Citations de Jean-Marc
Rouillan
"Comporte-toi en stupide et tu
deviendras impénétrable pour l'éternité.
Abracadabra, Manel Tekel Pharès, Papè Satan Papè Satan Aleppè, le vierge,
le vivace et le bel aujourd'hui, chaque fois qu'un poète, un prédicateur,
un chef, un mage ont émis d'insignifiants borborygmes, l'humanité met des
siècles à déchiffrer leur message. Les Templiers restent indéchiffrables
à cause de leur confusion mentale. C'est pour ça que tant de gens les
vénèrent. "
Umberto Eco, "Le Pendule de Foucault"
"Pour le vol et le crime, quels qu'ils soient, la
violence de l'exploité, la violence du faible ne sera jamais mise en parallèle
avec le crime du fort. La criminalité, sans conscience peut-être, sans libération
sans doute, cette violence de ceux qui n'acceptent pas l'ordre social, ne se
lira jamais tout à fait dans le même abécédaire de la violence de
l'ordre".
***
"Sans révolte, le miséreux reste misérable.
Absent.
Et peureux.
Vivant d'expédients existentiels.
De morale cultivée par des maîtres à penser.
A rêver.
A patienter en rond.
Et en marche - au pas.
vers le repos de la fosse commune.
Serrés les uns contre les autres.
Comme dans un gigantesque métro en route pour nulle part.
Jusqu'au pourrissement.
Jusqu'à la dissolution définitive de la moindre particule
d'os".
***
"Les massacreurs ont toujours été aveuglés par le
sang comme les bourreaux et les juges des tribunaux politiques".
***
"Le Gluk sourit en pesant à la petite MArie de la rue
du Pressoir accusée par les infâmes de la délation. ceux qui changent de camp
lorsque le sort est jeté et la bataille perdue.
Plusieurs la désignèrent à la troupe. "Elle a crié
vive la Commune".
Et ils l'emprisonnèrent des mois à Versailles avant qu'un
juge des tribunaux militaires finisse par se rendre compte que Marie était
sourde et muette.
Détruite la maison de Marie".
***
"- La prison est apparue plus tard [que 1968] dans la contestation, dans
la prise de conscience bien que beaucoup d'entre nous la connaissions
personnellement. On la cachait, on se la cachait. On la pensait naturelle.
Nous dénoncions la "justice de classe" oui, mais pas ses châtiments
ordinaires. Puis au fil des années soixante-dix, on s'est contentés de
quelques victoires faciles qui se révélèrent sans lendemain. Et il y eut la
répression des années quatre-vingt, l'isolement, les centrales de haute sécurité,
les peines incompressibles, la mort lente. Mais ce n'est pas tout, aujourd'hui
la prison est fusionnelle à la société, comme si la prison s globalisait,
comme si elle gangrenait tout ce qu'elle touche en tant que menace suprême, régulation
des protestations, gestion des pauvres, des cités, de la peur, de la
main-d'oeuvre étrangère. Le pouvoir est si dense de nos jours qu'il
fonctionne comme un trou noir. Tout semble aggloméré. Comme la guerre : où
commence-t-elle ou fini-elle ? Quel que soit le demi-tour que tu fasses, elle
est là. Et bien sûr personne ne la voit ou alors ils singent leur
aveuglement. Elle est partout, elle s'insinue dans nos vies encore et
toujours, mais aussi dans celle de tous et toutes qui ne s'aperçoivent de
rien ou trop tard.
- Arrête, là tu tombes dans la discussion de cour de promenade.
- Et alors, ne sommes-nous pas en promenade ? coupe le Gluk d'une voix agacée
d'impatience. Tu sais Salim, il n'y aura aucun changement décisif. Tu as vu
les députés et les sénateurs, les élus du peuple ! Ils pensaient ouvrir
les yeux sur l'horreur et entreprendre un grand chantier de réforme des
prisons mais qui étaient-ils pour affronter ce pouvoir ? Ils vont se coucher,
tu verras, ils baisseront les yeux devant ce vrai pouvoir, le corporatisme néofasciste
des syndicats professionnels et toute la réaction sécuritaire".
***
"... Ils tartinent du démocratique sans même chercher à comprendre ce
devant quoi ils se prosternent benoîtement... Une déesse carnivore voilà, démasquée
depuis si longtemps, oui ce qu'ils appellent démocratie est la dictature
d'une poignée de puissants. Tout simplement. Ceux qui manoeuvrent,
intoxiquent, manipulent, masquent l'injonction sous la liberté bornée, ceux
qui agitent le chantage au pire, ce pire qu'ils entretiennent et cultivent sur
TFN à treize et vingt heures...".
"Si on relisait vraiment l'histoire de l'ultime demi-siècle de ce pays,
on découvrirait inexorablement l'entreprise de réhabilitation permanente
d'une caste de salopards, du plus petit fonctionnaire au préfet Papon, à
Bousquet et à une bonne partie du fonctionnariat de la réaction et autres
donneurs de leçons sur la moralité en politique. Si on comprenait ce
nettoyage à sec du linge sale national, on regarderait d'un autre oeil.
L'actualité.
La pensée unique.
La criminalisation des oppositions réelles.
De tout ce qui ose dépasser les garde-fous de cette comédie".
***
"Le Gluk n'y avait pas pensé jusqu'alors mais lorsque les pauvres s'écartent
du "doit chemin" plébiscité par la chorale du catéchisme, c'est
qu'ils sont allés au-delà du miroir et qu'ils ont perçu la voie tracée,
imposée, obligatoire. Même si elle n'est pas écrite, si elle n'est pas
peinte sur le sol comme sur le carrelage de Fresnes, elle est bien là
visible dans tous leurs codes, dans leurs dépliants publicitaires, dans
leurs journaux télévisés, dans le scénario immanent du Loft, dans
l'insipide message de l'ordre au quotidien de nos viandes. Au-delà de la
pseudo-liberté des pays "démocratiques", le sens commun est une
terrible dictature qui ne dit déjà plus son nom. Les résistants sont si
peu à se dire ce que soupire au plus profond de lui le vieux rastaquouère
comme une prière psalmodiée : "Je refuse et je sors du rail, je m'écarte
du sacrifice du politiquement correct, de l'autocensure des bonnes manières
et des pensées soumises, humanitaires ou protestataires, électorales et
associatives. Je vogue dans ma coquille de noix vers des rives chaotiques et
grégaires battues par les tempêtes..."".
"La loi est une laisse qu'on porte avant tout dans les lobes du
cerveau. Comme une identification intime"
"Seuls les flics ont le droit de vie et de mort... Dès que quelques
individus mettent en danger la moindre parcelle de pouvoir, dès que leur révolte
ne peut être phagocytée et commercialisée sous un logo quelconque, la réponse
est sans ambiguïté. Ils tirent".
***
"Une seule injustice et je réalise que je ne pouvais vivre qu'en les
combattant, qu'en résistant heure après heure. Cette résistance n'est pas
une simple façon de vivre, la seule possible, mais elle m'emplit de bonheur.
Le rythme du présent reconquis m'offre à nouveau cette joie. La tyrannie du
refus qui dessina ma vie est là en moi pour mes dernières heures. Non, je ne
récidiverai pas pour de l'argent, je ne suis pas un voleur ni ne l'ai jamais
été. Des miséreux volent et c'est bien, pour ma part je n'en ai jamais eu
besoin. Pas plus que je ne récidiverai par vengeance individuelle. Après
trente ans de prison, je veux être encore capable de les affronter, j'agirai
en une ultime démonstration, ils ne nous réduiront jamais, nous sommes plus
forts que la prison, les procès, les juges, les flics, l'infamie de la
calomnie, le venin des plumitifs, les contritions des vaincus, les abjurations
larmoyantes et pathétiques. Pour tout ça et pour le reste, je veux reprendre
les armes".
***
"Ce mot [expropriation] remonte du
passé. Aujourd'hui, ils utilisent le terme de braquage. J'ai beau leur dire
mais, dans l'échange et la banalisation, ils ont perdu l'idée principal, il
ne s'agit pas de reprise individuelle, non, l'expropriation préfigurait déjà
notre but. Nous sommes pour l'expropriation radicale de la classe des voleurs,
ceux qui détournent les bénéfices du travail.... Des mots... des mots...
"classe", "prolétariat", "détournement", il
faut que ce vocabulaire vive toujours en nous. Il le doit car chacun de ses
mots assume sa réalité, si forte aujourd'hui, si dense qu'ils sont comme la
matière agglutinée formant les trous noirs célestes. Ce que les gens
croient absent, obsolète, perdu à des années-lumière dans les
comptines des anciens militants, est là partout autour d'eux et cadence leur
univers infernal. J'étais donc le préposé aux expropriations !".
***
"La soumission n'est pas une fatalité".
***
"... nous n'avons pas d'avenir, nous n'avons que des attentes".
Jean-Marc Rouillan in Glucksamschlipszig, le roman de Gluk.
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