Le mouvement Skinhead[1]

 

Un skinhead (terme signifiant en anglais tête de peau) est à l'origine un jeune prolétaire anglais au crâne tondu issu du croisement des mods[2] et des rudies jamaïcains[3] se voulant radicalement différent de ce qui existait déjà. Il a horreur des choses branchées (telles que la vague psychédélique et le mouvement hippie) et rejette le conformisme.

Le skinhead anglais est l'équivalent du rudie jamaïcain. Il porte des Doc Martens[4] à 8 trous, des bretelles, des chapeaux et des jeans coupés assez haut. Il écoute principalement du ska[i] avec des groupes tels que Simaryp et Alurel Aitken[5].

En 1969, un véritable raz-de-marée skinhead envahit l'Angleterre. Les chansons parlent de leur vie quotidienne : émeutes, conditions sociales, contestation, mais aussi sexe et football.

Profitant de l'apparition des punks[ii] fin 70's, les skinheads réapparaissent en masse dans les années 1980 pour se mêler à eux en écoutant et en jouant de la oi![6].

Le look sera récupéré après par les groupuscules d'extrême droite, qui terniront excessivement l'attitude originelle.

Parmi les skinheads politisés aujourd'hui, on peut distinguer :

La naissance :

Cet historique nous permet de remarquer que les skins fachos (les boneheads) ne sont qu’une minorité du grand mouvement skinhead, et même une dégénérescence (comment peut-on être raciste et se déclarer appartenir à un mouvement par essence multiracial et multiculturel ?). Un historique et un schéma qui vous feront comprendre que les véritables skins, contrairement aux blah-blah des médias (mais rien d’étonnant à cette intox : souvenez-vous de la guerre du Golfe, de la créature de Roswell, ou encore des grèves de novembre et décembre 1995...), ne sont ni racistes ni fascistes, bien au contraire ! Être skinhead signifie appartenir à la classe ouvrière et se battre pour son émancipation ! Être skinhead signifie appartenir à une culture multiraciale, d’échange, de rencontre, et de partage ! Skinhead signifie Unité et Solidarité ! Voilà pourquoi nous sommes Skinheads et Fiers de l’être !

C’est en Grande-Bretagne, à la fin des années 60, que le mouvement skinhead voit le jour. Il est le résultat de la rencontre entre les hard mods anglais et les rudes boys jamaïcains. Les hard mods constituaient la frange prolétaire des mods qui, à cette époque se dirigeaient vers la mouvance hippie. Ces mods purs et durs refusaient d’intégrer un mouvement instigué et supporté principalement par les enfants des classes bourgeoises. En effet, comment parler de paix, de spiritualité, de délires mystiques et psychédéliques, alors que partout ne règnent qu’injustice économique et violence sociale. Ces mods ne pouvaient se reconnaître dans les facéties bourgeoises d’une jeunesse dorée en mal de sensations fortes. C’est donc tout naturellement dans leurs quartiers, dans leurs rues, qu’ils ont rencontré les immigrants jamaïcains et antillais, et plus particulièrement les rudes boys. De cette rencontre multiraciale et multiculturelle, et de ce refus de compromis avec la bourgeoisie marquant l’affirmation de l’appartenance à la working class, naît le mouvement skinhead. Par essence, anti-raciste et prolétaire. A ces débuts, le mouvement n’est pas politisé. Si ce n’est, comme pour toute autre partie du prolétariat, certains ayant pris conscience de l’intérêt de classes et de la nécessité de la lutte et de l’engagement. C’est aussi de cette époque que date le look skin : Un mélange de fringues destinées à singer les bourgeois et de tenues de travail. C’est ainsi qu’apparaissent pour la première fois le port des chaussures de sécurité (tels les Doc Martens), en référence aux origines prolos.

En 1977 éclate la tempête punk, et avec elle le mouvement skinhead connaît un renouveau. Mais là aussi, alors qu’une partie de la scène keupon tourne vers le plastic punk (aujourd’hui appelé MTV punk) où la rébellion n’est plus qu’une simple vue de l’esprit, avant de devenir un produit commercial de plus, quelques groupes (tels SHAM 69 ou THE BUSINESS) se radicalisent plus sur des positions de classe et une expression working class. C’est la naissance de la Oi  !. Et c’est à cette période qu’entrent en jeu les idées d’extrême-droite. De tout temps, l’extrême-droite a recruté dans le Lumpen-proletariat. Et le mouvement skinhead n’a pas échappé à cette règle. D’autant que l’absence d’idéologie politique précise dès le début du mouvement a fortement contribué à faire passer certaines idées puantes chez certains. Le National Front, et consorts, a donc tout naturellemnt tenté de récupérer cette scène dans laquelle se trouvaient des jeunes exploités ayant envie de réagir, mais sans véritable conscience ni culture politiques (cf : le film "American History X"). Apparaissent dès lors les "skins" fachos, que les skinheads appellent Boneheads.

A cette fin des années 70 et début 80, c’est aussi le revival ska avec le mouvement 2-TONE (tels THE SPECIALS, BAD MANNERS ou MADNESS). Ce renouveau permet aux skinheads de (se) rappeler les racines et origines du mouvement en portant le damier noir et blanc SKA, symbolisant l’antiracisme et l’unité. Mais les médias, toujours à l'affût du sensationnel, voient dans la dérive de certains une putain d’aubaine. Dès lors, pour l’ "opinion publique", le mouvement skinhead est assimilé aux errements sanglants et criminels de quelques groupuscules boneheads. En réaction à cet amalgame, fruit de la course à l’audience des mass-media, se créent des tendances comme les SHARP (SkinHeads Againt Racial Prejudice - Skinheads contre les préjugés raciaux) ou encore les RASH (Red and Anarchist SkinHeads). Au sein de ces groupes s’affirme bien la nécessité d’un engagement politique radical et d’une veritable transformation sociale et économique, et de ne plus simplement se contenter d’un anti-racisme bon teint et de principe.

 

Les différents types de skinheads :

1ère époque (1967-1977)

Le MOD (1962-67)

Issu de la classe ouvrière, singeant et combattant la jeunesse petite bourgeoise. A la moitié des 60's, la plupart tournent hippies, mais les gangs de hard mods deviennent de plus en plus "durs".

Le RUDE BOY (1960-70)

Mouvement de jeunesse jamaïcain, copiant l'habillement des gangsters. Il se répand sur la jeunesse immigrée antillaise en Angleterre. Alliés des mods, ils deviennent vite un "modèle" pour les premiers skins.

Le SKINHEAD (1967-71)

Issus du mélange des hard mods et des rude boys, les skinheads apparaissent lors de l'explosion du Ska en Grande-Bretagne, choisissant ainsi la musique jamaïcaine comme base à leur contre-culture.

Le SUEDEHEAD (1970-73)

Après quelques années, les cheveux repoussent un peu et les vêtements sont de plus en plus élégants. Plus de style, mais le même esprit.

Le SMOOTHIE (1971-74)

Les cheveux encore un peu plus longs, mais le même goût des stades de foot et de la musique noire. Ils adoptent également le Glam Rock (David Bowie, The Cure).

Le BOOT BOY (1972-77)

Le style "de rue" des suedeheads / smoothies. Il restera très vivant jusqu'à l'arrivée du punk, surtout hors des villes. (Un look que l'on retrouve dans "Orange mécanique" de Stanley Kubrick.)

 

Le Revival Skinhead (1978 à aujourd'hui)

Le SKIN TRADITIONNEL (TROJAN) (1978 à nos jours)

Principalement relancé par l'apparition du label Ska 2-tone. Le mouvement se retourne vers ses racines, en réaction à la "nazification" qui commence.

Le SKIN OI ! (1978 à nos jours)

Apparu autour de la scène Oi !. Ce style, pas du tout "nazifié", trouve dans la Oi ! music une expression plus working class de la révolte Punk. De nos jours, la scène Oi ! et la scène 2-Tone Revival sont très souvent liées.

Le BONEHEAD (1978 à nos jours)

Vient d'une partie "nazifiée" de la scène Oi!. Le bonehead s'est ensuite créé sa propre musique : le RAC (Rock Against Communism), et n'a plus aujourd'hui que de très lointaines similitudes vestimentaires avec le mouvement skin originel.

Le REDSKIN (1978 à nos jours)

Apparu autour du groupe de Soul et de Rythm'n Blues "The Redskins". Cette sorte de skin se crée peu à peu sa propre culture musicale, mais certains de ces skins communistes se rapprochent aujourd'hui souvent des racines du mouvement skinhead.

Le SKUNK (1978 à nos jours)

Sorte d'hybride entre le punk et le skin. Il se retrouve souvent aujourd'hui autour de la scène hardcore.



[1] Montage de divers articles, dont plusieurs de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

[2] A la fin des années 1960, les Mods (abréviation de "modernistes") sont des jeunes aisés de la middle class anglaise voulant se distinguer des Noirs américains : sans cesse à la recherche de l'extase avec leurs scooters couverts de phares, la drogue et la violence. Ils se retrouvent dans des rallies de scooters.

Cheveux courts, chemises, costume et chaussures classes, anorak de l'armée pour les déplacements, bons danseurs, ils s'opposent aux rockers amateurs de rock'n'roll traditionnel comme les teddy boys (émeutes de Brighton en 1969). Leur groupe culte est The Who.

Dans les années 1970, le croisement des mods et des rudies jamaïcains donnera vie aux skinheads, plus orientés ska. Aujourd'hui, la scène scooteriste existe toujours.

[3] Les Rude Boys et Rude Girls étaient de jeunes voyous jamaïcains des ghettos, tombés dans la délinquance et semant la terreur. Les musiciens appellent souvent, dans leurs paroles, les rude boys à se calmer et à s'assagir. En rage contre les institutions, la fatalité économique, ils crachent leur hargne du chômage, des injustices et de l'immobilisme de la société capitaliste. Tout le contraire des teddy boys.

Ils fréquentent assidûment les sound ssystems où ils jouent parfois pour gagner leur vie.

Leur look innovant, leur est caractéristique : treillis militaires, pantalons pattes d'éph, t-shirts décolorés, badges, cheveux longs… puis plus soigné au contact des mods anglais dans les années 1970, ce qui donnera naissance aux skinheads.

Ils adorent les westerns et les gangsters, thème récurrent dans les chansons de l'époque pour les retenir dans les soirées. Quand les rude boys aimaient un titre, ils jetaient tous leurs bouteilles sur le sol ou sur le mur : c'était les break-bottles.

Synonymes : bandulo, bad boy, rudies.

[4] La Doc Martens est une chaussure en cuir, conçue à l'origine dans un but orthopédique, puis utilisée dans les milieux ouvriers comme chaussure de sécurité.

La "doc" est vite devenue populaire chez les skinheads, puis chez les punks dix ans plus tard. Elle se démocratisa et devint même à la mode vers 1985.

Aujourd'hui, véritable symbole d'une génération, la Doc Martens est portée par tous et existe sous de nombreuses formes.

[5] Laurel Aitken est un artiste jamaïcain né à Cuba et exilé en Angleterre, pratiquant la musique ska. Il est le préféré des skinheads à la fin des années 1960.

[6] La Oi ! (onomatopée issue de l'argot anglais, contraction de hey you! (hé toi !)) est un style musical fédérant punks et skinheads, un mélange ressemblant fortement au punk rock, avec des paroles souvent ponctués de "oi! oi!" Les S.H.A.R.P. (SkinHeads Against Racial Prejudice ou Skinheads anti-racistes prolétaires) sont un mouvement de skinheads apparus pendant la vague 2-tone de 1979 pour lutter contre l'extrême droite et plus spécifiquement les boneheads (qui sont des skinheads d'extrême droite).



[i] Ska

Historique

Début des années 50, Jamaïque : 95 % des jamaïcains ont du sang africain. L'île, située en dessous de Cuba, a pour capitale Kingston et dépend de l'Angleterre. La vie y est rude, les Noirs n'ont pas le droit de vote, la violence n'est pas rare et la religion est très présente. Les émeutes sont une plaie chronique, et seuls les bakras, riches blancs implantés en Jamaïque, ont une vie plus aisée.

Musicalement, plusieurs îles des Antilles font danser le peuple sur différents rythmes : le merengue dominicain, le compas haïtien, le calypso de Trinidad très en vogue, le son cubain, le zouk guadeloupéen… Le folklore local, le mento jamaïcain, quant à lui, est composé d'influences européennes, bantoues et ouest-africaines. Le rythme 4/4 est doux, alors que le calypso est plus rythmé avec son temps 2/2, et est surtout traditionellement joué pour les touristes. Les musiciens locaux jouent aussi du slack, des chansons paillardes qui font rire le public pour oublier la dure vie.

Ceux qui possèdent une radio peuvent capter les ondes de Wins, la radio américaine de Miami, la seule qui parvienne en Jamaïque; ils peuvent y écouter principalement du Rhuthm''n'Blues (ou R&B) et du jazz; ces musiques ont déjà déferlé sur l'île avec les disques qu'ont amenés les soldats américains basés à Kingston durant la seconde guerre mondiale.

L'industrie musicale jamaïcaine

Les jazzmen noirs américains ont alors représenté une lueur d'espoir pour les jamaïcains des ghettos qui se sont mis à jouer tous les soirs, en plein air dans les parcs de Kingston, les chansons qu'ils essayaient de reproduire, mêlées inévitablement aux rythmes qu'ils savaient déjà jouer (mento, calypso, merengue…). Un son nouveau se crée, avec une basse plus puissante et un rythme de guitare syncopé et plus rapide, comme un avant-goût du ska : le shuffle.

En 1950, le 45 tours vinyle et les sonos apparaissent, faisant naître des sound systems un peu partout dans lesquels on peut danser à bas prix. La concurrence devient sauvage : les selecters sont obligés d'enlever les étiquettes de leurs disques pour être les seuls à les posséder. Une année plus tard, Stanley Motta réalise les premiers enregistrements pour concurrencer le calypso, mais l'île attend un nouveau son, plus branché et plus dansant que le R&B américain.

Heureusement, la déferlante rock'n'roll s'abat sur l'île avec notamment les Fats Dominos et Little Richard ; ce nouveau style mêlé au boogie-woogie, au gospel, très présent dans l'île, au mento local, au jazz, au scat, au calypso, au merengue, aux musiques africaine et cubaine ainsi qu'à la culture de la rue formera un coktail détonnateur qui, en explosant, donne naissance au son que tous les jamaïcains attendaient : le ska. Le succès est là : les sounds systems se multiplient dans l'île, les gens se pressent pour venir danser sur ce rythme endiablé.

En 1955, Duke Vin crée le premier sound system jamaïcain à Londres, où les émigrés affluent à la recherche de travail. En 1959,Chris Blackwell enregistre des dub plates qu'il teste dans les sounds, puis fait presser ceux qui ont été des succès. Les juke-boxes se répandent prêchant partout la bonne musique. C'est la naissance de l'industrie musicale jamaïcaine. En 40 ans, l'île produira plus de 100000 disques, avec parfois plus de 200 singles par semaine ! La musique étant le meilleur moyen pour se sortir de la misère, il faut produire, toujours produire, car les enregistrements ne sont pas chers payés et les producteurs très gourmands quand il s'agit d'ouvrir le tiroir-caisse. Il faut donc jouer le plus possible pour gagner sa vie, d'où cette extraordinaire production.

1960 : Les premiers pas du ska

Aux États-Unis, les Noirs obtiennent le droit de vote en 1960, ce qui n'empêche pas aux tensions de s'intensifier car ce droit n'est pas partout respecté.

Au fil du temps, la syncope du boogie basé sur le contretemps s'accentue au point de devenir le temps fort du rythme. Le ska se dégage peu à peu des différents styles, caractérisé par ce rythme syncopé marqué par un temps fort sur les deuxième et quatrième mesures. Le jeu de guitare correspond au contretemps du R&B et au piano du boogie. Les cuivres sont ajoutés pour les solos de jazz, ainsi qu'une contrebasse très en avant, comme pour le merengue, le calypso et le mento. Souvent, les morceaux joués sont des instrumentaux, frénétiques et soutenus. En 1960, le ska se distingue et devient un genre à part entière. Aussi, certains affirment que le mot "ska" est né du son que produit la façon sèche de plaquer des accords sur la guitare.

Prince Buster, décidant de se démarquer des sounds spécialisés dans le R&B, préfère accentuer l'identité purement jamaïcaine de sa musique, tout comme Coxsone. En 1961, les succès, les sounds et les producteurs se multiplient, beaucoup se délocalisent en Angleterre. Une année plus tard, Chris Blackwell a l'idée d'y distribuer des disques, où les émigrés peuvent se permettre d'en acheter.

1962 est aussi l'année de l'indépendance de la Jamaïque liée jusqu'à présent à l'Angleterre.

C'est l'indépendance non seulement territoriale, mais aussi musicale, car le ska incarne maintenant l'identité de la nouvelle nation qui ne cesse de danser au rythme des cuivres, l'espoir et l'optimisme sont retrouvés. Coxsone construit un studio d'enregistrement indépendant qui deviendra le mythique Studio One. De 1962 à 1967, la marque anglaise Blue Beat d'Emile Shalett publie 600 45 tours produits en Jamaïque par Prince Buster : le ska sera souvent associé, en Angleterre, au nom "blue beat", qui désigne donc une marque et non pas cette musique. Les disques sont le plus souvent pressés dans les usines américaines "Federal Records".

En 1964, c'est l'explosion avec le premier hit international "My Boy Lolipop" de Millie sur le label Island de Blackwell. Tournant décisif aussi, la formation des Skalatites ; s'ensuivront des dizaines de reprises des vieilles chansons R&B version ska. La machine ska est désormais lancée et dévaste tout sur son passage. Les rude boys, jeunes voyous jamaïcains des ghettos tombés dans la délinquance et semant la terreur, adoptent un nouveau look caractéristique : treillis militaires, pantalons pattes d'éph, t-shirts décolorés, badges, cheveux longs... En 1965, Duke Reid monte son studio d'enregistrement ; Martin Luther King, pasteur pacifiste, est accueilli à Kingston en grande pompe, ce qui redonne espoir aux habitants, mais n'empêche pas la misère et la violence de s'accroître. Les musiciens appellent souvent, dans leurs lyrics, les rude boys à se calmer et à s'assagir en arrêtant de semer la terreur à tous les coins de rue. La musique devient le seul moyen de se sortir du ghetto. Cette violence et cette hargne se ressentent dans le rythme de plus en plus frénétique du ska, qui redevient soudainement très lent, annonçant ainsi les prémices du rocksteady. On raconte que le rythme s'est mis à ralentir à cause des vagues de chaleur de l'été 1964, les musiciens ne pouvant plus soutenir le rythme effréné que réclamaient les danseurs.

1964-1968 : La transition rocksteady

Le ska est peu à peu supplanté par le rocksteady, jusqu'à ce que ce dernier soit considéré à partir de 1966 comme la soul locale. Prince Buster multiplie les classiques, notamment un duo avec Lee Scratch Perry, Judge Dread (un musicien anglais, Alex Hughes, empruntera son nom, et chantera "Je t'aime moi non plus", de Gainsbourg). En Angleterre, Chris Blackwell fonde la maison de disques Trojan, spécialisée en musique jamaïcaine.

Au delà de son rythme plus lent que le ska, le rocksteady offre plus de clavier et plus de chant, mais moins de cuivres et d'instrumentaux. La contrebasse est souvent remplacée par la basse électrique. Cette fois, le temps fort marqué sur le troisième temps. On trouve surtout des trios de rocksteady chantant des chansons d'amour. Le chanteur est bien mis en avant, le musicien est confiné dans les studios et le producteur supervise tout de A à Z.

1968-1974 : La révolution reggae

En 1968, tandis que les dancehalls vibrent au son du rocksteady, Desmond Dekker chante son "Isrealites" (repris bien plus tard par Millencolin), sur un rythme innovant, plus rapide que le rocksteady, le reggae. Plusieurs autres artistes revendiquent le titre de premier reggae : Stranger Cole et Lester Sterling, Larry et Alvin, Bob Marley, the Beltones, les Maytals, Lee "Scratch" Perry...

De 1968 à 1970, le reggae est qualifié de "early reggae", prédominé par la basse et joué sur un tempo plus rapide, dû aux influences du mento local encore très rythmé. Pour une croche jouée en rocksteady, un musicien reggae en joue deux. Pour l'anecdote, le reggae s'appelait à ses débuts le "streggae", ce qui désignait une fille facile, qui s'offre à tous les hommes. Ce titre a parut trop péjoratif au goût des radios de l'époque, et le streggae est devenu le reggae ; le slack toujours présent rappelle tout de même ce côté machiste de la musique jamaïcaine.

Puis le rythme évolue encore, devenant plus lent, au tempo medium, appelé le reggae one-drop entre 1970 et 1972.

En Jamaïque, comme à la fin des années 50, le peuple réclame des nouveautés et des innovations musicales. Les artistes remixent alors les morceaux destinés aux dancehalls, il s'agit du dub (dub=copier), nouvelle dimension de la musique jamaïcaine. Les versions purement instrumentales sont gravées en face B du 45 tours ; des effets d'écho (reverb) sont ajoutés sur les voix. En live, les DJ's n'hésitent pas à prendre le micro pour se laisser aller à leur délire musical : ils toastent.

Dans l'Angleterre des années 70, en particulier grâce au label Trojan qui publie alors la majeure partie des disques de reggae, les skinheads, jeunes des banlieues ouvrières de Londres, raffolent particulièrement de ce nouveau rythme. De là naîtra le skinhead reggae. Les skins sont loin d'être tous des brutes néo-nazies comme la majeure partie des gens le pensent aujourd'hui: ils cohabitent pacifiquement avec leurs cousins les rude boys noirs immigrés de Jamaïque et partagent leurs idées et leur mode de vie. Mais les tensions politiques du moment et l'explosion du front national en convaincront certains de renier leur amitié pour rejoindre le camp adverse. Ceux-ci se mettent à agresser des immigrés pakistanais, appelé le "paki bashing" (lynchage de pakistanais). C'est le début d'une longue haine raciale, d'où naîtra le mouvement S.H.A.R.P, allié de la vague 2-tone. Les skinheads apolitisés, ("tête de peau" à cause de leur crâne rasé), las d'être confondus avec leurs nouveaux ennemis, décident de les surnommer les "bonheads"" (tête d'os). Ce sont encore aujourd'hui les boneheads qui sévissent dans les stades de foot : pour 99 % des gens, à cause d'un manque évident d'information, un skinhead est un néo-nazi.

Les skinheads sont reconnaissables à leur look : tête rasée, Docs Marteens aux pieds, souvent des bretelles tenant leur pantalon. Ils ont comme musique emblématique le ska, le rocksteady et le reggae, si possible avec des tempos rapides sur lesquels ils dansent jusqu'à épuisement dans les concerts. En 1971, ils commencent à se désintéresser un peu de cette musique dont le tempo se ralentit avec l'arrivée des thématiques rastas dans les morceaux.

L'année suivante, 1972, apparaît comme décisive pour la Jamaïque ;

Le dub s'affine en séparant les pistes de basse, de batterie, de voix et des autres instruments, en réalisant des mixages plus créatifs et aussi plus complexes, annonçant la fatale arrivée de la musique technoïde quelques années plus tard.

C'est aussi en 1972 que le reggae entre dans sa troisième phase d'évolution : après le early reggae et le one-drop, un nouveau rythme apparaît, au tempo encore plus lent que pendant la deuxième phase, mais plus rapide que le rocksteady, avec une basse qui s'alourdit encore plus. C'est le reggae moderne qui intéressera de plus en plus les premiers groupes punk d'Angleterre, notamment les Clash à partir de 1976, qui le mêleront souvent à leur répertoire.

Parallèlement, le pays doit encaisser deux nouveaux coups durs : le dollar s'effondre, l'élite intellectuelle s'exile aux États-Unis laissant l'île sans capitaux, les violences dues aux élections approchantes se multiplient. Les messages véhiculés par la musique reflètent alors bien un fort espoir de sortir de la misère et de l'oppression omniprésentes.

En 1974, suite à la vague d'émigration aux États-Unis, la forte communauté de jamaïcains installés à Brooklyn introduisent la culture des dancehalls. Mêlées au funk local, le dub donne vite une mixture ressemblant au rap et au hip-hop.

Deux ans plus tard, en 1976, Bob Marley devient une superstar avec ses Wailers, après des années de galères et une collaboration avec Blackwell sur le label Island en 1974 qui l'a fait connaître du grand public. Les Jamaïcains délaissent les DJ's, préférant leur nouvelle idole. C'est l'âge d'or du reggae, tant en termes de qualité que de quantité et d'innovation. Par exemple, une grande nouveauté : le reggae jusque là très machiste se féminise, il introduit aussi des sujets comme l'Afrique. La musique jamaïcaine s'exporte alors dans le monde entier.

Années 80 : L'Angleterre marraine du ska

Les années 60 qui ont enfanté du ska Jamaïcain refilent le bébé à l'Angleterre des années 80 où tout se joue désormais. En 1979, le ska revient au goût du jour grâce au fondateur des Specials Jerry Dammers et son label anglais Two-Tone (avec les têtes de file the Specials, Madness, the Beat, the Selecter, Bad Manners...) qui met son logo à la mode dans le petit monde du ska, et bientôt dans le monde entier : le damier noir et blanc, symbole d'unité entre les noirs et les blancs. Symbole aussi d'un désir de mettre fin à la haine raciale qui règne depuis des années dans le pays. Les groupes de musiciens ethniquement mixtes essaient de prôner l'unité raciale dans l'Angleterre déchirée avec des paroles plus engagées, mais ne peuvent empêcher les émeutes de 1981, à cause des difficultés des ghettos, des attaques fascistes, du chômage, des contrôles policiers, des émeutes raciales, du front national à son apogée, etc. Bref, un pays en profonde crise.

En 1981 toujours, autre choc : Marley meurt le 11 mai. Les blancs anglais s'empresseront de jouer eux aussi du reggae, comme UB 40, Boy George et Culture Beat... ce qui n'est pas au goût de Chris Blackwell qui le prend comme un manque de respect à feu Bob. Il abandonne le créneau de la musique jamaïcaine. Le continent africain se met au reggae, avec comme précurseur Alpha Blondy. En 1985, les rythmiques numériques envahissent le son reggae et virent ragga. Le dub teinté de numérique influence à l'extrême de nombreux artistes, ce qui produit inévitablement de la house music, de la techno. La jungle apparaîtra même en 1994, jouée par des descendants jamaïcains qui accélèrent le rythme du reggae en lui ajoutant des sons numériques et d'autres éléments.

Le label Two-Tone, racheté par Chrysalis Records, s'effondre en 1985, ce qui n'empêche pas au damier de rester le symbole du ska à travers le monde. Après le raz-de-marée 2-tone, Gaz Mayall relance le ska en 1986 avec 4 labels : Gaz Records, Ska records, Skank, Unicord, avec des groupes tels que the Deltones, Potato 5, the Trojans (le groupe de Gaz Mayall). Les concerts et les festivals de ska se multiplient, c'est l'époque cruciale du ska revival qui durera jusqu'en 1991. En 1989, c'est l'explosion du revival avec trois grands courants distincts : le courant allemand, une des scènes les plus productives actuellement, avec des groupes comme the Busters, Skaos, Dr Ring Ding...Un mélange de revival et de two-tone au rythme très soutenu et très rapide, avec 4 ou 5 cuivres par groupe. Vient ensuite le courant américain, avec des groupes toujours présents comme the Toasters, Mighty Mighty Bosstones, Bim Skala Bim, Voodoo Glow Skulls…une scène fusion, caractérisée par un mélange détonnant de 2-tone, de hardcore, de funk et de punk, ce qui donne souvent un ska-punk péchu. Enfin, le courant international qui désire rester proche des racines jamaïcaines des années 60 : the Trojans, Skaville Train, 100 Mens... et qui prendra davantage d'importance en 1994.

C'est le ska revival qui installe définitivement le ska dans les mœurs musicales.

[ii] Punk

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Le punk [de punk, mot anglais signifiant putréfié, sans valeur]est un mouvement musical contestataire apparu en 1976-1977 aux États-Unis et en Angleterre.

Naissance du punk

À l'origine le mot punk décrivait le rock'n'roll basé sur des guitares électriques de groupes des 60's tels The Seeds, et des groupes de Detroit, The Stooges et MC5.

Les racines du punk se situent dans la première forme de "punk" des groupes de glam rock tels que The New York Dolls et les créateurs de l'avant garde new wave newyorkaise (Patti Smith, Suicide, Television ...). On constatait aussi un fort désir de retourner à la simplicité du rock primitif et un rejet de ce que les punks ont vu de prétentieux, de mercantile et de pompeux dans l'arène du rock des années 70, engendrant les formes grandiloquentes du heavy-metal et du rock progressif. Par contraste, le punk a délibérément renforcé la simplicité des mélodies, refusant toute démonstration ostentatoire de virtuosité et engageant n'importe qui à former son propre groupe punk dans son garage. Les paroles ont apporté une nouvelle franchise d'expression dans les sujets politiques et sociaux, traitant souvent de l'ennui urbain et du chômage en hausse au Royaume-Uni. Les thèmes sexuels étaient abordés et ne se limitaient plus à l'amour sublimé qui était chanté ailleurs.

Les premiers groupes considérés comme punk se trouvent tout d'abord en Amérique. Les Ramones en particulier vont poser les jalons du punk, et lorsque le mouvement traversera l'Atlantique pour atterrir en Grande-Bretagne, celui-ci rencontrera un véritable engouement et aussi une très vive hostilité qui sera un de ses engrais essentiels.

L'expression punk est réservée aujourd'hui au mouvement musical contestataire de la période 1976-80, incarné par les Sex Pistols, The Clash, The Ramones et leurs descendants.

L'influence du mouvement situationniste est évidente dans une grande partie du comportement et des codes artistiques. Ce courant pourrait être vu comme l'avant-garde du mouvement punk britannique, avec les Sex Pistols et leurs groupes satellites, Jordan, Bromley Contingent, Sex Boutique, etc. C'était une direction consciente prise par Malcolm McLaren, le manager des Pistols, et est particulièrement évidente dans l'artwork de la pro-situ Jamie Reid, qui avait précédemment pris part à Suburban Press et King Mob.

Les pochettes de disques, dans les mains d'un groupe de punk, servent d'instrument ironique de détournement des valeurs sociales et de la culture populaire. L'album Horses de Patti Smith contient deux reprises de chansons traditionnelles. D'autres exemples comme la couverture des Dead Kennedys "Take this Job and Shove It".

Au moins aussi importante que la musique était la culture associée, qui avait alors causé une grande fureur parmi l'"establishment". La mode punk a tourné autour des coupes de cheveux extrêmes, telles la crête, le piercing (souvent avec des goupilles de sécurité), le tatouage et la réappropriation "artistique" des vêtements de masse. Tristement, mais inévitablement, le "punk chic" a maintenant en grande partie absorbé le courant originel.

Les passionnés du punk ont créé une presse underground prospère. Les magazines des États-Unis comme Maximum Rock'n'Roll et Flipside menaient un large mouvement de fanzines. Chaque scène locale a eu au moins un fanzine édité avec des nouvelles, des bavardages, et des entrevues avec les groupes locaux ou en tournée. Le magazine Factsheet Five a énuméré et chroniqué les milliers de publications underground des années 80 et 90.

Au début des années 80, le punk côtoie et échange avec d'autres cultures underground comme le reggae ou le ska, aboutissant à des groupes comme The Specials, Madness ou The Selecter.

Le punk a eu une influence durable sur toute la musique contestataire et une culture underground prospère peut encore se trouver facilement n'importe où aux États-Unis, en Angleterre, en France ou ailleurs.

Punk-rock

Si le punk est probablement mort per se, beaucoup de mouvements musicaux en ont hérité et en premier lieu le punk-rock qui autorise un plus grand recours à la technologie, refuse en partie le nihilisme des débuts pour un activisme politique marqué et modifie le code vestimentaire antérieur. Il n'y a pas à proprement parler de rupture entre le punk originel et le punk-rock mais des métamorphoses et évolutions entre le milieu des années 80 et le début du grunge au début des années 90.

L'avènement de Nirvana et sa très grande popularité à partir de l'album Nevermind va relancer la nébuleuse punk et surtout son économie délabrée.

Le punk-rock connait une renaissance depuis la fin des années 90 avec des groupes étasuniens comme Rancid, Green Day, The Offspring et NOFX entre autres.

Musique punk

La musique punk est caractérisée par un tempo très rapide, un rythme nécessairement binaire et l'utilisation de distorsion et de sons saturés. La plupart du temps, les chansons sont mélodiques (sauf pour le hardcore) et elles sont jouées en power-chords, comme chez les Ramones par exemple.

[iii] Les Boneheads ("tête d'os") sont des skinheads devenus politisés, nationalistes et d'extrême droite. Ils sont connus pour leurs agressions, surtout contre des immigrés pakistanais (le "paki bashing", lynchage de pakistanais) ainsi que des hippies.

C'est à cause de leurs dérives que le mouvement S.H.A.R.P est né. Ils doivent leur nom à ceux qui sont restés apolitisés et pacifiques, les skinheads "têtes de peau", las d'être confondus avec eux puisqu'ils ont gardé leur look.

Les SHARPs prétendent que les Boneheads ne sont pas de "vrais" skinheads, et qu'un "vrai" skinhead lutte contre le racisme et toute forme d'intolérance.

Aux États-Unis, le port de lacets blancs signifie "white power" et les bretelles rouges "national socialist". Les Boneheads s'habillent principalement en noir et en para-militaire, ils sont facilement reconnaissables, et ont, contrairement aux skins, le crâne rasé à blanc (les skins sont tondus, donc ils leur restent encore quelques cheveux).

Synonyme: naziskin.


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