"Débattre
des origines religieuses de l’oppression des femmes,
c’est débattre
des fondements symboliques et juridiques du pouvoir et de l'État"
(Suzanne Blaise)
Le retour en force du religieux,
accompagné d’un développement du fondamentalisme, dans un monde
patriarco-capltaliste en crise profonde, ne peut que susciter une immense inquiétude,
particulièrement en ce qui concerne les libertés et les droits des femmes.
Mais ces pouvoirs patriarco-politico-religleux ne
sont pas issus d’une génération spontanée et pour mieux comprendre ce
qu’il en est aujourd'hui, un retour aux sources est nécessaire.
Les recherches archéologiques
et anthropologiques mettent en évidence l’existence d’un pouvoir religieux
féminin et la première hiérarchie : le sacré et le profane. Peu à peu, au
cours des millénaires, un semblable divin de sexe opposé s’est imposé, ces
déesses mères se retrouvent entourées d'hommes, époux, amant ou fils élu.
Cette revanche des dieux mâles implique un
meurtre de la mère et la destruction d’une religion et d’une symbolique
propre aux femmes a eu lieu lors de la révolution néolithique (8000/2000 av.
J-C). Avec la découverte des métaux apportait une longue période de guerres,
de conquêtes.
Les hommes imposent leur domination et pour ce
faire approprient le sacré, fondement originel du pouvoir. Cette appropriation
du sacré par les hommes s’accompagne d’une régression progressive du rôle
et de la place des femmes dans la société.
En orient, au moyen orient une question émerge :
" Qui détient la supériorité ? La terre qui reçoit la semence, ou la
semence qui fertilise la terre ? " La semence prend le pas, la femme
devient une outre vide, n’est plus qu’un réceptacle. Cette conception a la
vie dure : pendant la guerre en Ex Yougoslavie, les femmes musulmanes violées
par les soldats serbes devaient donner naissance à des enfants serbes.
S’imposent alors les religions
du livre : Bible, Torah, Évangiles, Coran.
La plupart de ces textes sacrés ont été écrits,
copiés, transmis, commentés par des hommes. Le verbe est assimilé comme la
semence à un extérieur qui viendrait féconder un intérieur, " une
nature ". L'homme féconde la femme, détient le langage puisqu’il
produit le sperme et assimile le pénis au phallus par un détournement. Encore
actuellement le fonctionnement du langage décrit par les psychanalystes est
centré sur le fonctionneront du phallus. Pourtant le phallus n'étant pas
anatomique, il n’est pas le seul apanage des hommes, les femmes aussi ont
affaire à lui. Il est intéressant de noter que Lacan dans ses derniers séminaires,
pour contrer l’aspect religieux lié à la fonction paternelle, proposa une
autre théorie encore en friche, qui permettrait de problématiser la sexuation
sans recourir au phallus. A suivre…
Les femmes écartées de la transmission des écritures
y sont peu présentes : deux livres sur quarante-cinq sont consacrés aux femmes
dans la Bible. Voilà donc les femmes exclues du symbolique, du sacré et par
voie de conséquence du politique, le patriarcat religieux étant à l’origine
du patriarcat politique et " voilà pourquoi votre fille est muette "
!
Pour justifier une telle exclusion, les femmes ont
été décrétées inférieures, impures, porteuses de la faute, et de l'érotisme
sacré des temples antiques au culte de la vierge dans les églises, on passe de
l’amour qui se célèbre à l’amour qui se consume.
Reléguées au rang de reproductrices, enfermées,
servantes du seigneur mais " gardiennes du temple ", elles ne sont
plus porteuses du sacré mais ne peuvent plus qu'être mères de porteurs du
sacré.
Ainsi les chrétiens, la vierge Marie, mère de Dieu devient la seule référence
symbolique pour les femmes avec la virginité pour fer de lance et l’interdit
d’une sexualité qui leur soit propre.
Toutes les grandes religions du monde ont pour prêtres
des hommes comme dans l'église catholique même si elles y tiennent une place
en nombre avec comme rôle majeur : gestation et transmission. " La
gestation porte la foi ".
Cependant durant des siècles, l'Église a pu
constituer un refuge pour des femmes qui voulaient échapper à la violence de
la société, à la loi du père, au mariage imposé. Elles pouvaient avoir accès
à la sainteté (seule forme d'égalité avec les hommes), à la culture, avoir
un rôle social, par le biais de l’enseignement, des soins, rôle que la société
civile leur refusait. Mais, en règle générale, si elles " en faisaient
trop " (certaines femmes d’exception dont des béguines acquerront un
statut quasi sacerdotal), l’institution religieuse réagissait par l'élimination
physique (bûchers) ou l’intégration forcée en institution (couvents très
contrôlés).
Avec l’amélioration de la condition des femmes,
les vocations religieuses se raréfient tandis que " le religieux "
tente un retour en force. Notre époque semble située à la croisée de deux
mouvements antagonistes : le retour du religieux accompagné d’un développement
du fondamentalisme sur fond de crise économique grave et l'émancipation des
femmes, émancipation que ce retour du religieux bat en brèche.
On peut constater une ingérence dramatique du
pouvoir pontifical et de tous les pouvoirs religieux dans la vie civile,
publique et politique (avec l’accord des politiques), aux interventions
multiples, systématiques du pape contre les droits des femmes (imposition de
normes sexuelles : hétérosexualité, mariage, condamnation de l'homosexualité,
de l’avortement, de la contraception, du préservatif malgré les ravages du
sida). Ces prises de position publiques vont à l’encontre des exigences de
liberté et d'égalité.
Jean-Paul II est parti en croisade
Il affirme dans ses encycliques Veritatis splendor
ou Evangelum vitae que la loi divine doit primer sur les lois civiles justifiant
ainsi des actions commando contre les centres d’interruption volontaire de
grossesse, l’opposition au droit des femmes à disposer de leur corps et
encourage tous les lobbies de l’ordre moral. Dans sa " lettre aux femmes
" de 1995 il définit pour les femmes une " vocation spécifique
" précisant que c’est dans le sacrifice et le don de soi que " la
femme " peut s’accomplir. Il y rappelle également que l’avortement est
un péché et un crime même pour les femmes violées durant la guerre en
ex-Yougoslavie - avortement qu’il assimile à un génocide… Ce discours
s’accompagne d’une exaltation de la dignité de la " femme " dans
sa mission humaine et divine de mère, toujours dans la problématique d’une
complémentarité homme-femme. S’il affirme soutenir les droits des femmes au
travail, à l'égalité dans la vie publique, il écrit dans le même temps :
" l'Église voit en Marie la plus haute expression du génie féminin et
trouve en elle une source d’inspiration constante. Marie s’est définie
elle-même servante du seigneur. "
Cette mariolâtrie de Jean-Paul II peut se
rapprocher du gouvernement de Vichy (exaltation d’un " éternel féminin
", multiplication des pèlerinages aux sanctuaires mariaux, référence à
une " loi naturelle " qui impose à chacun des deux sexes des rôles
distincts, célébration de la famille). Cette célébration de la famille est
largement reprise par le pape (et par le corps politique dans son entier),
lequel pape qui, en 1994 dans sa lettre aux familles écrivait : " la
famille constitue la cellule fondamentale de la société ". Cette phrase
est à rapprocher de celle de Hitler dans Mein Kampf : " La destruction de
la famille signifierait la fin de toute humanité supérieure… Le but final de
tout développement vraiment organique et logique doit être toujours la
famille. " Dans cette même lettre aux familles, le pape précise : "
la famille est organiquement unie à la nation et la nation à la famille.
" Il déclare en outre que l'Église ne peut pas être une démocratie.
Ce nationalisme, lors de son précédent voyage en
France avait déjà été mis en évidence par la célébration de Clovis,
induisant une vision théologique de la nation, le mythe d’une identité
nationale, idées qui ne peuvent être porteuses que de xénophobie et
d’exclusion.
Cet été, Jean-Paul II revient. De quelle manière
va-t-il encore frapper ? Rappelons-nous que lors de la quatrième journée
mondiale de la jeunesse en 1989, il écrivait déjà l'hédonisme, le divorce,
l’avortement, le contrôle de la natalité et les moyens de contraception, ces
conceptions de la vie s’opposent à la loi de Dieu et aux enseignements de l'Église.