De la Tolérance

 

La tolérance serait-elle un aussi grand mal que l’intolérance?

Et la liberté de conscience est-elle un fléau aussi barbare que les bûchers de l’inquisition?

Voltaire

 

Il est dans la tolérance un degré qui confine à l'injure.

Edmond Rostand

 

La tolérance est la vertu du faible.

Sade

 

La tolérance est désormais une notion galvaudée, détournée de son sens étymologique, assimilée au respect de la liberté. Promue récemment au rang de vertu authentique, elle s'est subrepticement substituée à l'estimable concept de libéralisme. L'idée libertaire a des relents d'anarchisme qui font peur, car si tout est permis, où sont les points de repères ? La tolérance au contraire, s'appuie sur une référence, une vérité (sinon une certitude) qui ne cherche cependant pas à s'imposer.

Tolérer quelque chose - voire quelqu'un, signifie supporter, endurer ce, qu'à priori, on aurait les moyens d'empêcher, de contester ou d'exclure, et peut être accompagnée d'excuse, voire de pardon.

Au sens moral, politique ou religieux, elle est l'acceptation d'opinions, de croyances ou de manières d'agir qu'on juge fausses ( ce en quoi la tolérance se distingue de l'indifférence, qui dénote une authentique absence d'intérêt ! On assimile souvent l'indifférence des athées à l'égard du phénomène religieux à un "manque de tolérance" conduisant à le combattre)

Plus encore, la tolérance suggère implicitement une complaisante indulgence, la condescendance ambiguë de l'initié pour le profane, de celui qui détient la vérité pour celui qui se trompe. Elle est par conséquent la miséricordieuse autorisation du fourvoiement, de l'égarement, de l'erreur, la conciliante acceptation de la différence.

Elle implique le renoncement à convaincre ou à contraindre, davantage par impuissance, par lâcheté parfois, faute d'arguments et de possibilités le plus souvent., que par généreuse mansuétude

 Le simple fait de tolérer présuppose la certitude de posséder une vérité, mais de ne pas pouvoir - le plus fréquemment - ou vouloir - plus rarement - l'imposer à l'autre, bien qu'il soit préétabli qu'il se leurre pitoyablement.

Un zeste de mépris, une pincée de charité, des bribes d'hypocrisie, un soupçon de cynisme, un nuage de suffisance, une couche de consentement, voici la composition chimique de la tolérance!

Le concept de tolérance est parfois amalgamé au respect, voire à l'approbation, au consentement, et pourquoi pas avec une nuance d'admiration ? Or, on peut respecter des lieux de culte, des coutumes, des usages, uniquement par égard pour les personnes qui les fréquentent ou les pratiquent, sans pour autant souscrire aux croyances, ni les approuver.

Il est vraisemblable que la tolérance a été idéalisée par rapport à son antonyme, l'intolérance, qui risque de mener au fanatisme, à l'oppression, à la coercition.

 

La tolérance est-elle toujours si honorable qu'on veut bien le dire ?

Se targuer de tolérance pour laisser faire l'inacceptable, les exemples sont nombreux, que ce soit dans le domaine familial (citons entre autre, les méfaits de l'éducation permissive qui tolère des impertinences et des comportements grossiers, sous le fallacieux prétexte de ne pas soumettre l'enfant à des contraintes éducatives), social ( en France, par exemple, l'État laïque qui, par définition, se doit d'être neutre en matière de religion, tolère et subventionne l'enseignement, les édifices religieux, les élus du peuple assistent ostentatoirement à des cérémonies chrétiennes à la moindre occasion, l'État laïque a maintenu les fêtes catholiques, sans réussir à leur substituer des fêtes laïques. S'agit-il de  tolérance, ou de mépris pour les autres confessions, et de subordination des athées ?). Que dire de la Sorbonne ( pour se limiter à la France), où une astrologue obtient en l'an 2000 un titre de Docteur en Sociologie, avec une thèse fumeuse digne de figurer dans des chroniques médiévales ? Les protestations indignées des authentiques scientifiques dénonçant cette imposture, intolérance ou lucidité ? Sans doute, les horoscopes, les signes du zodiaques, ces charmantes superstitions issues de l'antique cosmogonie, sont sûrement tolérables, mais il est indécent de leur accorder un prestigieux titre universitaire. A quand le retour des auspices, augures et aruspices ? Pourquoi pas les résultats des élections dans les tripes de poulet, et le recrutement des employés dans le vol des palombes ?

 La liste serait longue des effets pernicieux de la tolérance, jusqu'aux maisons du même nom, qu'il est vrai, on ne tolère plus dans certains pays, où l'on tolère néanmoins le Minitel rose, les publicités affichées ou télévisées pour une prostitution amplifiée et diffuse, les films pornographiques, les images publicitaires dégradantes qui transforment la femme en un simple objet de consommation.. Où va se nicher la tolérance !

 

Quant à la prétendue tolérance des religions, et tout particulièrement des monothéismes soi-disant révélés, donc totalitaires et intransigeants, c'est une monstrueuse contrevérité !

S'il existe indéniablement des adeptes de chacune de ces religions qui sont individuellement compréhensifs, respectueux des croyances ou non-croyances d'autrui, ce n'est pas grâce à leur religion, mais malgré celle-ci.

Dès lors que chacune est fondée sur la certitude incontestable de détenir la Vérité absolue et définitive, il est logique qu'elle considère les autres comme des mystifications : étant donné que seul, à l'exclusion de tout autre, ce dieu là est l'unique véritable,  il doit s'imposer, en tant que tel, à l'humanité toute entière.

L'évangélisation,  le prosélytisme chrétien, l'alliance avec Yahvé  judaïque (et le sionisme qui en découle), la guerre sainte islamique,  les dogmes irréfutables, l'infaillibilité papale, les diktats des mollahs, ayatollahs, rabbins, ainsi que  les préceptes divers, les prescriptions impératives, les interdits rigoureux, les règles alimentaires, vestimentaires, sexuelles, hygiéniques, la sacralisation des livres, piliers de ces doctrines, sont autant de manifestations de ces certitudes, et ne déterminent strictement aucun concept de liberté.

 Elles ne sont tolérantes que dans le sens primitif du mot, à savoir qu'elles admettent avec plus ou moins de cordialité, de commisération ou d'arrogance le misérable égarement du reste de l'humanité, qui se vautre dans l'illusion chimérique, victime de Satan, ou qui n'a pas eu le privilège de bénéficier de la divine révélation…

Certains  croyants philanthropes qui, eux, sont "tolérants", et voudraient bien que cette valeur soit attribuée à leur religion, développent des arguments touchants et généreux ; il est pathétique de les voir, bien que nimbés de leur intime conviction, tenter de participer à des actions interconfessionnelles, extraire des évangiles les truismes bienveillants du présumé fils de dieu, se prosterner dévotement devant le "Dalaï-Lama-réincarnation", tenter d'innocenter les archaïsmes et les incohérences de l'islam, cherchant même à justifier l'emballage scandaleux des femmes asservies et endoctrinées. Il est clair que c'est Allah qui ne veut pas voir leurs cheveux, qui exige des sexes épilés ( les ravissantes épouses des taliban ont l'obligation de cacher leur visage ainsi que le moindre recoin de leur peau, mais leurs parties génitales ne doivent présenter aucun système pileux, et je me suis laissée dire que les mâles barbus et hirsutes sont tenus d'en faire autant, cela mérite vérification… Allah  a du se fourvoyer lors de la création…, étourdi, va !) C'est dieu aussi qui exige (quelle préoccupation mesquine !) les mutilations sexuelles - excision, circoncision, infibulation -. Encore lui qui, selon les zones géographiques, interdit de manger ceci ou cela…  Autrefois, il exigeait des sacrifices humains, il fut même friand de vierges, par bonheur, il s'est ravisé !

Ayant la chance de vivre dans une démocratie laïque, aucune de ces pratiques ridicules ou barbares ne m'est infligée, je me contente de les examiner, d'en découvrir l'origine.

Les mœurs, les événements, les comportements ou les modes de pensée qui nous sont étrangers ne concernent guère le champ de la tolérance, mais celui de la curiosité. L'entomologiste n'est jamais tolérant, il est observateur neutre.

S'il faut tolérer toutes les inepties du monde, vaste programme !…

 

Personnellement, je refuse d'être considérée comme tolérante.

 Je me proclame simplement libérale, c'est à dire : les autres peuvent manger ce qu'ils veulent, s'habiller comme ils préfèrent (qu'ils ne choisissent pas toujours..),  prier n'importe quelle abstraction, adorer un bout de bois ou une statue,  se raser totalement ou se tonsurer, se faire des trous dans les oreilles ou le nez, se décorer  de dessins indélébiles, brandir une idole, psalmodier des mantras, etc.

Tant qu'aucune de ces  extravagances ne m'est imposée, et ne s'érige en loi incontournable, je ne vois pas pourquoi j'aurais une quelconque volonté de m'y opposer, quels que soient les moyens dont je disposerais !

Je ne peux que les examiner, au mieux les étudier pour essayer de les comprendre, de la même façon que j'observe mon chat, qui pourtant ne fait pas sa toilette intime de la même manière que moi. Peut-on envisager dans ce cas l'idée de tolérance ? Évidemment non !

Je ne propose pas un rosbif saignant  à mon amie juive, ni de la viande à celle qui est végétarienne, ni une choucroute à mes copains marocains. Pas plus qu'un poulet à l'ail à ma mère qui déteste de condiment… mais ce n'est pas du domaine de la tolérance. Ni de leur part, ni de la mienne, dans la mesure où ils ne m'empêcheront jamais de manger moi-même du rôti saignant, du porc ou de l'ail… Il est clair qu'il s'agit d'une autre dimension, celle du respect, de l'amour, et de la prise en compte des goûts ou traditions de l'autre, rien à voir avec la tolérance !

Mais si on prétend me soumettre à des lois, des règles, des contraintes coercitives qui attentent à ma liberté, (à l'exclusion des simples conventions en vigueur dans la société démocratique où je vis, ou des obligations liées à une activité professionnelle),  surtout au nom d'une superstition ou d'un ésotérisme, je me rebelle, j'oppose un refus catégorique.

 

Se pose alors le problème de la subtile frontière entre le refus individuel, et le refus collectif

Jusqu'où va la tolérance ? Où commence la non-tolérance ?

 Le débat  reste ouvert :

-        lutter, par exemple (sujet d'actualité), contre les mutilations sexuelles ou l'enfermement des femmes musulmanes (dont les talibans sont l'exaspération, mais  le voile sur la tête et la dissimulation du corps sont en vigueur dans presque tous les pays musulmans, ainsi que l'interdiction des lieux publics, de certains métiers, etc.) est-ce de l'intolérance ?

-        Est-il légitime  de tolérer, à l'échelle planétaire, la misère et l'ignorance, l'une étant le corollaire de l'autre ?

-        Au nom de la tolérance, faut-il laisser enseigner à des enfants le créationnisme, pratique usuelle non seulement dans la plupart des écoles musulmanes, mais aussi dans certains États des USA[1] ?

- Faut-il encourager et laisser proliférer les sectes ?[2]

-        Faut-il tolérer la fatwa de la suprême autorité religieuse, le Cheikh Abdel Aziz Ibn Baas énonçant en 1995 en Arabie saoudite que "la terre est plate, celui qui déclare qu'elle est sphérique est un athée méritant une punition"?

-        En clair, faut-il continuer  hypocritement à accréditer du nom de "culture"  toutes les ignorances et les obscurantismes ?

 

Il ne s'agit pas de remplacer un totalitarisme (du genre de la fatwa qui précède,  proclamée par un des "marionnettistes" des religions, tel ce Cheikh - dont on peut légitimement douter de la sincérité -, qui manipulent les croyants comme des marionnettes) par un autre, ni de priver l'humanité du merveilleux, du surnaturel, de la dimension "spirituelle" et de cette forme d'espérance dont elle a manifestement besoin. D'autant que, (bien que personnellement cela me paraisse aussi incompatible qu'absurde) la foi en un dieu créateur, en un "au-delà", n'est pas formellement antinomique avec savoir et connaissance. Les juifs et les chrétiens l'ont prouvé : science et foi  peuvent parvenir à cohabiter harmonieusement.

La question n'est pas aujourd'hui la condamnation ou la réhabilitation des religions, mais bien à leur aménagement. L'islam est présentement dangereux, comme a failli l'être le christianisme quelques siècles auparavant, par ses excès, par son application sclérosée. La doctrine fondamentaliste n'est aujourd'hui vivace que grâce à la persistance de l'ignorance, au rejet de la science, et à son hostilité pour la liberté.

Paradoxalement, le dieu des chrétiens a eu l'avantage de créer les hommes libres, et c'est peut-être grâce aux fondements culturels de cette religion, que même ceux qui n'y adhèrent pas, qui ne croient pas, qui n'honorent pas l'idole crucifiée, se conforment plus ou moins à la plus belle invention du monde, les droits et devoirs de l'humanité, presque tels qu'ils sont énoncés  dans "les dix commandements".

L'athéisme que je revendique n'empêche pas de les estimer globalement cohérents - réellement plus efficaces et plus fonctionnels que les cinq piliers de l'islam, car  plus dépouillés d'idolâtrie ou de superstitions.

 Il est édifiant de comparer les 10 interdictions du bouddhisme avec les 10 commandements de la Bible. La loi du Karma inclut 10 interdictions pour une vie saine :

-         ne pas tuer (Fu Se Shô Kaï)

-         ne pas voler (Fu Chû Tô Kaï)

-         ne pas avoir un comportement sexuel anormal (Fu Ni Yo Ku Kaï)

-         ne pas mentir (Fu Mo Yô Kaï)

-         ne pas abuser de nourriture et d’alcool ni consommer de drogue (Fu Ko Shu Kaï)

-         ne pas critiquer ou médire (Fu Se Tsu Kaï)

-         ne pas se comparer aux autres (Fu Ji San Ki Ta Kaï)

-         ne pas être avare ni courir après la richesse (Fu Ken Don Kaï)

-          ne pas être sujet à la colère, à la perte de son contrôle (Fu Shin I Kaï)

-          ne pas avoir être irrespectueux des 3 Joyaux (Fu Bo Sambô Kaï)

 

Bien entendu, aucune de ces prescriptions simplistes ne peut rivaliser avec la déclaration universelle des droits de l'homme - dont la reconnaissance par la planète entière garantirait le bonheur de l'humanité. Splendide utopie !

N'est-il pas pertinent de noter qu'aucune des doctrines antiques, fondées par nos ancêtres sur une conception géocentrique et ethnocentrique du monde, n'a strictement jamais envisagé l'idée de TOLERANCE, et pour cause ? Les sociétés où elles ont été élaborées ignoraient la plupart du temps l'existence de croyances différentes ( ou les tenaient pour abjectes), leur objectif fondamental étant toujours d'éliminer et de remplacer les croyances antérieures en établissant une vérité universelle, impérative, définitive et absolue.

Ce n'est pas parce que l'islam a légiféré sur le statut des "infidèles" qu'il les tolère ! Il s'agissait plutôt d'une simple gestion opportuniste d'une situation provisoire, dans l'attente de la conversion générale, de gré ou de force[3],  des générations futures.

L'absence intrinsèque de tolérance n'est bien sûr pas spécifique à l'islam. Les chrétiens ont persécuté les juifs, les catholiques ont massacré les huguenots, les protestants rejettent le rituel papiste et théophage des catholiques, le terme péjoratif de "païens"  s'applique à tous les humains hors des monothéismes, et nombreux sont les pays où l'athéisme n'est même pas concevable!

Quant au bouddhisme, il est tellement indifférent qu'il ne peut pas être tolérant, ni intolérant : ceux qui ont la malchance de naître, donc de passer une existence humaine dans l'ignorance ou la méconnaissance du bouddha ont simplement un mauvais karma, mais le cycle des réincarnation finira bien par les conduire un jour au nirvâna… Dès lors, la tolérance est sans objet ! Notion totalement inconnue dans des civilisations que les occidentaux croient à tort, "respectueuses", donc tolérantes...

Aberration suprême, il a été évoqué récemment dans des revues aussi prestigieuses que prétentieuses, la prétendue tolérance des religions polythéistes. Absurdité fondamentale ! L'erreur fatale de la civilisation romaine polythéiste, ouverte à tout nouveau dieu (on dirait aujourd'hui : tolérante, par glissement sémantique ) fut précisément de ne pas prévoir que ce dieu des chrétiens, sacrifié par son dieu de père, ce jésus mort pour "sauver l'humanité" ( de quoi, de qui, quand, comment et pourquoi ? Personne ne m'a jamais donné une réponse cohérente depuis deux mille ans…) n'admettrait aucun autre dieu, fut-il aimable et accueillant. C'est ainsi que les sympathiques divinités anthropomorphiques ont du céder la place à un mythe macabre, apologie de la persécution et de la souffrance, et à l'idolâtrie grotesque d'un instrument de torture (pas la guillotine, la "croix", supplice moins radical et plus cruel encore !) ainsi que, dans la secte catholique, à l'adoration de représentations médiévales d'une "vierge-mère", voilée selon les préceptes vestimentaires en vigueur au Vème siècle en occident. Il n'empêche qu'on peut respecter ses icônes ou ses statues qu'en tant qu'œuvres d'art, au même titre que la Vénus de Milo ou le buste d'Apollon.. 

Ce type d'opinion, lapidaire quoique cartésienne, provoque inévitablement chez les adeptes de cette religion une exclusion pour sacrilège blasphématoire, l'esprit critique étant strictement incompatible avec la foi.

 Si mes propos sont dépourvus de tolérance - il n'est en effet pas question que je subisse, supporte, ou soutienne ces croyances, ni que je cherche à les prohiber, quel que soit mon pouvoir – c'est en revanche l'attitude des croyants qui risque fortement d'être connotée d'intolérance ! Une analyse divergente, inacceptable, plus ou moins condamnable, est susceptible  d'entraîner des sanctions, selon les époques et les pays.

Tolérance, oui, mais… jusqu'à un certain point !

Les États-Unis, n'ont-ils pas redouté le marxisme-communisme beaucoup plus en raison de son athéisme qu'en raison de son idéologie anticapitaliste ? Les islamistes fondamentalistes qu'ils ont soutenus et armés leur ont paru moins malsains que les mécréants. (Un état islamique dans les Balkans méritait leur soutien, contre une inquiétante démocratie laïque, avec un président élu sans l'aide de Jéhovah ni d'Allah !)[4]

On assiste en ce début de troisième millénaire (selon le calendrier universalisé par les chrétiens…tiens, tiens ! ) à un étrange consensus des croyants de tous bords, les "beautés" de l'islam sont déclinées dans toutes les publications, avec une hypocrite componction, quelle que soit la conviction initiale de la rédaction. Le contenu sulfureux et pugnace du coran, son immobilisme archaïque et paralysant, qui a étouffé depuis des siècles tout effort scientifique et technique, maintenu des populations entières dans l'ignorance la plus totale, tout cela ne saurait être développé sans que se dresse le spectre de l'intolérance ! La dissimulation, la falsification, c'est le prix à payer pour mériter le prestigieux qualificatif de "tolérant". Pourtant, donner à l'islam le crédit d'Averroès et de tant d'autres pen­seurs illustres, qui passèrent la moitié de leur vie en prison, dans la clandes­tinité, en disgrâce, dont les Livres furent brûlés et dont les écrits furent impitoyablement censurés par l'autorité religieuse, revient à attribuer à l'Inquisition la gloire des découvertes de Galilée et tous les développements scientifiques qu'elle  n'a   pu  réprimer…[5]

Tout se passe comme si la connaissance, le rationalisme, l'athéisme, étaient plus blâmables que l'obscurantisme! Qu'importe le nom du dieu, pourvu qu'il y en ait un, gage de "spiritualité" !

La solidarité des monothéismes pour maintenir la "loi de dieu –  peur du diable" propulse les impies sur le banc des accusés. Tout le monde se déclare tolérant, sauf quelques-uns qui ne croient pas un mot des élucubrations obsolètes de bédouins analphabètes, et dénoncent prudemment les effets pervers de ces religions.

La tolérance est à la mode : elle favorise insidieusement toutes les compromissions et laxismes. Elle bannit l'esprit critique, la démarche rationnelle, la polémique, la contestation, l'objection, l'investigation. Elle sert à cautionner la passivité et l'ignorance.

Elle est mise à toutes les sauces : l'homosexualité, le rap, le clonage, l'avortement, les mosquées, les étrangers, le front national, les rave-parties, rien ne lui échappe, les médias la prêchent continuellement. Mal comprise ou mal appliquée, ou pas du tout pratiquée, je ne saurais trancher, toujours est-il qu'elle n'empêche pas les conflits ! Elle est sollicitée depuis les événements terroristes du 11 septembre par tous les musulmans émigrés. Certes, il faut éviter la théorie de l'amalgame, qui consisterait à attribuer à tous les islamistes, même les plus intégrés, qui ne sont modérés que parce qu'ils ont édulcoré la parole du chamelier-prophète (ils ont "évolué" naturellement, comme les monothéismes précédents ont su le faire, et Allah ne s'en porte pas plus mal… C'est ce que m'a expliqué un ami musulman, pas le moins du monde apostasique ni athée), il serait absurde et anachronique de bouter aujourd'hui l'islam hors de France ou d'ailleurs, mais la plus grande vigilance est de rigueur concernant ses débordements – tant pour les protéger que pour nous préserver.

Que choisir ? (d'abord étudier attentivement le contenu…)

-        La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, la Constitution Américaine, ou la Charia, ou la Thora ?

Pourquoi ne pas leur poser la question ? Même question au israéliens, palestiniens, Macédoniens, Serbes, Tchétchènes, etc.

Pourquoi ne pas avoir le courage de l'affirmer ?

 

A partir du moment où on  privilégie une loi divine, quelle qu'elle soit, la tolérance n'existe plus.

 

 Respecter la différence de pensée ou de comportement, ne pas imposer autoritairement son opinion philosophique, politique ou religieuse, dépasse largement la tolérance. Il s'agit de la revendication fondamentale de liberté, pour soi-même et pour autrui, qui ne tolère aucun compromis.

 

C'est véritablement la définition de la démocratie laïque, concept primordial qui mérite d'être défendu, et dont la remise en cause ne devrait en aucun cas être tolérée !

 

Nicole Janicot

Pour écrire à l'auteur : nicole.janicot@libertysurf.fr

 



[1] ARTICLE PREMIER [Limitation des pouvoirs du Congrès].

Le Congrès ne fera aucune loi relativement à l'établissement d'une religion ou en interdisant le libre exercice; ou restreignant la liberté de parole ou de la presse; ou le droit du peuple de s'assembler paisiblement, et d'adresser des pétitions au gouvernement pour une réparation de ses torts.

 

[2] . Les États-Unis au secours des sectes en France.

 

Les États-Unis se targuent de défendre les Droits Humains dont l'essentiel semble être pour eux la liberté religieuse.

En octobre 1998, William Clinton a promulgué une loi ("International Religious Freedom Act") imposant au "State Department" de surveiller les libertés religieuses à l'étranger et de proposer des sanctions dans les cas les plus graves.

La défense des Droits Humains (qui comprennent la liberté de culte mais ne s'y réduisent pas) est du ressort de l'ONU. Mais les États-Unis préfèrent affaiblir l'ONU le plus possible et occuper le terrain médiatique des Droits Humains sur les créneaux qui les arrangent. Ils cherchent ainsi à faire oublier ce qui se passe dans leurs prisons, où ils enferment un maximum de pauvres considérés comme dangereux sous le prétexte commode de consommation de "drogue", où des femmes accouchent les menottes aux mains, où des condamnés à mort (dans des conditions d'arbitraire flagrantes) voient pendant des années leur exécution reportée de mois en mois mais non annulée.

On pourrait considérer que le droit syndical est encore plus important que la liberté de culte et qu'il devrait être défendu partout dans le monde en priorité.

On pourrait penser de même que le droit des États à l'autosuffisance alimentaire et le droit de tout humain à la santé mériteraient d'être protégés contre les intérêts des multinationales.

Plastronner sur la défense du droit à la liberté religieuse (c'est à dire, soyons clairs, à la diffusion de superstitions diverses, toutes nocives à des degrés divers) permet de faire l'impasse sur la nécessaire défense d'autres droits, beaucoup plus vitaux, mais qui s'opposent aux intérêts des rentiers états-uniens.

 

Un rapport établi au titre de cette loi a été présenté le 9.9.1999 (il est disponible sur Internet; explorer à partir de  http://secretary.state.gov/www/briefings/statements/1999/ps990907.html).

Il reprend un rapport de l'OSCE présenté à Vienne le 22.3.1999, qui s'appuyait lui même sur un rapport contesté de la "Fédération Helsinki des Droits de l'Homme", (voir Réseau Voltaire, note 198 du 15.4.1999; ce rapport est également disponible sur Internet).

Tous ces rapports sont fondés sur les témoignages d'avocats des sectes ("avocats" au sens judiciaire) ou de "sociologues" tels M. Introvigne (qui sous couvert d'études des "nouveaux mouvements religieux" s'avère être un promoteur des sectes les plus réactionnaires; voir l'excellent site de R. Gonnet: http://home.worldnet.fr/gonnet.)

Ces rapports font état de réelles violations des Droits Humains en Chine, en Afghanistan, en Birmanie etc..., dont il n'est pas question de nier la gravité.

Mais, à côté, la France, la Belgique et l'Allemagne y sont violemment critiquées pour leurs actions contre les sectes. Les commentaires qui suivent concernent le chapitre du rapport du 9.9.1999 au "State Department" relatif à la France (on le trouve à partir de l'URL ci-dessus; la note 204 du Réseau Voltaire du 1.10.1999 en publie la traduction française intégrale).

 

Ce rapport commence par toutes sortes de confusions et d'approximations concernant les associations régies par la loi de 1901 (nommées à tort "culturelles") et les associations cultuelles définies par la loi de 1905. Il s'intéresse en particulier aux questions fiscales (qui sont -- un hasard ? -- une préoccupation majeure des sectes telles que la Scientologie).

Mais l'essentiel est consacré aux sectes ("cult" en anglais), que le rapport considère comme des groupements purement religieux, en "oubliant" les motivations financières de leurs activités. Il ne se préoccupe guère du danger des pseudo-thérapies que certaines proposent.

Il proteste contre le rapport parlementaire de 1995 qui a identifié nommément 173 sectes dangereuses, et contre la "Mission interministérielle de lutte contre les sectes", qu'il présente comme une nouvelle Inquisition.

Il semble se soucier tout spécialement des Témoins de Jéhovah et de l'"Église" de Scientologie (qui ont beaucoup de poids aux États-Unis). Bizarrement, il consacre plusieurs paragraphes aux misères qu'aurait subies certain "Institut Théologique de Nîmes" (cartes de crédit refusées et autres babioles).

Il cite les affaires de foulards islamiques dans les écoles publiques et les exclusions comme des mesures d'intolérance religieuse, et semble considérer favorablement les avis laxistes du Conseil d'État.

Un détail montre la légèreté du rapport, pour ne pas dire ses motivations cachées: il cite le procès Papon, qui n'a rien à voir avec l'intolérance religieuse, ni actuelle évidemment, ni passée car les déportés ne l'étaient pas pour leur pratique religieuse mais sur la base de leurs antécédents familiaux. On peut lire également :

"The annual National Consultative Commission on Human Rights report on racism and xenophobia of Mrch 1998 confirmed a downward trend in the number of threats or attacks against jews since 1992; a total of threats and 3 acts of violence in 1997 compared with 90 and 1 in 1996 respectively."

 Autrement dit, les rédacteurs ne se soucient guère des africains, des maghrébins et des autres, qui sont les victimes principales du racisme en France mais des seuls Juifs!

 

[Le 18.6.1999, le Congrès des États-Unis a cherché à faire rejeter par l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe la recommandation 1412, finalement adoptée, pourtant bien molle sur la lutte contre les sectes, mais il considérait qu'elle favorisait les religions établies au détriment des "nouveaux mouvements religieux"..]

D'après la note 204 du Réseau Voltaire

[3] Djihad (ou jihad)

Contrairement à une opinion répandue, ne signifie pas "guerre sainte" au sens littéral du terme, mais "effort" que l'on produit sur soi-même, en vue d'un perfectionnement moral et religieux. Collectivement, il se transforme en effort pour étendre, s'il le faut par les armes, la terre d'islam ou répondre à une agression extérieure. Ce sont les oulémas (savants de la religion musulmane) qui ont seuls le pouvoir d'ordonner la djihad, dans des conditions de décision précises. La djihad est précisément considérée avec beaucoup de précaution par les docteurs de la loi. Mais elle occupe une place essentielle dans l'idéologie et la phraséologie des groupes islamistes fondamentalistes et radicaux, qui invoquent son nom contre les "infidèles", les pays occidentaux (chrétiens) ou même les régimes musulmans modérés. La guerre sainte ne nécessite qu'un nombre suffisant d'adultes mâles (les moudjahidin, "combattants du djihad au nom d'Allah") y participant avec une chance raisonnable de succès. S'ils y trouvent la mort, ils peuvent accéder directement au paradis. Notons que le Prophète a interdit de répandre le sang d'autres musulmans, et que pour les chiites, la guerre sainte est théoriquement illicite avant le retour de "l'imam caché" (le douzième imam).

 

[4] "Intelligence" et bombardements.

 

En matière de renseignement ("intelligence" en anglais!), un dossier récent du Nouvel Observateur à révélé que les Etats-Unis (avec l'aide des pays du Commonwealth) se dotaient des moyens de surveiller toutes les communications téléphoniques par satellites et tous les courriers électroniques. D'où une suprématie militaire mais aussi diplomatique et industrielle.

 

En matière militaire, les guerres du Golfe et du Kosovo ont été imposées toutes les deux par les États-Unis, et présentées aux européens comme des croisades au nom du Bien (les adversaires étant présentés comme des émules de Hitler!). En Irak il y avait du pétrole à défendre et au Kosovo il s'agissait de démontrer la suprématie écrasante, tant militaire que diplomatique des États-Unis sur l'Europe. Ce qui fut fait, avec succès.

Tout cela a été masqué sous la bannière d'une croisade, et les opinions publiques, savamment manipulées au moyen d'images bien cadrées, ont tout gobé. Est-il besoin de rappeler les déluges d'insultes qui se sont abattus sur les rares intellectuels qui se refusaient à suivre? (Il faut ici rendre hommage à N. Chomsky, voir ses livres et son article du Monde Diplomatique de fin 1999, et rappeler que les États-Unis ont "conseillé" l'armée indonésienne dans sa lutte contre le Timor.)

Encore une fois, et comme dans le cas de la liberté religieuse, les États-Unis défendent leurs intérêts en se présentant comme les Chevaliers de la Justice et du Bien.

[5] Abii Bahr Mziha,-nmad B. Zahariya al Razi (865- 925)

Al Razi fut peut-être le plus grand libre penseur de tout l'islam, le Rha­zes de l'Europe médiévale (ou le Razîs de Chaucer).  Son prestige et son autorité sont restés sans rival jusqu'au XVIIème siècle, Meyerhof l'appelle aussi "le plus grand physicien de l'islam et l'un des plus grands physiciens de tous les temps", tandis que pour Gabrieli, il demeure les plus grand rationaliste agnostique du Moyen Age, aussi bien en Europe qu'en Orient.  Al Razi est né à Ray, près de Téhéran.  Il y étudia les mathématiques, la philosophie, l'astronomie, la littérature et peut-être l'alchimie. Il est possible qu'al Razi ait profité de l'enseignement d'un personnage mal connu, Eranshahri, qui, selon al Biruni, « ne croyait en aucune des religions qui existaient alors, mais était le seul adepte de la religion qu'il s'était inventé et qu'il avait essayé de répandre ». Eranshahri a donc très bien pu influencer le même rejet de toute religion chez al Razi, ainsi que nous allons le voir.  A Bagdad, al Razi étudia la médecine, Bagdad était alors un grand centre d'études et al Razi put fréquenter des bibliothèques et des hôpitaux très bien équipés, dont un qu'il dirigerait par la suite.

 

On crédite al Razi d'au moins deux cents ouvrages qui, à l'exception des mathématiques, couvrent une grande variété de sujets, Sa grande œuvre est une énorme encyclopédie, Al Hawi, sur laquelle il a travaillé pendant quinze, ans.  Elle fut traduite en latin en 1279.  La lecture des registres sur lesquels il notait minutieusement les progrès de ses patients, leur maladie et les résultats de leurs traitements montre qu'Al Razi était un empiriste consciencieux, pas du tout dogmatique.  Son ouvrage sur les maladies contagieuses, entre autres la variole et la rubéole, est probablement le premier du genre. Il est basé sur ses propres observations et ne néglige aucun symptôme  : pouls, respiration, etc.  Il écrivit sur de nombreux sujets médicaux : maladies de  la peau et des articulations, diètes, fièvres, poisons, etc.

 

Son approche de la chimie est empirique.  Ayant horreur du charabia ésotérique, dont on entourait ce sujet, il se limitait au contraire à "la classification des substances et des processus aussi bien qu'à l'exacte description de ses expériences".  En cela, il fut peut-être le premier vrai chimiste par opposition aux alchimistes.  Son grand principe philosophique était que nul n'est au-dessus de la critique.  Dans tous les domaines auxquels il s'intéressait, il remettait en question l'autorité reconnue et les idées reçues. Le respect et la grande admiration qu'il éprouvait pour les grands maîtres de l'antiquité, Socrate, Platon et Aristote, Hippocrate et Galien, n'altérait en  rien sa lucidité :

Il n'hésite pas à modifier leurs conclusions philosophiques s'il pense en savoir plus, ou à enrichir la somme des connaissances médicales de ce qu'il a découvert par ses propres observations, Toutes les fois qu'il  traite une maladie particulière, il commence par résumer tout ce qu'il peut trouver dans les documents grecs et indiens, et dans les travaux de médecins  arabes antérieurs. Invariablement,  il exprime ses propres opinions et son jugement; jamais il n'adhère à une autorité comme telle.

                                     (Walzer  : Greek into Arabic, Oxford 1962)

 

En véritable humaniste, al Razi a une foi illimitée en la raison humaine Dans La Physique de l'Esprit, il écrit :

Le Créateur (loué soit son nom) nous accorder et nous donna la raison pour que nous puissions atteindre par elle tous les avantages qui résident dans sa nature, dans ce monde et dans le futur.  C'est la plus grande bénédiction du Dieu et il n'est rien d'autre qui la surpasse pour nous procurer avantages et profits.  Par la raison, nous sommes préférés à l'animal irrationnel (... ) Par la raison, nous atteignons tout ce qui peut nous élever, adoucir et embellir notre vie et, par elle, nous pouvons atteindre notre but satis­faire nos désirs.  Car par la raison nous avons compris la fabrication et la manœuvre des navires, de telle sorte que nous avons atteint des terres éloignées.  Par elle, nous avons fait la médecine  et ses nombreuses applications  pour le corps, ainsi que tous les autres arts qui nous profitent. (...) Par elle, nous connaissons la forme de la Terre et du ciel, les dimensions du Soleil, de la Lune et d'autres étoiles, leur distance et leur mouvement…

 

Al Razi refuse le dogme Islamique de la création ex nihilo :  Le monde fut créé à  un moment précis, mais non pas du néant.  Il croit seulement en l'existence de principes fondamentaux : le Créateur, l'âme, la matière, 1e temps et l'espace.

 « L'âme ignorante désirait la matière.  Dieu, pour soulager sa misère, a créé le monde, 1'unissant à la matière, mais Il lui donna aussi l'intelligence, pour lui enseigner qu'elle ne serait finalement délivrée de ses souffrances qu'en mettant fin à son union avec la matière. Quand l'âme l'aura compris, le monde disparaîtra »

 AI Razi semble aussi contester le dogme de l'unité de Dieu, « qui ne pourrait pas supporter d'être associé à n'importe quelle âme éternelle, matière, espace ou temps. »

Dans La Physique de l'esprit, Razi réussit à ne pas citer une seule fois ni le Coran, ni les paroles du Prophète (alors que c'était l'habitude dans de tels ouvrages), ni aucune doctrine de l'islam.  Arberry décrit son attitude comme un agnosticisme tolérant et un hédonisme intellectuel, « Bien que son affiliation à la philosophie classique soit évidente, elle reflète de façon très caractéristique les conceptions du gentleman perse cultivé. »

Il plaide pour la modération, désapprouve l'ascétisme, recommande le contrôle de la pas­sion par la raison et, sous l'influence du Philebus de Platon, développe sa théorie du plaisir et de la souffrance, « Le plaisir n'est pas quelque chose de positif, mais simplement le résultat du retour à la normale des conditions qui avaient causé la douleur, »

Sur la vie après la mort, il réservait son jugement.  Comme Épicure, il essayait d'apaiser sa peur de la mort par la raison.  Son attitude vis-à-vis de la mort est résumée dans un poème qu'il écrivît à un âge avancé :

En vérité je ne sais pas -

Et la vieillesse s'est déjà emparée de mon cœur

Et m'a soufflé que le jour approche où je devrai partir -

je ne sais pas où j'errerai et où mon âne,

Après s'être libérée de ce corps inutile,

Résidera quand je serai mort -.

 

C'est comme une bouffée d'air pur après les certitudes dogmatiques d'Al Ghazali et ses images pathologiques des tourments de l'enfer !

A la différence d'Al Kindi, Razi ne voit aucune possibilité de réconcilier philosophie et religion.  Ceci lui a valu d'être unanimement condamné pour blasphème.  Ibn Hazm, Nasir -i- Khusrau, al Kîrmanî et même al Biruni se sont joints au chœur des reproches.  Dans deux œuvres hérétiques, dont une semble avoir influencé les philosophes européens, De Tribus impostoribus, Al Razi laisse libre cours à son hostilité contre les religions révélées. Le livre hérétique d'al Razi, Sur les Prophéties, a été perdu, mais on sait qu'il y affirmait que la raison est supérieure à la révélation, et que le salut n'est possible que par la philosophie.

 

Le second ouvrage hérétique d'al Razi est en partie connu au travers des réfutations d'un auteur ismaélien.  On comprendra toute son audace en exa­minant, avec l'aide de Kraus, Pines et Gabrieli, ses principales thèses :

üTous les hommes sont naturellement égaux et également doués d'une raison qui ne doit pas disparaître au profit d'une foi aveugle, Par ailleurs, la raison permet aux hommes de percevoir les vérités scientifiques de façon immédiate.

ü Les prophètes, ces boucs à longues barbes, ne peuvent pas pré­tendre à une quelconque supériorité intellectuelle ou spirituelle.  Ils préten­dent apporter un message de Dieu, se fatiguent à dégoiser leurs mensonges et veulent imposer aux masses une obéissance aveugle aux « paroles du maître ».

ü Les miracles des prophètes sont des impostures, basées sur des supercheries, et les histoires qu'on raconte à leur propos ne sont que des mensonges.  Leur duperie est évidente dans le fait qu'ils se contredisent tous, l'un affirme ce que l'autre renie, et cependant tous prétendent être les seuls dépositaires de la vérité.  Ainsi le Nouveau Testament contredît la Torah et le Coran abroge le Nouveau Testament.

ü Quant au Coran, il n'est qu'un ramassis de fables absurdes qui se contredisent et que l'on estime de façon ridicule comme inimitable, alors que son style, sa langue et son éloquence tant vantés sont en fait loin d'être parfaits.

ü Les habitudes, la tradition et la paresse intellectuelle poussent les hommes à suivre aveuglément leurs chefs religieux.

ü La religion a été la seule cause des guerres sanglantes qui ont ravagé l'humanité.

ü Les religions ont été résolument hostiles aux spécula­tions philosophiques et à la recherche scientifique.

ü Les soi-disant Écritures Saintes n'ont aucune valeur et ont fait plus de mal que de bien, alors que « les traités des anciens tels que Platon, Aristote, Euclide et Hippocrate ont rendu de plus grands services à l'humanité».

 

Les personnes qui évoluent autour des chefs religieux sont des faibles d'esprit, des femmes ou des adolescents.  La religion étouffe la vérité et entretient l'hostilité.  Si un livre peut prouver par lui-même qu'il constitue une démonstration de la vraie révélation, alors les traités de géométrie, d'astronomie, de médecine et de logique peuvent y prétendre mieux encore que le Coran, dont la seule beauté littéraire, niée par Razi, est, pour les musulmans orthodoxes, la preuve de la vérité de la mission de Muham­mad".

 

En matière de philosophe politique, al Razi croit que l'on peut vivre dans une société policée sans être terrorisé par la loi religieuse ni subir la répression des prophètes, Les préceptes de la loi coranique telle que la prohibition du vin, ne le troublait certainement pas.  C'était, comme on l'a déjà remarqué, à travers la philosophie et la raison humaine que la vie de l'homme pouvait être améliorée, mais non par la religion.  Finalement, Al Razi croyait au progrès scientifique et philosophique ; les sciences progressaient de génération en génération.  On devrait garder un esprit ouvert et ne pas rejeter les observations empiriques simplement parce qu'elles ne s'inscrivent pas dans des systèmes déjà établis.  Ses propres contributions à la science seraient inéluctablement dépassées par un esprit encore plus puissant que le sien.  Il ne fait aucun doute, au regard de ce qui précède, que sa critique de la religion fut la plus violente de tout le Moyen Age, aussi bien en Europe que dans l'Islam.  Ses écrits hérétiques ne furent guère lus et n'ont pas été conservés.

Malgré cela, ils témoignent d'une culture et d'une société remarquablement tolérants qui fait défaut, ailleurs et en d'autres temps.


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