08


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