Et la lumière… fut…pour la plus grande gloire de dieu

 

Extrait de "Histoire générale des drogues. Tome 1. De Antonio Escohatado

  La dévotion vaticanesque fut torride au XIIIème siècle :

"Le peuple des montagnes d'Ombrie était prêt à tuer l'ermite saint Romuald pour ne pas eprdre ses os. Les moines de Fossanova, où était mort Thomas d'Aquin en 1247, devant la crainte de voir disparaître les saintes reliques, lui avaient tranché la tête et l'avaient cuit, puis préparé. Durant le temps qu'il fallut pour enterrer le cadavre de sainte Isabelle de Thuringe, une foule de dévôts coupait ou arrachait non seulement des morceaux du linge qui enveloppait son visage, mais aussi ses cheveux et ses ongles, et même des morceaux d'oreille et les tétons de ses seins. A l'occasion d'une fête solennelle, Charles VI de France distribua des côtes de son ancêtre saint Louis à Pierre d'Ailly et ses cousins Berry et Bourgogne et donna une jambe aux prélats qui, comme d'habitude, se la partagèrent après le repas".

Huizinga J. in L'automne au Moyen-Âge

En même temps, sous prétexte de lutter contre les superstitions, le secte vaticanesque proscrivait les remèdes païens à base de plantes et imposait sa médecine scientifique :

"Pour ce mal propre de la rage, sainte Catherine et sainte Quiteria possèdent une grâce spéciale et, en se recommandant à elles par des messes, des offrandes, de généreuses aumônes et des oraisons dévotes, beaucoup de gens ont guéri".

Cité par Ciruelo P. in Reprobacion de supersticiones

A cette même époque, Augustin théorisait à Hipone l'obscurantisme comme vérité scientifique, parce que... divine :

"C'est vanité que d'arborer les connaissances, même [...] réelles, que l'on possède dans l'ordre naturel ; c'est piété que de vous en faire honneur" (Confes. V, 5, 8) et "Tout ce que 'jai compris [...] de l'art de parler et de discuter ,de la géométrie, de la musique et des nombres [...] se tournait non à mon profit, mais à ma perte" (Cof., IV, 16, 30).

Le professionnalisme et le dévouement de la curetaille étaient sans limite quand il s'agissait de… "servir" la parole de dieu :

"Si les mahométans luttaient contre le sommeil pour lire le Coran, la question ne se pose pas pour les chrétiens, loin de là, puisque non seulement il est interdit de lire des livres hétérodoxes mais les Écritures elles-mêmes, si elles ne sont pas commentées par quelque guide spirituel. Le clergé était arrivé à un tel éloignement de sa propre "vérité révélée" que le seul moyen pour lui de se sentir à l'abri des critiques était d'empêcher qu'on lise la Bible. Depuis 1299 déjà, les autorités du sud de la France interdisent "aux laïcs de posséder n'importe lequel des livres qui composent le Nouveau ou l'Ancien Testament[1]". Cette politique sera menée avec une sévérité croissante, prévoyant même la décapitation des hommes et l'enterrement vif des femmes "lorsqu'ils liront, achèteront ou posséderont n'importe lequel des livres interdits par les théologiens[2]", parmi lesquels – avant tout autre – les versions de la Bible en langage courant. Traducteurs et éditeurs, responsables non seulement de consommation mais aussi de trafic, seront menés au bûcher et dans certains cas punis pour régicide, avec un programme des réjouissances comprenant plusieurs jours de supplices, suivis du démembrement et de la crémation des restes[3]. Seule la majesté ecclésiale est autorisée à lire et à exposer la parole divine".

 

[1] Szas Th. S. in La teoligia de la medecina.

[2] Dahms  J. H. in The prosecution of John Wyclyf.

[3] On trouve, par exemple, un récit minutieux de ce genre de supplice dans Foucault.


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