LA NATION SIOUX LAKOTA
(dossier
réalisé par Monique Hameau et Sylvain Duez-Alesandrini
pour la revue Nitassinan n°50 , 1997)
Les Sioux[1]
s'appelaient entre eux Oceti Sakowin Oyate, le
Peuple des sept feux[2],
qui se divisait en 3 grands groupes :
• Hunkpapa (Ils campent à l'entrée), réserve de Standing Rock (Sud et Nord Dakota)
• Oglala (Ils se dispersent), réserve de Pine Ridge (Sud Dakota)
• Sicangu-Brûlé (Cuisses brûlées), réserve de Rosebud et Lower Bruie (Sud Dakota)
• Minneconjou "Mnikwojupi" (Ils plantent près de l'eau), réserve de Cheyenne River (Sud Dakota)
• Lltazipco (Sans arc), réserve de Cheyenne River (Sud Dakota)
•
Ooenunpa
(Deux fois bouilli), réserve de Cheyenne River (Sud Dakota)
•
Sihasapa
(Pieds noirs ou Blackfeet Sioux), réserve de Cheyenne River (Sud Dakota)
• Sisseton, réserve Sisseton-Wahpeton (Sud Dakota)
• Wahpeton (Ils habitent sous les feuilles), réserve Sisseton/Wahpeton (Sud Dakota)
• Wahpekute (Ils chassent sous les feuilles), petites réserves du Minnesota
•
Mdewakanton
(Ils habitent le lac sacré), réserves de Devil's Lake (Nord Dakota et
de Prior Lake (Minnesota).
• Ankton "Iyanktonwan" (Ils habitent au bout), réserve Yankton (Sud Dakota)
• Assinihoine (apparentés aux Yankton), réserves de Fort Peck, de Fort Belknap (Montana) et en Alberta (Canada)
• Stoney (apparentés aux Yankton), réserves en Alberta
•
Yanktonnai "Iyanktonwann"
(Les petits Yankton), réserve de Fort Peck (Montana).
• Ouest et centre Crow, Hidasta, Omaha, Ponca, Osage, Quapaw, Iowa, Oto et Kansas
• Dans la basse vallée du Mississipi dont les Sioux seraient originaires : Catawba, Yuchi, Biloxi.
C'est dans la région des sources du Mississipi que vers 1680 des Jésuites français rencontrent les "Sioux" ainsi d'après le nom que leur donnent les Chippewa, leurs voisins et ennemis. Eux-mêmes se nomment Oceti Sakowin Oyate, le Peuple des Sept Feux. Les Sioux sont décrits comme puissants et redoutés à cause de leur nombre et de leur dynamisme, mais "ont la réputation d'être moins cruels que les autres Indiens". Ils protégèrent une bande de Hurons poursuivis par les Iroquois et, en 1714, donnent asile aux Fox, leurs ennemis, pourchassés par les Français. Ils entretiennent cependant de bonnes relations avec les Français, missionnaires, marchands, coureurs des bois, sou-vent désireux de s'intégrer à la vie indienne. A cette époque, les Sioux sont des Indiens des bois et des rivières, pratiquant l'agriculture autour de villages constitués de grandes huttes rondes, installés le long des fleuves. Mais, dès les années 1660, des bandes sioux qui allaient devenir les grandes nations Lakota, aussi appelées Titonwan, commencent à se détacher du groupe principal et à lancer des incursions vers l'ouest, poussant les Mandan, puis les Arikara vers le Missouri et se rapprochant des plaines à bisons.
Les Arikara constituent encore pour eux un sérieux obstacle, mais une épidémie de variole les anéantit, permettant aux Sioux de traverser le Missouri et leur ouvrant définitivement la route des grandes plaines. Dès la fin du XVIIème siècle, des chevaux sauvages se sont répandus dans les prairies. Ce sont les descendants des chevaux espagnols échappés lors des expéditions dans le sud. Rendus à la rude liberté des plaines, ces chevaux prendront l'aspect un peu trapu, rustique et résistant du "poney indien". Capturé, vendu, le plus souvent volé, le mystérieux animal gagne les Plaines, permettant aux Lakota et aux Yankton, ainsi qu'aux Cheyenne, Arapaho, Shoshone, Crow et Blackfeet d'investir les prairies à bisons qui s'étendent jusqu'aux contre-forts des Montagnes Rocheuses.
Les villages de huttes recouvertes de terre, construits le long des cours d'eau, sont abandonnés. Le tipi[4], qui n'était qu'un abri d'été durant la période des chasses devient l'habitation de la famille. Le cheval assure des chasses faciles et abondantes, des déplacements aisés et rapides. Bien que les Minnecoujou[5] continuent pendant quelques temps à pratiquer l'agriculture sur les terres alluviales le long du Missouri, la plupart des Lakota basent leur économie sur la chasse et la cueillette. Le bison devient pour eux l'élément économique et culturel majeur.
C'est
vers le milieu du XVIIIème siècle que les Lakota chassent les Crow
du massif des Black Hills et les repoussent vers le nord, tandis que les Kiowa,
après avoir résisté aux Lakota jusqu'en 1770, s'éloignent vers les plaines
du Kansas où ils feront alliance avec les Comanche.
On ne sait quand les Cheyenne et leurs
amis Arapaho sont arrivés dans la région des Black Hills, venant aussi de
l'est. Il est probable qu'à une certaine époque, ils ont combattu les Lakota.
Mais dès la fln du XVIIIème siècle, les trois nations sont étroitement
liées.
A cette époque, Oceti Sakowin Oyate, la Grande Nation Sioux, dont les territoires s'étendent du Minnesota au Wyoming, est la nation indienne la plus puissante d'Amérique du Nord.
Un grand peuple des plaines
Les
combats acharnés que les Lakota, avec leurs alliés Cheyenne et Arapaho, ont
menés pour la défense de leurs terres et de leur mode de vie, durant la
seconde moitié du XIXème siècle, ont été largement popularisés
par le cinéma et la littérature. Ils constituent l'essentiel de l'Épopée de
l'Ouest et, pour beaucoup, symbolisent la lutte de tous les Indiens d'Amérique
contre l'invasion blanche. Qui ne
connaît Sitting Bull, Crazy Horse, Red Cloud…?
Jusque dans les années 1830-1840, l'Ouest demeure le domaine des
Indiens et des bisons. La déportation des tribus de l'Est vers le
"Territoire indien" marque le peu d'intérêt que les Blancs portent
à cette région jugée trop aride pour être cultivée.
Tout change en 1848 avec la découverte de l'or en Californie. Depuis Saint Louis, les prospecteurs et les colons commencent à s'élancer vers l'Ouest. Des caravanes sont pillées par les Indiens qui convoitent les armes, les chevaux, les bestiaux que les Blancs apportent. Les Indiens considèrent cela comme une sorte de péage. Il faut préciser que les Blancs tirent systématiquement sur tous les Indiens qu'ils rencontrent, même quand ceux-ci s'approchent par simple curiosité. Des commerçants nouent cependant de bonnes relations avec les Lakota. Sur la rivière Platte, là où les Indiens ont l'habitude de venir commercer, des marchands de fourrures ouvrent un comptoir qui prend le nom de Fort Laramie. Contre des peaux de castor, de loutre et de bison, les Lakota ont accès aux outils, étoffes, perles, ustensiles de totites sortes, fusils, alcool. Les Oglala s'installent en grand nombre autour de Fort Laramie qui devient leur centre économique. Certains d'entre eux tombent dans la dépendance des produits européens, surtout de l'alcool. Ils seront les "traîne-autour-du-fort", comme les appelleront avec mépris les Indiens demeurés libres.
En
1841, deux chefs, Smoke et Bull Bear, se disputent la prépondérance au sein de
la nation oglala. Alors que les partisans de Bull Bear rendent visite au camp de
Smoke, de l'alcool est distribué. Bientôt, les hommes se querellent. Un jeune
guerrier du camp de Smoke abat le chef Bull Bear d'un coup de feu. C'est Red
Cloud. Ce meurtre provoquera un ressentiment qui persiste encore de nos jours et
qui explique en partie les critiques dont Red Cloud a fait l'objet.
Incident à Fort Laramie
C'est en 1849 que le comptoir de Fort Laramie est fermé et transformé en fort militaire. En 1851, le gouvernement américain négocie le premier traité de Fort Laramie avcc les nations indiennes des Plaines du Nord. Il s'agit d'assurer la sécurité des convois de pionniers sur la piste de l'Oregon. Les Américains s'engagent à payer ce droit de passage en marchandises et en argent. Les Indiens cessent donc de prélever l'impôt en nature sur les convois. A cette occasion, les Crow et les Lakota concluent une trêve qui durera plusieurs années.
Le 18 août 1854, un camp de Brûlé (Sicangu) est installé près du fort. Les convois d'émigrants défIent sur la piste. Il advient qu'une vache s'échappe du troupeau d'un Mormon et s'élance dans le camp indien, semant la confusion. Un Indien l'abat. Le Mormon, s'empresse d'aller se plaindre au commandant du fort. Celui-ci, qui voit là l'occasion de mettre un peu d'animation dans la vie de la garnison, charge un jeune lieutenant de "ramener les sauvages à la raison" Le lendemain, le lieutenant se présente devant le camp avec trente hommes, deux canons et un interprète ivre qui ne cesse d'invectiver les Indiens. Le lieutenant, refusant les propositions d'indemnisation, exige que le "meurtrier" de la vache lui soit livré. Le chef Conquering Bear refuse. Perdant rapidement patience, le lieutenant fait tirer au canon sur le village, tuant et blessant plusieurs guerriers, dont Conquering Bear. Les soldats sont alors balayés par la charge vengeresse des guerriers brûlé, selon le récit de Jim Bordeaux, un commerçant français témoin de la scène.
Cet épisode de "la vache du Mormon" marque le début de la guerre dans les plaines du Nord, une guerre qui durera trente-six ans pour se terminer dans la neige ensanglantée de Wounded Knee. L'agression contre les Brûlé ne peut rester impunie. En novembre 1854, le jeune chef Spotted Tail (Sinte Cleska) attaque une diligence sur la piste de Laramie. Deux des occupants sont tués et les Indiens s'amusent à disperser les 20 000 dollars de billets verts qui se trouvent dans les bagages.
Le
3 novembre 1855, le général William Harney attaque le village du chef brûlé
Little Thunder installé à Ash Hollow, Nebraska, un endroit que les Lakota
appellent "Eau Bleue". Les soldats tuent et mutilent cent
trente-six Indiens dont beaucoup de femmes et d'enfants et emmènent
soixante-dix prisonniers.
Guerre ou négociations ?
Quelques jours plus tard, Spotted Tail, Little Thunder et plusieurs guerriers se présentent à Fort Laramie, entonnant leur chant de mort. Ils viennent se livrer pour obtenir la libération des captifs. D'abord menacés de pendaison, ils seront gardés deux ans prisonniers avant d'être libérés. Le 29 novembre 1864, plusieurs centaines de Cheyenne du Sud sont massacrés à Sand Creek, Colorado, alors qu'ils se trouvaient sous la protection du drapeau blanc. Le massacre de Sand Creek est un choc pour tous les Indiens. Les "Dog Soldiers" cheyenne qui combattent dans le sud reçoivent l'aide des Lakota conduits par Red Cloud, le chef oglala. En janvier 1865, les Indiens s'emparent de la petite ville de Julesbourg, au Kansas. Mais dans les Plaines du Sud, les massacreurs de bisons sont à l'œuvre, encouragés au plus haut niveau. Les fermiers, les éleveurs blancs investissent les plaines et c'est un combat désespéré que mènent les Indiens.
Dans le nord, les Lakota vont bientôt devoir se défendre sur leurs propres terres. La vallée de la Powder River, les Black Hills et les Big Horn Mountains constituent leur domaine. En juin 1865, débute le tracé de la piste Bozeman qui coupe le territoire lakota, le long des Black Hills. Red Cloud exige sa fermeture. Pendant les négociations, les Américains construisent trois forts pour protéger la piste. Les Lakota sont mis devant le fait accompli : les Blancs s'installent, tissent un réseau de pistes et de voies ferrées qui font fuir le gibier et amènent les colons par milliers.
Au printemps 1866, commence la guerre de Red Cloud. Le chef oglala a fait circuler une pipe de guerre parmi les Oglala, les Brûlé, les Minnecoujou, les Santee réfugiés de l'Est, les Cheyenne et les Arapaho. Tous l'ont acceptée et se sont mis sous son commandement. Sitting Bull, le chef hunkpapa, reste à l'écart, mais ses lieutenants Gall et Rain In The Face rejoignent leurs frères du Sud.
Une unité de commandement sous la responsabilité d'un seul chef de guerre est une situation totalement nouvelle pour les Indiens. La guerre de 1866-1868 représente un effort sans précédent. Plusieurs milliers de guerriers doivent être armés, nourris, soignés. Des camps de base sont aménagés, approvisionnés par des jeunes gens qui chassent, s'occupent des chevaux, réparent les armes, et où des femmes préparent la nourriture, fabriquent des cartouches, soignent les blessés. Des "traîne-autour-du-fort" servent d'espions aux combattants indiens. Mais les guerriers répugnent à s'éloigner trop des villages où vivent leurs familles, les laissant à la merci d'un raid de Crow ou de colons. Les hommes indiens, de moins en moins nombreux, ont du mal à faire face : chasser, protéger leurs familles et défendre leurs terres.
Les Indiens attaquent les chantiers ferroviaires de l'Union Pacific, font dérailler les trains, coupent le télégraphe, dévastent des fermes et des ranchs, anéantissent des convois, tuant des centaines de Blancs, subissant aussi des pertes qu'ils ne peuvent compenser. Le 26 décembre 1866, le capitaine Fetterman et les cent hommes qui l'accompagnent, tombent dans une embuscade près de Fort Phil Kearny, sur la piste Bozeman. Un jeune guerrier se distingue par son courage et son habileté de stratège : c'est Crazy Horse.
Début 1868, le gouvernement, mis en difficulté, engage des pourparlers de paix. Certains de négocier en position de force, les Indiens acceptent ces offres, conscients de ne pouvoir poursuivre encore longtemps leur effort de guerre. C'est la première fois que les Lakota voient sur une carte leurs terres enserrées par une frontière. Alors que le Brûlé Spotted Tail signe le traité dès le mois d'avril, Red Cloud, voulant consolider sa victoire, n'accepte de signer qu'en novembre, après l'abandon par l'armée des forts de la piste Bozeman.
Le
traité de Fort Laramie de 1868 reconnaît aux Lakota et à "tous les
autres Indiens qu'ils voudront bien accueillir" un vaste territoire
recouvrant à peu de chose près leur aire d'influence traditionnelle. Il
s'appuie à l'est sur le Missouri, au sud sur la Platte et la Niobrara, il
s'approche à l'ouest des Big Horn Mountains. Des annuités en vivres et en matériel
divers doivent être versées aux Indiens à Fort Laramie. Les Lakota sont incités
à s'initier à l'agriculture, à l'élevage, à envoyer leurs enfants à l'école.
Les missionnaires font leur apparition. Une réserve est constituée, allant
jusqu'au Missouri et englobant les Black Hills.
La terre n'est pas à vendre
Les terres au nord, à l'ouest et au sud constituent un territoire "non-cédé" sur lequel les Lakota et leurs alliés peuvent continuer à vivre, du moins "tant que l'abondance du bison y justifiera la chasse", une phrase lourde de menaces... Red Cloud et la moitié des Oglala s'installent autour de Fort Laramie qui devient le centre administratif de la réserve. Spotted Tail fait de même avec une partie des Brûlé. Les autres Lakota, avec les Cheyenne et les Arapaho continuent à vivre sur les territoires de chasse avec le Hunkpapa Sitting Bull, les Oglala Crazy Horse et American Horse et les Cheyenne Dull Knife, Little Wolf, Two Moons. En 1874, une expédition conduite par le lieutenant colonel Custer découvre de l'or dans les Black Hills. La ruée des prospecteurs commence. L'année suivante, le gouvernement va s'efforcer de voler le plus légalement possible les Black Hills aux Indiens.
Une disposition du traité exige que toute cession de terre soit approuvée par les trois-quarts des hommes des tribus. Le gouvernement envoie des commissaires recueillir les signatures. Malgré des fraudes éhontées, on n'arrive qu'à 10% du chiffre requis. Crazy Horse déclare : "On ne vend pas la terre sur laquelle le peuple marche".
On fait pression sur les Lakota en réduisant les rations qui permettent aux tribus captives de vivre. Durant l'été et l'automne 1875, les deux-tiers des Lakota vivent hors de la réserve. En novembre 1875, à Washington, le président reçoit le rapport du commissaire Watkins qui décrit les tribus lakota comme "sauvages, hostiles, arrogantes, indépendantes, défiant l'autorité du gouvernement". Il conclut: "A mon avis, il faut envoyer l'armée contre eux, dès cet hiver, le plus tôt sera le mieux, et les soumettre à coups de fouet." Ordre est donné à tous les Indiens de rejoindre les agences avant le 31 janvier 1876, faute de quoi ils seront considérés comme "hostiles" et traités en conséquence par l'armée. Pas un Indien ne bouge.
Dès
le mois de février, l'armée est en campagne. Les soldats abattent tout indien
rencontré, incendient les villages, laissant les hommes
sans ressources, sans abri au cœur de l'hiver. Pourchassés, les clans se
regroupent, se donnant de meilleures chances pour résister. Les combats et les
massacres se succèdent. Le général Crook fait pression sur Red Cloud pour
qu'il pousse ses hommes à
s'engager comme éclaireurs. Le chef oglala refuse. Son fils Jack est avec les
rebelles, Red Cloud lui a confié sa carabine et sa coiffure de guerre.
Little Big Horn
A la mi-juin, Crook, qui a dû se rabattre sur des éclaireurs crow et shoshone, attaque un gros village sur la rivière Rosebud. C'est le camp de Crazy Horse. Le combat dure toute la journée. Les soldats décrochent. Le village est sauvé.
Un immense camp s'étend sur les rives de la Little Big Horn. Toutes les tribus sont réunies pour la Danse du Soleil (1). En ce 25 juin 1876, au moins 10 000 Indiens sont rassemblés. C'est là que le lieutenant colonel Custer vient les attaquer et qu'il trouve la mort avec les 264 hommes du 7ème régiment de cavalerie. Les Indiens savent que les soldats reviendront, toujours plus nombreux, et qu'ils ont vécu leur dernier été de liberté. Dès le lendemain, ils se dispersent.
La défaite de Custer éclate comme un coup de tonnerre au milieu des fêtes du Centenaire de l'Indépendance des Etats-Unis. La fin de Custer est qualifiée d'odieux massacre. Quand, en 1877, le Congrès décrète la confiscation des Black Hills, cela apparaît comme une juste punition.
Les Indiens fuient la vengeance de la nation américaine. Ils n'ont plus qu'une alternative : se rendre ou mourir.
L'automne
1876, puis l'hiver 1877 sont pour eux une période de cauchemar. L'armée américaine,
instruite par des officiers prussiens, a beaucoup progressé en efficacité.
Cette armée moderne, bien équipée, bien entraînée se lance à la poursuite
d'une population affamée, épuisée, contrainte à une fuite incessante et qui
ne combat que pour sa survie.
Au printemps 1877, Sitting Bull et Gall,
avec les Hunkpapa et les Sans Arc, demandent asile au Canada et s'installent au
Saskatchewan. En septembre 1877, ils donnent asile à deux cents survivants des
Nez Percé de Chef Joseph.
En
avril, Red Cloud va trouver Crazy Horse à qui il promet, de la part du général
Crook, une réserve sur la Powder River. Le 7 mai, Crazy Horse fait sa reddition
à Fort Robinson, à la tête de douze cents Oglala affamés. Dans l'été,
alors que Crazy Horse doit subir les pressions de l'armée pour qu'il envoie des
éclaireurs oglala contre les Nez Percé en fuite, le bruit court qu'il veut
reprendre la lutte. Le 5 septembre, Crazy Horse est convoqué par le général
Crook. On tente de se saisir de lui pour le jeter dans une cellule. Il se débat
et veut fuir. Un policier indien le retient par le bras et un soldat le frappe
de deux coups de baïonnette dans le dos. Crazy Horse meurt dans la nuit. La réserve
sur la Powder ne sera jamais accordée.
En octobre, les Oglala sont déportés
à pied vers le Missouri. Un groupe réussit à fuir le convoi et à rejoindre
Sitting Bull au Cana-da. Un an plus tard, les Oglala sont installés autour de
l'agence de Pine Ridge, où ils vivent toujours.
Des îlots isolés au milieu d'un océan de Blancs avides.
Dans l'été 1881, Sitting Bull se rend. Spotted Tail, devenu l'ami des Blancs, est assassiné par Crow Dog. En 1883, il n'y a plus de bisons dans les plaines, on en dénombrait soixante millions, cinquante ans plus tôt. Les Blancs les ont tous tués.
La même année, sous peine de prison et de suppression des rations, toutes les cérémonies indiennes sont interdites, même les cérémonies privées, ainsi que les danses. En 1885, Buffalo Bill Cody commence à emmener des Lakota dans l'Est, puis en Europe pour figurer dans son "Wild West Show". Sitting Bull participe à l'une de ces tournées.
Dès 1889, ce qui restait de la grande réserve Sioux après l'annexion des Black Hills est partagé en "six petits îlots isolés au milieu d'un océan de Blancs avides", comme le dira Black Elk, quarante ans plus tard. Ce sont les actuelles réserves lakota de Pine Ridge, Rosebud, Cheyenne River, Standing Rock, Crow Creek et Lower Brûlé.
Les années 1888, 1889 et 1890 connaissent des sécheresses catastrophiques. Des tempêtes de poussière détruisent les champs d'où les Indiens sont censés tirer leur subsistance. Les rations sont réduites. La famine réapparaît. Les Blancs accusent les Indiens de paresse. Certains pensent que ces épreuves sont nécessaires pour leur apprendre la dureté du travail et l'humilité.
Dans ce malheur absolu, une lueur d'espoir apparaît. Dans les montagnes de l'Ouest, un Indien païute enseigne une cérémonie de danses et de chants qui doit faire renaître les morts, ramener les bisons dans les plaines et restaurer l'ancien mode de vie. Quand les Lakota en entendent parler, les Païute, les Shoshone, les Arapaho dansent déjà la Danse des Esprits. Les Lakota envoient deux émissaires pour rencontrer Wowoka, le prophète. Au printemps 1890, seuls quelques opposants déterminés dansent. Comme un feu de prairie, la danse se propage et l'espérance renaît. A l'automne, les trois-quarts des Lakota participent aux cérémonies. Ils dansent presque sans discontinuer, avec passion, comme s'ils voulaient hâter leur délivrance.
Wounded Knee, 1890
Les
Blancs s'inquiètent. Armées par les autorités, des milices se forment et
attaquent des rassemblements de Danseurs des Esprits. En décembre, l'armée
investit Pine Ridge. Les Danseurs des Esprits se cachent dans des lieux secrets.
Le 15 décembre 1890, sur la réserve de Standing Rock, Sitting Bull est tué
lors une tentative d'arrestation par la police indienne.
Le 17 décembre, plusieurs centaines de
Minnecoujou conduits par le chef Big Foot partent en direction de l'agence de
Pine Ridge, à 350 km au sud, pour se mettre sous la protection de Red Cloud. A
la hauteur de Bridger, ils sont rejoints par une cinquantaine de Hunkpapa en
fuite après la mort de Sitting Bull.
Le
28 décembre, près de Porcupine, les fugitifs rencontrent, pour leur malheur,
des éléments du 7ème de cavalerie, le régiment de Custer
reconstitué. Les soldats emmènent les Lakota à Wounded Knee Creek. Le
lendemain matin, on désarme les hommes. Un coup de feu est tiré
accidentellement. C'est le signal du massacre. Les quatre mitrailleuses
Hotchkiss abattent trois cents Lakota, surtout des femmes et des enfants. Les
morts, dépouillés de leurs vêtements, sont jetés dans une fosse commune.
C'est le dernier massacre, celui que les
Lakota ne pourront jamais oublier.
En janvier 1891, vingt-sept leaders de la Danse des Esprits dont Kicking Bear et Short Bull, sont gardés prisonniers à Fort Sheridan, Illinois. Ils sont libérés au bout de quelques mois à condition de s'engager dans le "Wild West Show". L'un d'eux, Lone Bull, est kidnappé pour être montré dans un cirque. Durant sept ans, il sera exhibé dans une cage, enchaîné, désigné à la vindicte populaire comme "l'un des sauvages qui ont tué Custer". Le public est invité à le lapider. L'une des pierres lui crèvera un oeil.
Les Lakota s'efforcent de survivre. Ils réussissent à retarder les effets dévastateurs de la loi de Lotissement des Terres Indiennes de 1887 (Loi Dawes) qui partage les réserves en propriétés privées afin de faire des Indiens de petits fermiers. Ces terres doivent être gardées au moins vingt-cinq ans par leurs propriétaires. Mais dès 1906, l'autorisation est donnée aux Indiens de vendre leurs terres et le démantèlement des propriétés indiennes commence. La misère, la naïveté et la pression des Blancs sans scrupules font que beaucoup d'indiens se séparent de leurs terres.
Au début des années 1900, les Lakota s'essaient à un peu d'agriculture, mais beaucoup de leurs terres sont laissées en prairies. Ils se consacrent volontiers à l'élevage qui correspond davantage à leurs goûts et aux possibilités de leurs terres où l'herbe pousse mieux que le blé. Les Lakota possèdent des jardins, des basses-cours dont s'occupent les femmes. Les hommes chassent un peu. Ceux qui n'ont pas de ferme exercent des métiers saisonniers. Ils travaillent dans les ranchs, dressent les chevaux. Ils se mettent à la construction, apprennent la mécanique. Vers 1915, ils possèdent un beau troupeau de bovins et de chevaux dont ils s'occupent en commun. Un commissaire aux Affaires Indiennes intelligent avait reconnu qu'ils devaient développer une économie fondée sur l'élevage. C'est leur période la plus heureuse depuis qu'ils vivent sur les réserves.
En
1917, le gouvernement oblige les Lakota à vendre leurs troupeaux et à cultiver
des céréales sous le prétexte que l'Amérique manque de blé, comme si les récoltes
de quelques Lakota sur leurs terres infertiles allaient sauver l'Amérique d'une
pénurie d'ailleurs totalement illusoire. En 1920, les cours du blé
s'effondrent. La perte de leurs troupeaux est un coup terrible pour les Lakota.
Les Lakota délaissent
de plus en plus l'agriculture. Beaucoup louent leurs terres à des Blancs. La
misère, le chômage, le découragement ne feront que s'accroître avec la crise
économique des années 1930. En 1924, la citoyenneté américaine est accordée
à tous les Indiens des États-Unis, marquant l'achèvement de leur intégration
à la nation américaine. En 1928, un rapport accablant sur la situation économique
et sociale des Indiens est remis au Bureau des Affaires Indiennes. Le nouveau
commissaire, John Collier, élabore une loi qui rompt avec la politique
d'assimilation et d'individualisation forcées. La loi de Réorganisation
Indienne de 1934 reconnaît la notion de tribu à laquelle elle accorde une
sorte de personnalité morale. Les tribus se dotent de constitutions "démocratiques",
de conseils tribaux élus. L'agent indien est supprimé, mais un représentant
du Bureau des Affaires Indiennes est maintenu sur la réserve, supervisant les décisions
du conseil tribal. Le lotissement des terres est interrompu et certaines sont même
rendues aux Indiens. Les cérémonies indiennes sont à nouveau tolérées, bien
qu'il faille attendre 1978 pour qu'une décision du Congrès reconnaisse le
droit à la liberté religieuse pour les indigènes américains.
Dès
la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les Lakota subissent le choc dévastateur
de la modernité. Les solides maisons de rondins que les hommes avaient
construites sont dépassées. Il faut des maisons modernes, en matériaux légers
et qui exigent de grosses dépenses de chauffage. Les Indiens ne construisent
plus leurs maisons. Le Bureau des Affaires Indiennes fait appel à des
entreprises blanches. Les femmes n'entretiennent plus les jardins, ne
confectionnent plus les vêtements de la famille. A quoi bon, quand on a le
supermarché ? Il faut de plus en plus d'argent pour vivre. Mais comment s en
sortir quand il y a de moins en moins d'emplois accessibles aux Indiens ?
Entre 1946 et 1954, de grands barrages sont construits sur le Missouri.
Faut-il s'étonner si pratiquement tous ont été construits sur les bonnes
terres alluviales des réserves de Standing Rock, Cheyenne River, Lower Brûlé
? Ces terres sous tutelle fédérale pouvaient être retirées aux Indiens par
simple décision du Congrès.
Les Lakota sont durement touchés par la
politique de relogement forcé des années 1960. De nombreux Lakota vendent leur
terre, abusés par les spéculateurs et par le BIA qui les
"conseille". Dès 1955, douze agents du BIA s'occupent exclusivement
de la vente des terres des Lakota à des Blancs.
L'American Indian Movement
Les Indiens sans terre sont fortement incités à aller "tenter leur chance" dans les villes. On leur promet des emplois bien payés, des logement pimpants, pourvus du confort moderne. On donne au candidat au départ un billet de train et un petit pécule qui lui permettra de tenir quelques semaines. Les Lakota vont vers Rapid City, Pierre, Hot Springs, Denver. Le BIA veille à rendre les réserves invivables afin de décourager les Indiens d'y rester. Les routes, les maisons ne sont plus réparées, on ne construit plus. Les Lakota ne trouvent pas en ville les conditions de vie agréables décrites dans les brochures du BIA. Ils logent dans des tau-dis. L'Indien est toujours embauché le dernier. Il n'a ni les connaissances professionnelles, ni le mode de vie adéquat pour s'en tirer dans le monde des Blancs. Beaucoup d'Indiens finissent dans la rue, dans les centres d'accueil des institutions charitables, dans les bars, voire en prison. Le taux de suicide est énorme, l'alcoolisme galopant, à la mesure de la déception et du désespoir. C'est en 1968 à Minneapolis que deux Chippewa, Dennis Banks et John Mitchell fondent l'American Indian Movement (AIM) qui se propose d'organiser la défense des habitants des quartiers indiens contre les exactions policières et racistes. Russell Means et ses frères, des Oglala, les rejoignent bientôt. Leur volonté d'améliorer le sort des Indiens des villes est sous-rendue par la nécessité de se battre pour la culture et la spiritualité du peuple indien, pour la fierté d'être indien. Les raisons de lutter, ils iront les chercher sur les réserves, sur ces terres où vit le peuple traditionnel, Russell Means les emmène chez les siens. C'est auprès de Franck Fools Crow, né l'année du massacre de Wounded Knee, du vieil Henry Crow Dog, de Peter Catches, de Richard Moves Camp que les jeunes de l'AIM vont retrouver leur histoire, leur culture, leurs cérémonies sacrées, obtenir une consécration. Le mouvement acquiert ainsi une Force et une légitimité sans pareilles. L'AlM étant un mouvement pan-indien qui essaime sur tous les États-Unis et le Canada, il a tout naturellement diffusé la culture et la spiritualité lakota, en particulier la Danse du Soleil.
En
novembre 1972, c'est la "Piste des Traités Violés" et l'occupation
des bureaux du BIA à Washington. En février 1973, après l'assassinat impuni
d'un jeune Oglala par un Blanc et les violentes manifestations indiennes autour
du tribunal de la ville de Custer, un groupe armé de l'AIM décide d'occuper le
village de Wounded Knee, lieu hautement symbolique. Après soixante et onze
jours de siège et deux morts, les Indiens se rendent.
Wounded Knee, 1973
La
terreur s'installe sur la réserve de Pine Ridge. Des dizaines de membres et
supporters de l'AIM sont assassinés par des milices paramilitaires armées par
le FBI. Le 26 juin 1975, deux agents du FBI sont abattus près d'Oglala, non
loin d'un camp de l'AIM. Une chasse à l'homme est organisée par la police dan
toute la région. Plusieurs membres de l'AIM sont arrêtés, dont Léonard
Peltier qui sera inculpé du double meurtre et condamné à une peine de prison
à vie, à l'issue d'un procès truqué. Pour beaucoup d'Indiens, Peltier représente
l'esprit de résistance des Lakota, l'esprit de Crazy Horse.
En1986, des Lakota commencent une chevauchée du souvenir afin d'honorer
la mémoire de ceux qui ont éte assassinés a Wounded Knee en 190 et de
restaurer le cercle de la nation lakota. La chevauchée Si Tanka wôkiksuye (le
souvenir de Big Foot) part de Grand River où est mort Sitting Bull pour
arriver à Wounded Kmee. Au matin du 29 décembre 1990, les Lakota ont célébré
au bord de la fosse commune du cimetière de Wounded Kmee le rituel de "lbération
des âmes, une cérémonie de deuil qui m'avait toujours pas pu être accomplie
pour leurs ancêtres assassina cnt ans plus tôt. Le cercle brisé de la nation
lakota était restauré. Depuis deux ans, de jeunes cavaliers lakota, les Oomaka
Tokata-kifla (Future Génération) succèdent à leurs aines et perpétuent le
souvenir.
Mitakuye Oyas'in (Ils sont tous mes parents), cette formule
revient à la fin de chaque prière lakota. Leur vie était fondée sur la
notion de parenté étendue avec ceux de la tribu et tous les êtres vivants de
la création. Ce sentiment de parenté assurait la cohésion tribale, unissant
les Lakota au monde qui les entourait.
Les Lakota s'adressaient tout naturellement aux autres en termes de "frère" "sœur" "père" etc. Un étranger, un prisonnier par exemple, pouvait vivre dans la tribu et y être adopté dans une famille. Sitting Bull avait adopté comme frère un jeune guerrier assiniboine qui, lors d'un combat, s'était montré particulièrement courageux. Il lui avait donné le nom de son père, Jumping Bull. La cérémonie d'adoption, Hunkacagapi (Ils font des parents), comportait l'attribution d'une nouvelle identité par laquelle la personne adoptée était reconnue dans sa nouvelle famille, dans sa nouvelle tribu. Le clan tribal ne comptait que quelques centaines de personnes, nombre permettant aux individus de se connaître et de se dévouer aux autres. Les guerriers protégeaient le clan, les hommes chassaient et partageaient le gibier avec ceux qui se trouvaient dans le besoin. Les femmes s'entraidaient pour fabriquer et installer les tipis, tanner les peaux et élever les enfants du groupe. Cette cohésion forte assurait la sécurité des personnes, en particulier des plus faibles et donnait un sens à leur vie. A la fin du XIXème siècle, ceux qui voulaient assimiler les Indiens à la culture blanche se sont avant tout attachés à briser ce lien en imposant la propriété privée et l'individualisme. I.es groupes formés de quelques familles étendues (les Tiyospaye) qui, durant une grande partie de l'année vivaient de manière indépendante, avaient leurs propres leaders, des hommes reconnus pour leur courage, leur sagesse, leur capacité à conduire et protéger le groupe. Les décisions étaient prises par un conseil d'hommes qui avaient "fait leurs preuves", généralement au combat. On entrait au conseil par cooptation et les décisions, longuement discutées, étaient prises par consensus. Ceux qui le refusaient pouvaient quitter le groupe, provoquant parfois l'émiettement des tribus. Personne n'était contraint de se soumettre à des décisions qu'il désapprouvait.
Oceti
Sakowin Oyate, la Grande Nation Sioux, était une entité très souple de
peuples se reconnaissant une même origine. Les Sioux se réunissaient de temps
en temps pour prendre des décisions en commun concernant la guette, les
alliances. Chaque tribu gardait ses propres chefs. Si une personnalité émergeait,
elle n'imposait pas pour autant son autorité aux autres. Pas de "grands
chefs" chez les Lakota. Ce système décentralisé assurait un maximum de
liberté et de démocratie, mais rendait l'union des tribus difficile. La dignité
de chef "civil" était souvent héréditaire. Le fils d'un chef
reconnu avait plus de chances qu'un autre de lui succéder. Il y était préparé,
éduqué, mais il devait s'en montrer digne.
Responsabilité
et aptitude
Des chefs de guerre se révélaient parmi les guerriers. Leur autorité ne durait souvent que le temps de l'expédition projetée. La décision de partir en guerre était prise en conseil. Quand, du fait de l'invasion blanche et de la recrudescence consécutive des conflits entre tribus, le peuple lakota s'est trouvé en état de guerre permanente, le rôle des chefs de guerre a prévalu. Sitting Bull, plutôt destiné à une carrière de leader spirituel devint un grand chef de guerre lorsqu'il lui fallut défendre son peuple.
La société lakota était partagée en société des hommes et société des femmes. Chaque sexe travaillait dans une parfaite complémentarité. Les activités des hommes n'étaient pas supérieures à celles des femmes, mais simplement différentes. Les femmes indiennes étaient souvent décrites comme des esclaves, des bêtes de somme. Avant l'arrivée des chevaux, elles portaient, en effet, les enfants et une partie des bagages qui ne pouvaient être traînés par les chiens lots des déplacements des camps. L'explorateur George Catlin, qui a voyagé parmi les tribus vers 1830, remarque que les femmes indiennes des Plaines accomplissaient leurs rudes travaux avec une bonne volonté et un enthousiasme qui l'étonnaient. Chacun avait le sentiment d'être utile à ses proches, de participer au bien-être du groupe.
Les femmes lakota me se livraient pas qu'à des travaux pénibles. Elles disposaient de temps consacré à la fabrication de beaux vêtements, de couvertures, de sacs, de parures, superbement décorés de piquants de porc-épic ou de perles admirés et valorisés à l'égal des exploits des hommes. George Carlin signale encore que les jeunes femmes indiennes étaient de remarquables cavalières, d'excellentes nageuses et se livraient souvent entre elles à des jeux d'adresse et de vitesse. L'accomplissement de chacun, homme ou femme garantissait la bonne santé de la tribu. Certaines femmes lakota, reconnues pour leur expérience et leur sagesse, devenaient de grandes guérisseuses maîtrisant l'usage des plantes et les nombreuses techniques de soin.
Les
Lakota ont parfois été accusés d'abandonner les vieillards. Avant de posséder
des chevaux, il leur était difficile de transporter un adulte, surtout en cas
de danger. Pour ne pas être une charge, beaucoup de vieillards acceptaient d'être
abandonnés et voyaient venir la mort avec sérénité. Cette pratique cessa dès
que vieillards et malades purent être transportés facilement. Les
grands-parents dispensaient l'éducation aux enfants. Le grand-père initiait le
jeune garçon à la chasse, à l'équitation, fabriquait son premier arc et ses
premières flèches, lui apprenait à suivre des pistes, à observer et
comprendre le monde qui l'entourait, à savoir y vivre, à connaître et
respecter les pouvoirs de l'univers. La grand-mère enseignait à ses
petites-filles les techniques du tannage et du perlage, mais aussi à être
fortes, discrètes et généreuses.
Participer au
bien du groupe
L'homme lakota consacrait une grande partie de son temps à la chasse.
Les grandes chasses collectives au bison m'avaient lieu que deux ou trois fois
par an. En fait, les hommes chassaient tous les deux ou trois jours, soit
individuellement, soit en petits groupes. lIs ravitaillaient ainsi leur famille
en viande fraîche, la viande de bison étant en grande partie séchée, réduite
en poudre et conservée pour l'hiver. Pour un homme, la première qualité était
de pourvoir aux besoins de sa famille en viande et en peaux. Un jeune chasseur
se faisait un honneur d'offrir son butin aux vieillards, aux femmes et aux
enfants sans pourvoyeur. Personne m'était laissé sans nourriture mi vêtement
dans un camp lakota. On donnait un cheval à la pauvre famille qui avait du mal
à transporter ses biens. Pas de sans-abris ni d'exclus chez les Lakota.
Certains hommes se consacraient à l'artisanat, fabriquant flèches, flûtes, tambours, selles, ou s'adonnant à la peinture. Certains étaient chanteurs ou acteurs. Des troupes parcouraient les tribus, représentant avec succès des légendes ou des histoires comiques. Les hommes s'adonnaient aussi aux activités d'échange avec d'autres clans, d'autres nations, souvent fort éloignées. Les coquilles d'abalone des rives du Pacifique parvenaient ainsi jusque dams les Plaines ou elles étaient fort appréciées. Des foires parsemaient les Plaines au confluent des cours d'eau. On y venait sans arme. Les nations indiennes entraient ainsi pacifiquement en relation, utilisant le langage des signes. Les Lakota connaissaient les Apaches aussi bien que les Iroquois et avaient une bonne notion de la géographie du continent.
Avec la chasse, la guerre était l'activité essentielle des hommes. Plutôt que "guerre", il vaudrait mieux dire "combat". La guerre implique une constance, une mise en oeuvre de moyens importants, très éloignés des pratiques indiennes. Les Lakota avaient, certes, conduit des guerres de conquête à travers les Plaines au XVIIIème siècle. Alliés aux Cheyenne et aux Arapaho, ils n'ont cependant pas poussé leur avantage jusqu'à anéantir des ennemis affaiblis. Où les jeunes Lakota seraient-ils allés ensuite pour accomplir leurs exploits, enlever une épouse ?
Les
Indiens des Plaines ne torturaient pas leurs prisonniers. Les femmes, les
enfants, les adolescents étaient épargnés et adoptés dans la tribu après
une période de mise à l'épreuve durant laquelle étaient testées les qualités
de la personne et ses capacités à s'intégrer. Les combattants indiens ne
constituaient pas une armée. Chaque Lakota était guerrier, chasseur,
protecteur de sa famille, éducateur de ses enfants et voix au conseil. Il ne
s'est jamais constitué une caste de combattants au service d'un pouvoir
oppresseur. Des "policiers" faisaient toutefois respecter l'ordre
durant les déplacements, les grandes chasses. C'était les akicita. Ils
venaient des sociétés de guerriers, chacune fournissant les akicita durant une
lune.
La technique de combat des Lakota, de
petits groupes de guerriers très mobiles, frappant vite et disparaissant de même
en faisait des maîtres dans l'art de l'approche silencieuse, du harcèlement et
de la guérilla. Les petits groupes de guerriers commençaient au printemps, après
les premières chasses, à parcourir les Plaines à la recherche d'un
adversaire. L'usage du cheval a certainement entraîné une augmentation de
l'activité guerrière, chaque tribu voyant ses ambitions s'accroître. La
capture de chevaux, sans qu'il y ait forcément mort d'homme, s'est substituée
aux attaques de villages. Au XIXème siècle, la capture de chevaux
était l'activité principale des jeunes Lakota.
Les
Lakota avaient un système d'honneurs gagnés au combat. Marquer un
"coup", toucher l'ennemi sans le tuer, était l'action la plus valorisée.
Red Cloud aurait marqué quatre-vingt "coups" durant sa carrière de
guerrier. Tuer et scalper ne venaient qu'après. Seul comptait le risque pris.
Un combat entre Indiens se transformait rapidement en une série de duels, les
Lakota recherchant avant tout l'exploit personnel, souvent au détriment de
l'efficacité. Grâce à leurs chefs, les guerriers lakota ne se faisaient pas
tuer inutilement. Dominés, les Lakota rompaient le combat. Acculés sans
possibilité de fuir, ils se battaient jusqu'au bout. S'il s'agissait de défendre
un village, les hommes donnaient leur vie avec une totale abnégation jusqu'à
ce que les femmes et les enfants aient pu se mettre en sûreté.
A la fin du XIXème siècle,
les hommes lakota étaient deux à trois fois moins nombreux que les femmes. Les
cérémonies de la Danse des Esprits étaient fréquentées par une écrasante
majorité de veuves qui priaient pour que leur mari revienne du Monde des
Esprits et pour retrouver leur vie traditionnelle, dont les divers missionnaires
et autres "Amis de l'Indien" entendaient pourtant les "libérer".
Au début des années 1880 un acte du Congrès mettait hors la loi la religion lakota, aussi bien ses grandes cérémonies collectives que ses rituels personnels et familiaux. L'intention élibérée du pouvoir américain était de remplacer la culture indienne par le mode de vie des Blancs et la spiritualité par le christianisme. Après bien des années d'affaiblissement et de clandestinité les religions indiennes, et en particulier la spiritualité lakota, s'affirment à nouveau... La spiritualité lakota est d'abord enracinée dans une terre, la région des Black Hills, au Dakota du Sud. L'Histoire a retenu que les Lakota, partis de l'Est, avaient atteint les Black Hills vers 1770. On suppose qu'ils y venaient pour la première fois. La tradition orale lakota affirme pourtant autre chose.
De petites tribus du Sud-Est, Catawba, Yuchi, Biloxi, parlaient une langue apparentée au Sioux. Leur séparation d'avec les autres groupes sioux semble extrêmement ancienne. Black Elk disait que son peuple avait vécu "au bord de la mer du sud" puis s'était déplacé vers le nord. Il faisait remonter l'événement à environ mille ans. Cela n'aurait-il pas laissé aux ancêtres des Lakota le temps de se déplacer à travers le continent ? Leur arrivée dans les Black Hills au XVIIIème siècle ne pourrait-elle être qu'un retour aux sources ? Selon la tradition orale, les ancêtres des lakota seraient nés dans les Black Hills (Paha Sapa), il y a bien longtemps. Tokahe aurait été le premier à sortir du monde souterrain par Wind Cave, l'une des grottes des Black Hills. Les ancêtres des Lakota auraient découvert avec émerveillement le monde animé par le Grand Mystère, Wakan Tanka. Il est certain que le peuple lakota s'est construit culturellement et spirituellement au contact de ce lieu exceptionnel. L'archéologie a mis à jour des sites cérémoniels des sépultures, des grottes ornées de gravures, peut-être l'œuvre d'autres peuples que les Lakota assument comme les leurs. On ne sait pas qui étaient les peuples que les Lakota considéraient comme leurs ancêtres.
Les Lakota pensaient que le monde terrestre où ils vivaient n'était que le reflet du monde céleste, celui des Esprits. Particulièrement attentifs aux formes des constellations, ils avaient établi, par une sorte d'effet de miroir, une correspondance entre certains groupes d'étoiles et des sites du massif des Black Hills ou situés à proximité comme Devil's Tower (Mato Tipila) et Bear Butte (Mata Paha). Observant le déplacement apparent du Soleil àtravers ces constellations tout au long de l'année, ils réglaient leurs déplacements sur celui du Soleil. Ainsi, la cérémonie de la Pipe se déroule à l'équinoxe de printemps quand le Soleil se trouve entre le Triangle et le Bélier. Le Retour des Orages est célébré en mai au sommet des Black Hills (Mt Harney) quand le Soleil traverse les Pléiades. La Danse du Soleil, la cérémonie du renouvellement de la vie, se déroule au solstice d'été à Devils Tower quand le Soleil est dans les Gémeaux.
Le peuple du Bison
Pour
les Lakota, le bison incarne le pouvoir du Soleil. Ainsi, quand ils
"suivaient le bison", ce n'était pas seulement en vue de la chasse,
mais ils accomplissaient un devoir religieux. En agissant ainsi les Lakota
avaient le sentiment d'être en accord avec les pouvoirs du monde, en accord
avec l'Esprit qui anime l'univers, Wakan Tanka. On comprend ainsi le drame
cosmique qu'a représenté pour eux la disparition du bison, alors que
l'enfermement dans les réserves les empêchait de continuer à remplir leurs
devoirs religieux. Ces déplacements rituels ne pouvaient être accomplis par la
totalité du peuple lakota, surtout avant la domestication du cheval, mais
seulement par quelques-uns qui priaient au nom de tous. De même, la pratique
des vertus de courage, de générosité, de force d'âme et de sagesse n'était
qu'un idéal que les Lakota s'efforçaient d'atteindre, mais qui ne
s'accomplissait totalement qu'après la mort, quand l'âme entrait au
Wana-giyata, le Pays des Esprits quils situaient le long de la Voie Lactée.
Une remarquable étude menée au début
des années 1980, publiée par Sinte Gleska University sur la réserve de
Rosebud[6]
pourrait confirmer la tradition orale selon laquelle les Lakota auraient arpenté
les Plaines "il y a bien longtemps". L'équipe qui a mené cette étude
a constaté un décalage de 40 à 50 degrés entre la position actuelle des
constellations et celle qu'elles avaient quand les Lakora ont commencé à
synchroniser leurs mouvements à travers les Plaines par rapport à elles. C'est
le phénomène de précession des équinoxes. Les calculs montrent que les ancêtres
des Lakota auraient pu se trouver dans la région des Black Hills il y a 2 000
à 3 000 ans.
Les
Black Hills sont pour les Lakota "le Cœur de Tout ce qui Est"
ou, comme le disait un Ancien, "les Black Hills sont le cœur de notre pays
et le pays de notre cœur"; Les lakota considèrent que les Black Hills
sont la plus ancienne formation du monde qui seule aurait résisté à un grand
cataclysme, quand Maka avait dû se secouer pour détruire le mal, un nettoyage
rendu nécessaire par "la nature destructrice des êtres humains". Une
course de quatre jours avait été organisée autour du "Cœur de Tout ce
qui Est" entre les animaux à quatre pattes, fort mécontents des humains,
et les oiseaux qui avaient accepté de "courir" pour les hommes. Rien
moins que la survie de l'espèce humaine était en cause. Les oiseaux avaient
gagné et les hommes avaient été autorisés à continuer à vivre et à
chasser les animaux pour leur subsistance, à condition de ne pas abuser de leur
pouvoir et de respecter les êtres vivants, les autres enfants de Maka. Les
Lakota se sont ainsi efforcés de vivre selon une morale de respect mutuel (Ohokicilapi)
dans le tiyospaye, dans la tribu, dans le monde. La trace laissée par cette
course serait cette curieuse formation d'argile rouge qui entoure les Black
Hills. C'est le Cercle Sacré (Cangleska Wakan) qui correspond dans le monde céleste
à un grand cercle d'étoiles passant par Sinus, Castor et Pollux, Capella, les
Pléiades, Rigel. Depuis quinze ans, une course spirituelle de 500 miles (800
km) commençant et finissant à Bear Butte, est organisée par les Lakota pour
renouveler le mythe fondateur, prier pour que le peuple retrouve ses voies
traditionnelles et réaffirmer les droits de la nation sioux sur les Black Hills.
L'histoire des Lakota tourne toujours autour des collines sacrées. On revient
toujours à Paha Sapa.
Prier avec la pipe
L'autre
pôle de la spiritualité lakota[7],
c'est Cannunpa Wakan, la Pipe Sacrée. La Pipe était utilisée par les nations
indiennes de l'Est depuis au moins le IIlème siècle (culture
Hopewell). La Pipe aurait été apportée aux Lakota par la Femme Bison Blanc (Pte
San Win) envoyée par Wakan Tanka pour donner aux Lakota de nouveaux moyens de
prier et pour renouveler une spiritualité qui s'était affaiblie. Il s'agit
probablement d'un événement historique qui pourrait se situer au XVème
siècle. Un excellent récit en est fait dans le second livre de Black Elk[8]
qui le situe dans le contexte historique et culturel lakota. La Pipe lie le
monde terrestre, celui des Esprits, Wakan Tanka et l'Homme qui prie
"pour" et "avec" toute la Création[9].
L'Homme est le porte-parole des êtres vivants parce qu'il est le seul à
pouvoir atteindre la pleine connaissance de Wakan Tanka, à condition d'avoir un
cœur pur et de marcher sur la Bonne Route Rouge (Canku Luta Waste) en menant
une vie conforme aux vertus lakota.
Le
rite majeur apporté par la femme sacrée est celui de la Danse du Soleil. Ce
sacrifice personnel accompli devant tout le peuple est pratiqué sous diverses
formes par la plupart des nations des Plaines. C'est l'Okiepa des Mandan, la cérémonie
du Renouveau de la Vie des Cheyenne. Seuls les Lakota "dansent en regardant
le Soleil" (Winanyank' Wacipi) mais le nom de Danse du Soleil désigne
aussi les autres rituels du même genre.
La Danse du Soleil
C'est une cérémonie complexe chargée de beaucoup de significations, une action de grâce à Wakan Tanka qui a donné au peuple lakota le splendide pays où il vivait heureux, une prière pour que la vie conti-nue à se renouveler chaque année. Le sacrifice librement consenti de la Danse du Soleil peut être vu comme la reconstitution du sacrifice fondateur d'Inyan qui, animé par Wakan Tanka, a créé le monde. C'est aussi un sacrifice pour le bonheur du peuple, la santé d'un parent, un remerciement pour une grâce reçue. De nos jours, l'aspect recherche de guérison, requête personnelle est prédominant. C'est la conséquence de l'inévitable affaiblissement de l'unité tribale et de la dimension cosmique qui était celle du rite ancien.
La Danse du Soleil, qualifiée de "rite barbare et répugnant", a été interdite sous peine de prison en 1883. Les traditionalistes avaient pu la maintenir dans la discrétion. A partir de 1930, des Danses du Soleil étaient présentées publiquement sous une forme atténuée, sans "percement"[10]. A la fin des années 1960, elles reparaissaient dans leur rituel complet sous l'influence de Frank Fools Crow, l'homme-médecine oglala mort presque centenaire en 1989, renaissance impensable après des décennies d'assimilation et de christianisme. Là aussi, les Lakota ont joué un rôle de leaders. Beaucoup de Lakota sont actuellement chrétiens, catholiques pour la plupart. Les Jésuites les ont christianisés en s'appuyant sur les vertus lakota de sacrifice, de partage, de générosité pour faire admettre leur enseignement. Les Lakota n'avaient pas le choix. Ne pouvant plus pratiquer les funérailles traditionnelles qui consistaient à placer les corps sur des échafaudages funéraires pendant un an, ils devaient passer par l'église pour enterrer leurs morts.
Certains Lakota pratiquent les deux religions. Les prêtres ont abandonné leur "esprit missionnaire" pour se montrer plus conciliants avec ce qui était considéré, il n'y a pas si longtemps, comme un culte païen, voire démoniaque. Quelques-uns uns ont intégré l'usage de la Pipe dans le rituel chrétien et les symboles lakota sont présents dans beaucoup d'églises. Mais on ne peut nier que la christianisation a été un élément déterminant dans l'assimilation à la société blanche, la destruction de la cohésion tribale et l'affaiblissement de la culture lakota[11].
Si les traditionalistes lakota n'ont plus guère à se défendre contre le christianisme, ils doivent combattre de nouveaux ennemis fort redoutables : les touristes et le "New Age". Les sites cérémoniels majeurs comme Bear Butte où les Lakota et les Cheyenne font leurs quêtes de vision, Devil's Tower où ils célébraient des Danses du Soleil sont submergés tous les étés par des foules de touristes bruyants et irrespectueux et par des adeptes des "nouveaux cultes" qui insultent et profanent la véritable spiritualité indienne.
Les Danses du Soleil tenues sur les réserves lakota sont tous les ans envahies par des non-Indiens dont certains "sponsorisent" les cérémonies, introduisant inévitablement la corruption. Préserver, reconstruire et se développer Cet été, à la demande de la famille Red Cloud et de plusieurs sociétés traditionalistes comme les "Grey Eagles" et les Tokala, les Oglala ont pris des mesures pour interdire aux non-Indiens l'accès aux Danses du Soleil tenues sur Pine Ridge, une interdiction que certains Lakota considèrent comme une atteinte à leur liberté de religion.
Depuis une quinzaine d'années, sous l'influence de l'AIM, la Danse du Soleil lakota a essaimé chez des peuples indiens qui avaient perdu leurs propres rituels ou qui faisaient de la cérémonie un acte militant, à la fois spirituel et politique.
La
spiritualité lakota, avec la langue lakota, s'est ainsi répandue et est en
passe de devenir la première religion indienne d'Amérique du Nord. Préserver,
reconstruire et se développer, c'est ce dont la spiritualité et la culture
lakota ont besoin maintenant pour revivre.
Il y a bien longtemps, alors que le peuple lakota connaissait la famine et le trouble, deux jeunes chasseurs qui s'étaient éloignés dans la prairie virent venir vers eux une belle jeune femme vêtue de blanc et portant un paquet sur le dos. L'un d'eux fut saisi de mauvaises pensées et s'approcha d'elle. Un nuage les entoura et quand il se fut dissipé, l'homme était mort à ses pieds, dévoré par des serpents. La jeune femme demanda à l'autre chasseur de rentrer à son camp et d'avertir le chef de sa venue, car elle avait un important message à délivrer au peuple lakota.
Le chef, Helogeca Najin (Corne Creuse Debout) fit préparer une grande loge pour la recevoir. La femme mystérieuse entra dans la loge, dont elle fit le tour dans le sens de la marche du soleil, et s'arrêta devant le chef assis à l'Ouest. Elle retira de son sac une petite pierre ronde et une Pipe. Tenant la Pipe à deux mains et l'élevant vers le ciel, elle dit "Avec cette Pipe de mystère, vous marcherez sur la Terre qui est votre Grand-Mère et votre Mère, et qui est sacrée. Chaque pas que vous ferez sur elle devra être comme une prière. Le fourneau de la Pipe est de pierre rouge[12] et il est la Terre. Le jeune Bison qui est gravé sur la pierre représente les quadrupèdes qui vivent sur votre Mère. Le tuyau de la Pipe est en bois et il représente tout ce qui croît sur la Terre. Ces douze plumes [...] sont de Wanbli GIeska, l'Aigle Tacheté et elles représentent tous les êtres ailés de l'air. Tous ces peuples et toutes les choses de l'Univers sont liés à toi qui frimes la Pipe. Tous envoient leurs voix à Wakan Tanka, le Grand Esprit. Quand vous priez avec la Pipe, vous priez pour toutes ces choses et avec elles [...] Chaque aurore qui vient est un événement sacré, et chaque jour est sacré, car la lumière vient de votre Père Wakan Tanka. Et vous devez toujours vous souvenir que les hommes et tous les autres êtres qui se tiennent sur cette Terre sont sacrés et doivent être traités comme tels".
Ayant remis la Pipe entre les mains d'Helogeca Najin, elle montra les sept cercles dessinés sur la pierre ronde qu'elle avait posée sur le sol. "Ces cercles représentent les sept rites dans lesquels la Pipe sera utilisée", dit-elle[13]. Elle sortit de la loge et vit le peuple rassemblé. Elle lui donna des instructions sur la manière dont il devait vivre. S'adressant aux chefs, elle leur recommanda la sagesse dans leurs décisions et le dévouement à leur peuple. Elle dit aux hommes qu'ils étaient les défenseurs du peuple et les pourvoyeurs de leurs familles et de tous ceux qui se trouvaient dans le besoin. Aux femmes, elle recommanda l'abnégation la diligence dans leurs travaux et le dévouement à leurs enfants. A tous, elle demanda d'observer les quatre vertus de courage, de force d'âme, de générosité et de sagesse. Avant de quitter le camp, elle se tourna vers Helogeca Najin : "Regarde cette Pipe! Rappelle-toi toujours combien elle est vénérable, et traite-la en conséquence. Souviens-toi! En moi sont quatre âges. Je m'en vais à présent, mais je veillerai sur ton peuple au cours de ces quatre âges, et à la fin je reviendrai"[14] S'étant éloignée dans la prairie, elle se changea successivement en un jeune bison blanc, puis en un jeune bison roux, puis jaune, puis noir et disparut derrière la colline[15]. Les Rites secrets des indiens Sioux, récits datant de 1947 par Black Elk Joseph E Brown. Les paroles prononcées par la femme mystérieuse sont citées d'après Black Elk.
Les problèmes posés par la présence de non-Indiens aux cérémonies lakota et la "vente de la Pipe" ne datent pas d'aujourd'hui. En 1991, Martina Looking Horse, organisatrice de la Danse du Soleil de Green Grass déclarait : "La Pipe appartient exclusivement aux lakota. Elle est le centre de notre peuple. EIle fait de nous une nation souveraine avec sa terre, sa langue, sa culture. Ce sont les lakota que ma famille doit d'abord aider. [...] Notre spiritualité est une manière de vivre, ce n'est pas une religion. Si vous êtes non-Indien, comprenez que nous avons besoin de nous retrouver et de nous aider nous-mêmes avant d'aider les autres. [...] Laissez-nous nous guérir, car nous sommes un peuple brisé. Prenez notre spiritualité pour sauver notre Mère la Terre, mais ne la maltraitez pas."
Un Ancien très respecté comme Sydney Keith s'appuyait sur les vertus lakota de générosité et de partage pour affirmer: "«Nous, le peuple indien, avons beaucoup à offrir à l'homme blanc et aux étrangers de toute culture". Sydney Keith est ainsi fidèle à l'enseignement du grand homme-médecine Franck Fools Crow, mort centenaire en 1989, qui durant de nombreuses années fut le chef cérémoniel de la nation lakota.
Selon
Franck Fools Crow : "Le pouvoir (spirituel) et ses usages nous ont été
donnés pour que nous les transmettions à d'autres. Penser ou agir autrement
est pur égoïsme. Nous ne les gardons et n'en obtenons d'avantage qu'en les
offrant, et si nous ne les donnons pas, nous les perdons... Pour que le monde
survive, nous devons partager ce que nous avons et travailler ensemble. Sinon,
le monde entier mourra..." Mais la situation n'est plus ce qu'elle était
dans les années 1960 quand Fools Crow faisait revivre la Danse du Soleil. La frénésie
indianiste et le "New Age" ne constituaient pas encore pour la
spiritualité lakota un danger mortel. Dans son numéro du 25 août 1997, au
plus fort de la controverse sur les Danses du Soleil, l'équipe de rédaction du
journal Indian Country Today, dirigée par Avis Little Eagle, Hunkpapa,
prenait ainsi position : "Croire comme le font les non-Indiens, que la
spiritualité indienne est organisée et structurée comme la leur qui inclut le
baptême, la Bible et la conversion est tout simplement faux. La spiritualité
indienne est fondée sur ce que nous sommes en tant que peuple. Elle est partie
intégrante de ce que nous sommes en tant qu'Indiens. C'est une spiritualité
qui nous définit comme peuple indien et nous différencie de ceux qui sont
venus en bateau à travers l'océan. On ne rejoint pas notre spiritualité, on
ne s'y convertit pas. Notre spiritualité n'est pas ouverte à l'adhésion."
Traditionnellement fondée sur l'autonomie et la cohésion sociale l'éducation des jeunes Lakota fut prise en charge avec brutalité par la société blanche dès l'instauration des réserves. Depuis les années 1970, les Lakota tendent à se réapproprier le système éducatif, mais les moyens et les débouchés échappent largement à leur contrôle.
Les enfants lakota sont appelés Wakanhejapi (Ils sont sacrés),
ce qui témoigne de leur importance dans la société lakota traditionnelle. Ils
sont traités avec une extrême affection par leur mère et les femmes de la
famille. Les pères, les grands-pères, les oncles participent à l'éducation
des jeunes enfants, ils leur apprennent à marcher, à nager, jouent avec eux et
les mettent très tôt sur un cheval. Quand l'enfant atteint six ou sept ans,
les femmes s'occupent plus particulièrement des filles et les hommes des garçons.
Tous les enfants, même les garçons jusqu'à l'adolescence, ont le devoir
d'aider les femmes à monter le tipi, ramasser le bois, récolter les baies et
les racines. Les enfants lakota sont libres, mais responsables de leurs actes.
Ils ne sont jamais frappés, ni même directement punis (les Lakota furent
indignés de voir des enfants blancs fouettés par leurs parents). L'adhésion
à la morale sociale de la tribu doit être librement consentie, la contrainte
et la crainte ne pouvant créer que des frustrés, des ennemis de leur propre
peuple. La cohésion familiale, l'adhésion aux valeurs tribales, le consensus
social sont absolument essentiels. La société lakota éduque ses enfants par
l'exemple de la pratique des vertus de courage, de générosité, d'endurance et
de sagesse.
Les garçons sont soumis à de rudes épreuve destinées à les préparer à affronter la douleur et la peur, à les endurcir au froid, à la et la fatigue, aux privations. Comme les hommes, ils doivent se jeter dans la rivière en plein hiver, supporter sans se plaindre des épreuves douloureuses, être capables de survivre plusieurs jours dans la nature parleurs propres moyens. Les jeux de force et d'endurance, d'adresse et de courage les préparent à leur rôle de chasseurs, guerriers et leaders de leur peuple. Les cérémonies rassemblant le peuple, les exploits des aînés, les récits des Anciens complètent la formation morale et spirituelle des jeunes Lakota. Quand les Lakota ont été concentrés sur les réserves, le pouvoir américain s'est trouvé confronté à leur résistance à l'assimilation.
Des "Amis de l'Indien" se sont avisés que si les adultes indiens, trop sauvages, étaient irrécupérables, la jeune génération pouvait être conduite vers les lumières de la civilisation, pour peu qu'une éducation convenable lui soit donnée. A partir de 1879, des internats pour jeunes Indiens sont ouverts, notamment à Carlisle, Pennsylvanie, et à Hampton, Virginie. Destinés à recevoir les Indiens de l'Ouest, ces établissements sont établis à l'Est afin d'éloigner les enfants de leurs familles. En 1892, le capitaine Pratt, directeur de l'école de Carlisle, déclarait à Denver : "Tout ce qu'il y a d'indien dans la race doit être tué. Tuez l'Indien en lui, et sauvez l'Homme" !
Le commissaire aux Affaires Indiennes Thomas J. Morgan recommandait en 1889 "Toute mesure utile doit être prise pour placer ces enfants sous des influences civilisatrices convenables. Avec l'éducation, les Indiens deviendront les citoyens utiles et heureux d'une grande république. Si une éducation obligatoire peut se justifier, c'est certainement dans ce cas."Le révérend Lyman Abbott avait précisé l'année précédente dans une intervention publique : "L'éducation ne doit pas être simplement offerte aux Indiens. Elle doit leur être imposée par une autorité supérieure. En d'autres termes, l'éducation des enfants indiens doit être rendue obligatoire". Bien que des cas précis d'enlèvements d'enfants n'aient pas été enregistrés chez les Lakota, comme cela s'est produit pour les Navajo et les Apache, les pressions furent très fortes pour les scolariser dans les internats ouverts par les missionnaires sur les réserves. Rien n'est épargné pour arracher ces enfants psychologiquement et spirituellement à leur peuple.
On
leur apprend à avoir honte d'eux-mêmes, de leurs parents, de leur culture. Ils
doivent expier leur "sauvagerie". A leur arrivée à l'école, les garçons
sont tondus, leurs vêtements indiens brûlés et remplacés par des uniformes.
Ils sont considérés à priori comme sales, paresseux, amoraux, pervers. La
langue anglaise est strictement imposée. L'histoire des États-Unis leur est
enseignée et il leur est demandé "de concevoir de la fierté pour les
accomplissements de ses grands hommes", pour la plupart des massacreurs de
leur peuple. On a rarement vu dans l'histoire une telle entreprise de lavage de
cerveau. Les témoignages abondent sur les brutalités exercées sur les jeunes
Indiens dans les internats : privation de nourriture, enfermement au cachot,
humiliations. Des enfants furent suspendus toute une nuit par les poignets pour
"faute grave". On parla même de morts sous le fouet. Il y eut de
nombreux sévices sexuels, notamment dans les écoles religieuses. On
comprendra pourquoi les parents indiens ont été de plus en plus réticents à
y envoyer leurs enfants, voyant dans l'école le pire instrument d'oppression
utilisé contre eux par l'homme blanc.
Depuis les années 1970, les Indiens ont tenté de reprendre leur avenir en main, c'est-à-dire l'éducation. Là aussi, les Lakota ont montré la voie. Les noms des écoles marquent cette nouvelle fierté de la culture lakota. C'est Crazy Horse School à Wamblee, Loneman School à Oglala, Little Wound School à Kyle. Holy Rosary Mission School, l'école fondée par les Jésuites en 1879 à Pine Ridge, s'appelle maintenant Red Cloud School.
Les programmes, les méthodes d'enseignement sont contrôlés par les Lakota, même s'ils doivent encore faire appel à des enseignants non-Indiens. En 1970, la réserve de Rosebud Sinte Gleska College ainsi nommé en l'honneur du chef brûlé Spotted Tail. Deux ans plus tard est créé sur la réserve de Pine Ridge Oglala Lakota College. Les premières classes ouvertes près de Kyle, une communauté traditionaliste de l'est de la réserve, sont installées dans deux vieux mobile-homes. Neuf autres centres seront ouverts par la suite, dont un à Rapid City ou résident 12 000 Lakota. L'ouverture de ce dernier est une victoire symbolique, le début de la réappropriation par les Lakota de leur espace territorial et culturel. Les difficultés financières ont été énormes et le sont plus que jamais, maintenant que la plupart des centres tombent en ruine et que les crédits fédéraux pour l'éducation indienne sont constamment réduits depuis le début des années 1980.
Les
collèges de Pine Ridge et de Rosebud proposent un cycle de quatre ans d'études
et conduisent les élèves au niveau de la licence. En 1992, le collège de
Rosebud est devenu Sinte Gleska University, le seul établissement indien
de ce niveau. Le collège de la réserve de Cheyenne River est installé à
Eagle Butte et celui de la réserve de Standing Rock a pris l'an dernier le nom
de Sitting Bull College. Les nations indiennes des Plaines ont le plus
grand nombre de collèges gérés directement par les tribus. Les finalités
culturelles, intellectuelles et spirituelles de ces institutions sont définies
et mises en oeuvre par la communauté tribale et les conseils réunissant
enseignants, parents et étudiants. Tous mettent, avec plus ou moins de force,
l'accent sur la préservation et la valorisation de la langue, de l'histoire
tribale, de la culture traditionnelle. Des cursus d'études lakota sont proposés,
et de plus en plus suivis. Les collèges indiens doivent s'efforcer de donner à
leurs élèves un bon niveau d'études classiques et techniques afin qu'ils
puissent accéder à des emplois qui leur permettront de vivre dans la société
américaine qui les entoure. Les études sont aussi orientées vers des spécialités
qui peuvent être utiles à la société lakota elle-même : médecine,
enseignement, administration, comptabilité, communication, ainsi que des
formations techniques de haut niveau. Des sections de gestion de casinos ont même
été ouvertes.
Réappropriation
La remarquable réussite des collèges lakota ne doit pas masquer les problèmes. Même les étudiants qui les fréquentent, constituant une élite sociale et intellectuelle, reflètent les difficultés de la société lakota. La moyenne d'âge est de 27 ans, beaucoup d'étudiants sont chargés de famille et il n'y a que 35% de garçons, ce qui révèle les problèmes sociaux et psychologiques des hommes lakota. La plupart des étudiants doivent travailler pour faire vivre leur famille, même avec une bourse. Certains s'engagent pendant deux ans dans l'armée afin de mettre leur solde de côté pour payer leurs études. Fréquentés par des étudiants motivés, les collèges lakota ont un très bon taux de réussite, à la différence de nombreuses écoles où l'échec scolaire des enfants indiens est souvent de plus de 50 %. Ceux qui vont à l'école sur les réserves réussissent mieux que ceux qui fréquentent des écoles blanches où ils sont minoritaires et ou leurs besoins culturels et psychologiques sont totalement ignorés, pour ne pas dire plus. L'apathie, le repli sur soi sont souvent pour ces enfants le seul moyen de se défendre et de préserver leur identité. Beaucoup abandonnent l'école vers treize ou quatorze ans, devenant des proies faciles pour les nombreux gangs qui sévissent au voisinage des réserves, pour la délinquance, l'alcool, la drogue, le suicide…
La
création, à Rapid City, d'une école entièrement gérée par les Lakota, mais
ouverte à tous, est actuellement étudiée par des enseignants lakota et les
gouvernements tribaux. II y a urgence les
fonds pour l'éducation spécifique donnée aux enfants indiens, les programmes
bilingues, le soutien scolaire, viennent d'être supprimés dans les écoles de
Rapid City. Que devient un jeune Lakota qui a réussi ses études au prix de
grands sacrifices. Étant Indien, il a moins de chances qu'un autre de trouver
l'emploi et la position sociale auxquels ses diplômes devraient le faire accéder.
Les emplois offerts sur les réserves sont rares, mal payés, exercés dans des
conditions matérielles et morales difficiles. De jeunes Lakota reviennent
cependant dans leurs communautés pour y être enseignants, travailleurs
sociaux, infirmières, médecins. Un malaise fondamental subsiste. Ce qui est
investi dans la société dominante durant les années d'études, surtout dans
les grandes universités "blanches", ne l'est-t-il pas au détriment
de l'indianité profonde ?
Le peuple lakota qui avait tant combattu pour maintenir son mode de vie indépendant fut moins que tout autre capable d'accepter la nouvelle vie imposée par les vainqueurs, celle de la réserve. Peut-on imaginer le désespoir des hommes, guerriers vaincus qui n'avaient pu protéger leur familles, défendre la terre que le Grand Esprit leur avait confiée, chasseurs déchus ne pouvant plus subvenir aux besoins des leurs, obligés de se soumettre Dour les rations de misère que leur accordait le gouvernement
"Il faut aire comprendre à l'Indien que nous lui sommes supérieurs
et que nous le tenons en notre pouvoir... Notre plus grande sagesse nous donne
le droit de lui dicter nos conditions, au besoin en utilisant la contrainte et
la force...", écrivait en 1882 le pasteur George E. Ellis, un "éducateur"
de renom. "es Indiens doivent se conformer à la voie de l'homme blanc,
pacifiquement s'ils le veulent, par la force s'il le faut... Les relations
tribales doivent être brisées, le socialisme détruit..." disait en 1889
le commissaire Thomas J. Morgan.
Comment la société lakota aurait-elle pu survivre à cet ethnocide
soigneusement organisé et exécuté ?
L'alcoolisme indien s'est installé dès les premiers contacts avec les Blancs. Des hommes, parfois des clans entiers étaient pris au piège de la terrible drogue qui avait sur eux des effets foudroyants. Les échanges, le commerce de la fourrure comportaient souvent des paiements en alcool. Les guerriers croyaient y trouver de la force, des visions. Dès les années 1840, des Lakota campaient par centaines autour de Fort Laramie, devenus dépendants des marchandises européennes, une société malade où sévissaient la mendicité, la prostitution, la violence, et que les Lakota demeurés libres appelaient avec mépris les "traîne-autour-du fort"(Wagluge).
Après l'enfermement dans les réserves, l'alcool est devenu le seul moyen disponible pour anesthésier le désespoir et bien souvent la faim. Renforcé par la perte des valeurs tribales imposée par l'assimilation à la société blanche, l'alcoolisme s'est implanté dans la société indienne, avec ses terribles conséquences: la violence contre ses proches, contre soi, la perte du dynamisme et des valeurs morales. Il est devenu un élément culturel, un passage obligé auquel peu de jeunes Lakota réussissent à échapper. Les statistiques sont accablantes en ce qui concerne les femmes battues, les enfants maltraités ou abandonnés, les abus sexuels, les accidents, les violences et les crimes commis sous l'influence de l'alcool.
Beaucoup de Lakota sont conscients du mal absolu que représente l'alcool pour leur peuple, surtout depuis que s'y ajoutent toutes sortes de drogues modernes. Des centres d'accueil pour les alcooliques et leurs victimes sont créés, fonctionnant le plus souvent avec des fonds privés, animés par des bénévoles, utilisant dans leur thérapie la culture et la spiritualité lakota. Après dix ou quinze ans d'alcoolisme, beaucoup de Lakota arrivent à décrocher, s'impliquant souvent dans la lutte contre ce fléau. Des courses, des pow wow pour la sobriété sont tenus tous les ans sur les réserves. Les hommes, premiers touchés par l'alcoolisme, s'y engagent de plus en plus. Des cérémonies comme la Danse du Soleil, avec le fort engagement qu'elle exige, y jouent un grand rôle.
Tous les disfonctionnements de la société lakota ne sont pas à mettre sur le compte de l'alcool. La politique d'assimilation qui voulait rendre les Indiens semblables aux Blancs en est directement la cause par le système scolarisation forcée imposé à la fin du siècle dernier et jusqu'à une époque récente. Soumis à une totale dépossession culturelle psychologique, éloignés des leurs pendant des années, humiliés, battus, souvent abusés sexuellement, comment ces enfants lakota devenus adultes auraient-ils pu devenir des parents responsables et capables de bien élever leurs enfants, eux qui, privés d'affection, n'avaient connu que honte et violence, sans avoir pu acquérir ces compétences parentales indispensables qui ne s'apprennent qu'au sein de la famille Il faut aussi parler de l'état physique déplorable dans lequel se trouvent beaucoup de Lakota et qui ne doit pas non plus être entièrement mis sur le compte de l'alcoolisme. Les Lakota sont, plus que tous autres, touchés par le fléau du diabète. C'était une maladie totalement inconnue dans la société traditionnelle et même durant les premiers temps des réserves. Il a fallu plusieurs générations pour que leur métabolisme se détériore sous l'effet du changement de régime qui leur était imposé. Les tribus de chasseurs de bison bénéficiaient d'une nourriture riche en protéines, mais pauvre en graisse. Ils recueillaient quantités de plantes comestibles, racines, baies, fruits, et avaient accès, par le commerce, au maïs qu'ils ne cultivaient plus et au riz sauvage qui poussait au nord. Le sucre leur était pratiquement inconnu. Hommes et femmes menaient une vie active, avec une grande dépense d'énergie physique. Ils ne connaissaient pas encore le stress profond causé par une vie qui a perdu son sens.
A
partir des années 1940, le gouvernement, "croyant bien faire " s'est
mis à distribuer de la nourriture aux Indiens - les commodities - des
conserves très riches en graisse et en sucre. C'est à ce moment que le diabète
s'est installé et, depuis, il n'a fait que croître. Le caractère génétique
bénéfique qui permettait aux peuples chasseurs de traverser des périodes de
disette en accumulant les graisses et le sucre est devenu un facteur favorisant
du diabète. Depuis environ un an, les Lakota ont obtenu que les commodities
contiennent des produits frais. Mais il sera difficile de changer les habitudes.
L'excès d'alcool et de tabac, une vie trop sédentaire aggravent les conséquences
fâcheuses du diabète. L'espérance de vie des Lakota est aujourd'hui de 56
ans pour les hommes et de 66 ans pour les femmes, presque vingt ans de moins que
celle des Blancs.
Dans
un article daté du 16 décembre 1997, le Washington Post faisait de la
situation sur Pine Ridge un tableau très sombre. "Il n'existe rien pour
ces gens, si ce n'est une lutte quotidienne pour tenter d'exister. Ils essaient
de nourrir leurs enfants, de maintenir un toit au-dessus de leur tête", déclarait
dans cet article un médecin de l'hôpital de Pine Ridge. Le grand journal de la
côte est, connu comme libéral, laisse croire à ses lecteurs que cette
situation est en grande partie la faute des Lakota qui n'ont pas su s'adapter à
la vie moderne, passant totalement sous silence le génocide physique, culturel
et spirituel dont ils ont été et sont toujours les victimes.
Tant que la misère sera omniprésente
chez les Lakota, l'alcoolisme, la drogue et la violence le seront aussi. Les
comtés où sont situées les réserves lakota sont les plus pauvres des États-Unis.
Aucune économie viable n'a réussi à s'y développer. Au contraire,
l'agriculture familiale, les jardins, le petit élevage, la construction et
l'entretien des maisons qui, pendant toute la première moitié du XXème siècle,
assuraient aux familles lakota une certaine indépendance économique, ont
disparu dans les années 1950-1960 avec la modernité, la généralisation du
supermarché, de l'assistance, du prêt à consommer, les images véhiculées
par la télévision. Avoir un emploi salarié était devenu indispensable
puisque de plus en plus d'argent était nécessaire pour vivre, acheter les vêtements
autrefois faits à la maison, payer le loyer, l'électricité, souvent l'eau.
Contraintes de rechercher un emploi rémunéré, les femmes n'ont plus joué
leur rôle traditionnel, élever leurs enfants, aider leurs vieux parents demeurés
au foyer".
Le premier employeur sur la réserve, c'est l'administration tribale, avec l'hôpital et les écoles, tous dépendants de fonds fédéraux. L'implantation d'usines sur les réserves lakota s'est toujours soldée par un échec. "Prairie Wind", le casino de Pine Ridge, tout comme celui de Rosebud, mal situés, rapportent peu. Seules se développent de petites entreprises familiales, artisanat, commerces, services divers. Les Lakota recherchent actuellement le moyen de développer le tourisme sur leurs réserves, sans pour autant "vendre" leur culture et surtout leur spiritualité.
La récente réforme de l'aide sociale (welfare) oblige ses bénéficiaires à trouver un emploi, quel qu'il soit, ou, à défat, une formation devant déboucher sur un emploi. Comme il y a très peu de travail salarié sur les réserves, que vont devoir faire les Lakota ? Quitter la réserve pour tenter d'en trouver dans les villes, comme aux pires moments de la politique de "relogement" ? Voilà un bon moyen de vider les réserves et d'assimiler les Indiens à la société blanche, ce que la politique américaine s'efforce de faire depuis plus de cent ans. Bien des responsables lakota ressentent maintenant la nécessité de créer sur leurs terres des moyens de vie qui rendent leur peuple indépendant des fonds fédéraux qui, comme l'aide sociale, tendent à se tarir.
Un
tourisme maîtrisé, la petite entreprise, l'élevage, le développement de
jardins familiaux pourraient être des réponses au problème de survie qui se
pose à eux. Le développement de la faune sauvage sur les réserves, en
particulier des bisons, est un élément culturel et un moyen économique
important dont les Lakota songent à se doter rapidement.
Retour aux valeurs traditionnelles
De nombreuses initiatives sont prises par les Lakota pour rompre le cycle infernal de l'alcoolisme, de la drogue et de la violence qui détruit leur société. Un effort particulier est fait en direction des jeunes mettant l'accent sur les valeurs traditionnelles lakota. Les Brûlé de Rosebud ont ouvert depuis une quinzaine d'années un refuge pour les femmes battues et leurs enfants. Le White Buffalo Caf Woman Shelter fonctionne à Mission sur la réserve, financé par des fonds tribaux et des donations. Sur la réserve de Pine Ridge, la tribu sponsorise Project Recovery, un programme de réhabilitation pour alcooliques. Le projet Flowering Tree s'adresse aux femmes et Anpetu Luta Trpi (La Maison de l'Aube) aux adolescents. Ces programmes utilisent la méthode éprouvée des Alcooliques Anonymes, mais en l'adaptant à la culture lakota : restauration de l'estime de soi, du sens de la responsabilité vis-à-vis de la famille et de la communauté, intégration aux cérémonies de purification et de réconciliation. Les initiatives destinées à aider les jeunes à mener une vie saine et positive sont particulièrement importantes.
En 1981, Yellow Thunder Camp est installé dans les Black Hills par des Oglala de l'AIM. C'était la première Fois que des Lakota reprenaient pied dans les Black Hills depuis plus de cent ans. Les Oglala voulaient en faire un lieu de vie traditionnel. Le camp a Fonctionné un certain temps, mais les difficuItés matérielles ont forcé à l'abandon. Il a été remplacé depuis quelques années par des "camps d'été traditionnels" où les jeunes lakota réapprennent leur culture, pratiquent la danse et la musique indiennes, s'initient à l'artisanat, écoutent la parole des Anciens. Durant l'été 1997, deux camps d'été ont été organisés sur des réserves lakota. Le premier, près de Porcupine sur la réserve de Pine Ridge, a rassemblé durant une semaine deux cent quarante jeunes oglala de huit à dix-huit ans. Paul Iron CIoud, directeur d'Oglala Sioux Housing Authority qui sponsorise le projet indique que ce camp a été créé pour initier les jeunes à un mode de vie meilleur que celui qu'ils connaissent en ville : "Nous avons beaucoup de problèmes d'alcool et de drogue sur cette réserve. I.es enfants sont les premiers à souffrir de l'alcoolisme des parents", dit-il. Le camp offre aux jeunes campeurs des tournois de basket et de volley des randonnées à pied et à cheval sur la réserve. Un autre camp, fonctionnant de la mi-juin à la fin août sur la réserve de Cheyenne River, reçoit des jeunes de douze à vingt ans. Les stagiaires vivant sous des tipis ont appris à pêcher, à chasser, à jardiner, à prendre soin des animaux, à observer la vie des plantes, sous la direction bénévole de membres de la tribu. De longues randonnées à cheval leur ont permis de parcourir les communautés de la réserve. Ils ont commencé à parler leur langue et appris à bien se comporter dans la vie sociale, à respecter les Anciens, à se respecter eux-mêmes. "L'idée est de donner quelque chose à faite aux jeunes de la réserve et de renforcer la culture indienne", dit Dana Dupris l'un des organisateurs. Beaucoup de Lakota s'inquiètent de la détérioration des valeurs familiales et sociales qui conduisent à une augmentation de la délinquance juvénile sur les réserves, accentuée par le phénomène des gangs. Les adolescents connaissent peu ou mal la langue lakota et ont perdu le contact avec leur spiritualité et leurs racines culturelles. "Beaucoup de jeunes ne trouvent pas chez eux de bonnes conditions de vie et de sécurité, et ils recherchent le réconfort que leur apportent les autres jeunes. Malheureusement, ils traînent dans les tues et font beaucoup de choses négatives", précise M. Dupris.
D'autres nations lakota souhaitent participent à ce camp d'été. Certaines ont des projets semblables, mais le camp de Cheyenne River est le seul qui se déroule sut une longue période et où les jeunes vivent sous tipis, se déplacent à cheval, menant une vie aussi proche que possible de la vie traditionnelle. M. Dupris espère développer chez certains jeunes des qualités de leaders qui leur permettront de participer à l'organisation des futurs camps et de jouer un rôle de modèle auprès des autres adolescents.
La
guérison de la société lakota pourrait aussi passer par un retour à une
forme de justice traditionnelle, très différente de la justice
"blanche" qui ne connaît que prison, punition et peine de mort.
Réparer et réconcilier
L'idée
de réparation et de réconciliation qui est à la base de la justice
traditionnelle assurait la paix intérieure des sociétés indiennes où le
meurtre était exceptionnel et le vol inexistant. La peine la plus lourde infligée
à un meurtrier était le bannissement hors du cercle tribal durant un à quatre
ans selon les tribus. Les victimes recevaient du meurtrier et de sa famille des
compensations en services, en biens divers, en chevaux. Il arrivait même qu'un
meurtrier soit adopté dans la famille de sa victime.
Une
réunion sur les questions de justice s'est tenue en octobre dernier à Oglala
Lakota College sur la réserve de Pine Ridge. L'orateur, Howard Zehr,
professeur de sociologie à l'université d'Harrisonburg en Virginie déclare :
"La justice de réparation, fondée sur l'idée de réconciliation, aide
les victimes à guérir et les criminels à ne pas retomber dans la délinquance.
Punir les gens les stigmatise. La honte qu'ils ressentent les pousse à
rejoindre leurs semblables et transforme le label 'mauvais' en quelque chose
dont on se glorifie. La prison permet aux criminels d'échapper aux conséquences
de leur conduite et de nier leur responsabilité en développant chez eux le
sentiment qu'ils ont "payé". "Les victimes sont amenées
à douter d'elles-mêmes, de leurs relations aux autres, du sens de leur vie.
Afin de guérir du traumatisme qu'elles ont subi, les victimes ont besoin d'être
reconnues et de retrouver une sécurité physique et émotionnelle. C'est ce que
faisait la justice indienne traditionnelle fondée sut l'idée de guérison.
C'est ce que nous essayons de faire. Au lieu de construire plus de prisons,
la justice de réparation qui s'inspire de la justice indienne, implique la
communauté toute entière dans la résolution des problèmes. Elle fait se
rencontrer les victimes, les délinquants, les familles et le voisinage pour
examiner les torts qui ont été causés, aider le coupable à accepter sa
responsabilité et décider des obligations qu'il a envers ses victimes. Les
gens qui ont fait l'essai de cette forme de justice en ont été très
satisfaits. Plus de 80 % des victimes et des agresseurs ont déclaré que c'était
là une expérience positive".
Les Lakota présents à la conférence ont réagi très favorablement à cette idée de justice de réparation, mais se sont demandés s'il était envisageable de l'appliquer à Rapid City... Des nations indiennes du Canada ont expérimenté avec succès cette forme de justice. Des délits de vol, de vandalisme sont souvent réglés sans bruit au sein des communautés indiennes où la pression de la société traditionnelle est demeurée forte.
Les
Black Hills, le cœur de la nation lakota
Le traité signé à Fort Laramie en 1868 mettait le massif des Black Hills au centre du grand territoire reconnu aux nations sioux et à leurs alliés Cheyenne et Arapaho. Afin d'ouvrir les collines aux chercheurs d'or et de punir les tribus rebelles, le Congrès des États-Unis décidait en 1877 l'annexion des Black Hills. Les Sioux et en particulier les Lakota n'ont jamais renoncé à faire reconnaître leurs droits sur les Black Hills.
En 1977, la commission chargée d'examiner les revendications indiennes accorde aux Sioux une indemnité de 17,5 millions de dollars pour la perte des Black HilIs. En avril 1980, la Cour Suprême des États-Unis porte l'indemnité à 105 millions de dollars. L'un des juges reconnaît que la saisie des Black Hills a été de la part du pouvoir américain une action honteuse. Par un référendum tenu en juin, les nations sioux rejettent l'indemnité et réclament le retour des Black HilIs, proclamant : "Les Black Hills ne sont pas à vendre ! Nos ancêtres sont morts pour les Black Hills. Nous ne les vendrons jamais !" A leur tour, les conseils tribaux des huit nations concernées refusent l'argent.
En 1985, un projet émanant de traditionalistes oglala pour une restitution d'une partie des Black Hills à la nation sioux est présenté devant le Congrès par le sénateur BilI Bradley. Il prévoit de rendre aux Sioux 1/7 du massif uniquement des forêts nationales. Le Congrès le repousse. En 1989, un second projet est présenté, identique au précédent, mais exigeant une indemnité pour les terres demeurant entre les mains des Blancs. Cette proposition conçue par les Grey Eagles, des Anciens oglala, et soutenue au Congrès par le sénateur Martinez est également repoussée. Les élus du Dakota du Sud l'ont formellement rejetée, car il va sans dire que les habitants blancs des Black Hills sont largement opposés à toute restitution de terres aux Sioux.
Les élus républicains au Congrès, majoritairement hostiles aux revendications indiennes, estiment que les Sioux ont été payés pour les Black Hills et que la question est réglée. La position juridique des Sioux est pourtant très forte. Ils possèdent sur les Black Hills un "titre indigène" résultant de l'occupation longue et continue d'un territoire par un peuple tribal, titre reconnu par le droit international. Ils possèdent les Black Hills aux termes du traité de fort Laramie de 1868 signé entre deux nations souveraines et par conséquent soumis au droit international.
Plusieurs sondages récents montrent qu'une très large majorité des Sioux, en particulier des Lakota, continue à refuser l'indemnisation qui se monte maintenant, avec les intérêts, à près de 400 millions de dollars. Il faut souligner que malgré leur pauvreté - les réserves du Dakota du Sud sont les plus misérables des États-Unis - aucune voix ne s'est jamais élevée parmi les Lakota pour réclamer le versement de l'argent qui se trouve actuellement dans les caisses du ministère de l'intérieur. C'est l'un des rares exemples où, dans le monde moderne, on voit de l'argent refusé pour des raisons de morale et de dignité.
Les Black Hills rapportent beaucoup d'argent aux entreprises qui y sont installées. Le Mont Rushmore, où ont été sculptées dans les années 1930 les statues géantes de quatre présidents, attire des foules de touristes. Deadwood, où les frères Costner ont de gros intérêts, est la ville des casinos et c'est à Sturgis, près du site sacré de Bear Butte, qu'a lieu tous les ans le plus grand rassemblement de motards du monde. Les États du Dakota du Sud et du Wyoming se partagent les énormes revenus des coupes de bois qui dévastent les collines. Les mines d'or, terriblement polluantes, sont très prospères. Les mines d'uranium de la région d'Edgemont, maintenant abandonnées, ont laissé d'énormes quantité de déchets radioactifs qui polluent les eaux du flanc est des collines, coulant vers Pine Ridge.
Les lakota sont douloureusement affectés par les dévastations opérées dans leurs collines sacrées depuis plus de cent ans. Aussi sont-ils très vigilants quand, tous les quinze ans, le plan de développement des forêts nationales des Black Hills doit être redéfini.
C'est en 1897 que les coupes de bois dans les forêts nationales des Black Hills ont été officiellement planifiées. Depuis cette date, environ 150 millions de m3 de bois ont été tirés des Black Hills. Le plan qui doit prendre effet en 1998 prévoit l'exploitation de 10000 hectares de forêt par an afin de produite sur quinze ans 3 millions de m3 de bois. Quatre grandes scieries et six plus petites débitent en permanence les arbres des Black Hills. L'un des fonctionnaires qui gère les terres fédérales des Black Hills vient de donner son accord pour le forage d'une nouvelle mine d'or d'où l'on compte extraire 5,5 millions de tonnes de minerais aurifère, ce qui entraînera l'épandage de déchets de roche sur une surface de 5 hectares de forêt. Des éleveurs louent des prairies à l'office fédéral des forêts. Environ 25 000 bovins y pâturent de mai à septembre.
Les nations indiennes qui ont des liens avec les Black Hills estiment ne pas être suffisamment consultées sur les projets de développement des collines. Les dernières consultations entre les Lakota et les gestionnaires des Forêts nationales des Black Hills remontent à 1989. Plusieurs nations indiennes ont fait alliance avec des associations écologistes comme le Sierra Club, Audubon Society, Wilderness Society qui, pour certaines, ont porté plainte contre l'office fédéral des forêts pour sa gestion des Black Hills. Les tribus de Rosebud et Standing Rock, ainsi que la Grey Eagle Society se sont jointes à la plainte du Sierra Club, tandis que les Oglala de Pine Ridge portaient plainte séparément. Les nations sioux sont particulièrement vigilantes en ce qui concerne l'avenir des forêts nationales des Black Hills car c'est précisément sur ces terres que portent les deux propositions de loi présentées au Congrès en 1985 et 1989 pour le retour d'une partie des Black Hills a la Grande Nation Sioux. "L'une des raisons de notre inquiétude est que l'office fédéral des forêts ne tient aucun compte de notre souveraineté ni de nos droits reconnus par traités", déclare Philip Under Baggage du Conseil exécutif de la nation oglala. Les Oglala ont demandé que des tribus qui ont des liens historiques et culturels avec les Black Hills comme les Cheyenne et les Arapahos ainsi que Kiowa, aient aussi leur mot à dire dans la gestion des Black Hills.
L'étude d'impact environnemental sur laquelle se fonde le projet de développement présenté par l'office fédéral des forêts identifie certaines conséquences négatives du développement, en particulier une modification des cours d'eau due à la déforestation. Le développement des mines, l'exploitation du pétrole et du gaz pourraient également, selon l'étude, avoir des conséquences négatives sur l'environnement - ce qui est assez évident. Pourtant, le rapport estime que l'exploitation forestière et minière a "des retombées positives sur la création d'emplois et sur les revenus des personnes et des comtés de la région". L'exploitation forestière emploie actuellement 1600 personnes et la vente du bois s'élève annuellement à 190 millions de dollars. Mais, que représentent 1600 emplois pour une économie américaine superpuissante qui, nous dit-on, créé des centaines de milliers d'emplois tous les mois? Une prospérité dont les Indiens profitent bien peu.
La controverse entre l'Office fédéral des forêts et les nations indiennes illustre deux approches totalement opposées: la conception économique basée uniquement sur le profit et lac conception spiritualiste basée sur des concepts religieux. "Depuis un siècle quand l'exploitation forestière a commencé, presque chaque hectare des Black Hills a déjà été coupé", annonce fièrement la Black Hills Forest Resource Association qui voit la forêt comme une simple plantation d'arbres où l'on récolte le bois. Ce qui est considéré par les exploitants forestiers comme un signe de dynamisme économique dont il y a lieu de se flatter est pour les traditionalistes indiens une pure et simple profanation.
Pour
les Lakota, Paha Sapa est une terre sacrée. Les collines sont le centre de
l'univers et elles doivent demeurer telles qu'elles ont été créées au
commencement des temps par Wakan Tanka. "Elles sont notre autel dressé
vers Dieu. C'est là que la Grande Course a eu lieu. C'est là que se trouve
Wind Cave d'où notre peuple est sorti. Les Black Hills sont au centre de nos
connaissances astronomiques", dit Victor Douville du Sicangu Treary
Council. Il ajoute "Ils disent que la forêt a besoin d'être
coupée afin qu'une nouvelle "récolte" puisse pousser. Ce que nous
proposons, c'est de laisser les choses se faire de manière naturelle. Laissons
la nature en prendre soin".
En
février dernier, le Sicangu Treary Council adressait aux responsables de
l'Office fédéral des forêts au nom de la tribu de Rosebud une lettre à
laquelle il n'avait toujours pas été répondu en novembre. "Les
Lakora sont en relation avec les Black Hills depuis plus de 3 000 ans", écrivait
dans cette lettre Leroy Rattling Leaf. "Depuis ce temps, nous avons appris
beaucoup de choses sur les Black Hills et ce qu'elles signifient pour nous. Nous
avons appris que c'est à nous que Wakan Tanka a donné accès aux Black Hills.
Aussi, nous devons en partager les ressources avec toutes les formes de vie.
Nous avons appris que nous, les hommes, nous avons un lien avec les animaux à
quatre jambes et aussi avec les plantes, les oiseaux, les insectes, les reptiles
et les plus petits des êtres vivants. Nous avons appris que le rocher, l'air et
l'eau ont des pouvoirs spéciaux qui nous donnent la vie. Nous avons appris que
tous, y compris les formes non-humaines, se rejoignent en un cercle qui nous lie
les uns aux autres en une relation de parenté. Nous avons appris que si l'une
des formes de vie se trouve affaiblie ou détruite, alors cet important lien s
en trouve affecté et le cercle tout entier est menacé. Nous avons une relation
symbolique de parenté avec toutes les formes de vie qui se trouvent dans ce
cercle, et ce que nous faisons au cercle, nous le faisons à nous-mêmes. Nous
exprimons cette relation de parenté par Mitakuye Oyas'in (Nous sommes tous
parents !)"
Les Sioux-Yanktonnai qui partagent avec les Assiniboine la réserve de Fort Peck, ont décidé le 12 Novembre 1997, d'accepter par référendum l'argent qui leur revient sur Docket 74-A. Cet argent n'est pas celui de l'indemnité des Black Hills (Docket 74-B) mais correspond à la perte des territoires de chasse que le traité de Fort Laramie de 1868 avait reconnus aux Sioux et à leurs alliés. La justice avait séparé le cas des territoires de chasse et celui des Black Hills. Les Yanktonnai de Fort Peck n'ont donc pas "vendu les Black Hills", mais leur acceptation de l'indemnité pour les territoires apparaît comme une rupture de la solidarité des nations sioux vis-à-vis de leurs droits reconnus par le traité de 1868. Une réunion des nations sioux parties prenantes dans le traité de 1868 s'est tenue en décembre à Rapid City, en présence d'un conseiller tribal des Yanktonnai de Fort Peck. Les délégués lakota et santee se sont vivement opposés à la décision prise à Fort Peck au nom du respect du traité qui fonde juridiquement le droit de la Grande Nation Sioux à son territoire et de la solidarité entre les nations auxquelles ce territoire avait été reconnu collectivement. Le représentant de Fort Peck a dit accepter de se soumettre à la volonté des autres nations. La conférence a aussi exprimé le désir de voir restituer aux Sioux les terres sous statut fédéral qui se trouvent sur les territoires concernés par Docket 74-A en particulier les federal grasslands du Wyoming qui renferment des gisements de charbon.
Les sculptures géantes du Mont Rushmore - situé au cœur des Black HilIs, la terre sacrée des Sioux - sont une profanation infligée à notre Mère la Terre et une insulte à toutes les nations lakota. Il est souvent prétendu que le Mont Rushmore est "le Sanctuaire de la démocratie". Vous verrez, en lisant ce qui suit, que l'Amérique s'est construite au prix du sang et de la vie des nations indiennes. Nous nous demandons quel genre de démocratie ce sanctuaire représente.
Les
quatre visages creusés dans les montagnes volées aux Indiens sont censés représenter
les quatre présidents américains les plus connus. Ayant puisé leurs idéaux démocratiques
dans la société iroquoise, les pères Fondateurs de l'Amerique[16]
(1) sont redevables aux Indiens de leur simple survie. Mais les présidents représentés
dans nos Black Hills sacrées avaient tous trahi l'idéal démocratique qu'ils
étaient chargés de défendre. Ces
pères Fondateurs de l'Amérique ont en commun une caractéristique: tous les
quatre ont fait l'apologie de la suprématie blanche et préconisé la
destruction de la société indienne. Ils ont tous, à un moment ou a un autre,
prêté la main au génocide des peuples indigènes de cet hémisphère.
George Washington
En 1779, George Washington donnait au Major Général John Sullivan
l'ordre de commencer une campagne de destruction en terre iroquoise. En effet,
les nations mohawk, seneca, cayuga et onondaga s'étaient rangées aux cotes des
Anglais durant la Guerre d'indépendance Américaine, redoutant avec raison les
empiètements constants des colons américains sur les terres indiennes.
Washington avait donné ses instructions : "Ne laissez que des ruines de
tous les villages que vous rencontrerez..., que le pays soit non seulement
conquis, mais détruit". Tandis que se déroulait la destruction du
peuple iroquois, Washington avait fait cette recommandation au Général
Sullivan : "N'acceptez aucune ouverture de paix avant que tous leurs
villages n'aient été totalement détruits". (cf. American
Holocaust, par David E. Stannard, 1992). En cinq ans, vingt-huit des trente
villes seneca avaient été rasées, et leurs habitants, qui n'avaient pu fuir
dans les bois, tués. La politique d'extermination des Indiens préconisée
par Washington trouvait sa concrétisation quand ses soldats écorchaient les
corps des Iroquois "pour en faire des bottes et des guêtres". Les
survivants de cette extermination ont appelé Washington "le destructeur de
villes". En 1783, Washington déclarait, comparant les Indiens à des
loups "les deux sont des bêtes de proie qui ne diffèrent que par la forme".
Thomas Jefferson
En 1807, Thomas Jefferson informait le ministère de la Guerre que, si
des Indiens résistaient à l'occupation de leurs terres par les Blancs, une
telle situation devrait être résolue "par la hache" : "et ...
si nous sommes contraints de lever la hache contre une tribu, nous ne devrons
pas la déposer avant que cette tribu n'ait été exterminée, ou repoussée de
l'autre côté du Mississipi".
Jefferson poursuivait ainsi : "En cas de guerre, ils tueront certains
d'entre nous, mais nous, nous les détruirons tous". En 1812, il déclarait
que les Américains devaient repousser les Indiens "avec les bêtes de la
forêt, dans les Stony Mountains" (probablement les Monts Appalaches).
L'année suivante, il ajoutait qu'il fallait "poursuivre l'extermination
(des Indiens) ou les envoyer dans un endroit où ils seront hors de notre
atteinte".
Abraham Lincoln
C'est sous sa présidence qu'a été menée la guerre contre les Santee
du Minnesota, la guerre de Little Crow provoquée par la situation d'extrême
famine à laquelle les Indiens avaient été réduits au cours de l'été 1862.
Une terrible répression s'était abattue sur les Indiens vaincus. Le 26 décembre
1862, trente-huit Santee étaient pendus à Mankato pour "crimes de
guerre". Ces hommes n'avaient fait que combattre. Les prisonniers blancs
que détenaient les Santee avaient tous été libérés. Il faut dire que 303
dossiers de condamnés à mort avaient été présentés à la signature
d'Abraham Lincoln qui n'en avait retenu que trente-huit, au grand désappointement
des militaires et de la population blanche du Minnesota. Les pendaisons de
Mankato n'en restent pas moins la plus grande exécution de masse de l'histoire
américaine. Abraham Lincoln est de loin, le moins mauvais des quatre.
N'oublions pas qu'on lui doit aussi l'abolition de l'esclavage...
Théodore Roosevelt
Le
quatrième visage est celui du premier président du XXème siécle,
un héros de l'Amérique, en fait un simple tueur d'Indiens. Il
adhérait pleinement à la notion de "Manifest Destiny" [17](2)
déclarant que l'extermination des Indiens et le vol de leurs terres "était
finalement une bonne chose puisqu'il était inévitable". Il avait un jour
déclaré : "Je n'irai pas jusqu'à dire que le seul bon Indien est un
Indien mort, mais je crois que neuf sur dix le sont, et je ne voudrais pas
regarder de trop près le cas du dixième".
Ces hommes soutenaient la supériorité de la race blanche et l'idée que les Indiens devaient être exterminés a cause de leur infériorité raciale. C'était en particulier la vision de Jefferson, et Théodore Roosevelt ne cachait pas sa crainte que les classes supérieures américaines ne soient un jour remplacées par des classes sociales inférieures prolifiques.
C'est au nom de la Justice que, à
propos du Mont Rushmore et des Black Hills, l'Alliance des Etudiants Lakota a déclaré, du 2 décembre 1997 : "Nous,
Alliance des Étudiants Lakota, demandons à toutes les tribus impliquées dans
le traité de 1868 de constituer une Commission Nationale sur les Terres. Nous
leur demandons aussi d'étudier et de mettre en application la proposition en 20
points qui avait été présentée en novembre 1972 au Bureau des Affaires
Indiennes de Washington par la caravane des Traités Violés. Nous demandons aux
leaders tribaux de restaurer le processus des traités entre les gouvernements
traditionnels et le Congrès des Etats-Unis. Enfin, nous demandons à toutes les
tribus d'envisager l'adoption de la déclara-tion d'indépendance rédigée en
1974 durant la première conférence du Conseil international des traités
indiens (IITC) comme un premier pas vers la véritable souveraineté".
Février 1973 a marqué le début de l'un des événements les plus importants de l'histoire contemporaine des Indiens d'Amérique du Nord : l'occupation, durant 71 jours du village de Wounded Knee qui est restée pour beaucoup un symbole moderne de la résistance des autochtones des États-Unis pour leur survie. Un quart de siècle plus tard la nation oglala-lakota et l'American Indian Movement (AIM) ont décidé de commémorer leurs "25 ans de libération culturelle et spirituelle".
Le 27 février 1973, des traditionalistes lakota accompagnés de jeunes
militants de l'American Indian Movement (AIM) décidaient d'occuper le
village de Wounded Knee afin de faire connaître au monde extérieur, les
conditions de vie dramatiques imposées aux indigènes des États-Unis. Ces événements
ont fait la une des médias américains et ont eu un écho retentissant au
niveau international. Nombreux
sont ceux qui reconnaissent aujourd'hui que Wounded Knee est devenu le symbole
moderne de la résistance amérindienne. L'AIM et l'occupation de ce lieu
hautement significatif ont contribué à la restauration de la fierté indienne
et ont impulsé un retour aux valeurs traditionnelles et à la spiritualité.
Comme le souligne Russell Means : "Wounded Knee, a été un catalyseur pour
la renaissance de notre dignité et de notre fierté d'être indiens. Cette
action a démontré au monde entier que les amérindiens existent encore et
qu'ils sont toujours prêts à résister au colonialisme".
L'implication de l'AIM dans ces événements, a été très favorablement perçue par les traditionalistes lakota. C'est en effet, à la demande de l'OSCRO (une organisation lakota dirigée par Pedro Bissonette) et des chefs traditionnels lakota, dont le célèbre Fools Crow, que les jeunes militants de l'AIM se sont engagés dans l'occupation de Wounded Knee. Néanmoins, une partie des Lakota a critiqué leur intervention et a reproché à l'AIM d'avoir apporté la division au sein de la communauté de Pine Ridge. Mais aujourd'hui, avec du recul, la majorité des Lakota reconnaît que Wounded Knee 73 fait partie intégrante de leur histoire et que ces événements ont contribué à un meilleur développement des projets de la tribu, comme en temoigne les succès de la Radio Kili, de Oglala Lakota College, de la clinique de Porcupine, etc... Pour beaucoup, cette action a marqué le retour de la souveraineté des Oglala-Lakota sur leurs terres.
Gordon Weston, originaire de Porcupine se souvient que l'AIM avait de nombreux amis dans le village d'Oglala. Il enseigne à Oglala Lakota College et garde le sentiment que Wounded Knee fut d'un grand bénéfice à la nation lakota. Convaincu que les événements de Wounded Knee ont permis de faire connaître les problèmes de la réserve de Pine Ridge, il pense aussi qu'ils ont eu d'importantes répercussions sur l'ensemble des indigènes américains ; le point le plus positif étant le renforcement de leur mode de vie traditionnel. "On a vu un retour à la langue lakota, aux cérémonies, aux Pow Wow, etc. Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui portent les cheveux longs. Les gens sont de nouveaux fiers d'être indiens".
Quant à Alex White Plume, qui résidait à l'époque à Wounded Knee, il se souvient avoir été plutôt hostile à l'action de l'AIM : "C'était très étrange car toute ma vie, on m'a appris que je devais agir comme un Blanc. On m'a donné une éducation chrétienne pour que, soi disant, je puisse évoluer. Et tout d'un coup, les militants de l'AIM sont arrivés et ont tout chamboulé. Eux, étaient fiers d'être indiens... Ils ont provoqué beaucoup de bonnes choses. Grâce à eux, j'ai pris conscience que j'étais un Lakota".
Dolores Blacksmith, une Ancienne du village d'Oglala est restée une fervente supporter de l'AIM. Selon elle, Wounded a permis de rappeler aux USA tout entier que les Lakota sont des êtres humains et que les Oglala veulent sortir de l'état de pauvreté dans lequel on les a confinés. Elle déclare : "L'AIM nous a aidés à lutter contre cette situation. Ils étaient serviables avec les Anciens, coupaient du bois, allaient cher-cher de l'eau, réparaient les maisons, etc. Personnellement, je remercie l'AIM d'être venu ici et d'avoir rappelé au gouvernement des USA qu'il nous avait oubliés".
Mike
Her Many Horse pense lui, que ces événements ont rendu le gouvernement tribal
plus responsable : "Le gouvernement tribal a évolué après Wounded Knee.
Il s'est rapproché de ses citoyens".
Pour
de nombreux Anciens, membres de la Grey Eagle Society, Wounded Knee a été
très significatif car l'AIM demandait principalement au gouvernement des États-Unis
de respecter les traités passés avec la nation lakota. Mel Lone HîlI, ancien vice-président du Conseil tribal, souligne quant
à lui, que les problèmes entre les traditionalistes et les métis n'ont pas
entièrement disparus. Mais aujourd'hui, tous veulent un véritable changement
et un retour aux valeurs traditionnelles. Il déclare : "Wounded Knee a
relancé notre désir d'indépendance, fondé sur notre concept d'autodétermination.
Si l'on veut une évolution, il faut travailler pour cela". Dans
le même esprit, Elgin Bad Wound, un des responsables de Oglala Lakota Collcge
tient a préciser que "après Wounded Knee, notre nation est vraiment
devenue plus forte".
1998 marque les 25 ans de l'occupation de Wounded Knee. A cette occasion des traditionnalistes oglala, des membres de l'AIM et les étudiants du Lakota Student Alliance ont travaillé à la commémoration de l'événement. Afin d'officialiser cette action, le Conseil tribal de Pine Ridge a adopté, le 22 janvier 1998, une résolution reconnaissant le 27 février comme une date historique pour la nation oglala-lakota et décrétant que cette journée serait dorénavant fériée. Sur les dix-sept votants, quinze se sont prononcés en faveur de cette résolution et seul le membre représentant le district de Wakpamni, Tom Conroy s'y est opposé. M.Conroy a exprimé son inquiétude concernant la célébration de Wounded Knee en insistant sur le fait sur sa crainte que les "anciennes querelles refassent surface".
Le président du Conseil tribal, John
Yellow-bird Steele, l'a rassuré en déclarant que "les évènements de
Wounded Knee ne se reproduiront pas. Nous devons refermer les blessures du passé.
Nous sommes sur un chemin différent aujourd'hui". Afin de marquer la commémoration,
des centaines de personnes ont participé les 27 et 28 février aux célébrations
en faveur de Wounded Knee. Plusieurs marches et chevauchées ont convergé vers
le site de l'occupation. Une course a été organisée par Dennis Banks de
Calico à Wounded Knee. De plus, à Kyle, une rencontre s'est tenue a
l'initiative de l'AIM afin de discuter de plusieurs sujets dont la décolonisation
et l'autodétermination, l'agriculture et l'environnement, la protection des
bisons, la question des traités et les Black Hills, le racisme et la
discrimination, l'alcoolisme et les violences familiales, le cas de Léonard
Peltier et des prisonniers politiques, etc. Pour clôturer ces événements, un
grand concert s'est déroulé à l'école Little Wound avec Floyd Westerman,
John Trudell, Margo Thunderbird, Red Soul, Jim Page, etc.
Un quart de siècle plus tard, Wounded
Knee se trouve à nouveau au centre de la résistance des Indiens d'Amérique.
Symboliquement, ce lieu a été choisi pour célébrer les 25 années de libération
culturelle et spirituelle. Le peuple lakota et les Indigènes des États-Unis
poursuivent la construction de leur avenir.
Rappel chronologique de Wounded Knee
1868
Le 29 avril, signature du traité de Fort Laramie, entre les États-Unis et
plusieurs nations indiennes des grandes plaines, garantissant la base
territoriale de la Grande Nation Sioux.
1890
Le 29 décembre, plus de trois cents Lakota de la bande du chef Big Foot
trouvent la mort, lors du massacre de Wounded Knee.
1968
Création de l'American Indian Movement (AIM)
1972
Richard Wilson prend le poste de président du Conseil tribal de Pine Ridge. A
partir de ce moment, la corruption, le despotisme et la violence prédominent
sur la réserve. En novembre, les
traditionalistes oglala s'organisent et accusent Wilson de malversations.
1973
Début février, création de l'Organisation Sioux Oglala des Droits Civiques
(OSCRO)
Mi-février, Wilson demande
l'intervention des marshals fédéraux et du FBI sur la réserve.
Le 23 février, les chefs traditionnels
lakota et l'OSCRO font appel à l'AIM.
Le 27 février, l'AIM et les
traditionalistes oglala occupent le village de Wounded Knee.
Le jour suivant les occupants sont
encerclés par les troupes de police fédérale et la milice de Wilson.
Le 11 mars, proclamation par les insurgés
de la Nation Oglala Independante (ION).
Le 13 mars, le représentant du
gouvernement américain, Harlington Wood entame les négociations.
Le 15 mars, le gouvernement des États-Unis
rejette les propositions de l'ION.
Le 17 avril, des vivres sont parachutés
à Wounded Knee, ce qui entraîne une fusillade entre les militants de l'AIM et
les forces du gouvernement. Frank Clearwater, supporter de l'AIM est grièvement
blessé.
Le 25 avril, Clearwater décède à l'hôpital
de Rapid City.
Le 26 avril, les miliciens de Wilson
provoquent la fusillade la plus violente du siège de Wounded Knee.
Le 27 avril, la fusillade reprend à
l'aube et se poursuit jusqu'au milieu de I'après-midi. Buddy Lamont, guerrier
oglala-lakota est tué.
Le 2 mai, les chefs lakota et l'ION
cherchent une solution à la crise et organisent une réunion avec les représentants
des USA
Le 5 mai, un accord est signé entre les
parties.
Le 8 mai, les militants sont désarmés
et évacués de Wounded Knee. 146 personnes sont interpellées. Plus de 400
mandats d'arrêts sont lancés contre les militants et supporters de l'AIM.
Les 17 et 18 mai, réunion à Kyle entre
le gouvernement traditionnel lakota et les représentants de la Maison
Blanche.
Le 30 mai, une réunion est prévue
entre les Oglala et les représentants du gouvernement. La Maison Blanche n'y
envoie qu'une déclaration écrite. Aucune des revendications sur le traité de
1868 n'est satisfaite.
1990
En décembre, pour le centenaire du massacre de Wounded Knee, plus de 300
cavaliers lakota du Sri Tanka Wokiksuye convergent vers la fosse commune où
reposent les victimes. Le 29 décembre, une cérémonie de libération des âmes
est célébrée marquant la fin du deuil de la nation lakota.
1998 Le 22 janvier, afin de célébrer
les 25 ans de l'occupation, le conseil Tribal de Pine Ridge adopte une résolution
en l'honneur de Wounded Knee. Le 27 février est déclaré jour férié pour la
nation oglala.
Les 27 et 28 février, l'AIM et le
Conseil tribal de Pine Ridge célèbrent conjointement le 25ème
anniversaire de l'occupation de Wounded Knee.
Décret du Conseil tribal Sioux oglala proclamant le jour du 27 février 1973 Journée de libération pour les peuples indigènes d'Amérique du Nord, reconnaissant la protestation de Wounded Knee comme un événement historique et culturel qui a attiré l'attention sur les problèmes des Indiens et sur la question de la souveraineté Indienne à travers toute l'Amérique du Nord, approuvé par un vote de 15 voix contre 1, le 22 janvier 1998.
Considérant que, le Congrès des États-Unis a établi la réserve indienne de Pine Ridge, dans le Dakota du Sud, en 1839 et a reconnu la Constitution et les Décrets sioux-oglala depuis 1934 (25 US.C sec.461 et seq.), et
Considérant que, la Cour suprême des États-Unis a constamment déclaré que le Congrès des États-Unis avait une responsabilité par traité à l'égard du peuple amérindien de la réserve de Ridge dans le Dakota du Sud, et des autres, et
Considérant que, les 26 et 27 février, des membres de la tribu
sioux-oglala se sont réunis dans l'historique salle de Calico, au nord de Pine
Ridge.
Dès lors, l'Organisation sioux oglala des droits civiques (OSCRO), en collaboration avec le Mouvement Indien Américain (AIM) et leurs conseillers légaux, a réuni des centaines de plaintes déposées par les membres de la tribu sioux oglala concernant des violations des Droits de l'homme par des fonctionnaires tribaux et dénonçant leurs mauvaises conditions de vie, et
Considérant que, le 27 février 1973, un groupe d'Indiens et de non-Indiens, menés par l'AIM, a occupé le village de Wounded Knee en signe de protestation contre les traitements inégaux, les conditions de vie déplorables, les violations des traités et des Droits de l'homme et l'échec des États-Unis à respecter leurs responsabilités fiduciaires, et
Considérant que, l'occupation/libération de Wounded Knee en 1973 a, par conséquent, attiré l'attention de la communauté internationale sur la politique indienne du gouvernement américain et sur le traitement des peuples indigènes d'Amérique du Nord, du Sud et Centrale par les Etats-Unis, et
Considérant que, l'occupation/libération de Wounded Knee en 1973 est devenue un puissant symbole de résurgence de la spiritualité et de la fierté indienne dans tous les États-Unis, et a suscité la création par les Amérindiens de leurs propres institutions scolaires, religieuses, sociales, économiques et culturelles, et
Considérant que, l'occupation/libération de Wounded Knee en 1973 n'a jamais été formellement reconnue par aucun Conseil tribal, issu de la Loi sur la réorganisation indienne comme un événement historique ou culturel pour les Amérindiens, à présent
Qu'il soit, par conséquent, décrété, que le Conseil tribal sioux oglala se doit de reconnaître et de saluer formellement l'occupation/libération de Wounded Knee du 27 février 1973 par les membres de la Nation Oglala Indépendante et de l'AIM, comme un événement historique et culturel pour la nation oglala lakota, et
Qu'il soit décrété, que, à partit de
ce jour, tout document archives, notes, rapports, photos, séquences vidéo
et enregistrements audio de l'occupation/libération de Wounded Koce en 1973, en
possession de particuliers ou d'institutions, soit enregistré et conservé dans
les archives tribales sioux oglala, situées au bureau central d'Oglala Lakota
College, Piya Wiconi, à Kyle, Dakota du Sud, et
Qu'il soit décrété, que la tribu
sioux oglala proclame le 27 février, Journée de libération et des Droits de
l'homme pour les Lakota mais aussi pour tous les peuples indigènes d'Amérique
du Nord et qu'elle célèbre, chaque année, cette journée comme jour férié
tribal.
Certificat
Je, soussigné, Secrétaire du Conseil
tribal sioux oglala, par le présent acte certifie que cette résolution a été
adoptée par un vote de 15 voix pour et 1 voix contre et 0 abstention, durant
une session ordinaire tenue ce jour, 22 janvier 1998.
John
Yellowbird Steele, Président
Theresa Two Bulls, Secrétaire
Le
retour du bison
"Honorons les os de ceux qui
donnent leur chair pour nous maintenir en vie". Prière
devant le crâne de bison.
Pour les tribus nomades des Plaines, le bison signifiait la vie. Ces
majestueux animaux fournissaient au peuple indien tout ce dont il avait besoin,
la nourriture, le vêtement, l'abri. Le bison était au centre de leur culture. Quand
l'armée des États-Unis et les colons blancs ont commencé à massacrer les
bisons, 50 millions de ces animaux parcouraient les prairies. Dans les années
1890, des lois ont été votées aux États-Unis et au Canada pour protéger les
survivants : il n'en restait plus alors que 1 500. Privés du bison, les
Indiens des Plaines ont perdu leur mode de vie indépendant traditionnel. Leur
esprit a souffert de la perte du contact avec leur "animal sacré"."Les
malheurs de la nation sioux et ceux de notre parent le bison sont presque
identiques. Un génocide culturel nous a également conduits au bord d'une
quasi-extinction. C'est pour cette raison que nous nous sentons si proches du
bison."
Kalon Strickland, Santee Sioux, 1994.
Cent ans après, les bisons reviennent à leurs anciennes prairies en un nombre qui commence a être impressionnant. Les Indiens applaudissent à ce retour. Ils observent aussi avec inquiétude la manière dont les bisons sont traités sur certains ranchs où ils sont considérés comme du bétail, soumis au bricolage génétique et aux efforts de domestication.
Fred Dubray, Lakota de Cheyenne River, nous explique les liens de son peuple avec le bison : "En tant que peuple indigène, nous avons une obligation naturelle envers le bison. Le bison était, et demeure, une part essentielle de la spiritualité, de la culture et de l'économie des tribus des Plaines. Dans la culture traditionnelle, tous les éléments sont liés. De mon point de vue, il n'y a rien de mal à élever des bisons pour en tirer un bénéfice économique, mais tous les autres éléments doivent être pris en compte. Avant tout, le bison doit être traité avec respect".
En 1990, Fred Dubray prenait contact avec la Société Amérindienne pour la Protection de la Vie Sauvage. La création d'une organisation intertribale, favorisant l'installation des troupeaux de bisons sur les terres indiennes, était envisagée. Celle-ci garantissait une présence indienne dans les négociations avec le gouvernement et dans l'industrie du bison. La Société invita les tribus intéressées à assister à une réunion tenue dans l'hiver 1991. N'ayant pourtant été averties que quatre jours à l'avance, dix-neuf tribus envoyèrent des représentants. La réunion conduisit à la création de InterTribal Bison Cooperative (ITBC) qui réunit maintenant quarante-deux tribus.
Tous les membres d'ITBC n'ont pas exactement les mêmes buts. Certains vont continuer à élever les bisons pour fournir à leur peuple une nourriture saine, ainsi que pour des raisons culturelles et éducatives. D'autres, dont les troupeaux augmentent, envisagent d'élargir leur base économique en autorisant les chasses limitées ou en commercialisant des animaux élevés de manière parfaitement naturelle, sans antibiotique.
La
nation lakota de Cheyenne River a travaillé avec une entreprise suédoise pour
concevoir un abattoir mobile qui permettrait à la tribu de tuer les bisons
directement dans leurs prairies natales, tout en maintenant pour eux un régime
naturel. Cela épargnerait à ces animaux sauvages la terreur et l'indignité d'être
chargés dans des camions et emmenés dans un abattoir. Cette façon de procéder
est plus humaine et produit une viande meilleure et plus tendre. De cette manière,
le bison ne subit pas la montée d'adrénaline provoquée par l'anxiété et la
peur au moment de l'abattage. Cette technique sophistiquée permettra aussi de débiter
la viande à la manière traditionnelle, sans aucune perte, tout en se
conformant aux exigences du ministère de l'Agriculture américain.
La
Ghost Dance est un mouvement qui est né de la croyance en un messie nommé
Wovoka issu de la tribu des indiens Païute en 1870. Il toucha les tribus des
grandes plaines au début des années 1890. Il permettait d'exprimer un profond
regret de la vie passée, et de croire à son retour, au retour des fantômes
qui aideraient les opprimer à retrouver leur ancien style de vie, avant l'arrivée
des blancs. Bien évidemment ce rituel fut interdit par le gouvernement US.
Cette interdiction fut à l'origine du massacre de Wounded Knee où des
centaines de guerriers, de femmes, et d'enfants ont été lâchement massacrés
par les soldats. Ce massacre mis fin au rituel. Certains des guerriers croyaient
tellement en leur religion qu'ils pensaient que le port de tuniques avec le
dessin d'aigles ou bisons pouvait suffire à stopper les balles des soldats. La
légende dit que ce fut le cas pour l'un d'entre eux, le Chef Crazy Horse qui
survécuta au massacre.
Voici
l'une des prières de ces croyants en une ère nouvelle où la maladie,
l'oppression seraient absentes...
"La
Mère Nature est toute-puissante, ayant pour elle l'éternité. Que sont les
inventions des hommes, les cités hautaines qu'ils élèvent aux confins du désert,
les armes terribles qu'ils emploient pour assurer et défendre leurs conquêtes
?
Rien qu'un peu de poussière constituée que les grandes forces
naturelles tendent à restituer dans sa forme primitive. Désertez pendant
quelques années la citadelle, abandonnez quelques mois le canon ou la
mitrailleuse dans la Prairie, et bientôt l'herbe et la ronce auront envahi la
pierre, la rouille rongé l'acier dur.
Bien des fois, jadis, de vastes solitudes ont été peuplées des villes
puissantes. Il n'en reste plus aujourd'hui que des ruines et les ruines elles-mêmes
finissent par se confondre avec la terre éternellement vierge.
Qu'importent les hommes qui passent ? L'Esprit n'a qu'à souffler sur eux
et ils ne le seront plus ! Alors les fils de la Terre reprendront possession de
la Terre. Et les temps passés redeviendront nouveaux !".
Bibliographie
Les Sioux
• Elan Noir, John Neihardt (Le Mail)
• La vie de Black Elk, homme-médecine oglala
• Les Rites secrets des Indiens Sioux, Joseph E. Brown (Le Mail). Les sept grands rites apportés aux Lakota par la Femme Bison BlanC
• Crazy Horse, Mari Sandoz (Le Rocher)
• Une biographie du grand guerrier oglala Sitting Bull, Stanley Vestal (le Rocher). La première biographie du grand chef hunkpapa, rédigée dans les années 1940
• Sitting Bull sa vie, son temps, Robert M.Hutley (Albin Michel).La plus récente des biographies de Sitting Bull
• Les Sioux, William Hassrick (Albin Michel). La société lakota à la fin du XIXème siècle, selon des témoignages recueillis dans les années 1930-1940
• Souvenirs d'un chef sioux, Luther Standing Bear (Payot). De la vie traditionnelle de la fin du XlXème siècle l'adaptation à la culture blanche
• Lakota Woman, et Femme sioux envers et contre tout, Mary Crow Dog-Brave Bird (Albin Michel). Le Difficile Itinéraire d'une jeune femme lakota, militante de l'AIM dans les années 1970
• Nous les Dull knife, Joe Starita (Albin Michel). L'histoire de quatre générations d'une famille lakota/cheyenne
• Fools Crow, homme-médecine des Sioux, Thomas E.Mails (Le Rocher).La vie et œuvres spirituelle du saint homme oglala
• La Religion des Sioux Oglala, William K.Powers (Le Rocher).
•
Yuwipi, rituel des Sioux
Oglala, William K.Powers (Le Rocher). Un rituel secret de guérison.
Les Indiens des plaines
• Enterre mon coeur à Wounded Knee, Dee Brown, (Stock) - Les combats menés par les Indiens des Plaines pour leur liberté de 1860 à 1890
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Les Indiens d'Amérique du
Nord, George Carlin (Albin Michel) - Les récits de voyage du peintre George
Carlin parmi les nations indiennes des Plaines entre 1832 et 1840.
• Lakota Star Knowledge, Donald Goodman (Sinte Gleska University, Rosebud) - Une étude en profondeur de la vision du monde et de la spiritualité lakota.
• Sacred language, William K.Powers (University of Oklahoma Press) - La langue sacrée des Lakota s'exprimant à travers les chants et les prières.
• Oglala Women, Maria N.Powers (University of Chicago Press) - Des origines à nos jours, les femmes oglala dans le mythe, l'histoire et la vie quotidienne.
• The Sixth Grandfather, Raymond DeMaille (University of Nebraska Press) - Les interviews sténographiques de Black Elk à John Neihardt qui ont servi à la rédaction de Black Elk speaks.
• Lost Bird of Wounded Knee, Renee Samson Flood (Scribner Editor) - La vie douloureuse de la petite fille lakota retrouvée vivante après le massacre de Wounded Knee et adoptée par le général Colby des deux premiers chapitres décrivent en détail les circonstances du massacre).
Langue lakota
• Français/Lakota : Je parle Sioux-Lakota, Slim Barteux (Le Rocher) - Actuellement le seul ouvrage en français. Une méthode très accessible pour débuter.
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Anglais/Lakota
- Beginning Lakhota (volumes 1 et 11) (University
of Colorado, Boulder) - Une méthode très claire, comportant beaucoup de
vocabulaire, de bonnes précisions grammaticales et de nombreux exercices. Le 1er
volume est facile.
- Elementary Bilingual Dictionary (University
of Colorado, Boulder) comportant le vocabulaire lakota actuellement utilisé. Un
bon complément pour les 2 volumes de Beginning Lakhota
(Ces ouvrages sont disponibles à la
galerie Urubamba, 4 rue de la Bûcherie - 75005 Paris)
[1] Sioux vient d'un mot chippewa signifiant ennemi
[2] Les Feton/Lakota (bien que les plus nombreux) comptaient pour un seul feu les Santee/Dakota pour quatre et les Yankton pour deux. Teton se prononce «titon».
[3] Santee se prononce» «santi» (on utilise habituellement l'orthographe anglaise)
[4] Tipi : mot sioux signifiant "ils habitent". Il s'agit d'une tente conique faite de peaux de bison posées sur une armature de perches.
[5] Minnecoujou (Mnikowojupi) signifie "ils plantent le long de l'eau".
[6]
Voir Lakota Star Knowledge, par Ronald Goudman (1984) Sinte Gleska College.
[7]
Les Lakota ont sept rites considérés comme ayant été apportés par Pte
San Win. Selon Blaek Elk, les Lakota possédaient déjà le rite de
purification dans la loge de sudation (Inipi) et l'imploration d'une vision
(Hanblteceya). Il s'y est ajouté la Prière avec la Pipe, la Garde de
l'Aine, la Danse du Soleil, l'Apparentage
et le Lancement de la Balle.
[8]
Voir Les Rites Sacrés des Indiens Sioux (1953) Le Mail - Black Elk y
enseigne à Joseph L. Brown l'histoire des sept grands rites apportés aux
Lakota par la Femme Bison Blanc.
[9]
Bien que le mythe lakota sur les origines du monde ne décrive pas une
"création" au sens chrétien, les Indiens actuels utilisent les
termes "création", "créateur" pour être mieux
compris.
[10] Le "percement" de la Danse du Soleil : les hommes qui ont fait le vœu de se sacrifier se font fixer dans la chair de la poitrine ou du dos des broches de bois attachées à de longues lanières de cuir qui sont fixées à l'Arbre dressé au centre de l'Aire Sacrée. Ils doivent danser en tirant sur leurs liens jusqu'à ce que leur chair se déchire et les libère.
[11] Voir La Conversion inachevée, les Indiens et le christianisme de Joëlle Rostowski, éditions AIbin Michel.
[12] Il s'agit de la pierre rouge appelée catlinite, provenant de la carrière de Pipestone, au Minnesota. La description que fait Black Elk de la Pipe correspond à la Pipe traditionnelle des Sioux.
[13] Certains affirment que la Pipe originelle était taillée dans l'os de la jambe d'un jeune bison.
[14] Certains Lakota pensent que Pte San Wîn est une personnification de Wohpe (Etoile Qui Tombe) la fille du Soleil et de la Lune, la médiatrice entre le monde céleste et le monde terrestre.
[15] Ces quatre couleurs correspondent successivement, selon Black Elk, au Nord, à l'Est, au Sud, à l'Ouest. Des hommes-médecine contemporains donnent d'autres correspondances.
[16] Les pères fondateurs de l'Amérique sont les hommes qui, autour de George Washington. ont rédigé la Déclaration d'Indépendance des colons américains et la constitution des États-Unis. Benjamin Franklin est le plus connu.
[17] La théorie de la "destinée manifeste", apparue vers le milieu du XIXème siècle, soutenait que les États-Unis étaient "manifestement destinés" à occuper et à civiliser tout le territoire compris entre le Canada et le Mexique et s'étendant jusqu'à l'Océan Pacifique. Elle a été le moteur idéologique de l'expansion vers l'Ouest.
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