Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen - 1793
Le peuple français,
convaincu que l'oubli et le mépris des droits naturels de l'homme sont les
seules causes des malheurs du monde, a résolu d'exposer dans une déclaration
solennelle ces droits sacrés et inaliénables, afin que tous les citoyens
pouvant comparer sans cesse les actes du gouvernement avec le but de tout
institution sociale, ne se laissent jamais opprimer, avilir par la tyrannie ;
afin que le peuple ait toujours devant les yeux les bases de sa liberté et de
son bonheur; le magistrat la règle de ses devoirs ; le législateur l'objet de
sa mission.
En conséquence, il
proclame, en présence de l'Etre suprême, la déclaration suivante des droits
de l'homme et du citoyen :
Article premier. - Le but
de la société est le bonheur commun.
Le gouvernement est institué
pour garantir à l'homme la jouissance de ses droits naturels et
imprescriptibles.
Article 2. - Ces droits
sont l'égalité, la liberté, la sûreté, la propriété.
Article 3. - Tous les
hommes sont égaux par la nature et devant la loi.
Article 4. - La loi est
l'expression libre et solennelle de la volonté générale; elle est la même
pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ; elle ne peut ordonner
que ce qui est juste et utile à la société ; elle ne peut défendre que ce
qui lui est nuisible.
Article 5. - Tous les
citoyens sont également admissibles aux emplois publics. Les peuples libres ne
connaissent d'autres motifs de préférence, dans leurs élections, que les
vertus et les talents.
Article 6. - La liberté
est le pouvoir qui appartient à l'homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux
droits d'autrui : elle a pour principe la nature; pour règle la justice; pour
sauvegarde la loi ; sa limite morale est dans cette maxime: Ne fais pas
à un autre ce que tu ne veux pas qu'il te soit fait.
Article 7. - Le droit de
manifester sa pensée et ses opinions, soit par la vole de la presse, soit de
toute autre manière, le droit de s'assembler paisiblement, le libre exercice
des cultes, ne peuvent être Interdits.
La nécessité d'énoncer
ces droits suppose ou la présence ou le souvenir récent du despotisme.
Article 8. - La sûreté
consiste dans la protection accordée par la société à chacun de ses membres
pour la conservation de sa personne, de ses droits et de ses propriétés.
Article 9. - La loi doit
protéger la liberté publique et individuelle contre l'oppression de ceux qui
gouvernent.
Article 10. - Nul ne doit
être accusé, arrêté ni détenu, que dans les cas déterminés par la loi et
selon les formes qu'elle a prescrites. Tout citoyen, appelé ou saisi par
l'autorité de la loi, doit obéir à l'instant ; il se rend coupable par la résistance.
Article 11. .- Tout acte
exercé contre un homme hors des cas et sans les formes que la loi détermine,
est arbitraire et tyrannique ; celui contre lequel on voudrait l'exécuter par
la violence a le droit de le repousser par la force.
Article 12. - Ceux qui
solliciteraient, expédieraient, signeraient, exécuteraient ou feraient exécuter
des actes arbitraires, sont coupables, et doivent être punis.
Article 13. - Tout homme étant
présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé
indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour
s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.
Article 14. - Nul ne doit
être jugé et puni qu'après avoir été entendu ou légalement appelé, et
qu'en vertu d'une loi promulguée antérieurement au délit. La loi qui punirait
les délits commis avant qu'elle existât serait une tyrannie; l'effet rétroactif
donné à la loi serait un crime.
Article 15. - La loi ne
doit décerner que des peines strictement et évidemment nécessaires: les
peines doivent être proportionnées au délit et utiles à la société.
Article 16.- le droit de
propriété est celui qui appartient disposer à son gré de ses biens, son
travail et de son industrie.
Article 17.- Nul genre de
travail, de culture, de commerce ne peut être interdit à l'industrie des
citoyens
Article 18. - Tout homme
peut engager ses services, son temps; mais il ne peut se vendre, ni être vendu;
sa personne n'est pas une propriété aliénable. La loi ne reconnaît point de
domesticité ; il ne peut exister qu'un engagement de soins et de
reconnaissance, entre l'homme qui travaille et celui qui l'emploie.
Article 19. - Nul ne peut
être privé de la moindre portion de sa propriété sans son consentement, si
ce n'est lorsque la nécessité publique légalement constatée l'exige, et sous
la condition d'une juste et préalable indemnité.
Article 20. - Nulle
contribution ne peut être établie que pour l'utilité générale. Tous les
citoyens ont le droit de concourir à l'établissement des contributions, d'en
surveiller l'emploi, et de s'en faire rendre compte.
Article 21. - Les secours
publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens
malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens
d'exister à ceux qui sont hors d'état de travailler.
Article 22. - L'instruction
est le besoin de tous. La société doit favoriser de tout son pouvoir les progrès
de la raison publique, et mettre l'instruction à la portée de tous les
citoyens.
Article 23. - La garantie
sociale consiste dans l'action de tous, pour assurer à chacun la jouissance et
la conservation de ses droits ; cette garantie repose sur la souveraineté
nationale.
Article 24. - Elle ne peut
exister, si les limites des fonctions publiques ne sont pas clairement déterminées
par la loi, et si la responsabilité de tous les fonctionnaires n'est pas assurée.
Article 25. - La
souveraineté réside dans le peuple; elle est une et indivisible,
imprescriptible et inaliénable.
Article 26. - Aucune
portion du peuple ne peut exercer la puissance du peuple entier; mais chaque
section du souverain assemblée doit jouir du droit d'exprimer sa volonté avec
une entière liberté.
Article 27. - Que tout
individu qui usurperait la souveraineté soit à l'instant mis à mort par les
hommes libres.
Article 28. - Un peuple a
toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération
ne peut assujettir à ses lois les générations futures.
Article 29. - Chaque
citoyen a un droit égal de concourir à la formation de la loi et à la
nomination de ses mandataires ou de ses agents.
Article 30. - Les fonctions
publiques sont essentiellement temporaires ; elles ne peuvent être considérées
comme des distinctions ni comme des récompenses, mais comme des devoirs.
Article 31. - Les délits
des mandataires du peuple et de ses agents ne doivent jamais être impunis. Nul
n'a le droit de se prétendre plus inviolable que les autres citoyens.
Article 32. - Le droit de
présenter des pétitions aux dépositaires de l'autorité publique ne peut, en
aucun cas, être interdit, suspendu ni limité.
Article 33. - La résistance
à l'oppression est la conséquence des autres droits de l'homme.
Article 34. - Il y a
oppression contre le corps social lorsqu'un seul de ses membres est opprimé. Il
y a oppression contre chaque membre lorsque le corps social est opprimé.
Article 35. - Quand le
gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et
pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus
indispensable des devoirs.
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