Crise
du logement et droit de propriété à Bruxelles
: le point de vue général d'un Anarchiste[1]
Steve
Ce
sujet de la crise du logement à Bruxelles me donne l'occasion
d'introduire le point de vue anarchiste sur la propriété. En quoi celle-ci est
cause d'inégalité.
LE
POINT DE VUE ANARCHISTE SUR
N’en
déplaise à l’institut Hayek et à ses homologues de l’ultra-libéralisme
les hommes sont égaux en droit. C’est le fondement de nos démocraties. Et le
droit au logement n’y échappe pas. Laisser des gens vivre dans les rues parce
qu’ils n’ont pas de quoi se payer un toit pour se loger c’est les réduire
à une vie animale, cachés au fond d’un réduit comme dans une tanière. Réduits
à l’errance et au vagabondage ils perdent toute dignité. C’est pour éviter
que ne se reproduisent les situations horribles que Victor Hugo a décrites dans
Les Misérables que l’accès au
logement est aujourd’hui considéré comme un droit acquis.
Malheureusement,
dans les faits, les sans abris continuent de pulluler dans nos sociétés démocratiques.
C’est que le droit de propriété introduit de fait une inégalité sociale
entre les individus. Au regard de la loi des hommes, le droit de propriété
rend impossible à des sans abris d’occuper un logement inoccupé. Or, au
regard de la condition humaine, le droit d’occuper est égal pour tous.
La
propriété, pour la majeure partie des citoyens, n’existe qu’en puissance,
comme une faculté dormante et sans exercice. Il s’agit pour eux d’un droit
hors d’accès que même le crédit ne rend pas disponible à tous. La liberté
est un droit acquis dans les mentalités, l’égalité l’est tout autant, la
propriété ne l’est toujours pas.
Cette
inégalité sociale, induite par la propriété, peut être comblée par le
travail diront certains. Dans les idées oui, dans les faits il faudrait que
l’accès au travail, à une source de revenus, soit garantit pour tous. Il ne
l’est pas, seul le revenu minimum est garantit ; ce qui ne donne pas
l’opportunité à tous de devenir propriétaire dans les mêmes conditions.
Les conditions d’accès à la propriété sont entièrement déterminées par
le niveau de revenus, les inégalités de sala ire entraînant une inégalité
dans l’accès à la propriété. Or, la condition sociale n’est pas toujours
le reflet de ses mérites ou de sa juste valeur. Les classes sociales sont
cloisonnées par des us et coutumes qui déterminent entièrement leur condition
d’avenir. A tel point qu’il est aussi difficile pour un individu de changer
de statut social que pour un intouchable de sortir de sa caste. En témoignent
le faible nombre d’élèves inscrits dans les hautes écoles issus d’un
statut social modeste.
La
balance sociale est l'égalisation du fort et du faible ; car, tant qu'ils ne
sont pas égaux, ils sont étrangers ; ils ne forment point une alliance, ils
demeurent ennemis dans une société qui se veut fondé sur l’esprit de cohésion.
Et si certains ne veulent pas d’une égalisation sociale entre le fort et le
faible, le riche et le pauvre, c’est qu’ils tiennent à l’inégalité de
condition. La démocratie telle qu’elle est conçue ne consacre pas l’égalité
sociale mais entretient les inégalités en faisant de la propriété le pilier
de son système. Car si l’homme est fait pour vivre en société, il est fait
pour l’égalité. Et si la propriété s’acquiert par le mérite d’ un
travail honnête on fait du droit au travail et à la propriété un privilège.
Mais qu’est-ce que la justice sans l’égalité des fortunes ? une
balance à deux poids ! Qu’est-ce qu’une société qui détermine la
condition de ses citoyens par leur pouvoir d’achat ? une ploutocratie,
l’oligarchie des riches ! En Belgique, 30 % de la population détient 70
% des richesses nationales [19].
Mais
certains diront, ce qui est la thèse soutenue par les ultra-libéraux, le mérite
consacre le droit de posséder davantage que d’autres. La nature elle-même ne
distribue pas ses dons en proportion équivalente, l’un est plus intelligent,
l’autre plus habile. Il est juste que le mieux adapté s’enrichisse
davantage en proportion équivalente des compétences qu’un autre n’a pas.
Si tout le monde démarrait avec le même capital de départ, l’idée serait
acceptable. Mais à part le capital financier, chaque individu dispose d’un
capital culturel qui est souvent davantage lié à sa condition sociale qu’à
ses facultés propres. Le capital social, les relations, sont aussi un facteur déterminant
dans la réussite d’une carrière. Certains disposent même d’un capital
symbolique, leur réputation. Par exemple, si je suis fils de Monsieur
d’Albert Frère ou de Maurice Lippens, mon capital financier, culturel, social
et symbolique joue à plein à mon avantage. Si je suis fils de Monsieur X mon
capital financier, culturel, social et symbolique est à construire tellement il
est quasi nul au regard du premier.
Cette
segmentation en classes sociales selon les jeux de pouvoir que l’individu
utilise pour améliorer sa position a été introduite par le sociologue
Bourdieu.
Mais
cette vision de la société qui se construit sur les mérites ne fait que
consacrer des inégalités qui n’existent que dans les esprits. Là où les thèses
libérales voient des inégalités naturelles, nous ne voyons que des diversités
de talents qui n’autorisent aucune supériorité de l’un sur l’autre. Au
contraire, si chacun à en vue le bien social, celui de la communauté, il
utilise ses talents pour le bien de tous et non pour son enrichissement
personnel.
Le
projet de l’économie libérale c’est la richesse pour tous, ce qui est un
énorme mensonge. Les richesses naturelles n’étant pas inépuisables, il est
impossible de s’enrichir à l’infini. Et si les richesses sont limitées,
celui qui s’en approprie une large part le fait au détriment des autres. Pour
que les richesses mondiales soient équitablement partagées il faudrait
qu’elles soient divisées par le nombre d’habitants qui couvrent la terre.
Pourtant, sur le plan de l’économie mondiale, force est de constater que la
richesse des uns fait la pauvreté des autres. Normal, une minorité
d’entrepreneurs s’accaparent plus qu’il ne leur est du sous prétexte du
profit.
La propriété introduit de fait l’inégalité sociale entre les individus. C’est s’approprier ce qui appartient à tout le monde que de revendiquer la propriété exclusive d’un bien. La propriété n’est pas un droit naturel, elle est toujours acquise, jamais innée. Et si elle est acquise, elle l’est au détriment d’un autre. Une chose n’appartient pas plus à l’un qu’à l’autre. Tout le monde à droit à la possession d’un bien, non à la propriété exclusive puisqu’elle est prive les autres d’en user selon leurs besoins. Il n’existe que des titres de possession, et pas un titre de propriété.
Nous
sommes pour l’abolition de la propriété parce qu’elle entraînera la fin
de l’inégalité. L’argent reprendrait sa vocation première : fonction
d’échange et non de profit.