J'accuse[1]
Charlie Bauer, sociologue.
"Ceux qui nous paraissent grands le sont bien souvent parce que nous sommes à genoux"
Pour évoquer la condition humaine autrement que par le truchement littérateur et même philosophique, pensez-vous que la sacro-sainte "Raison d'État" soit bien conforme à l’état de raison?
Debout, hommes de la terre, devenez enfin ou encore ce que vous êtes: des hommes !
Essayons encore de nous parfaire homidiens entre nous, et non plus lupus de l’un à l’autre, comme il est dit et pratiqué dans cet espace planétaire pluriquotidien, où il est d’évidence que l’homme a autant de raisons d’être bon que son contraire, ne pratiquant souvent cette raison d’être qu’à contrario de l'Être de raison qu’il conviendrait.
L’impérativité étant dans l’accusation et partant, dans la revendication :
J’accuse l'État, prétendu
garant de l’état de droit, de faillir à ses devoirs –et les plus
fondamentaux, même- quand ce ne serait que ceux instruits par
J’accuse cet état de fait dont la responsabilité revient à l'État.
J’accuse la politique étatique de n’être que ce qu’elle est, une oligarchie politicarde à des années-lumière du sens politis du terme grec et dont la pratique serait au service de la cité.
J’accuse le Nationalisme érigé en Front commun de pensées, de comportement, et qui prône dans ses flatulences et rôts ponctuels, l’exclusion, la discrimination, la manipulation, la domination, l’exploitation, l’effraction des consciences, l’infraction du droit social, économique, civil, pénal…
J’accuse cette même oligarchie de nous contraindre à la pensée unique et télécrate, par induction de planification culturelle, sociale, économique, historique.
J’accuse la perversion phallocrate qui, depuis des millénaires, nous oblige dans la pornographie dominante des rapports homme-femme.
J’accuse le poète qui prétend que la femme est l’avenir de l’homme alors que celui-ci ne conçoit que le seul rapport culaire avec la féminité de cet individu identifié au 3615 de tous les désirs fantasmatiques et culturels.
J’accuse la femme dans son rapport prostitutionnel à l’homme.
J’accuse la mondialisation qui va de l’Euro au Waterloo de toute intelligence sociale et humaine.
J’accuse ces manipulateurs
intellocrates pontifiant par livre noir et bordant le lit de
J’accuse nos éducateurs d’être éducastreurs des forces vives de l’espoir et de sa pratique revendicatrice.
J’accuse ce Dieu d’être patron et patrie, et ses apôtres patriotes. J’accuse ses saints et patrons à ne pouvoir être ces seins nourriciers de la pensée humaine.
J’accuse le désespoir, s’il n’est autrement perçu que comme la forme supérieure de la critique et qu’il convient d’appeler bonheur.
J’accuse l’amour lorsqu’il est comptable d’une réciprocité, donc commerciale.
J’accuse la haine si elle ne sait se concevoir de classe.
J’accuse ces pédophiles politicards de baiser et tuer l’enfance en chacun de nous.
J’accuse l’ignorance de se conforter dans la bonne conscience d’un Savoir, digéré par un pouvoir gargantuesque.
J’accuse les optimistes s’ils ne savent être pessimistes des réalités existantes.
J’accuse l’homme d’avoir fait du loup son chien et de l’homme son esclave.
J’accuse cette aristocratie promue en Cour boursière, d’être ce qu’elle n’est pas –aristocrate- et ce qu’elle est: assassine du genre humain.
J’accuse l’homme d’être prédateur de toutes les espèces, végétales et animales et de la sienne en particulier.
Je vous accuse en m’accusant d’être ce que nous sommes, mais critiques cependant, ce qui nous autorise à être différents.
En vous espérant bonne accusation de ce vrac accusateur.
"Ceux qui
vivent, ce sont ceux qui luttent"
Victor Hugo
Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont
Ceux dont un dessein ferme emplit l'âme et le front.
Ceux qui d'un haut destin gravissent l'âpre cime.
Ceux qui marchent pensifs, épris d'un but sublime.
Ayant devant les yeux sans cesse, nuit et jour,
Ou quelque saint labeur ou quelque grand amour.
C'est le prophète saint prosterné devant l'arche,
C'est le travailleur, pâtre, ouvrier, patriarche.
Ceux dont le coeur est bon, ceux dont les jours sont pleins.
Ceux-là vivent, Seigneur ! les autres, je les plains.
Car de son vague ennui le néant les enivre,
Car le plus lourd fardeau, c'est d'exister sans vivre.
Inutiles, épars, ils traînent ici-bas
Le sombre accablement d'être en ne pensant pas.
Ils s'appellent vulgus, plebs, la tourbe, la foule.
Ils sont ce qui murmure, applaudit, siffle, coule,
Bat des mains, foule aux pieds, bâille, dit oui, dit non,
N'a jamais de figure et n'a jamais de nom ;
Troupeau qui va, revient, juge, absout, délibère,
Détruit, prêt à Marat comme prêt à Tibère,
Foule triste, joyeuse, habits dorés, bras nus,
Pêle-mêle, et poussée aux gouffres inconnus.
Ils sont les passants froids sans but, sans noeud, sans âge ;
Le bas du genre humain qui s'écroule en nuage ;
Ceux qu'on ne connaît pas, ceux qu'on ne compte pas,
Ceux qui perdent les mots, les volontés, les pas.
L'ombre obscure autour d'eux se prolonge et recule ;
Ils n'ont du plein midi qu'un lointain crépuscule,
Car, jetant au hasard les cris, les voix, le bruit,
Ils errent près du bord sinistre de la nuit.
Quoi ! ne point aimer ! suivre une morne carrière
Sans un songe en avant, sans un deuil en arrière,
Quoi ! marcher devant soi sans savoir où l'on va,
Rire de Jupiter sans croire à Jéhova,
Regarder sans respect l'astre, la fleur, la femme,
Toujours vouloir le corps, ne jamais chercher l'âme,
Pour de vains résultats faire de vains efforts,
N'attendre rien d'en haut ! ciel ! oublier les morts !
Oh non, je ne suis point de ceux-là ! grands, prospères,
Fiers, puissants, ou cachés dans d'immondes repaires,
Je les fuis, et je crains leurs sentiers détestés ;
Et j'aimerais mieux être, ô fourmis des cités,
Tourbe, foule, hommes faux, coeurs morts, races déchues,
Un arbre dans les bois qu'une âme en vos cohues !