Les bons
comptes font les bons amis
La
somme de nos petites impuissances devant le sort des plus démunis dans
le monde a des conséquences. Sur eux d'abord, sur nous ensuite.
Finalement sur nous tous. Et je ne pense pas seulement à l'attentat du 11
septembre, mais à tout ce processus organique qui fabrique la misère,
la colère, la révolte. l'injustice, la récession, la mondialisation, la
pollution.. À cette dynamique qui voudrait que le riche ne partage pas
avec le pauvre et que le pauvre ose rêver à améliorer son sort et
pourquoi pas devenir riche lui aussi.
Contrairement
à ce qu'on pense, ou à ce qu'on voudrait nous faire penser, le terrorisme
n'est pas le produit d'une idéologie extrémiste de quelque religion que ce
soit. Tous les musulmans fondamentalistes ne sont pas des terroristes en
puissance. Imaginez s'ils devaient tous penser et agir comme les talibans.
Ce n'est pas par hasard que le terrorisme se cultive dans le pays le plus misérable
des pays musulmans. Le succès des actes terroristes est moins lié
à l'argent des Ben Laden qu'a la forte détermination des enfants de la misère
et de la guerre bien disposés à la revanche et au sacrifice. ''Tant
qu'à vivre comme un mort, je me donne la mort pour vivre... !''. Même
si le suicide des jeunes au Québec n'est pas motivé par ce genre d’idéal,
nous savons que le suicide d'un jeune n'est pas meilleur qu'un 'autre.
''On m'a oublié...''
Chante Desjardins.. Certains pauvres oubliés sont maintenant célèbres. Célèbres
mais on ne les connaît toujours pas mieux.
Dans
la tête du jeune kamikaze islamiste, l’attentat du 11 septembre n’est pas
un acte de terrorisme, mais un acte de guerre. Plus précisément, c’est une
étape d’une guerre entreprise depuis un bon moment.
Et si cela surprend certains, ça ne devrait pas les surprendre tant que
ça. Ce n’est pas parce que le champs de bataille est loin de nous que ne
nous sommes pas concernés, que ne nous y participons pas.
Les démocrates
révolutionnaires des "nouveaux pays" ont été torturés, emprisonnés
ou tués avec l'aide et l'appui direct ou indirect de pays démocrates
comme la France, la Belgique, le Portugal, L'Angleterre et les États-unis qui,
plus que toutes les autres démocraties a tué dans l'œuf les premiers souffles
des démocraties naissantes. Le cas du Chili est célèbre mais pas
unique. Ben Barka au Maroc. Ben Bella en Algérie. Lumumba
au Congo. Mandela en Afrique du Sud et des milliers d'autres.
Certains sont considérés aujourd'hui par leurs compatriotes comme
des martyrs, (excepté Mandela qui a gagné le paris), des héros. Et d’autres
dont ne nous connaîtrons jamais le nom.
La
majorité des artistes québécois se distinguent par leur conscience, leur
sensibilité et leur volonté de contribuer à la paix. Luck Merville, juste
avant le show ''Québec New York'' du vendredi 28 septembre, a dit en résumé
à "Montréal ce soir" que le pauvre a le droit de se défendre.
Il a rappelé que c’est en Afghanistan qu’on retrouve le plus de
mines anti-personnel dans le monde. Après
lui Lara Fabian a avoué son impuissance, mais pour elle, être là sur scène
est un minimum pour la paix. Des
artistes québécois, étaient de nouveaux appelés à scander leur voix à
l'unisson pour la paix. Mais,
est-ce suffisant... ?
Est-ce
suffisant pour retarder des frappes terroristes... ? Ou celles des américains... ? Les retarder à jamais... !
Est-ce suffisant pour que la paix ne soit pas un simple souhait, un désir,
un rêve... ? Est-ce
suffisant pour réduire les tensions entre les protagonistes... ? Des questions
que je me pose.
Je pense aux rôles des artistes et des intellectuels français pour la libération de l'Algérie... Je pense à tous ceux, au Maroc, qui ont payé de leur chair le prix d'un minimum de justice : des poètes, des écrivains, des artistes, des étudiants.. Ben Barka, Laabbi, Serfati, Zeroual, Marzouki et des centaines d'autres..
En
occident, nous n'osons pas encore dire haut et fort à l'État d'Israël ce
petit message court et clair : ''Oui, vous avez été 6 millions à perdre la vie dans le crime,
le plus horrible de toute l'histoire de l'humanité. Mais ce n'est pas une
raison d'abuser de notre sympathie et notre indulgence...'' Ce
message a sûrement été écrit par un célèbre artiste occidental. On le découvrira
encadré dans 50 ans dans un quelconque musé de la paix.
Je me
rappelle, il y'a 16 ans, j'étais chez un artiste québécois pour lui faire
lire des poèmes sur la paix. (1986, année de la paix). Il l'a fait
avec plaisir et émotion. Arrivé au milieu d'un des textes, sa voix
ralentissait… puis stop. Titre du texte ''Nous sommes tous des palestiniens''.
À l'époque, un palestinien était nécessairement un terroriste. L'artiste
m'a demandé de comprendre et j'ai compris.
Des terroristes se sont emparés de l'imagination pour nous impressionner. ''Deux avions, deux Tours.. ''. À notre tour, artistes et intellectuels, d’impressionner, d’étonner et de surprendre. Que l’artiste soit au service de la cause et non l’inverse... Autrement dit qu'il s'engage.
Des
artistes québécois qui montent sur scènes pour chanter la paix, contre la
guerre, c'est sûrement mieux que ne rien faire. Mais, je vais oser croire
que ce n'est pas suffisant.
Non, ce n'est pas assez pour réellement créer le pont
vers ceux qui se considèrent comme oubliés.
Bien sûr, le chanteur ne
peut que chanter. Mais peut-il chanter une autre chanson, avec une autre
musique, des instruments nouveaux et des voix nouvelles... ? Une chanson
collective peut-être... ?
Une
chanson pour la paix et pour la vie.
Une chanson qui ne se contente pas de dire que ''l'amour
existe encore'' ou que la paix viendra mais nous seront morts...
Je
pense à une chanson qui dit clairement que la guerre, la violence ne serrent à
rien..
Que
l'avenir de nos enfants nous appartient.
Que
les bons comptes font les bons amis.
Une
chanson avec des paroles simples.
Une chanson multiethnique, nécessairement world beat, en
quelques langues.
Cithare, guitare, darbouka et d’autres sons qui
touchent. (sans tomber dans l’exotisme bien sûr).
Des voix connues et inconnues. Des voix rocks, des voix mystiques. Que chacun s'y retrouve... L'Afghan, le Pakistanais, le Palestinien, l'Israélien, le Québécois, le Canadien et le Gringo qui n'aura de nous qu'un appel à la sagesse et à la réflexion.
Le poète Gaston Miron disait ''Montréal c'est le désordre universel..'' Même des terroristes y ont vécu.
Montréal est-elle prête à faire ce que New York n'a jamais fait ou n'a pas eu le temps de faire...?
Construire
des Tours de la paix dans la tête des humains d'ailleurs et d'ici, en
paroles, en musique, en art et en fraternité..?
Agir par fraternité envers les plus démunis. Aussi par esprit de justice.
Les bons comptes font les bons amis.. On n'a pas fait encore le compte, et ça dure depuis 50 ans..
Depuis l'Établissement de l'État d'Israël, le dernier bastion colonial.. Comme par hasard... !
Donnez
aux Palestiniens leur pays...
Aux Afghans de quoi se nourrir.
Aux pauvres d'Afrique de quoi se prendre en main...
Alors, vous verrez réduire, comme par magie, cette violence dont nous sommes tous responsables.
Mohamed Lotfi, Réalisateur de l’émission Souverains anonymes.
anonymes@arobas.net
; www.souverains.qc.ca
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