Histoire de la tension
(Extrait)
Aldous Huxley
[…]
L'expérience de la
transcendance et du relâchement de la tension produite par l'alcool et les
autres altérateurs mentaux chimiques est si merveilleuse, si sainte et sereine,
que les hommes ont trouvé tout à fait naturel d"identifier ces drogues
auxquelles ils devaient leur bonheur d'un moment à l'un ou l'autre de leurs
dieux. "La religion, a dit Karl Marx. est l`opium du peuple." Il
serait au moins aussi vrai de dire que l'opium est la religion du peuple.
Quelques mystiques ont comparé l'état d'extase à une ivresse; mais
innombrables sont ceux qui, en buvant, en fumant. en mâchant ou en reniflant
ont atteint une forme de détente extatique par l'utilisation de drogues. Les
qualités surnaturelles de cet état mental sont projetées au-dehors sur les
drogues qui le produisent. Ainsi, en grec, le vin n'était pas simplement
consacré à Dionysos. le vin était Dionysos. Bacchus était appelé Théoinos
- dieu du vin - ce seul mot réunissant l'alcool et la divinité, l'expérience
de l'ivresse et l'esprit saint. a Divin par sa naissance, disait Euripide,
Bacchus est versé en libations aux dieux et à travers lui les hommes reçoivent
le bien." Ce bien, selon les Grecs, revêtait différentes formes - la santé
physique. l'illumination mentale. le don de prophétie, le sentiment extatique
de faire un avec la vérité divine. De la même façon, dans l'Inde antique, le
jus de la plante appelée soma (quelle qu'ait pu être cette plante) n'était
pas seulement consacré à Indra, le dieu-héros des batailles: il était Indra.
Et en même temps. il était l'alter ego d'Indra, il était un dieu de son
propre chef. On pourrait citer beaucoup d'exemples analogues de cette
identification d'un altérateur mental avec tel ou tel dieu d'un panthéon
local. En Sibérie et en Amérique centrale, on considère comme des dieux
diverses espèces de champignons hallucinogènes. Les Indiens du Sud-Ouest des
États-Unis identifiaient le cactus peyotl aux déités autochtones et, plus récemment,
au Saint-Esprit de la théologie chrétienne. Dans l'Antiquité, les barbares du
Nord, buveurs de bière, l'adoraient sous le nom de Sabazius. La bière était
également un dieu pour les peuples celtes, tout comme l'hydromel semblait divin
aux Scandinaves et aux Germains. Chez les Anglo-Saxons, l'idée de catastrophe,
de panique, du tin du tin de l'horreur et du désastre est véhiculée par un
mot dont le sens littéral est "la perte de l'hydromel". Presque
partout la consommation des altérateurs mentaux fut associée, à un moment ou
à un autre, à un rite religieux. On considérait que boire, mâcher, inhaler
et renifler étaient des actes sacramentels, sanctionnés par la tradition et
rationalisés en termes de théologie dominante. Dans le monde de l'islam on a
interdit le mot alcool mais on ne pouvait pas supprimer le besoin de
transcendance: aussi y eut-il et y a-t-il encore des lieux dans le monde
musulman où la consommation du Cannabis indices est non seulement approuvée
par la société mais est même devenue une sorte de rite religieux. Certains
auteurs musulmans ont vu dans le haschisch l'équivalent du pain et du vin sacrés
des chrétiens. Chez les juifs, on a fait bien des efforts pour accorder une
sanction religieuse à la boisson. Jérémie fait allusion à la "coupe de
consolation" qu'on administrait aux parents du mort. Amos parle des hommes
qui boivent du vin dans la maison de leur Dieu. Michée réserve quelques dures
paroles à ceux qui, à son époque, continuent de prophétiser sous l'influence
de l'alcool. Isaïe dénonce les prêtres et les prophètes qui se sont "égarés
dans la boisson forte". Ils se sont égarés, dit-il, "dans la
vision". Traditionnellement Dionysos est le dieu de la prophétie et de
l'inspiration mais, hélas, les révélations de l'alcool ne sont pas tout à
fait sûres.
De la transcendance par des moyens chimiques passons maintenant à la
transcendance par des moyens sociaux. L'individu entre en contact direct avec la
société de deux façons - soit, en tant que membre d'un groupe familial,
professionnel ou religieux, soit en tant que membre d'une foule. Le groupe possède
un but et une structure; la foule est chaotique, ne sert aucun but particulier
et est capable de tout sauf d'une action intelligente. Pour employer une
analogie pas trop trompeuse, nous dirons que le premier est un organe du corps
politique et la seconde une sorte de tumeur, généralement bénigne mais
parfois horriblement maligne. La plus grande partie de la vie des gens se déroule
au sein de groupes. La participation aux activités de foule est un événement
relativement rare. Cela est heureux car les individus dans une foule sont différents
et, à tous égards, pires que les individus pris un par un ou dans des groupes
organisés munis d'un but. Un homme dans une foule perd son identité
personnelle et c'est évidemment pour cette raison qu'il aime bien se trouver
dans une foule. L'identité personnelle est ce qu'il souhaite dépasser, ce à
quoi il désire échapper. Malheureusement, les membres d'une foule perdent
davantage que leur identité personnelle, ils perdent aussi leurs pouvoirs de
raisonnement et leur capacité de choix moral. Leur suggestibilité s'accroît
au point qu'ils cessent de posséder tout jugement ou toute volonté propres.
Ils deviennent très excitables, ils perdent tout sens de responsabilité
individuelle ou collective, ils sont sujets à des accès de colère,
d'enthousiasme et de panique soudains et violents et ils deviennent capables
d'accomplir les actes de brutalité les plus monstrueux et les plus complètement
absurdes - généralement contre autrui mais parfois contre eux-mêmes. En un
mot, un homme dans une foule se conduit comme s'il avait avalé une dose élevée
de boisson alcoolique. Il est victime de ce qu'on pourrait appeler une
intoxication grégaire. Comme l'alcool, le poison grégaire est une drogue
active, tournée vers l'extérieur. Il modifie la qualité de la conscience
individuelle dans le sens de la frénésie et rend possible un fort degré de
transcendance. L'individu intoxiqué par la foule échappe à son moi isolé
pour pénétrer dans une sorte de non-intelligence infra-humaine.
Dès le commencement, les hommes ont accompli leurs travaux et vécu la grave
affaire de la vie en groupes conscients de leurs objectifs. Les foules leur ont
offert des vacances psychologiques. La nourriture tirée du groupe a constitué
leur alimentation de base; le poison grégaire fut leur délicieux stupéfiant.
La religion a pourtant sanctionné et rationalisé l'ivresse occasionnée par le
poison grégaire, exactement comme elle a sanctionné et rationalisé l'emploi
des substances chimiques qui modifient la conscience. L' affirmation d'Alfred
North Whitehead selon laquelle "la religion est ce que l'individu fait de
sa solitude" n'est vraie que dans la mesure où nous décidons de définir
la religion comme quelque chose qui, en tant que fait historique, n'a jamais
existé sauf pour une petite minorité. Et la même chose vaudrait pour une définition
de la religion en termes de ce que l'individu fait de son expérience
d'appartenance à un petit groupe consacré, comme une congrégation Quaker ou
les "deux ou trois réunis en mon nom" dont parle le Christ dans l'Évangile.
La spiritualité des petits groupes est une forme très haute de religion mais
ce n'en est ni la seule ni la plus courante - simplement la meilleure. De façon
assez significative, le Christ a promis d'être parmi un groupe de deux ou
trois. Il n'a jamais promis d'être présent dans une foule. Là où deux ou
trois mille, ou encore vingt ou trente mille personnes sont réunies, la présence
intérieure est généralement d'une espèce très différente et très peu
christique. Pourtant, pareilles activités de foule, comme les réunions de
masse pour ranimer la foi et les pèlerinages, sont acceptées et même
activement encouragées par les chefs religieux d'aujourd'hui, comme elles l'étaient
dans un passé païen. La raison en est simple. La plupart des gens trouvent
qu'atteindre la transcendance et soulager la tension est plus facile dans une
foule que dans un petit groupe ou lorsqu'ils sont livrés à eux-mêmes. Ces
intoxications grégaires au nom de la religion ne sont pas particulièrement
salutaires; elles procurent seulement de brèves vacances à la conscience isolée.
L'histoire des efforts de l'homme pour rencontrer la transcendance dans des
foules est longue et, malgré toutes ses bizarreries et ses aberrations inquiétantes,
profondément monotone. Du potlalch et
du corroboree aux récentes explosions du rock'n roll, les
manifestations de l'intoxication grégaire exhibent les mêmes caractéristiques
infra-humaines. Au mieux, de telles exhibitions sont simplement grotesques dans
leur infrahumanité; au pire, elles ajoutent Fhoi7-ible au grotesque. On songe,
par exemple, aux fêtes de la déesse syrienne au cours desquelles, sous
l'influence exaspérante du poison grégaire et de la suggestion des prêtres.
des hommes se castraient tout seuls tandis que des femmes se lacéraient la
poitrine. On songe aux Grecs et à leurs ménades barbares qui démembraient des
victimes vivantes. On son-e aux saturnales romaines. On songe à toutes les
explosions d'intoxication par la foule durant le Moyen Âge - les croisades
d'enfants. les orgies périodiques de flagellation collective et ces étranges
folies de danse où se combinaient la transcendance par intoxication grégaire
avec la transcendance par des moyens gymniques et par la musique répétitive.
On songe aux barbares sursauts religieux, aux ruées forcenées de ceux qui
croyaient que la fin du monde était proche, aux frénésies d'iconoclasme au
nom de Dieu, aux destructions absurdes pour le bien de la vertu. Tout cela est déjà
assez néfaste mais il y a quelque chose de bien pire - l'intoxication par la
foule que l'agitateur de populace ambitieux exploite à ses fins propres,
politiques ou religieuses.
Au printemps de 1954, tandis que je me trouvais à Ismaïlia, sur le canal de
Suez, je fus emmené au cinéma local par mes hôtes. Le film attirait des
foules record ; il s'agissait de Jules César,
projeté en version anglaise sous-titrée en arabe. Les spectateurs étaient
assis, fascinés, les yeux rivés à l'écran. Pourquoi diable, ne cessai-je de
me demander, les Arabes du XX° siècle s'intéressent-ils si passionnément à
des événements qui se sont déroulés à Rome au premier siècle avant notre
ère racontés par un Anglais du XVII° siècle ? Et soudain, ce fut évident. César,
Brutus, Antoine, tous ces politiciens des classes supérieures en lutte pour le
pouvoir et qui, ce faisant, flattaient et exploitaient avec cynisme une canaille
prolétarienne qu'ils méprisaient sans pourtant pouvoir s'en passer. ils étaient
des personnages tout à fait familiers et contemporains du public égyptien. Ce
qui était arrivé à Rome juste avant et juste après l'assassinat de César
ressemblait beaucoup à ce qui venait de se produire à peine quelques semaines
plus tôt au Caire quand Néguib était tombé. s'était relevé triomphalement
pour, une fois encore, être terrassé par un rival qui savait jouer des
passions de la foule. qui savait utiliser à ses fins propres l'enthousiasme et
la violence de son ivresse. En regardant la pièce de Shakespeare, les
spectateurs du cinéma d'Ismaïlia se trouvaient en train d'assister à un récit
non censuré du récent coup d'État.
Bien entendu, le plus grand virtuose dans l'art d'exploiter les symptômes de
l'empoisonnement grégaire fut Adolf Hitler. Les nazis accomplirent leur ouvre
avec une perfection scientifique. On mobilisa toutes les ressources de la
technologie moderne afin de réduire le plus Grand nombre de gens possible à l'état
de transcendance le plus inférieur possible. Les phonographes répétaient les
slogans. Des haut-parleurs déversaient la musique de cuivres aux rythmes
puissants dont la répétition faisait perdre la tête aux gens. Des machines à
son dissimulées produisaient des infrasons à la fréquence critique de
quatorze périodes par seconde qui émeut les âmes. On utilisait des méthodes
de transport modernes pour rassembler sous les projecteurs des milliers de fidèles
dans des stades immenses et la voix du grand hypnotiseur était retransmise par
la radio à des millions d'autres.
"Quelle félicité de vivre cette naissance." Voilà ce qu'écrivit
Wordsworth à propos de son expérience d'intoxication grégaire lors des
premiers et joyeux mois de
la Révolution
française. À notre époque, des millions d'hommes et de femmes, des millions
de garçons et de filles enthousiastes ont connu une expérience semblable. Pour
les membres des foules intoxiquées dont on se sert pour faire les révolutions
et étayer un pouvoir dictatorial, l'aube du nazisme, la naissance du communisme
ont semblé une bénédiction. Malheureusement, à l'aube succèdent des journées
et des soirées pénibles et souvent désagréables. Aux heures tardives de
l'histoire d'une révolution, la félicité brille par son absence. Pourtant, à
l'aube, quand le soleil se lève, personne ne pense jamais à ce qui arrivera
vraisemblablement dans l'après-midi. Tels les alcooliques, ou les
morphinomanes, les victimes du poison grégaire ne songent qu'à débloquer la
transcendance ici et maintenant. "Après moi le déluge", ont-ils pour
devise. Et une chose est bien certaine : le déluge n'est jamais en retard.
Après cette histoire de la tension, tournons-nous pour conclure vers le présent
et vers l'avenir. Il est clair, me semble-t-il, que le problème de la tension
ne sera complètement résolu que lorsque nous aurons une société parfaite
-c'est-à-dire jamais. D'ici là, il reste toujours la possibilité de trouver
des solutions partielles et des palliatifs temporaires. Examinons quelques
mesures pratiques qu'il serait assez facile de prendre.
Avant tout, nous pourrions intégrer à notre système d'éducation actuel, système
profondément décevant et vraiment peu satisfaisant, quelques cours simples sur
l'art de maîtriser le système nerveux autonome et le subconscient. Au point où
en sont les choses aujourd'hui, nous enseignons aux enfants les principes qui
gouvernent une bonne santé, une bonne moralité et une bonne réflexion mais
nous ne leur apprenons pas comment agir en observant ces principes. Nous les
exhortons à prendre de bonnes résolutions mais nous ne faisons absolument rien
pour les aider à mettre en pratique ces résolutions. Une des principales
sources de la tension est la conscience d'échouer misérablement, de ne pas
pouvoir faire ce que nous savons devoir faire. Si l'on apprenait un peu à
chaque enfant à pratiquer ce que Hornell Hart a appelé "l'autoconditionnement"
, nous ferions davantage pour que chacun se sente bien avec lui-même et avec
les autres que tous les sermons jamais prêchés.
La mesure suivante est d'un caractère prophylactique. Les êtres humains
languissent après la transcendance; s'enivrer de poison grégaire est l'une des
méthodes les plus efficaces pour prendre congé du moi isolé et des fardeaux
de la responsabilité. Tant qu'ils s'adonnent à l'intoxication par la foule à
l'occasion des matchs de football et des carnavals, des réunions religieuses de
masse ou des congrès politiques démocratiquement organisés, il n'y a aucun
mal. Nous ne devons cependant jamais oublier que les beaux parleurs, les
tribuns, les Hitler en puissance sont toujours parmi nous. Nous ne devons jamais
oublier que ces hommes transforment facilement une innocente orgie en un
instrument de destruction, en une force barbare sans intelligence, orientée
vers la ruine de la liberté. Pour les empêcher d'exploiter l'intoxication grégaire
et d'atteindre leurs sinistres objectifs, nous devons rester perpétuellement
sur nos gardes. Il semble douteux qu'on puisse jamais rendre un monde peuplé de
Hitler en puissance, d'un côté, et de toxicomanes grégaires, de l'autre,
complètement sûr pour la raison et l'honnêteté mais, du moins, pouvons-nous
essayer d'améliorer un peu la situation à cet égard. Par exemple, nous
pouvons enseigner à nos enfants des éléments de sémantique générale. Nous
pouvons leur raconter les effroyables dangers du péché intellectuel. Nous
pouvons les faire frissonner de peur en leur racontant les conséquences désastreuses
pour les sociétés et les individus de l'hyper-simplification, de la généralisation
excessive et des hyper-abstractions du meneur de foules. Nous pouvons leur
rappeler qu'il faut vivre dans le présent et penser de façon concrète et réaliste,
en termes de faits observables. Nous pouvons leur révéler les secrets absurdes
et indignes de la propagande et illustrer nos conférences d'exemples tirés de
l'histoire de la politique, de la religion et de l'industrie de la publicité.
Une telle formation sera-t-elle efficace? Peut-être que oui - peut-être que
non. Le poison grégaire est une puissante griserie. Une fois dans la foule, même
des hommes sensibles et intègres sont susceptibles de perdre leur raison et
d'accepter toutes les suggestions qu'on pourra leur donner, aussi absurdes ou
aussi immorales soient-elles. Tout ce que nous pouvons espérer accomplir, c'est
rendre plus ardue la tâche infâme du meneur de foules.
La troisième mesure que nous devons prendre sera en fait prise que cela nous
plaise ou non. Une fois plantées, les graines d'une science tendent à germer
et à se développer de manière indépendante suivant la loi de leur être
propre et non selon les lois du nôtre. La pharmacologie est désormais entrée
dans une période de croissance rapide et il semble tout à fait certain que
dans les quelques années qui viennent on découvrira des dizaines de méthodes
nouvelles pour modifier la qualité de la conscience. Pour autant que l'être
humain individuel est concerné, ces découvertes seront plus importantes, plus
authentiquement révolutionnaires que les découvertes récentes opérées dans
le domaine de la physique nucléaire et leur application aux utilisations
pacifiques. Si elle ne nous détruit pas, l'énergie nucléaire ne fera que nous
donner davantage de ce que nous avons déjà - de l'énergie à bon marché,
avec ses corollaires : plus de gadgets, des projets d'irrigation plus vastes et
des transports plus efficaces. Elle nous donnera ces choses à un coût très élevé
- l'accroissement de la quantité de radiations nocives avec son cortège de
mutations néfastes et de pollution permanente des réserves génétiques de
l'homme. Mais les pharmacologues nous donnerons quelque chose que la plupart des
êtres humains n'ont jamais eu avant. Si nous voulons la joie, la paix et un
amour bienfaisant, ils nous donneront l'amour bienfaisant, la paix et la joie.
Si nous voulons la beauté, ils transfigureront le monde extérieur pour nous et
ouvriront la porte à des visions d'une richesse et d'une signification
inimaginables. Si notre désir va à une vie éternelle, ils nous donneront la
seconde des meilleures choses - des éons d'expérience sereine concentrés
comme par miracle en une seule heure. Ils accorderont ces dons sans exiger le
prix terrible que, dans le passé, les hommes ont dû payer pour avoir eu trop
fréquemment recours à des altérateurs mentaux comme l'héroïne ou la cocaïne,
ou même simplement ce bon vieil alcool toujours prêt à servir. Nous disposons
déjà d'hallucinogènes et de tranquillisants dont le coût physiologique est
étonnamment faible et il semble que nous ayons toutes les raisons de croire que
dans l'avenir les altérateurs mentaux et les substances qui soulagent la
tension exécuteront leur tâche encore plus efficacement et à un coût encore
plus bas pour l'individu. Les hommes pourront accomplir sans effort ce qui dans
le passé ne s'obtenait qu'avec difficulté grâce au contrôle de soi et aux
exercices spirituels. Cela sera-t-il une bonne chose pour les hommes et pour la
société? Ou bien une mauvaise chose`? Ce sont des questions dont j'ignore les
réponses. Tout autant, ajouterai-je, que n'importe qui d'autre. Les contours de
ces réponses commenceront peut-être à se dessiner d'ici à une Génération.
En attendant, tout ce qu'on peut prédire avec un peu de certitude, c'est que,
dans le contexte de la révolution pharmacologique, il faudra nécessairement réexaminer
et réévaluer une bonne partie de nos notions traditionnelles sur la morale et
la religion, et une bonne partie de nos opinions courantes sur la nature de
l'esprit. Ce sera extrêmement dérangeant; mais ce sera aussi énormément
amusant.
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