Marquis de Sade
(1740 - 1814)
Donatien-Alphonse-François de Sade naît à Paris le 2
juin 1740. Il est le descendant d'une vieille et prestigieuse famille de
l'aristocratie de Provence. A 14 ans, il entre dans une école militaire réservée
aux fils de la plus ancienne noblesse et, sous-lieutenant un an plus tard,
participe à la guerre de Sept ans contre la Prusse. Il y brille par son
courage, mais aussi par son goût pour la débauche. Revenu, en 1763, avec le
grade de capitaine, il fréquente les actrices de théâtre et les courtisanes.
Son père, pour y mettre fin, cherche à le marier au plus vite.
Le 17 mai 1763, il épouse Mlle de Montreuil, de
noblesse récente, mais fortunée. Il ne s'en assagit pas pour autant et fait,
dans la même année, son premier séjour en prison pour "débauches outrées".
En 1768, il est à nouveau incarcéré six mois pour avoir enlevé et torturé
une passante. Il donne fêtes et bals dans son domaine provençal de La Coste,
voyage en Italie, notamment avec sa belle-sœur, dont il s'est épris. A
Marseille, en 1772, il est accusé d'empoisonnement (il avait en fait distribué,
lors d'une orgie, des dragées aphrodisiaques à quatre prostituées qui avaient
rendu malade l'une d'entre elles) et doit s'enfuir en Savoie. Condamné à mort
par contumace, il est arrêté, s'évade, puis cinq ans plus tard (au cours
desquels il alterne voyages et scandales), il est arrêté à Paris où il était
venu régler ses affaires à la suite du décès de sa mère.
Malgré les interventions de sa femme, il va passer cinq
années dans le donjon de Vincennes, écrivant pièces de théâtre et romans
pour tromper son ennui, avant d'être transféré à la Bastille où il commence
la rédaction des Cent vingt journées de Sodome (1785) puis, deux ans
plus tard, Les infortunes de la vertu et Aline et Valcour. En
juillet 1789, dix jours avant la prise de la bastille, il est transféré à
Charenton, dans un asile de fous. Il doit abandonner sa bibliothèque de six
cents volumes et ses manuscrits.
Il recouvre la liberté, accordée à toutes les
victimes de lettres de cachet, en 1790. Sa femme, lasse de ses violences,
obtient la séparation. Ses deux fils émigrent. Pour survivre dans le Paris révolutionnaire
- ses biens, en Provence, ont été pillés et mis sous séquestre - il cherche
à faire jouer ses pièces, se lie avec une jeune actrice, Marie Constance
Quesnet, qui lui restera fidèle jusqu'au bout. Justine ou les malheurs de la
vertu est publié - anonymement - en 1791.
Pour faire oublier ses origines nobles, il milite dans
la section révolutionnaire de son quartier. Mais son zèle n'est-il pas assez
convaincant ? Fin 1793, il est arrêté et condamné à mort. Oublié dans
sa geôle à la suite d'une erreur administrative, il échappe à la guillotine
et est libéré en octobre 1794.
Vivant chichement - ses seuls revenus sont ses écrits -
il publie en 1795 La philosophie dans le boudoir, Aline et Valcour,
La nouvelle Justine et Juliette (Justine et Juliette sont deux sœurs,
l'une incarnant la vertu, l'autre le vice, qui subissent des aventures où la
luxure le dispute à la cruauté). La presse l'accuse d'être l'auteur de
"l'infâme roman" Justine. Il s'en défend maladroitement. En 1801, la
police saisit ses ouvrages chez son imprimeur. On ne lui pardonne pas sa
violence érotique, son « délire du vice », sa pornographie. Sans
jugement, par simple décision administrative, il est enfermé dans l'asile de
fous de Charenton. Il va, qualifié de "fou" mais parfaitement lucide,
malgré ses suppliques et ses protestations, y mourir le 1er décembre
1814 sans jamais retrouver la liberté. Cet esprit libre, sur ses 74 années de
sa vie, en aura passé 30 en prison.
Ses descendants refuseront de porter le titre de
marquis, et il faudra attendre le milieu du XXe siècle pour que son
œuvre, dans laquelle il a ouvert la voie à la psychologie sexuelle moderne,
soit "réhabilitée".