Anarchie, liberté et créativité

 

Dans les pages de ce vrai mensuel : "ALTERNATIVE LIBERTAIRE", j’ai écrit qu’un des fondements de l’action anarchiste était la recherche forcenée de la liberté en attente de la possibilité d’inhaler à pleins poumons cette liberté.

Cette recherche n’étant positive qu ‘en absolue mécréance et totalement illusoire dans une croaillance mythique quelconque.

Cette recherche s’accompagnant d’une acculturation profonde. (La culture et non l’intellectualisme).

 

Il ne s’agit pas de constater à quel état de ruines se mine la baraque sociale. Il ne s’agit pas plus de faire des constats bien rédigés des actions-boutoirs des capitalistes et de leurs vassaux les sécuritaires de tous poils.

Il ne suffit plus de gueuler et/ou de manifester.

Les pouvoirs et les régisseurs de ces pouvoirs aiment les  manifestants et leurs pancartes multicolores, les slogans colorés vociférés dans les rues. Car les réponses sont trop aisées à donner : une intention d’organiser une réunion de travail, quelques promesse jetées en l’air comme les semences d’un pissenlit, une fumeuse idée de réorganisation et peut-être quelques menaces susurrées en aparté.

Et si des actionnaires profiteurs (les veinards) de multinationales exigent un plan drastique pour voir le beau graphique du Cac40 s’envoler vers les cimes ; et si les ouvriers producteurs quémandent une juste revalorisation de leurs salaires, le patron prédit, prépare et active une déferlante de 400 licenciements. Quelques palettes carbonisées plus tard, la vague s’étant réduite à 398 jetés dans les pattes du chômage, les prolos s’en vont, hurlant leur joie (légitime ?) d’avoir réussi l’épargne de 2 ouvriers.

Il en est de même lors de la réduction microscopique de quelque impôt direct. Le contribuable opine du chef de haut en bas juste avant de faire la gueule de gauche à droite au vu du saut de sa taxe foncière.      

Quelques miettes à nous balancées nous plongent en léthargie profonde. Comme toujours…..

 

Hurler et battre la semelle avec des pancartes ne suffit pas. Malheureusement beaucoup de pseudo-libertaires,   les libertaires trop crédules et  les "fouteurs de merde" non libertaires se contentent des manifs tonitruantes et casserolesques, comme si le rebouchage de quelques trous, le rafistolage de quelques décrets, le replâtrage de quelques services pouvait stabiliser l’édifice branlant.

Attention, je n’ai pas dit que le constat de malfaçon et le rustinage étaient inutiles. Je n’ai jamais affirmé que gueulantes et manifs étaient inutiles.

Non, elles sont seulement insuffisantes.

Nous, libertaires devons tenter de construire une "maison  commune", solide, agréable, bonne à vivre. Hors de zones inondables et suivant un plan débattu et agréé. Le plan social auquel nous devons apporter notre contribution, a été parfaitement ébauché au cours des 2 siècles précédents par les libertaires et penseurs et l’on peut regretter amèrement que leur philosophie sociale ne soit pas étudiée, commentée et pratiquée dans les écoles, universités, organisations et communautés.

Dans le n° 18 d’AL, les textes de JC Cabanel, Yvon Dionne et Norman Baillargeon nous ont convaincu de la nécessité de cette culture.

Mais le(la) libertaire ne peut se cacher derrière la culture des autres et si les références à Rousseau, Proudhon, Bakounine, Marx ou Ferré sont des rappels forts et permanents,(dont certains et certaines abusent) elles ne dispensent pas de créer sa propre anarchie. Chacun est un, en anarchie.

La créativité est cette faculté de créer.

L’homme a l’immense possibilité de créer. Il est le créateur. "Créer, c’est associer une intuition et un savoir-faire. Rompre avec les idées reçues,  et imaginer. L’innovation naît de la rencontre d’une idée et d’un besoin (pub Renault : le créateur d’automobiles)"

Notre journal s’intitule "Alternative libertaire". Cela induit que dans ses colonnes il y a des propositions, des trouvailles, des choix, des pistes, des innovations, des révélations.

                                                                                                                                            

"Pas d’idées justes, juste des idées"

 

Encore faut-il que nous alimentions la machine à transcrire les idées.

On jalouse parfois la créativité des artistes (de tous les arts-majeurs ou mineurs) et l’on oppose l’artiste à l’artisan, l’idée et sa réalisation.

Mais la créativité est une denrée rare qui se cultive comme les choux ou le chanvre.

Nous savons bien que les conditions de vie, le travail exténuant, les transports abrutissants, les voisins hurleurs, la marmaille pépiante, l’air ambiant et la TV lénifiante  endorment la faculté d’ "imaginer et réaliser du neuf ".

La possibilité de se réunir entre copains et copines, en orgas bien structurées ou hors structures, donnent une part de cette faculté de créer. "Le brain-storming" ou mise en ébullition des cerveaux est un moyen bien décrit d’améliorer la quête du neuf.

 

Je me souviens d’une classe de IIde dans un lycée de Nîmes. J’étais chargé comme prof presque unique de remettre dans le droit chemin des droites études des étudiants, fils de bourgeois qui ne glandaient rien. Dans la classe, ils n’étaient pas nombreux : 11. Mais ils avaient tous un QI compris entre 110 et 140. Dans un contexte classique, ils se faisaient chier et usaient et abusaient des farces, chahuts, bagarres et autres imbécillités.

Il a fallu inventer une pédagogie adaptée. Par exemple, tous les jours, le matin, dès l’entrée, j’écrivais  au tableau, soit un mot, soit une question. Il fallait donner des "idées" en 15mn.

"Bateau" ou "pourquoi les coccinelles ont-elles des points sur le dos ?". En début d’année scolaire, j’obtenais une ou 2 réponses par individu mais à la fin, chaque jour, nous étions obligés de relever plus d’une centaine de réponses.  La majorité de ces réponses était farfelue mais parfois une perle apparaissait. La bonne idée.

Lors des cours de physique ou de maths, il fallait à haute voix, formuler un "pourquoi" à toute affirmation ou proposition.

De grands pédagogues ont élaboré des méthodes constructives et passionnantes pour les enfants. Il est consternant de pouvoir  comptabiliser ces pédagogues  sur les doigts.

De nombreux maîtres utilisent des méthodes aptes à créer la créativité, mais il est consternant de voir que des enfants de 5 ans sont de parfaits petits artistes (à la technique fragile) et qu’à leur entrée à la "primaire" comme disent leurs parents, ils ne sont plus fichus d’ "oser" un dessin ou un graphisme ou une peinture.

Notre société de consommateurs tue notre pouvoir de créateur. Notre société et ses "princes", ses commentateurs,  ses critiques permettent uniquement l'idée du prince. Notre société tue ses créateurs  et  ses génies rénovateurs.

Que vivent de nombreux Robinson Crusoë de la démerde constructive.

 

La créativité du cerveau que l'on se construit, la multiplication des synapses des neurones et l'accélération de la vitesse des connexions, alliée à la connaissance (cultures intellectuelle et manuelle), permettent les situations neuves exigées dans l'anarchie. Dans une atmosphère de liberté. En respirant à pleins poumons.

Finis les ghettos physiques où un travail abêtissant nous concentre.

Fermées les loges intellectuelles où quelques pontes professent.

Abolies les églises où des charlatans nous enferment sous un joug de peur et de rites ridicules.

Eliminé pour toujours l'activisme irréfléchi et agressif.

Balayés, les stéréotypes de pensée, les comportements grégaires insensés.

Le troupeau veut bien avancer mais il veut choisir son but, sa démarche, sa vitesse et son chemin.

 

N'attendez pas de Maï ni de personne des pistes de recherche. Vous avez la créativité; à vous de vous en servir et de proposer.

 

 

Maï   octobre02


 

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