Réflexions sur la fraternité

A Fratanar

 

Dans Anarchie et liberté[1], j'ai écrit qu'il ne saurait y avoir de liberté et d'égalité sans… fraternité. Mais, au fait, la fraternité c'est quoi ?

C'est d'abord, même si cette acception est tombée en désuétude,  le lien de parenté entre frères et sœurs. Ce sens ne m'intéressera pas, d'autant plus que, à l'instar d'André Gide, il y a bien longtemps j'ai gueulé Famille(s), je vous hais ! et que, à cet égard, mon sentiment n'a pas changé d'un iota. 

Mais c'est aussi "l'amour universel qui unit tous les membres de la famille humaine" (in le Littré) ou "le lien existant entre les hommes considérés comme membres de la famille humaine" et "le sentiment profond de ce lien" (in le Petit Robert).  

Dans ces deux sens, la fraternité est une notion morale qui, comme tout ce qui relève de la Morale, peut être affichée… sans pour autant être pratiquée. Mais là n'est pas l'essentiel. Cette conception morale de la fraternité relève d'une logique religieuse, que cette religion soit religieuse ou profane (républicaine, socialiste, communiste…), puisqu'elle assimile la relation de l'Un à l'Autre à un lien unissant  les hommes en raison d'une filiation commune dont le géniteur serait Dieu, la République, le Parti, le Petit Père du Peuple,  le Grand Timonier…, bref le Pater familias, autrement dit le… Maître. Elle est le sceau de l'appartenance au troupeau et la négation de l'individu dans son individualité, notamment sexuelle[2], son identité, sa particularité…, autrement dit son… unicité. Ainsi, en même temps qu'elle lie les humains, comme les galériens sont attachés aux rangs de la galère, comme le bétail est marqué par le fer du propriétaire et parqué dans l'enclos de sa servitude, elle les re-lie à une autorité supérieure, autrement dit à une transcendance qui, au besoin, peut relever de l'immatérialité, c'est-à-dire de la non-existence, de la non-réalité !

Une telle conception n'est pas la mienne. De même qu'elle ne peut être celle de l'anarchisme comme forme achevée d'humanisme.

Pour moi, la fraternité, c'est la reconnaissance[3] mutuelle de l'Un par l'Autre et réciproquement, autrement dit de TOUS les individus sans aucune exclusive. De ce fait, elle est première, acceptée, partagée, vécue… a priori ou… elle n'est pas car si elle est accordée a posteriori, il faut appeler un chat un chat et la qualifier de solidarité, voire de… charité. Première, elle est humaniste, a posteriori, elle est humanitaire, voire… caritative.

Outre qu'il est philosophiquement et éthiquement inconcevable, un anarchisme qui ne serait pas fraternel ne serait qu'un… égocentrisme[4] drapé des oripeaux d'un discours humaniste pour mieux déguiser l'hypocrisie d'une intention nullement… fraternelle, celle d'instituer sa chefferie, son pontificat, sa sainteté, son charisme, son chamanisme… de grand frère ou de père au nom d'une mission évangélique de constitution, d'asservissement, de gardiennage… de son propre troupeau.



[1] Sur ce site mais disponible aussi sur la bibliothèque virtuelle (http://fraternitelibertaire.free.fr/)  ou directement à http://gabyanar.free.fr/reserve_ 2/anarchie_et_liberte.doc.

[2] Ainsi, comme d'habitude, elle oublie que le genre humain, génitalement parlant, est double – les hommes et les femmes, et multiple – hétéro, homo et bi – dans sa sexualité.

[3] De reconnaître : identifier un sujet ou un objet comme… tel, autrement dit, entre humains, s'identifier mutuellement.

[4] Et c'est sciemment que j'use du terme d'égocentrisme et non d'égoïsme (cf. Stirner).


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