Intersexuation
Cher ami,
Tout d'abord, je voudrais vous féliciter de la richesse de votre site. Je l'ai connu en faisant des recherches sur la pensée sadienne, et l'article que j'ai trouvé m'a bien renseignée. J'aime beaucoup l'humour dont vous faites preuve. Je m'adresse à vous aujourd'hui car je voudrais vous faire part de quelque chose qui me scandalise profondément. Dans notre pays, chaque semaine, on opère des nouveaux-nés qui ne sont pourtant pas malades. Ils ne sont pas malades, leur vie n'est pas en danger, et pourtant l'opération relève de l'urgence médicale. J'imagine que vous êtes surpris, interloqué, et que vous ne comprenez pas. Rassurez vous, cher ami, je ne suis pas folle. Je vous explique.
Les enfants dont il est question présentent une anatomie sexuelle qui déstabilise le personnel médical. Clitoris long, très petit pénis, absence de testicules, etc., etc. On parle d'intersexualité et les cas d'intersexualité sont nombreux et différents. Ce n'est pas un troisième sexe.
Bref, revenons-en à nos moutons. Vous savez qu'à la naissance d'un nouvel être humain, il faut aller à la mairie remplir la fiche d'état civil. Où il faut désigner le sexe de l'enfant. Alors, quand l'anatomie de l'enfant pose un problème pour la désignation de son sexe "civil" : on applique la solution chirurgicale, c'est à dire que, par la chirurgie, on conforme l'anatomie de l'enfant aux canons établis par la bêtise sexiste du commun. Un homme doit porter des testicules et un pénis, et plus c'est long, mieux c'est, et une femme doit avoir une vulve et un vagin.
Après l'opération il y a un entretien. En particulier pour les "filles" ainsi créées. C'est-à-dire qu'il faut régulièrement élargir leur petit vagin artificiel, fait d'un bout de leur intestin. Enfance sordide démarrée par les droits humains bafoués.
Puis il y a les traitements hormonaux.
On fait ceci parce qu'on pense qu'il faut assigner à tout prix un sexe à un enfant, et que sans ça son épanouissement est grandement menacé.
Je vais vous dire comment s'épanouissent les enfants qu'on mutile ainsi. Certains sont en accord avec le sexe qu'on leur a fabriqué.
D'autres se sentent très mal. Ils ne se sentent pas bien dans leur peau, rejettent leur sexe. L'age adulte et à l'adolescence, cela se passe très mal. Dépressions, suicides ne sont pas rares chez ces personnes. Qui a été blessé de ne pas être pris pour ce qu'il est, pour ce qu'il se sent profondément, peut comprendre.
De plus, de telles modifications mettent en jeu la vie sexuelle des ces personnes, car on ôte une grande partie des terminaisons nerveuses. On sait les conséquences de ce geste sur la capacité à jouir, mais on opère quand même. Un barbare n'a pas d'état d'âme.
Si ces personnes désirent re-changer de sexe, il faut qu'on leur diagnostique une "dysphorie du genre". C'est-à-dire : il faut qu'on les prenne pour des malades mentales.
Parce que, c'est vrai que pour notre société, c'est tellement facile de dire ce qu'est un homme, ce qu'est une fille, voyons ! Ces personnes sont forcément des monstres ou des cas psychiatriques ! Ne les écoutons pas, ne faisons pas attention à eux !!!
Quant à moi, je me demande sérieusement où sont les monstres. J'ai l'orgueil de dire que j'ai suffisamment d'honnêteté intellectuelle pour reconnaître qu'il est impossible de donner une définition absolue de l'homme, de la femme.
Je pense que ce vous auriez aimé être au courant ; je pense que, si vous êtes déjà au courant de ces pratiques tyranniques, vous êtes tout aussi scandalisé que moi.
J'ai appris ceci en trouvant ce site : le Réseau des Intersexué-e-s Francophones d'Europe http://www.webglaz.ch/rife/index.html. Ce site est très riche en explication et je vous invite à le parcourir. J'ai un peu eu l'impression de tomber de ma chaise.
Ami, je vous souhaite une bonne journée.
Lucile B.
***
"Était-ce
un homme qui marchait devant moi ? Chez ces peuplades nues, la différence entre
les sexes est bien moins évidente que dans nos climats. Nous accentuons la
faiblesse de la femme en lui épargnant les fatigues, c'est à dire les
occasions de développement, et nous la modelons d'après un idéal menteur de
gracilité. À Tahiti, l'air de la forêt ou de la mer fortifie tous les
poumons, élargit toutes les épaules, toutes les hanches, et les graviers de la
plage ainsi que les rayons du soleil n'épargnent pas plus les femmes que les
hommes. Elles font les mêmes travaux que ceux-ci, ils ont l'indolence de
celles-là : quelque chose de viril est en elles, et en eux quelque chose de féminin.
Cette ressemblance des deux sexes facilite leurs relations, que laisse
parfaitement pures la nudité perpétuelle, en éliminant des mœurs toute idée
d'inconnu, de privilèges mystérieux, de hasards ou de larcins heureux - toute
cette livrée sadique, toutes ces couleurs honteuses et furtives de l'amour chez
les civilisés." PAUL GAUGUIN (Noa Noa)
Réseau
des Intersexué-e-s Francophones
d'Europe
R
I F E
EDITORIAL[1]
Le
crime inavoué de la société patriarcale: les enfants au sexe mutilé.
Une
femme donne naissance à un enfant en bonne santé. Personne ne peut dans la
salle spécifier le sexe de l'enfant. Est-ce une fille avec un clitoris trop
grand ? Est-ce un garçon avec un pénis trop petit ? C'est un enfant intersexué.
C'est à dire qui n'appartient à aucun des deux sexes officiels. Un cas tout à
fait naturel aussi fréquent que des enfants albinos mais non admis par notre
société. Décision est prise : ce sera une fille. L'enfant doit être
"normalisé" en urgence. Pression est faite sur les parents sidérés
qui doivent accepter et se décider très vite car la déclaration à l'état
civil ne peut attendre. Le "clitoris-pénis" est coupé puis un vagin
est reconstitué que les parents devront dilater et agrandir chaque jour. C'est
le seul cas où un patient en bonne santé relève de l'urgence médicale.
Il y a donc violation grave et incontestable de tous les codes de déontologie médicale
qui interdisent des traitements qui ne seraient pas indispensables à la préservation
de la santé du patient et sans son consentement. L'acceptation des parents ne
vaut rien sur le plan légal. Aucune loi n'autorise les parents à attenter à
l'intégrité du corps en bonne santé de leur enfant.
Ce
garçon-fille, abusé sexuellement dès son plus âge par ses parents sur les
conseils des médecins pédiatres, élevé en fille, souffrira toute sa vie de
son état "d'intersexuation normalisée". Nombreux sont les cas
d'enfants qui sont mutilés à vie et forcés à vivre dans un corps qui n'est
pas entièrement le leur. Nombreux aussi seront les
suicides à l'âge adulte des personnes dans ces cas. Ces crimes de mutilations
sexuelles se produisent tous les jours partout dans le monde dans l'indifférence
la plus totale car ils sont méconnus par le grand public.
Au
sens large, environ 5 à 15% de la population (différence entre régions
asiatiques, africaines et européennes) ne correspondent pas aux normes de la
culture sexiste et patriarcale. La bipolarité absolue des sexes est un mythe
auquel nous croyons dès l'enfance sous l'influence de l'éducation.
L'intersexuation
plus ou moins caractérisée est une variation naturelle de l'apparence humaine,
pas une anomalie.
Nous
sommes des millions d'intersexués dans le monde. Nous avons donc les forces
potentielles nécessaires pour nous exprimer en toute indépendance. Chaque jour
dans le monde plus de 65'000 enfants intersexués naissent.
En
Europe nous serions de 230'000 à 3 millions d'intersexué(e)s si on extrapole
les estimations américaines[2]
à l'Union européenne élargie. L'intersexuation n'est donc pas une chose rare,
une anomalie. L'anomalie monstrueuse est cette société patriarcale et sexiste
qui "normalise" des enfants innocents. La maladie nosocomiale de peste
brune est parmi nous, cachée dans les milieux aseptisés de pédiatrie. Des médecins
d'Outre-atlantique, de Grande-Bretagne ne supportent plus cette infamie. A nous
en Europe francophone avec l'aide de nos soeurs et frères d'Australie, des Amériques,
du Japon, de Grande-Bretagne de dénoncer et d'agir car il faut bien reconnaître
que dans ces pays l'information sur l'intersexuation a plusieurs années
d'avance sur la vieille Europe.
Jusqu'à
présent chacun-e d'entre-nous souffrait dans un silence honteux. Personne
n'entendait parler de nous, parfois quelques médias en parlaient timidement en
nous considérant comme un sous-groupe de transsexuels, bref une exception dans
une minorité marginale. Internet nous permet de nous retrouver, de réunir des
compétences, des soutiens des milieux scientifiques et médicaux, de faire
entendre notre voix, et bientôt nos cris assourdissants de révolte d'être
humains sacrifiés au dieu patriarcal du binarisme des sexes.
Quand
ce mythe obscurantiste et contre-nature de la bipolarité absolue entre les
sexes sera éradiqué, l'égalité véritable entre hommes et femmes sera rétablie.
Il n'y aura plus des hommes ou des femmes mais simplement des êtres humains.
Notre
seule existence révélée au grand public, enseignée dans les écoles,
bousculera les idées reçues, mettra en cause les fondements de la société
comme le mariage entre personnes de sexe plus ou moins différents; les différences
entre hommes et femmes, l'homosexualité, la bisexualité, l'hétérosexualité
n'auront plus de sens. A terme, il peut même être envisagé qu'à l'état
civil ne soit plus enregistré le sexe de la personne, pas plus que l'on ne le
fait pour la race d'un nouveau né ! Alors l'humanité sortira des temps de la
virilité barbare; il n'y aura plus que des êtres humains égaux. Ce sera une
civilisation douce et pacifique débarrassée définitivement de l'obscurantisme
patriarcal sexiste.
Rejoignez-nous!
Que vous soyez de Romandie (Suisse), de France, de Belgique, du Luxembourg. Car
militer ou sympathiser pour la cause des personnes intersexuées dépasse
largement la défense d'une minorité opprimée. La francophonie d'Europe ne
doit pas être absente dans cette revendication internationale. Elle concerne
le progrès de toute l'humanité.
N'hésitez
pas à nous contacter[3]
pour nous manifester votre solidarité par un petit message d'encouragement
et/ou pour être tenu au courant des nouveautés sur ce site. Votre message nous
soutiendra car il nous faudra beaucoup d'énergie. Le travail est immense. C'est
une grande révolution qui commence. Elle gagnera progressivement les esprits.
Elle ne fera pas couler du sang. Bien au contraire, elle stoppera la boucherie
pratiquée en milieu médical sur les organes génitaux de nombreux enfants dont
le seul tort est de ne pas correspondre à une "norme sexiste" définie
par aucune loi!
Écrit en mai 2005 à Genève,
capitale mondiale des droits de la personne et des minorités opprimées.
[1] Source : http://www.webglaz.ch/rife/index.html
[2]
Éstimations américaines.
Reference : A human Rights investigation into the medical "normalization"
of intersex people. A report of a public hearing by the human rights
commission of the city of San Francisco - page 8, April
28, 2005