Le
Vatican hors la loi
Pressé
par une fin de règne approchant, le pape Jean Paul II a multiplié ces dernières
semaines les déclarations et décisions hostiles à l’indépendance de la législation
propre des démocraties. De la circulaire secrète garantissant silence et
protection autour des affaires de pédophilie à l'appel à la désobéissance
des avocats confrontés à des cas de divorce en passant par le soutien
constant à l'Opus Dei et la reconquête chrétienne de la société à l'échelle
européenne, le pape rappelle aux tenants d'un catholicisme "ouvert"
la réalité de son discours réactionnaire en scrupuleux porte-parole d'une
religion autoritaire. Certains, catholiques ou non, troublés par cette
accumulation d'injonctions despotiques, souhaiteraient y voir la main obscure
d'une Curie romaine qui rejette toute modernité car ayant compris que
celle-ci aura raison des religions. Ce serait pourtant attribuer au vieil
homme un idéal de justice qu'il n'a jamais eu en 23 années de pouvoir absolu
au Vatican. Karol Wojtyla restera le pape du prosélytisme outrancier et des
amitiés fascistes. "Ce pape est un
don de Dieu" se félicite le cardinal Poupard dans un ouvrage
récent assurant ainsi de sa popularité parmi les hiérarques de la chrétienté.
Entre la
dissimulation d'une injustice et sa condamnation sur la place publique, le
Vatican choisit la solution de la discrétion, à l'efficacité provisoire
comme tout mensonge. C'est en janvier 2002 que furent révélées des
directives secrètes émises par le Vatican à l'encontre de ses sbires
coupables, ou simplement informés, de délits de pédophilie ou de viol.
Ordre est intimé aux ecclésiastiques d'informer leur hiérarchie dès qu'ils
ont connaissance d'abus sexuels mettant en cause le clergé. Un jugement
interne sera prononcé devant les tribunaux ecclésiastiques en s'abstenant de
porter les affaires sur la place publique et sera ainsi entretenu le mensonge
des pseudo sentiments de paix et d'amour de l‘Eglise. Le Vatican appelle
donc à désobéir à la loi. Contrairement à l'habitude, ces consignes n'ont
pas été annoncées à la presse mais sont apparues discrètement dans
l'annuaire du Vatican pour 2001. La dernière dictature d’Europe montre donc
la plus grande couardise dans la gestion de ses crimes qui ne peuvent être
qualifiés de dérapages tant ils furent commis avec abondance en deux millénaires
d’oppression. L'auteur de cet appel à la désobéissance à la loi est la
Congrégation pour la doctrine de la foi, héritière du Saint Office qui
avait créé l'Inquisition au 13ème siècle et dont le responsable
actuel est le cardinal Joseph Ratzinger.
Devant le
peu de publicité faite par les milieux de la presse et de la politique à cet
appel au rejet de la loi la plus élémentaire, le pape se vit encouragé à
étendre ses imprécations hors des lois à la classe qui a précisément en
charge l’élaboration de l’appareil législatif. Le rejet phobique du
divorce servit le pape dans cette entreprise. Le 28 janvier 2002 Jean Paul II
demanda, ordonna selon le vocabulaire catholique, aux avocats de refuser de
plaider dans les cas de divorce qui leur seraient soumis. La dissolution
d’un contrat de mariage est “contraire
à la justice” et c’est “une
plaie dans le corps social”. Par ses injonctions ignorantes de la
réalité d’un divorce pour le couple concerné, le pape n’accepte ni la
liberté de choix de chacun ni la perte d’influence d’une Eglise habituée
à régir le moindre aspect de la vie de tout individu qu’il fut croyant ou
incroyant. C’est dans son adresse directe aux juristes que Jean Paul II
affiche le plus grand mépris de la société civile émancipée de ses
dogmes: “Quant aux avocats, en tant que
libres professionnels, ils doivent toujours refuser que leur profession soit
utilisée pour une finalité contraire à la justice telle que le divorce”.
A ceux
qui s’étonneraient d’une telle ingérence dans le code pénal, il
convient de rappeler qu’a toujours été affirmée la prééminence de la
loi de ce dieu imaginaire sur la loi des humains, à commencer par la Bible.
Il est amusant de noter que les arguties désespérées du pape, luttant
contre une société de plus en plus éloignée des textes dits “sacrés”,
suffit à démontrer l’impuissance de son dieu et, par suite, son
inexistence, des générations de théologiens chrétiens ayant fait de sa
perfection l’attribut inséparable de son existence. Seule alternative
proposée au divorce, la conciliation prônée par l’Eglise catholique
atteste du fossé qui la sépare du quotidien vécu par un couple en phase de
rupture. Il est aberrant que des hommes d’Eglise s’attribuent une autorité
dans le jugement de la vie d’un couple, une expérience humaine qui devrait
leur être inconnue par leur profession de foi.
Etouffer
les scandales de pédophilie en les confinant dans le cénacle du clergé et
recommander la désobéissance des avocats face au divorce sont les prémices
d’autres prétentions paralysantes bien plus étendues. A quand le tour des
médecins à qui le pape préconisera de ne plus pratiquer d’avortement ou
de s’abstenir de procurer des soins aux divorcés et aux athées? Que
faut-il attendre pour interdire aux pharmaciens de délivrer des
contraceptifs? Sans oublier de dissuader les enseignants d’organiser des
cours sur le darwinisme.
Les
intrusions de ce pape, qui bien que peu mobile n’en est pas moins dangereux,
dans la société civile constituent un signal aussi alarmant que suffisant
pour réclamer non seulement la suppression de la participation du Vatican à
des instances internationales comme l’ONU mais aussi la disparition de ce
pseudo état, théocratie totalitaire incongrue dans un monde où le citoyen
n’accepte plus d’être aux ordres d’aucun despote.
Jocelyn Bézecourt
http://www.atheisme.org