ÊTRE ET RESTER AMÉRINDIEN AU CANADA

En tant que minorité ethnique et culturelle, les Amérindiens se trouvent toujours dans la situation d'un peuple colonisé, et ceci est particulièrement évident dans le Grand Nord canadien. L'écocide, l'ethnocide et le génocide demeurent les grands principes du "développement" capitaliste face auquel les premiers habitants de l'Amérique opposent une philosophie écologique, une éthique de la survie.

Le cimetière des Indiens du lac Babine, à Burns Lako, bourgade des montagnes Rocheuses canadiennes, en Colombie britannique, est situé le long d'une ligne de chemin de fer, aujourd'hui désaffectée, qui reliait Prince George à la côte pacifique. Les tombes sont couvertes de "toits" en bois ou on verre elles sont ornées de fleurs artificielles, et sur les plaques est parfois gravé l'animal-totem du défunt. Les Indiens, ici, sont très pratiquants ; les missionnaires, surtout catholiques, sont venus assez tôt dans la région. Une grande partie de l'histoire de la communauté est lisible sur ce lopin de terre qui n'est pas la propriété des Indiens. On leur vole même leurs morts disent-ils. Les inscriptions révèlent qu'on ne vit pas très vieux, il y a beaucoup d'accidents, volontaires ou involontaires. Trois frères sont morts ensemble et reposent côte à côte ils avaient tous une vingtaine d'années et leur avion s'est écrasé quelque part dans la montagne. Lorna elle avait dix-huit ans, elle s'est donnée la mort d'un coup de fusil de chasse qui l'a décapitée au milieu de la chaussée dans la réserve. La réserve : des maisons en planches serrées les unes contre les autres avec, entre les "pâtés" (les blocks), des chemins de terre qui s'entrecroisent, des enfants morveux et rieurs, nombreux, du linge en ribambelles aux couleurs passées qui sèche, et des chiens efflanqués, eux aussi on quantité ; et, déjà, quelques carcasses d'automobiles et de vieilles machines à laver hors d'usage qui rouillent dans l'herbe autour des maisons.

Dans cette réserve vivent sept cent cinquante Indiens Porteurs. Voici une quinzaine d'années, ils résidaient plus au nord, au bord du lac Babine, chassant et pêchant dans un pays d'eau  et de bois. Ils se sont déracinés et agglutinés, aux limites de la ville, sur une terre qu'une pluie fine et froide transforme souvent en boue. Sont-ils venus de leur gré ou les a-t-on incités ? Aujourd'hui, ils sont là, dans des logements construits à la va-vite, désœuvrés.

Malgré un centre de formation professionnelle où une vingtaine d'indiens apprennent à conduire les camions, à couper le bois, etc., le chômage est endémique, et la plupart des familles dépendent pour leur survie des allocations du welfare un mot que l'on pourrait traduire par "bien-être". Du "bien-être", il n'y en a pas beaucoup ici. Un grand nombre d'hommes passent leurs journées dans les deux bars de la ville ; il y a des rixes, des problèmes avec la police et avec la justice. Même les enfants arrivent parfois ivres à l'école, une école fréquentée presque à 100% par des autochtones et gérée par l'Église catholique. Il y avait eu, lorsque je me trouvais à  Burns Lake, plusieurs tentatives récentes de suicide dans la réserve un homme s'était tiré deux coups de fusil dans le corps, on l'avait sauvé ; une mère de huit enfants avait avalé le contenu d'une bouteille de Lysol, un produit détergent, et elle était morte l'intérieur brûlé.

A pics de trois mille kilomètres de là, sur l'île Manitoulin, dans le Huron, vivent plus de trois mille Indiens Ojibwas. Le décor de la réserve de Wikwemikong ressemble, de façon frappante à celui de la réserve des Porteurs : mêmes maisons en bois ahanées le long des chemins même étalage des dépouilles de la civilisation rouillant, pourrissant dans l'herbe haute. En douze mois, l'année 1976-1977, trente-quatre personnes ont tenté, ici, de mettre fin à leurs jours, sept y sont parvenues...

Entre quinze et trente ans, il y a dix sept fois plus de suicides chez les Amérindiens que pour la moyenne nationale canadienne. Et il y a bien des façons de se suicider, dont beaucoup n'entrent pas dans les statistiques. Il n'est pas rare qu un homme ou une femme, ivre mort, s'assoupisse au bord de la route ; si c'est l'hiver on retrouve son corps gelé le lendemain matin. Cette mort est-elle le suicide de l'Indien ou le crime du Blanc ? Car on peut ainsi aligner les chiffres, tous situent la population autochtone du bas des différentes échelles d'évaluation du bien-être" : l'espérance de vie d'un Amérindien canadien est de vingt ans inférieure à celle de la moyenne nationale ; le taux de mortalité néo-natale est de 60% supérieur à cette moyenne et de six fois celle-ci pour la mortalité post-natale[1], soit 1,72% (Canada : 0,79%) ; les enfants survivants auront une chance sur trois de mourir par accident, empoisonnement ou pour cause de violence (Canada : 9%) ; 60% des Amérindiens, considérés comme indigents, reçoivent des allocations de secours ; 61% perçoivent moins de $3 000 par an ; 32% seulement de ceux qui sont en âge de travailler ont effectivement un emploi, etc.

Lorsqu'on parcourt d'est en ouest le territoire canadien, de Toronto à Vancouver par exemple, suivant l'inévitable route trans-canadienne, on passe, de temps à autre, un panneau indiquant que l'on traverse une réserve indienne : Spanish River, Garden River, Pays Plat Indian Reserve, etc. Certes, le décor change quelque part entre Kenora, dans l'Ontario, et Winnipeg, capitale du Manitoba, la forêt dense laisse progressivement place à la prairie, et, au-delà de Calgary, dans l'Alberta, on atteint les contreforts vallonnés des montagnes Rocheuses, mais, d'un bout à l'autre, les réserves Indiennes - là où vivent environ les deux tiers des
Amérindiens du Canada - présentent un même spectacle auquel tout observateur de bonne foi sera enclin à associer les idées de misère, de pauvreté, de sous-développement, etc.

ÉCOCIDE ET ETHNOCIDE

A Dryden, dans l'ouest de l'Ontario, les usines de pâte à papier de la compagnie Reed évacuent leurs excréments en un petit ruisseau jaunâtre qui se déverse dans la rivière Wabigoon, un mot algonquin qui, ironiquement, signifie quelque chose comme "la rivière des fleurs". L'odeur est épouvantable. En aval, dans la réserve indienne de Grassy Narrows, les gens mangent le poisson qu'ils continuent de pêcher dans les eaux
polluées par la compagnie Reed. Ces eaux contiennent du mercure, un poison lent qui s'accumule dans l'organisme de ceux qui l'absorbent, les poissons, puis les hommes[2]. Il y a déjà assez de mercure dans la rivière pour l'empoisonner cent ans et plus. Des tests effectués en 1976 sur les Indiens de Grassy Narrows et de Whitedog, deux réserves ojibwas, ont montré que trente et un des quatre-vingt-sept cas examinés présentaient des symptômes qui pouvaient être ceux de la maladie de Minamata. Contre l'avis de spécialistes japonais venus sur place, les docteurs canadiens déclaraient que "les symptômes pouvaient être dus à d'autres troubles neurologiques, alcoolisme ou malnutrition, aussi bien qu'à l'empoisonnement par le mercure". Une façon de rejeter sur les
victimes la responsabilité du crime...

L'existence de la maladie est aujourd'hui attestée dans de nombreuses régions du Canada et, tandis que les touristes américains continuent leurs "exploits" à la recherche de la "grosse pièce" qui viendra orner leur salon, c'est un mode de vie tout entier qui est menacé. Le mercure, bien sûr n'est pas la seule cause de pollution. Les Ojibwas de Serpent River, au nord du lac Huron près de la ville minière d'Elliot Lake où l'on extrait l'uranium, se sont vu interdire de boire l'eau de la rivière et l'eau de puits à cause du taux anormal de radioactivité. En de nombreux endroits, au Canada, la pêche a été interdite parce que les eaux contiennent des déchets chimiques dangereux pour l'organisme humain, "produits de la civilisation occidentale en marche vers le progrès et une vie meilleure" (citation d'un journal autochtone).

Cette "marche vers le progrès" se traduit toujours par la dépossession des terres indiennes considérant que des "chasseurs-pêcheurs" ne peuvent pas ou ne savent pas "mettre la terre en valeur". Le dernier grand rapt des terres autochtones au Canada remonte à 1975, date à laquelle les quelque six mille Indiens Cri et quatre mille six cents Inuit du Nouveau-Québec ont abandonné leurs droits sur trois cent mille kilomètres carrés dans la région de la baie James pour permettre la réalisation d'un gigantesque programme d'aménagements hydroélectriques. Outre une indemnité financière importante, les autochtones devaient participer aux bénéfices futurs de I'exploitation des ressources hydroélectriques - une façon de les intégrer, malgré eux, au système capitaliste -   et on leur promettait le développement et l'amélioration des conditions de vie dans leurs communautés. Comment cela s'est-il traduit ?

Partout où ils le peuvent encore, les Amérindiens continuent de pratiquer un mode de vie qui leur convient, vivant dans le bush (la forêt) une grande partie de l'année, chassant et trappant. Mais la construction de barrages et l'inondation des territoires tendent à fixer les résidents dans des villages construits à la hâte où les conditions d'hygiène sont souvent déplorables: pas d'eau courante, pas de tout-à-l'égout et parfois... pas d'électricité! L'eau des puits est contaminée et impropre à la consommation dans les communautés, les cas de gastro-entérites chez les enfants se multiplient. En 1980, huit enfants de moins de deux ans en sont morts. La tuberculose dans les villages autochtones du Nord atteint des chiffres qui ne peuvent être comparés qu'avec ceux des pays "sous-développés".

LA SOCIETE INJUSTE

Depuis quelques années, les autochtones, des missionnaires aussi et quelques hommes politiques accusent les gouvernements canadiens et américains de pratiquer une politique eugénique à l'encontre de leurs minorités, en particulier les Inuit et les Amérindiens. Au Canada, cela touche surtout les communautés isolées du Nord on a remarqué, on effet, qu'une proportion très élevée de femmes autochtones étaient stérilisées pour des raisons prétendument médicales sans en avoir été préalablement informées. Les questions adressées aux autorités, bien que des enquêtes aient été menées, sont restées sans réponse comme toujours. À Repulse Bay, une agglomération inuit de l'Arctique canadien, presque la moitié des femmes en âge d'enfanter sont maintenant stériles. Dans une réserve attikamek du Québec, plusieurs femmes ont récemment déclaré dans des interviews qu'on les avait convaincues, après avoir accouché dans des cliniques blanches, de se faire lier les trompes de Fallope pour éviter d'autres grossesses. Même lorsqu'ils voient le jour, les enfants autochtones peuvent être coupés de leurs racines et être intégrés malgré eux dans une société étrangère. La loi canadienne, comme la loi américaine, permet de placer dans des familles "adoptives" des enfants dont, estime-t-on les parents, pour des raisons diverses, ne sont pas on mesure d'assurer l'éducation. Une forte majorité des enfants concernés par cette politique d'assimilation par "adoption" est autochtone. Et, bien sûr, l'appréciation de la nécessité de séparer ces enfants de leur famille est faite par des Blancs selon des critères de Blancs. Rares sont les cas où des petits Indiens sont confiés, sur une base temporaire ou définitive à des familles amérindiennes.

Élevés par des Blancs, ces jeunes autochtones deviennent des déracinés, des sans-culture, et les statistiques révèlent une liaison très nette entre la destruction des foyers indigènes et la délinquance juvénile. En Alberta, par exemple, 38% des enfants pris en charge par le ministère des Affaires sociales et de la Santé, 44% des pupilles de l'État et 37% des délinquants en probation sont des Amérindiens. Au mieux, ces "petits hommes blancs bronzés", suivant la formule de l'écrivain autochtone H. Cardinal, sont-ils assimilés à la société dominante et perdus pour leur culture. Il s'agit toujours d'une forme de génocide culturel.

Faute de pouvoir subsister dans les réserves, un grand nombre d'autochtones ont été amenés, par choix ou contrainte, à émigrer dans les villes. Certaines cités canadiennes comportent une assez forte proportion d'Amérindiens : Edmonton, Calgary, Regina, Winnipeg, Kenora, Toronto, etc. Sans qualification et en butte à une discrimination et à un racisme larvé ou affiché[3], ils tombent souvent dans une misère plus grande encore comme l'exprime un auteur amérindien: "Les Indiens se trouvent enfermés dans un cercle vicieux de plus en plus profond de pauvreté, de chômage et d'assistance. Forcés à cause du taux de croissance démographique galopant[4] et du déclin des perspectives économiques dans les réserves, à émigrer dans les villes, ils forment là un sous-prolétariat grossissant, plus ou moins en chômage permanent, ou largement sous-payé, totalement rejeté par la société blanche."

Dans les villes plus qu'ailleurs encore, les stéréotypes tiennent lieu de jugement et rares sont les Blancs qui fréquentent les Indiens. Ceux-ci ont leurs bars, comme le Silver Dollar à Toronto, leurs bowlings, etc. 50% de la population amérindienne de Toronto est sans emploi et misère et racisme se conjuguent souvent pour mener l'autochtone dans le seul endroit, hors le musée où il ait une place "logique" dans le système blanc: la prison. Une enquête menée en 1977 dans le secteur métropolitain de Toronto a révélé un grand nombre d'abus de la part de la police envers les Indiens et ce récit de T.Keejick, qui fut chef de la réserve de Grassy Narrows, se passe de commentaires : "Vous voyez ces deux dents qui me manquent sur le devant, c'est ce que j'ai gagné à Kenont. Il y a environ un an, nous étions en train de boire au Lac des Bois, le seul endroit où tes Indiens puissent boire en ville. Comme nous sortions et que nous commencions à descendre la rue, une bande de types blancs nous ont entourés et ont commencé à nous donner des coups de poing. Nous n'avons rien fait, car nous savions que tôt ou tard les flics arriveraient et que si jamais nous commencions à nous défendre, c'est nous autres qu'ils emmèneraient. Vous imaginez cela, se faire tabasser juste parce que vous êtes indiens ? Nous ne pouvons changer notre peau et nos visages. Qu'est-ce qu'on leur a fait ? Au contraire, nous leur avons donné nos terres, la nourriture et tout. Que veulent-ils de plus ?"

  Dans ses mémoires, An Antane Kapesh, femme inuit (Montagnais) du nord du Québec[5], raconte comment un mode de vie ancestral fut transformé par l'intrusion de l'industrie minière dans les territoires de chasse traditionnels. Elle raconte ainsi la "civilisation" : "Une fois, deux policiers municipaux ont blessé mon fils, ils l'ont fait entrer à l'hôpital pour une semaine. Selon toute apparence ils l'ont roué de coups de pied et frappé à la figure : ils lui ont fait une coupure d'environ deux pouces [plus de 5 cm] de long au front. Ils l'auraient battu à l'extérieur du bar puis ils l'auraient amené à l'hôpital. En le conduisant à l'hôpital, avant de le faire entrer les policiers l'ont à nouveau roué de coups de pied (...) Quand mon enfant a eu le front fendu par les policiers, on lui a fait des points de suture. Une fois sa plaie suturée les deux policiers l'ont ramené en prison (...) Après sa sortie de prison mon enfant est parti à pied pour une distance de cinq kilomètres. Selon toute apparence, il devait déjà avoir de la fièvre Quand il est arrivé chez nous, ses vêtements étaient tout tachés de sang, sa figure était tuméfiée, ses jambes pleines d'ecchymoses d'avoir reçu des coups de pied des policiers et sa tête couverte d'enflures."

L'ODYSSEE DES CREE DU LUBICON

La bande des Ce du lac Lubicon, à quelque distance au nord d'Edmonton capitale de la province d'Alberta, offre un exemple démonstratif de ce qui se passe lorsque se trouvent confrontées une société traditionnelle de chasseurs et la civilisation industrielle. Considérant l'histoire récente de cette communauté, nous voyons combien le sort d'un milieu naturel est lié à celui des populations traditionnelles. Les Cree du lac Lubicon malheureusement, ne sont pas des oubliés du progrès. "Oubliés", ils l'ont été lorsque fut signé le traité n°8, en 1899, quand, conformément à sa politique générale, le gouvernement canadien, pour mieux les spolier "attribua" des réserves aux Indiens Castors, Sekani, Chipewyan et Cree d'une grande partie du nord-ouest du pays. N'ayant pas conclu d'accord[6] avec les autorités, les Cree de cette région isolée du nord-ouest de l'Alberta - entre Little Buffalo et le lac Cadotte à l'est de Peace River - considèrent qu'ils sont chez eux, d'autant que, malgré ses promesses, le gouvernement fédéral n'a toujours pas attribué de réserve à cette petite bande de cinq cents membres.

"Être chasseur", ça n'est pas seulement pratiquer un certain type d'économie, c'est une philosophie, l'expression d'un mode d'être et de penser le monde, les autres et soi-même. C'est avec une particulière acuité que les Cree voient le sort de leur culture lié à celui
d'un environnement aujourd'hui très menacé. B.Ominayak, qui est, à trente-sept ans, le chef de la bande, a connu la dégradation extrêmement rapide des conditions de vie de son peuple, et il se souvient : "Je suis né dans la cabane que mes parents avaient construite eux-mêmes ; la vie suivait un cycle. En automne les hommes chassaient, préparant le plus possible de provisions pour l'hiver - mon père, lui, partait dans sa cabane à Bison Lake - à environ cent cinquante kilomètres - y passait trois ou quatre semaines, puis rentrait avec viande et fourrures. Ma mère, quant à elle, séchait et préparait les peaux, et mon père repartait. Ma mère, mon frère et moi étions très souvent seuls. Puis mon tour vint de partir avec mon père. Quand quelqu'un avait tué un élan, il appelait les autres, et on le partageait. En été, on célébrait la danse du thé ; c'était l'occasion de rassembler tous les membres de tous les camps. Tous venaient et participaient à la construction d'une maison pour la danse. Chacun apportait sa peau d'élan ou sa toile, car on vivait encore sous le tipi durant l'été...".

En 1950, la province d'Alberta demanda à Ottawa des précisions sur le statut de la bande des "Lubicon", déclarant que l'administration provinciale était disposée à donner elle-même une réserve aux Indiens Si l'on pouvait distribuer des licences d'exploitation. Faute de réponse des autorités fédérales le feu vert fut donné aux compagnies pour l'exploitation des ressources minières de la région. Mais c'est surtout dans les années 1970, avec la hausse des prix du baril, que les multinationales se ruèrent sur l'or noir et le gaz américains. C'est alors que fut construite une route à travers les terrains de chasse des Lubicon, entre Peace River et Little Buffalo. C'est aujourd'hui soixante-dix compagnies qui se partagent le gâteau Husky Oil, Norcen, Texas Pacific, Mobil Oil, etc. Plus de quatre cents puits ont été creusés dans les alentours de Little Buffalo : "La colonisation est là avec son bazar, ses matricules et ses motels préfabriqués. Sur la route, embouteillages continuels dus aux tracteurs, aux bulldozers, aux équipements d'unités sismiques et de forage. Le parfum des sapins meurt sous les effluves de mazout et de gazoline. Des pompes d'extraction se dressent partout et, partout, se campent des barrages fermés...".

Bien sûr, avec un tel remue-ménage, il n'y a pas que l'odeur des pins à s'être "évaporée", les élans eux aussi ont déserté les territoires de chasse et de trappe traditionnels des Cree. J.Laboucan, soixante et onze ans, trappeur : "Autrefois, j'avais bien du mal à ramener mes peaux sur mon toboggan ; la région était très giboyeuse... Aujourd'hui, je ne ramène
que quelques écureuils vendus un dollar pièce ! Même la viande d'élan va me manquer; j'en suis réduit à manger des conserves !"

Mêmes causes, mêmes effets, les revenus provenant de la chasse sont, pour les Cree du Lubicon, le quart de ce qu'ils étaient voici dix ans et, en sept ans, leur dépendance envers les allocations de "bien-être social" (welfare) est passée de 10 à 95%. Une communauté qui, jusqu'à la fin des années 1970 avait pu vivre autonome, est aujourd'hui totalement dépendante d'une administration étrangère, et, pire encore d'un système opposé à ses traditions, donc à sa survie. Il est clair que l'état colonial considère toujours la "survivance" d'une communauté de chasseurs dans un territoire riche en pétrole comme un "obstacle au progrès". Rien n'a changé depuis que fut lancée la théorie du "destin manifeste" des Indiens...

MALGRÉ LA COLÈRE DES ESPRITS

Puisque, dans le système occidental, l'impératif du développement prime sur toute autre considération il s'agit de créer les conditions concrètes de ce développement; si l'on ne peut - ou ne veut - exterminer ceux qui s'y opposent, on peut les placer dans des conditions telles qu'ils n'ont plus d'autres choix que de devenir, eux aussi, des agents de ce "développement". La Loi de règlement des revendications foncières des autochtones de l'Alaska, passée en 1971 aux États-Unis[7] et la Convention de la Baie James de 1975  ont posé les cadres juridiques de telles politiques. Le gouvernement canadien n'a rien fait d'autre que de relancer le projet d'assimilation des autochtones lorsque fut proposée, en 1969, la "nouvelle politique" indienne - dite aussi "papier blanc" - du Premier ministre Trudeau et du ministre responsable du MAIN Chrétien, et lorsque le parti conservateur a fait passer, en 1977, la Loi n°29 par laquelle, notamment, les réserves indiennes devaient accéder au statut de communes "ordinaires"[8]. Or, la dernière chose que souhaitent les Amérindiens, c'est précisément d'être traités comme des gens "ordinaires" ; ils constituent, disent-ils, des nations distinctes ayant avec le gouvernement canadien des rapports de nation à nation. Ils souhaitent préserver leur originalité culturelle et, pour ce faire, accéder à l'autonomie économique. Telle est bien la position des Cree de Lubicon, par exemple.

En 1981, le gouvernement provincial de l'Alberta, par une déclaration unilatérale, c'est-à-dire sans concertation avec les populations, fit des agglomérations de Little Buffalo et Cadotte Lake peuplées surtout par des Cree de Lubicon, des hameaux provinciaux "ordinaires", en offrant à chaque famille un terrain de quelques hectares. Il s'agissait, vieille pratique coloniale[9] de morceler la propriété collective pour pouvoir en spolier "légalement" et individuellement les Indiens à défaut de pouvoir obtenir une cession collective. Mais, jusqu'ici, la manœuvre a échoué, les intéressés ayant fait front commun pour refuser l'offre des autorités. En outre, depuis 1980, les "Lubicon", comme on les appelle maintenant ont engagé des poursuites judiciaires contre les compagnies pétrolières, visant à interrompre l'exploitation - et la destruction de l'environnement - tant que la question des droits fonciers n'a pas été réglée.

En attendant, le processus de dégradation générale se poursuit Marie-Rose, une "ancienne" (Elder), explique pourquoi elle s'est éloignée de la route : "Avec elle est arrivé n'importe quoi : l'alcool, l'argent, les Blancs. Les jeunes épouses ne savent plus fumer l'élan, et les jeunes en perdent le goût. Ils vont acheter des sucreries parce qu'il n'y a rien d'autre. Avec ça, ils avalent la maladie." Le revenu moyen annuel qui était jusqu'en 1979 de cinq mille dollars est tombé dix ans plus tard à moins de quatre cents dollars. Il arrive aujourd'hui que des femmes quittent leurs maris "économiquement inutiles" pour pouvoir bénéficier des allocations versées aux parents uniques. Les jeunes, démunis de tout point de repère culturel, se lancent dans "de folles courses-poursuites au volant de bagnoles délabrées sur les routes creusées par les compagnies pétrolières" (ibid., p.36). En 1985, six jeunes gens de Little Buffalo ont été - ou "se sont" ? - tués dans un accident de voiture. La tragédie a été durement ressentie par les quelques centaines de membres de la communauté. Mais le pire qu'on puisse faire à un peuple n'est peut-être pas de tuer les gens, c'est de lui voler ses morts. Les jeunes Cree morts ont été emmenés à Edmonton, à six cents kilomètres au sud, pour y être examinés par un médecin-légiste, et les corps n'ont pas été rapatriés...

Pour lutter contre les formes subtiles de génocide, les Cree de Lubicon, à l'initiative de leur chef B. Ominayak, ont décidé, le 4 avril 1986, d'organiser un boycott international des Jeux olympiques d'hiver qui devaient se dérouler à Calgary en 1988. Il s'agissait d'éveiller la conscience des nations à l'injustice dont sont victimes les Amérindiens du Canada et les peuples aborigènes en général,  en s'attaquant à l'hypocrisie d'un symbole universel. Les Cree du lac Lubicon s'adressèrent aussi à tous les musées ethnographiques du monde pour leur demander de ne pas s'associer - par l'envoi d'objets - à une exposition organisée par le Glenbow Institute, un musée qui comprend une très riche collection amérindienne[10], à l'occasion des J.O. de Calgary. Ce sont les mêmes compagnies pétrolières qui menacent la survie économique et culturelle des "Lubicon" qui sponsorisaient la manifestation, selon un principe toujours d'actualité: un Indien vaut beaucoup plus mort, ou dans une vitrine, que vivant.

S'ils recueillirent l'adhésion d'un bon nombre de musées américains et européens, qui refusèrent effectivement de prêter des objets, d'autres, comme le "très respectable" Smithsonian Institute de Washington et le Musée du Vatican, s'associèrent à ce que les Amérindiens considéraient clairement comme une action génocidaire. On le sait, les Jeux olympiques, malgré des intempéries où certains ont pu voir la colère des "esprits", ont bien eu lieu et, cynisme suprême, on a distribué des médailles frappées à l'effigie d'un Amérindien !

RESISTANCE

Depuis ce "grand événement sportif", la tuberculose a sévi chez les Cree du Lubicon, et, en quelques années, on a dénombré dans la communauté plusieurs suicides, six enfants morts-nés, trois accidents mortels sur la route, trois cas d'intoxication mortelle, des épidémies diverses... Au total vingt-six membres de la bande sont décédés de mort non naturelle...
Mais le chef Qminayak et les siens ont atteint l'un de leurs objectifs : porter devant la scène internationale les problèmes des peuples autochtones peuples dont les Cree de ce petit coin d'une province canadienne ne représentent qu'un exemple des plus significatifs. La presse internationale a en effet "couvert" les actions de boycott menées à l'occasion des Jeux par les Indiens du Canada (voir, par exemple, Le Monde, Libération, Le Monde Libertaire, Politis... en France).

Localement, les "Lubicon" ont obtenu le soutien d'une partie de la population non autochtone, et il s'est créé une association des Amis des Lubicon qui les soutient dans leur lutte. Lutte difficile où le gouvernement fédéral jusqu'ici refuse aux Indiens la satisfaction de leur revendication la plus élémentaire : la création d'une réserve de deux cent trente kilomètres carrés, alors même qu'il continue de subventionner outrageusement des compagnies étrangères pour l'exploitation des ressources du sol et du sous-sol (bois, pétrole, gaz...), des terres légitimement revendiquées par les Cree. B.Ominayak, devenu depuis quelques années l'un des symboles de la résistance des peuples autochtones, est convaincu que le but ultime de toutes les politiques reste la disparition pure et simple des sociétés amérindiennes : "La politique du gouvernement depuis le premier jour a été de refuser toute forme d'autonomie aux Indiens, en vue de s'approprier
la terre, les ressources de rééduquer les enfants de façon à ce qu'ils n'aient plus à chasser, de façon à ce qu'on leur apprenne à consommer et à travailler de 9 heures à 5 heures, à parler anglais, à aller à l'église, à regarder la télévision, une absorption culturelle totale (...). Si cela tarde trop, notre peuple sera perdu, même si nous gagnons "juridiquement"."

LES INUIT ET L'OTAN

A quelques milliers de kilomètres a l'est du lac Lubicon, d'autres Amérindiens des Inuit (autrefois appelés Montagnais-Naskapis) du nord-est du Québec, se battent contre le même ennemi : une civilisation technocratique et industrielle qui entend imposer son modèle antinaturel. Ils ont affaire, non seulement aux pelleteuses, aux bulldozers et aux tronçonneuses qui dévastent le sol et la forêt, mais aussi, en l'air cette fois, au nec plus ultra de la technique militaire occidentale : les avions supersoniques des forces de l'OTAN qui ont choisi ces terres supposées vierges du Labrador et de la côte nord (l'estuaire du Saint-Laurent) pour vérifier l'efficacité et la compétitivité de leurs machines à tuer. Ici encore la "civilisation" s'exprime sous ses trois composantes : ethnocide (avec un aspect génocidaire), écocide et génocide..

Dans les années 1950-1960, le développement rapide des ressources minières, forestières et hydroélectriques de la côte nord et de son arrière-pays fut accompagné d'une sédentarisation des derniers groupes de chasseurs nomades de cette région du Québec. "Cette sédentarisation fut favorisée ouvertement par le MAIN qui prévoyait que les Indiens de cette région s'empresseraient de devenir des employés salariés des grandes compagnies exploitant ces ressources, Iron Ore, Wabush Mines, Quebec Cartier Mining, Quebec Iron and Titanium, Quebec North Shore, Rayonnier Québec, Hydro-Québec. La prolétarisation des Montagnais ne se réalisa pas comme prévu cependant.

Il se passa dans ces communautés inuit du nord-est du Québec ce qui se passe partout et toujours quand un état industriel entre en contact avec une société traditionnelle : les Inuit devinrent de plus en plus dépendants d'un système étranger, contraints donc, malgré eux, de participer à ce système : école obligatoire, assistance aux offices religieux, inclusion dans une économie monétaire, etc. Dans le même temps se trouvaient érodées les valeurs traditionnelles, la destruction de l'environnement (écocide) mettant un frein à la pratique des activités ancestrales : chasse, pêche et piégeage (ethnocide). Du coup, c'est toute l'organisation socio-familiale qui s'en trouvait perturbée et ainsi de suite.
La volonté des autorités coloniales d'inclure les peuples autochtones dans le système capitaliste en en faisant des ouvriers s'est heurtée à ses propres contradictions sous la forme d'une récession économique qui a amené la fermeture d'un grand nombre d'entreprises. En bref, les Inuit ont réagi et un anthropologue, auquel nous empruntons une partie de ces données, pouvait conclure, voici peu d'années, à la pérennité de l'économie de chasse traditionnelle  : "Les Montagnais de cette région ont appris progressivement à reconstituer l'équilibre social et culturel de leurs communautés tout en adoptant des pratiques nouvelles. Progressivement aussi ils ont pris en mains certaines de leurs nouvelles institutions : conseil de bande et administration locale, écoles, services sociaux, etc.

 Les Inuit avaient fait la preuve qu'au XXème siècle un mode de vie fondé sur la chasse la pêche et un semi-nomadisme saisonnier était tout simplement, possible, et même souhaitable puisque répondant mieux aux aspirations profondes des communautés. Or, le renouveau et la continuité de cette culture, dont les grands principes sont communs a une grosse partie des Indiens d'Amérique du Nord, se trouvent menacés à nouveau. En 1979, dans le cadre de ses obligations envers l'OTAN, le gouvernement canadien a autorisé les forces aériennes d'Allemagne de l'Ouest et de Grande-Bretagne à utiliser, pour des vols d'entraînement à basse altitude de chasseurs bombardiers, la région environnante de Goose Bay qui présente une topographie analogue à celle de nombreuses régions d'URSS ennemi potentiel."

La base militaire de Goose Bay, dans le Labrador, est située en plein dans les territoires inuit, le Nitassittan, "notre terre", disent les Amérindiens. Les conséquences de ces vols en rase-mottes sont innombrables et elles touchent à la fois l'environnement et les hommes : les troupeaux de caribous, l'une des ressources principales des autochtones, sont perturbés ; la faune en général se raréfie et les rendements de la chasse, du même coup, diminuent, désorganisation socio-familiale, altérations nombreuses de la santé physique et mentale du fait du stress occasionné par les passages bruyants et polluants des avions réactions de panique, problèmes auditifs, perturbation du sommeil, risques cardiaques pour les personnes âgées, un cas de fausse couche, etc.

Les Inuit ont réagi arguant notamment que n'ayant jamais "cédé" leurs terres par un traité quelconque, ils sont toujours les légitimes propriétaires des territoires qu'ils occupent et exploitent. En 1989, plusieurs familles ont occupé la base de Goose Bay, attirant ainsi l'attention internationale sur le problème de la militarisation du Nord canadien. Cela s'est traduit par des arrestations et des emprisonnements et, malgré le soutien de nombreuses organisations internationales (des églises, des syndicats, des associations écologiques et pacifistes, des partis politiques, etc.), et même de la Fédération internationale des droits de l'homme, les forces alliées de l'OTAN envisageaient récemment de multiplier les vols au-dessus du pays inuit...

QUE VEULENT LES AMÉRINDIENS ?

L'analyse d'une presse autochtone en plein essor montre que partout les Amérindiens se battent pour défendre des valeurs et un mode de vie face à un système qui tend à les détruire : l'État industriel et ses exigences de "progrès" et de "développement". Les Inuit (Eskimos) du Grand Nord veulent créer un territoire autonome : le Nunavuu, pour y vivre à leur guise dans le respect de l'environnement. Les Déné des territoires du Nord-Ouest, quasi majoritaires chez eux, luttent depuis vingt ans pour que soient reconnus leurs droits sur ce que les "développeurs", compagnies minières, sociétés pétrolières multinationales, etc., considèrent plutôt comme une "dernière frontière" à conquérir... Symboliquement, un peu partout, les Amérindiens (Déné, Ojibwas, Inuit, Iroquois, etc.) déclarent leur indépendance, manifestant par là un net refus d'intégration à une civilisation dont ils ne perçoivent et ne subissent que les aspects les plus négatifs. "Nous voulons contrôler notre destinée" a déclaré G.Manuel, alors président de la Fraternité des Indiens du Canada, devenue depuis quelques années Assemblée des Premières Nations. Il résumait ainsi une revendication fondamentale qui passe par des exigences qu'on peut ainsi résumer :

1 - Préservation de l'intégrité territoriale ce qui implique que les droits fonciers des peuples autochtones dans et hors des "réserves", garantis et reconnus par des traités et/ou le droit international soient respectés, notamment dans la nouvelle Constitution canadienne[11]. Ces droits s'étendent sur le sol et le sous-sol.

2 - Reconnaissance, par les gouvernements des peuples autochtones comme nations souveraines dans le cadre du Canada.

3 - Libre exercice par les autochtones de tous les droits particuliers reconnus dans les traités, notamment les droits de pêche et de chasse, ce qui implique que la loi fédérale - par exemple l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique de 1867 - prévale sur les lois provinciales.
4 - Amélioration des conditions de vie dans et hors des réserves, notamment en matière d'habitat, d'équipement, d'assistance sanitaire.

5 - Meilleure adaptation de l'instruction scolaire aux cultures et aux sociétés autochtones, cela implique davantage d'écoles dans les communautés, un enseignement qui prenne largement en compte la culture, la langue, l'histoire des Amérindiens, la formation d'un
nombre croissant d'enseignants autochtones.

6 - Une formation professionnelle et technique qui amène progressivement les autochtones à une autogestion politique et économique selon leurs propres normes.
7 - Révision sans suppression, de la législation appliquée aux autochtones, afin d'en effacer les aspects paternalistes et assimilateurs ; c'est dans cette optique que les associations indigènes révisent actuellement la Loi sur les Indiens.

8 - Assouplissement de la machine bureaucratique, ce qui implique que le MAIN libère davantage les cordons de la bourse et qu'il agisse plus en conseiller technique qu'en pouvoir de tutelle.

Il ne faut pas s'attendre à ce que le pouvoir cède facilement et les peuples autochtones, pas seulement les Amérindiens, doivent parfois, de plus en plus, porter leurs revendications hors des cours de justice des Blancs ; aux échos des tambours des pow-wow[12] répondent ceux des militants de l'American Indian Movement, aux discussions trop souvent stériles des politiciens répondent les cris des "simples citoyens" autochtones qui affirment aujourd'hui haut et fort leur volonté d'être et de rester ce qu ils sont : des Amérindiens.



[1] Le qualificatif de "néo-natale" concerne la période comprise entre zéro et vingt jours après la naissance ; la période "post-natale" va de quatre semaines à un an.

[2]Les effets de l'empoisonnement par le mercure sur l'homme sont apparus dans les années 1950 dans un petit village de pêcheurs japonais appelé Minamata. Ce n'est qu'en 1956 qu'on s'est rendu compte qu'il s'agissait d'une épidémie et qu'on a commencé à partir de "la maladie de Minamata".

[3] Un exemple de racisme "ordinaire" anti-indien est donné par J.Burke (1976) sous la forme d'une note adressée par le gérant d'un hôtel de Winnipee à ses employés : "Comme nous rencontrons d'innombrables problèmes avec les métis et les Indiens qui descendent dans cet hôtel il a été accordé de leur refuser dorénavant toute chambre (...) Parce que cette attitude pourrait nous valoir  d'être accusés de discrimination nous devons opposer nos refus avec beaucoup de diplomatie. Néanmoins ce doit être de véritables REFUS..." (Burke, 1976, p.99)

[4] Ce taux est le plus élevé de toutes les composantes ethniques de la population canadienne

[5] An Antane Kapesh, 1982, pp.86-88

[6] Les fonctionnaires de la Couronne suivaient les fleuves - dans ce cas les rivières Peace et Athabasca - et il n'était pas rare qu'ils ratent quelques campements dont la population ne pouvait alors pas prendre part à la signature des traités.

[7] Le règlement des revendications foncières des indigènes d'Alaska en 1971 a abouti - outre la dépossession des autochtones de la plus grande partie de leurs terrains de chasse - à la création de corporations autochtones de type capitaliste, ce qui laisse peu de place aux cultures traditionnelles, mais beaucoup de place aux entreprises pétrolières. Un juriste déclarait à cette occasion : "Les historiens doivent être heureux d'avoir l'occasion de voir la vieille histoire se répéter aussi nettement. Non seulement nous allons écarter les Indiens proprement et sans frais pour prendre leurs terres, mais nous allons aussi les instruire et les sauver (...) C'étaient les mêmes thèmes dans les années 1870-1880."

[8] La même idée assimilatrice a présidé à la politique dite "de francisation" des Amérindiens de Guyane française dans les années 1960-1970. Cette politique a abouti à la création de communes à majorité tribale qui se retrouvent souvent aujourd'hui dans la situation de "colonies".

[9] Ce fut, par exemple, la politique de l'Allotment Act voté par le Congrès américain en 1887: il s'agissait de faire éclater les structures tribales communautaires en imposant la propriété privée et une refonte des groupes en familles nucléaires à l'américaine, mais il s'agissait aussi, surtout, d'ouvrir d'immenses territoires à la colonisation. Les Indiens perdirent, par ce stratagème, les deux tiers des terres qui avaient pourtant été "mises de côté pour eux et leurs enfants aussi longtemps que les rivières couleraient et que le soleil se lèverait" (expression classique des traités).

[10] A. Hungry WoIf raconte dans l'un de ses ouvrages (1977) par quels procédés moralement douteux furent acquis une grande partie des objets aujourd'hui au musée de Calgary. On peut, dans ce cas comme dans bien d'autres, parler de "pillage culturel", un autre avatar de l'ethnocide.

[11] En 1982 la Constitution canadienne a été rapatriée de Londres - où elle était depuis la création de la Confédération en 1867 - à la capitale Ottawa. Les peuples autochtones ont dû batailler ferme pour que les droits reconnus dans les traités et l'ancienne législation soient reconnus dans la nouvelle loi constitutionnelle. Aujourd'hui encore, l'élaboration de la nouvelle constitution reste l'un  des sujets de préoccupation majeurs des "premières Nations" : Amérindiens, métis et Inuit.

[12] Le pow-wow une fête ou des Amérindiens en costumes traditionnels dansent au son de tambours et de chants ; ce genre de manifestation, qui combine des éléments anciens et modernes est en continuelle expansion dans l'ensemble de I'Amérique du Nord. On observe aussi une réinitialisation de certains rites antiques comme la cabane à sudation ou le potlatch, à nouveau pratiqués dans des communautés d'où ils avaient été bannis (par la pression des missionnaires en particulier).


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