Le
consensus[1]
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Un consensus est un accord général (tacite ou exprès) parmi les membres d'un groupe, pouvant permettre de prendre une décision sans vote préalable. Bien que le consensus désigne une accord unanime (ou plutôt, l'absence d'opposition), l'usage récent en fait parfois l'opinion ou le sentiment d'une forte majorité. Le consensus comme méthodologie de prise de décision cherche à mettre l'accent sur la validité de l'opinion de chaque participant et se refuse à entériner un choix qui n'aurait pas au moins l'accord de tous.
Consensus est un mot latin qui signifie "accord", "conformité de sentiments". Il a été lexicalisé dans la langue française au XIXe siècle sous le sens de "large accord". Le mot latin dissensus, bien qu'il ne soit pas lexicalisé en française (il n'apparaît pas dans les dictionnaires) est parfois utilisé pour designer soit l'échec d'une recherche de consensus, soit l'attitude qui consiste à vouloir poser les différentes opinions sans chercher à les rapprocher.
Du fait du changement de sens récent qui fait du consensus une "simple" large majorité, on en vient à parler de "consensus absolu" ou de "consensus parfait" pour désigner un accord qui ne recueille aucune opposition.
De nos jours, on confond souvent consensus et "opinion collective". Il existe des degrés de variation toujours possibles entre individus, et il doit y avoir une implication individuelle forte pour faire suivre la prise de décision de l'action. Auquel cas, la prise de décision nécessite une négociation au bout duquel les autres participants au débat seront satisfaits.
L'opinion collective n'est pas un consensus, mais au mieux une opinion reçue, au pire, l'alignement sur une orthodoxie éventuellement à partir d'une manipulation mentale (gouroutisme, propagande). Par ailleurs il existe des consensus émotionnels pouvant aller jusqu'à l'hystérie collective comme le montre l'étude des groupes et des foules.
Il existe de nombreux débats et recherches à la fois sur les notions d'intelligence collective et de prise de décision par consensus - discutés dans d'autres articles. Cet article traite de l'idée de consensus dans son sens le plus strict, et non pas de ses implications en politique ou en économie (domaines dans lesquels non seulement le consensus importe mais également l'action subséquente).
Consensus et dictature de la majorité
Le terme consensus implique également des notions de compromis. Plutôt qu'une opinion adoptée par une majorité, le consensus suggère l'apport de multiples opinions différentes, et leur adaptation progressive jusqu'à ce qu'une solution satisfaisant le plus grand nombre de personnes puisse être dégagée. Le consensus ne signifie pas forcément que tout le monde est satisfait du résultat, mais suggère plutôt que tout le monde peut juger le résultat acceptable et la majorité soit satisfaite. On doit donc apporter un soin particulier à la définition de cette majorité représentative de l'ensemble, faute de quoi ce compromis peut s'éloigner de la réalité pourvu que le consensus se construise, au vu de la subjectivité de l'estimation de la "représentativité" de chaque personne. Ce type de consensus, limant les divergences au profit des similitudes, manifeste la justesse de l'opinion répandue. On peut considérer que le consensus se construit avec la loi de juste milieu (pris dans le sens d'un milieu acceptable pour les différent partis). Certains considèrent alors que l'objectivité, si ce n'est la vérité, répond à la courbe de Gauss où les 20% restant sont quantité négligeable et, de ce fait, inutile à conserver. Ce type de solution est souvent appelé consensus, mais n'en est pas un à proprement parler.
Plus généralement, on considère la prise de décision par consensus comme la recherche de solution de résolution, ou le compromis doit être une proposition originale, qui tienne compte des positions de chacun et essaye de satisfaire tous les participants au débat. Ce type de compromis est nommé gagnant-gagnant. Chaque proposition doit être évaluée pour ce qu'elle est et non pour ce que chacun en imagine, l'imagination portant le plus généralement sur l'émetteur de la proposition.
Certains considèrent que dans le cas ou un compromis gagnant-gagnant ne peut être construit, on peut alors enregistrer les dissensions (ou dissensus) car elles sont considérés comme plus proche de la réalité décrite et susceptible de faire avancer le problème. Cette solution peut satisfaire la majorité des participants au débat. D'autres considèrent qu'il s'agit alors d'un échec de consensus, car chacun des parties étant reste sur ses positions, le problème débattu n'est pas réellement réglé.
La méthode du consensus
Roberto Tecchio[2]
Une définition et quelques considérations pour commencer : La MC est un processus qui se déroule en plusieurs phases et dans lequel on utilise diverses techniques de discussion, d’analyse et de débat, et grâce auquel, un groupe arrive à prendre des décisions sans avoir recours au vote.
Consensus signifie que l’on est d’accord sur quelque chose, mais ne signifie pas nécessairement accord total de tous sur tout, c’est à dire unanimité. L’unanimité peut être atteinte, mais ce n’est certes pas un objectif : le consensus tend à faire cohabiter les différences, non à les éliminer. Ainsi lors d’une décision consensuelle, il peut y avoir différents degrés d’accord et de nombreuses nuances au regard des engagements que les différents membres assument par rapport à une décision déterminée, cependant le tout a lieu de façon explicite et globalement accepté.
L’adoption de la MC de la part d’un groupe peut se produire sur des bases consensuelles. La MC une fois acceptée n’exclut pas le recours à des modes de décisions, basés ou pas sur le vote, pourvu qu’un tel recours advienne sur la base d’une décision consensuelle.
Les bases du consensus : entre éthique, pragmatisme et esthétique : La fin ne justifie pas les moyens ; les moyens contiennent la fin.
L’utilisation du pouvoir : l’individu ne se fait pas écraser par le groupe, le groupe n’est pas bloqué par l’individu
En ayant un regard superficiel, la MC semble donner un pouvoir excessif au simple individu (ou à la petite minorité) par rapport au groupe. Ainsi, il semble que, même après une longue discussion tournerait en sa défaveur, quelqu’un puisse bloquer un groupe important en refusant son accord à la décision. Mais ceci n’est rien d’autre que l’exercice du soi disant pouvoir de veto, qui n’a rien à voir avec la MC.
La MC donne effectivement un grand pouvoir à l’individu (à chaque individu sans distinction) parce elle en reconnaît la valeur, la dignité, l’unicité. Mais l’individu peut bloquer le groupe seulement s’il réussit à démontrer la validité de son opposition, c’est à dire que la décision qui va être prise est vraiment dommageable au groupe et/ou en contradiction avec ses principes fondamentaux. Si le groupe reconnaît le bien fondé de l’opposition, alors la décision peut être bloquée, sinon la responsabilité de décider de ce qu’il faut faire incombera à la partie adverse, si possible en l’annonçant en termes clairs et explicites.
Donc, pour que la MC fonctionne bien, l’individu doit reconnaître et accepter le pouvoir du groupe à déterminer quels sont les problèmes qui peuvent être résolus, ceux qui nécessitent plus d’attention, et ceux qui bloquent la décision : le piège du veto consiste à être incapable de reconnaître les limites du pouvoir individuel ! L’individu a le pouvoir et la responsabilité de soulever les problèmes ; le groupe a le pouvoir et la responsabilité de les reconnaître et de les résoudre.
Être attentif aux travaux et aux rapports humains : Les rencontres servent à affronter et à résoudre les problèmes communs. Les bonnes solutions tiennent compte tant des aspects concrets des problèmes, que des relations entre les sujets. S’il n’y a pas un bon rapport, suffisamment détendu et confiant, alors même des problèmes simples peuvent se compliquer et devenir un poids énorme. Il est nécessaire de se rappeler que dans le travail du groupe les deux objectifs (contenu et relation) doivent toujours être convenablement étudiés : l’un influence l’autre.
Faire la distinction entre les personnes et les problèmes et se concentrer sur les problèmes : Lorsque l’on affronte les problèmes, l’on a tendance à oublier, et que nous sommes face à des êtres humains qui ont des sentiments, des valeurs, des convictions profondément ancrées, des histoires et des points de vue différents, exactement comme nous. Chacun a un "moi" sensible qui peut facilement se sentir menacé, et un moi menacé pense surtout à se défendre. Chaque jugement sur la personne risque de détériorer la relation et d’altérer le bon climat psychologique qui est indispensable pour bénéficier des ressources de créativité et d’intelligence de tous les participants, ressources sans lesquelles, il est impossible de trouver de bonnes solutions aux problèmes.
C’est pourquoi il est fondamental de rester fidèle aux faits, aux termes concrets des problèmes "attaquant" les idées et les propositions même très fermement si cela est nécessaire, mais en restant en même temps intérieurement respectueux des personnes "durs avec le problème, souples avec les individus".
Là le fait de ne pas s’identifier à ses propres idées aide énormément, en se rappelant que "mes idées, ne sont pas les miennes !"
Faire la distinction entre les besoins et les solutions et se concentrer sur le fond : Pour affronter les problèmes, on oublie que le fond des questions ne se trouve pas dans les positions de départ (parfois opposées seulement en apparence), mais dans les besoins, les préoccupations et les convictions des parties concernées, c’est à dire ceux que d’aucuns appellent les "bases" ; des problèmes. Par exemple, souvent l’on discute (et on se dispute) sur les propositions de solutions sans avoir sondé de façon adéquate quels sont les besoins en jeu : les solutions représentent la réponse à des besoins et le même besoin peut être satisfait de différentes façons, il peut y avoir de nombreuses solutions pour un même problème. Si on fait une fixation sur certaines idées, il devient impossible de négocier de façon constructive. Il ne s’agit pas de renoncer à ses propres principes, ni de dissimuler les différences incompatibles sur le moment, mais c’est seulement en s’orientant vers la recherche des besoins partagés que se créent les conditions pour trouver des solutions coopératives, réalisables, qui ouvrent la voie commune à tous.
Inventer des solutions : générer des options et définir des objectifs factuels : Une fois cernés le fond des problèmes, il est nécessaire de consacrer le temps voulu à la recherche de solutions avantageuses pour tous. Ici l’imagination, l’intelligence, l’expérience, sont les ressources premières : souvent il s’agit d’inventer littéralement de nouvelles solutions.
Ce passage peut sembler banal, mais d’un point de vue pratique, la phase de conception est souvent négligée ou de toute façon mal gérée (par exemple il est fréquent que le brainstorming soit plein de jugements et de commentaires sur les idées elle mêmes).
Ne pas s’identifier ( ni identifier l’autre) aux idées facilite beaucoup la recherche de solutions différentes et peut être meilleures.
Rester attachés aux propositions de solutions est une habitude fréquente qui représente un obstacle non seulement au consensus, mais surtout à l’élaboration de solutions de bonne qualité. Abandonner une proposition ne signifie pas renoncer à ses propres principes ou à ses propres besoins, mais simplement de rechercher d’autres solutions.
Faire des choix sur la base de critères reconnus et transparents : Les critères qui sous tendent chaque choix doivent être expliqués et se référer le plus souvent possible à des éléments vérifiables et à des principes communément acceptés.
Les critères ne doivent pas dépendre de la volonté ou du contrôle de certaines parties en jeu, c’est là qu’en général on exerce plus ou, moins consciemment un usage incorrect et manipulateur du pouvoir pour orienter les choix vers des intérêts partiaux (par exemple avec des menaces voilées, piques, attaques personnelles qui détournent l’attention des données exactes du problème, etc.)
Savoir être constructif dans une situation de malaise (frustration, irritation, préoccupation) : La MC est en substance un processus de gestion constructive et non violente des conflits.
Le conflit est considéré ici comme un phénomène absolument naturel, en soi ni juste ni faux.
Lorsque ’un groupe crée une atmosphère qui facilite l’expression du désaccord et des émotions qui s’y ajoutent (peur, irritation, frustration et ainsi de suite), il construit les bases pour des décisions plus fonctionnelles et satisfaisantes.
Aussi, faciliter une bonne communication est un facteur clé : communiquer, c’est gérer la relation et les conflits. Mais il faut reconnaître que aussi grâce à une utilisation parfaite de la méthode et une excellente communication les problèmes qui ne sont pas complexes et compliqués, peuvent demeurés non résolus sur le moment. Et alors ?
Si on procède avec soin et si on alimente la confiance, le paysage dans lequel on prendra les décisions (parce que de toute façon on décide toujours quelque chose) sera au moins plus clair et compréhensible. Et cela constitue un bon terrain pour parvenir à des décisions qui cherchent, dans la mesure du possible, à respecter les besoins essentiels en jeu. Parfois par exemple il faut accepter le fait de ne pas pouvoir prendre une décision sur une question précise. Alors savoir gérer de façon constructive le malaise personnel et collectif qui dérive de tout cela est indispensable dans le processus consensuel : patience et confiance sont les qualités fondamentales.
Une méthode souple pour des personnes/groupes forts : En définitive, ce processus tend à construire "des accords dans les désaccords" ou le désaccord particulier est dans un cadre d’accord général fondé sur le respect et la confiance réciproques : le consensus concerne en substance la volonté de continuer à aller de l’avant et à partager des expérience ensemble.
Ce consensus de fond doit cependant être basé sur la confiance et sur la liberté, autrement cela ne fonctionne pas, au contraire on ne pourrait même pas l’appeler consensus. En fait ce qui se fonde sur la peur de l’autre et sur la dépendance aux autres ne se définit pas comme consensus.
La MC est une méthode qui requiert donc une certaine maturité et une force intérieure de la part des sujets qui l’utilisent, et qui en l’utilisant se renforcent : comme la non violence est l’arme du fort, ainsi la MC est l’outil de décision des forts.
[1] Piqué sur : http://fr.wikipedia.org/wiki/Consensus