Il aura suffit de douze caricatures de Mahomet pour déclencher
la colère du monde musulman. Publiées le 30 septembre 2005 dans le quotidien
danois Jyllands-Posten, et le 10 janvier 2006 dans le magazine norvégien
Magazinet, les dessins sont pourtant fort distrayants. Le Danemark est
actuellement en proie à un déchaînement d'attaques très violentes de la part
de fanatiques pour lesquels la liberté d'expression et le blasphème ne sont
qu'un même ennemi à abattre : menaces de mort envers les caricaturistes,
rappel de l'ambassadeur d'Arabie Saoudite en poste au Danemark (26 janvier),
fermeture de l'ambassade de Libye à Copenhague, alerte à la bombe au siège du
Jyllands-Posten (31 janvier), manifestation d'un commando armé devant
les locaux de l'Union Européenne à Gaza (30 janvier), agression de salariés
d'une en treprise danoise à La Mecque (29 janvier), boycottage des produits
danois et norvégiens, etc. En soutien aux journalistes danois et norvégiens,
voici les caricatures désormais fameuses :
(In)Tolérance religieuse
Au sujet des caricatures du soi-disant
prophète Muhammad - en bref
La presse :
- Le chef de l'Etat "appelle donc chacun au plus grand esprit de
responsabilité, de respect et de mesure pour éviter tout ce qui peut
blesser les convictions d'autrui".
- Le reste de la classe politique a observé la plus grande prudence, mettant
en balance liberté d'expression et souci de ne pas blesser la communauté
musulmane.
- En déplacement à Troyes, Dominique de Villepin a appelé à concilier
"exigence de liberté" et "exigence de respect" en
évitant "bien sûr tout ce qui peut blesser inutilement".
Cet "événement médiatique" mérite quelques réflexions.
Incontestablement, la dérive "tolérance = respect des convictions"
a pris le dessus sur le sens fondamental de la notion de "tolérance".
Ce rêve improbable de tout croyant a pris une telle ampleur qu'il lui apparaît
désormais "normal" de saisir la justice lorsque ses convictions, en
général religieuses les plus profondes, sont moquées ou tournées en dérision.
Encore faudrait-il nous définir les limites du "religieux".
On aimerait aussi bien savoir ce que représenterait encore la notion de tolérance
si elle consistait à imposer que les idées, les croyances ou les convictions
quelles qu'elles soient ne pourraient plus être critiquées ou même moquées.
Faire appel au "respect" en cette matière, et sous peine de
poursuites judiciaires - mais sur quelles bases ? - constitue bien un acte
intolérant, ce qui est plus grave qu'une parole dérangeante
Accepter de bonne grâce ce qui ne nous choque pas, n'est pas faire preuve
de tolérance ; par contre, en appeler à la répression de paroles ou
d'expressions qui gênent nos convictions est précisément faire preuve
d'intolérance.
Il n'y a pas de critique intolérante, il n'y a que des humains intolérants.
Les événements de ces dernières années nous indiquent une régression
évidente, même par rapport aux idées de certains religieux des siècles
passés.
Nous dérivons vers un "moyen-âge" encore plus répressif que celui
que l'Europe a connu sous la férule catholique romaine.
La tolérance consiste à ne pas nuire physiquement en aucune manière à
celui qui émet des idées, ou professe des convictions, contraires aux vôtres,
et à laisser libre le débat d'idées.
Il est aussi idiot de punir celui qui raconte des mensonges ou des énormités
inconcevables.
La liberté d'expression seule permet également de le contredire ouvertement.
Faire taire le contradicteur par la contrainte n'est qu'une preuve de
faiblesse de ses propres convictions, et l'agression physique, de quelque
nature qu'elle soit, à l'encontre de celui qui énonce des choses qui vous
sont désagréables n'est qu'une preuve de barbarie égocentrique et intolérante.
Une hypothèse, une idée, ou n'importe quelle assertion rationnelle peut
être critiquée rationnellement, au moyen d'arguments rationnels.
Ce qui se fonde sur une argumentation peut être discuté et critiqué par
d'autres arguments.
Par contre, une conviction intime ou une croyance qui ne se fondent que sur un
sentiment personnel ou sur des assertions invérifiables ne peuvent évidemment
pas être contre-argumentées.
Aucune discussion sérieuse n'est possible dans ce domaine.
Une croyance religieuse, comme n'importe quelle autre croyance, n'est fondée
sur aucun argument discutable.
Il ne reste donc que la dérision ou la moquerie, et c'est précisément, au
nom d'une notion dégénérée de la tolérance, ce que l'on veut empêcher,
voire interdire.
Et l'interdiction montre bien les craintes que l'on peut avoir de la puissance
de la dérision, toujours considérée en paroles comme argument mineur et
vulgaire, mais toujours punie férocement, depuis des siècles, précisément
en raison de sa force percutante même.
En d'autres termes, "on" aimerait que les lois de nos pays démocratiques
interdisent toute dérision, seule critique possible à l'encontre des
religions et de toute autre croyance.
Mais comment faire autrement, vis-à-vis d'une "conviction" invérifiable
et non "argumentable" que de s'en moquer ? La " respecter
" systématiquement, quelle qu'elle soit ?
Il est évidemment inévitable que si l'on moque les croyances ou les
convictions d'un individu, on le "blesse" virtuellement dans sa
psychologie profondément puérile.
Mais ces "blessures" imaginaires de théâtre n'ont pas la même
intensité que des condamnations pénales bien réelles pouvant aller jusqu'à
l'emprisonnement, l'exclusion sociale ou la mort.
Que l'on cesse de se moquer du monde, et de nous faire croire que se moquer de
croyances sans fondement a le même effet que de pourrir en prison, de se
faire brûler vif ou de se faire couper la tête par exemple, ce qui est la
sentence prévue contre les athées, les blasphémateurs ou les apostats
encore aujourd'hui en pays islamique (et tout le monde s'en fout), comme la crémation
était la coutume en pays chrétien il n'y a guère.
Il n'y a cependant aucun doute, il y a eu provocation (ou manipulation) délibérée,
c'est certain.
C'était inévitable, toute intransigeance démesurée provoque la
provocation, et les libelles anticléricaux d'il y a quelques siècles
n'avaient pas d'autre origine : ils étaient d'ailleurs écrits par des chrétiens
(il n'y avait personne d'autre...)
Mais le problème est évidemment plus complexe.
Il est indéniable que les musulmans européens, mis à part quelques illuminés
convertis, sont des immigrés ou d'origine immigrée, et l'on sait le sort que
nos sociétés actuelles réservent aux "immigrés" de fraîche date
: un "bon" immigré est un immigré qui a des sous, ou bien qui
"s'intègre", c'est-à-dire qui s'adapte à toutes les coutumes, même
bizarres, et aux croyances, aussi absurdes soient-elles, de son pays
d'adoption.
Par un amalgame politique inévitable, il est donc politiquement
"incorrect" de se moquer des croyances des immigrés. Déjà cibles
privilégiées de la droite et de l'extrême droite la plus stupide, se moquer
de leurs croyances - comme de celles des "autochtones" - vous
assimile dans la foulée à un raciste xénophobe du plus bas étage.
Le piège est donc inévitable. Cela aussi longtemps que les pouvoirs
politiques - qui n'ont de "pouvoir" que s'ils se font réélire -
continueront à amalgamer l'individu au groupe duquel il est issu.
Et cela de part et d'autre d'ailleurs, les musulmans d'Europe se trouvent
aussi bien piégés par ce système manichéen que les mécréants européens.
Un groupe humain est formé d'individus différents, et l'individu ne peut
représenter - ni endosser - la "politique" du groupe - souvent
artificiel - auquel il est censé appartenir.
Mais sur ce point je resterai inflexible : faire "respecter", par
la force de la loi, des croyances sous prétexte que ce sont celles
"d'immigrés", nous forcera à respecter, au sens fort du terme,
toutes les croyances que nous avons eu tant de mal à faire descendre de leur
piédestal intouchable, ce à quoi je me refuse catégoriquement.
Aucune croyance n'est "respectable" par elle-même.
Toute croyance est intolérante par définition, puisqu'indiscutable.
Il m'est impossible de respecter l'intolérance.
Et il ne sera pas difficile de montrer que l'accusation de
"raciste" ou de "xénophobe" adressée à ceux qui
critiquent les croyances ou les politiques de pays croyants sera passible de
poursuites judiciaires.
Il est en effet aussi parfaitement injustifié de traiter de d'antisémites
ceux qui critiquent la politique de l'état d'Israël que de traiter de
racistes et de xénophobes ceux qui critiquent et se moquent de l'islam.
Le racisme est un délit, et accuser quelqu'un faussement de ce délit en est
un autre, plus grave encore.
Et pour autant que j'en sache, il n'y a pas une "race" de musulmans.
Les armes que manipulent nos politiciens et les associations soi-disant pour
le rapprochement des peuples sont à double tranchant ; il n'y a qu'à s'en
servir.
En théorie donc, et pour résumer, il est parfaitement injuste, inique,
contraire à nos lois les plus élémentaires, aux soi-disant bonnes
intentions de non-discrimination prônées par des projets illusoires de
constitution, de "respect des droits de l'Homme" et autres
fariboles, de punir l'incroyant qui se moque de religions dont les livres
fondamentaux les plus sacrés et les plus "respectés" le traitent
d'insensé ou le vouent aux supplices éternels, dans ce monde et dans l'autre
auquel ils font croire, où il est considéré comme le mal absolu et où il
est clairement établi qu'il est la lie de l'humanité et n'a même pas le
droit de vivre ou encore, selon des paroles très chrétiennes, qu'il est une
" homme incomplet ".
Pour ces religions, reconnues et respectées, l'incroyance - et surtout son
expression - est un délit et mérite la mort. En Europe, nous avons conquis
le droit de ne plus mourir pour nos croyances, ou nos manques de croyances. Il
n'est pas question de revenir en arrière.
Mais l'intolérance des livres sacrés ne gêne aucun de nos chatouilleux
juristes, semble-t-il.
Si j'étais intolérant, je réclamerais l'interdiction de la publication et
de la vente de ces livres, au nom des droits les plus élémentaires du
respect des convictions de chacun (et de ceux qui n'en ont aucune, comme moi)
et des lois d'incitation à la haine religieuse, par exemple, chaque religion
incitant à la haine d'une autre, qu'elle le veuille ou non, et à la haine de
l'incroyant.
Y compris leur déclamation publique (dans les mosquées, les églises et les
temples) ainsi que leur enseignement aux enfants - ce qui est le crime le plus
grave -, que cet enseignement soit privé ou public.
Que l'on nous explique les motifs pour lesquels cela est permis.
Mais avant d'en arriver là, il est nécessaire de balayer devant notre
propre porte, et ça, c'est plus difficile.
Tous les pays européens, à l'exception de la Belgique et de la France (et
encore, il y a les lois allemandes en Alsace-Moselle) ont, inscrites dans leur
code pénal, des lois réprimant le blasphème.
L'Espagne et l'Angleterre récemment viennent d'ailleurs de les renforcer
encore par des lois au civil, sous prétexte d'incitation à la " haine
religieuse ".
Mais chaque texte fondateur et sacré de nos beaux et grands monothéismes
reconnus sinon par des lois du moins dans les faits est par définition une
incitation à la haine religieuse ! Toute autre croyance est au moins considérée
comme ridicule, antagoniste, ennemie, ou même comme criminelle.
L'incroyance étant le pire des péchés.
Personne ne s'est jamais sérieusement opposé à cet état de choses.
Nous acceptons, sans rire, que des magistrats se complaisent à poursuivre des
individus, des intellectuels ou des artistes ou encore de simples sociétés
publicitaires qui égratigneraient, selon certains croisés modernes, les
symboles du christianisme.
Toute représentation peu orthodoxe de la "vierge Marie" ou de Jésus
est passible de poursuites judiciaires, tout questionnement concernant
l'holocauste des juifs est interdit par la loi.
Les critiques de la politique israélienne sont considérées comme antisémites
- ce qui est un délit de racisme - et les études historiques qui remettrent
en question notre si belle civilisation chrétienne risquent également de
faire l'objet d'attaques juridiques.
Et maintenant, il serait interdit de " blesser " les susceptibilités
des musulmans, dont les écrits sacrés sont moins que tendres envers les
incroyants ?
Sous quel prétexte ? Et pourquoi faudrait-il respecter les croyances des
martyrs officiels ?
En quoi être des victimes rendrait respectables leurs croyances ?
Deux poids deux mesures ? Non, jamais.
Nous avons tressé nous-mêmes les cordes pour nous pendre, avec notre fameux
"respect" imposé des croyances (lesquelles ? Les "nôtres"
?)
Acceptez alors aussi que les musulmans se fâchent tout rouge lorsqu'on se
moque de leur prophète adoré, ou alors il serait temps de sortir vos têtes
du trou où votre éducation vous les a enfoncées depuis votre enfance.
Défendre la liberté d'expression dans des pays (les nôtres) où elle
interdite est depuis des années, et où on renforce encore aujourd'hui sa répression
tient du plus haut ridicule. On rêve, là ?
Mais hélas une leçon bien plus dangereuse se dégage des événements de
ces dernières années : on n'accorde de l'attention qu'à ceux qui
incendient, assassinent et jettent des bombes.
Nous continuons à creuser nos propres tombes : si l'avenir sera religieux, ne
nous étonnons pas qu'il sera également violent, il n'y a aujourd'hui de manière
évidente que la violence qui devient (ou rend ?) respectable.
Johannès Robyn
Président de l'Union des Athées
PS : (08/02/2006)
La Ligue islamique mondiale envisage de porter plainte en France à la
suite de la publication dans plusieurs journaux de caricatures du prophète
Mahomet, a indiqué à l'AFP Me Med Salah Djemaï, un avocat parisien se
disant représentant de l'organisation.
Dans un communiqué adressé à l'AFP, l'avocat précise qu'il va porter
plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges
d'instruction de Paris pour "injures raciales et provocation à la haine
raciale". La plainte sera déposée d'ici quelques jours, a assuré
l'avocat.
Il faudrait poursuivre cette ligue pour diffamation et accusations mensongères
: en quoi une caricature d'un prophète d'une religion peut-elle être une
injure raciale ou une provocation à la haine raciale ?
Depuis quand peut-on assimiler " race " et " croyances ".
Est-ce être d'une certaine " race " que d'être musulman ?
(Source : http://atunion.free.fr/tol%E9rance.htm)
Communiqué
de la présidente de l'Organisation pour la Libération des Femmes en
Iran.
NE
SOYEZ PAS INTIMIDES !
Je vous en prie, ne présentez pas
d'excuses au sujet de la querelle sur les caricatures offensantes !
La
comédie des Islamistes sur la publication des dessins humoristiques représentant
le prophète Mahomet comme un kamikaze est prise trop au sérieux par
beaucoup de gens. On présente excuses après excuses aux gouvernements et
aux voyous islamiques. Chaque excuse les rend plus haineux et audacieux.
Leurs seules armes de défense sont la prise d'otages, les brutalités,
l'intimidation, les tueries, les mutilations et la répression des valeurs
humaines et de tout droit.
Nous ne devrions pas présenter d'excuses
à ces forces réactionnaires qui ont mis en place le système
d'oppression et d'intimidation le plus sophistiqué, qui ont organisé et
mobilisé une armée de terroristes dans le monde entier, qui terrorisent
les citoyens des pays opprimés par l'islamisme ainsi que les citoyens du
monde, et qui ont le pire des casiers judiciaires.
Voici leur arme : le recours à la terreur
tout en se faisant passer pour des victimes. Ils tuent, estropient,
lapident jusqu'à la mort des gens qui réclament leurs droits, la liberté,
une vie meilleure. Ils humilient les femmes au quotidien, les privent de
leurs droits, les torturent si elles ne respectent pas les règles de
l'Islam, et lorsqu'on ose dire la vérité sur leurs actes atroces, ils
sont vexés, ils pleurent pour leurs " dignité violée ", ils
deviennent " sacrés ". Ce n'est rien d'autre que du chantage.
Ils prennent des gens innocents en otage quotidiennement. De la même manière,
ils prennent en otage nos consciences lorsqu'ils pleurent pour leurs
croyances "sacrées". C'est leur mode de survie.
Sans liberté d'expression et de critique
inconditionnelle, le monde serait terne et effrayant. Ces valeurs sont le
résultat de combats longs et difficiles. Nous devons préserver le droit
à l'expression et à la critique sans conditions. Rien n'est sacré pour
tout le monde. Par conséquent tout le monde doit avoir le droit de
critiquer ou se moquer de tout concept ou croyance " sacrée ".
La seule façon de construire un monde meilleur et plus humain est de
sauvegarder avec toutes nos forces ces valeurs sacrées. La liberté
d'expression et de critique inconditionnelle est la valeur sacrée. Nous
devrions la maintenir.
Les islamistes se vexent et deviennent trop
facilement hystériques. Ils devraient apprendre à être plus tolérants,
plus respectueux des droits à la liberté obtenus suite à de longues
luttes par l'humanité et les forces du progrès. Nous devrions leur
apprendre à respecter la liberté et les droits civils. Nous devrions
leur apprendre à respecter les droits des femmes. Nous devrions leur
apprendre à ne pas avoir trop facilement recours à la terreur et à
l'intimidation. Comment ? En adoptant une attitude ferme, en disant qu'on
n'a pas d'excuses à leur présenter. C'est à eux, au contraire, d'en présenter
pour tous leurs crimes contre l'humanité.
Azar
Majedi
Présidente de l'Organisation pour la Libération
des Femmes en Iran.
Productrice et présentatrice de Non à
l'Islam Politique, une émission de NCTV
se:
267.15.2/253 - Release Date: 07/02/2006
Dessins sur Mahomet : Le droit
d'offenser par Ayaan Hirsi Ali
Je suis ici pour défendre le droit d'offenser. J'ai la conviction que
cette entreprise vulnérable qu'on appelle démocratie ne peut exister
sans libre expression, en particulier dans les médias. Les journalistes
ne doivent pas renoncer à l'obligation de parler librement, ce dont sont
privés les hommes des autres continents.
Mon opinion est que le Jyllands Posten a eu raison de publier les
caricatures de Mahomet et que d'autres journaux en Europe ont bien fait de
les republier.
Permettez-moi de reprendre l'historique de cette affaire. L'auteur d'un
livre pour enfants sur le prophète Mahomet n'arrivait pas à trouver
d'illustrateur. Il a déclaré que les dessinateurs se censuraient par
peur de subir des violences de la part de musulmans, pour qui il est
interdit à quiconque, où que ce soit, de représenter le Prophète. Le
Jyllands Posten a décidé d'enquêter sur le sujet, estimant - à juste
titre - qu'une telle autocensure était porteuse de lourdes conséquences
pour la démocratie. C'était leur devoir de journalistes de solliciter et
de publier des dessins du prophète Mahomet. Honte aux journaux et aux chaînes
de télévision qui n'ont pas eu le courage de montrer à leur public ce
qui était en cause dans "l'affaire des caricatures" ! Ces
intellectuels qui vivent grâce à la liberté d'expression, mais
acceptent la censure, cachent leur médiocrité d'esprit sous des termes
grandiloquents comme "responsabilité" ou "sensibilité".
Honte à ces hommes politiques qui ont déclaré qu'avoir publié et
republié ces dessins était "inutile", que c'était
"mal", que c'était "un manque de respect" ou de
"sensibilité" ! Mon opinion est que le premier ministre du
Danemark, Anders Fogh Rasmussen, a bien agi quand il a refusé de
rencontrer les représentants de régimes tyranniques qui exigeaient de
lui qu'il limite les pouvoirs de la presse. Aujourd'hui, nous devrions le
soutenir moralement et matériellement. Il est un exemple pour tous les
dirigeants européens. J'aimerais que mon premier ministre ait autant de
cran que Rasmussen. Honte à ces entreprises européennes du Moyen-Orient
qui ont mis des affiches disant "Nous ne sommes pas danois",
"Ici on ne vend pas de produits danois" ! C'est de la lâcheté.
Les chocolats Nestlé n'auront plus le même goût après ça, vous ne
trouvez pas ? Les Etats membres de l'Union européenne devraient
indemniser les sociétés danoises pour les pertes qu'elles ont subies à
cause des boycottages.
La liberté se paie cher. On peut bien dépenser quelques millions
d'euros pour la défendre. Si nos gouvernements ne viennent pas en aide à
nos amis scandinaves, alors j'espère que les citoyens organiseront des
collectes de dons en faveur des entreprises danoises.
Nous avons été submergés sous un flot d'opinions nous expliquant que
les caricatures étaient mauvaises et de mauvais goût. Il en ressortait
que ces dessins n'avaient apporté que violence et discorde. Beaucoup se
sont demandé tout haut quel avantage il y avait à les publier. Eh bien,
leur publication a permis de confirmer qu'il existe un sentiment de peur
parmi les écrivains, les cinéastes, les dessinateurs et les journalistes
qui souhaitent décrire, analyser ou critiquer les aspects intolérants de
l'islam à travers l'Europe. Cette publication a aussi révélé la présence
d'une importante minorité en Europe qui ne comprend pas ou n'est pas prête
à accepter les règles de la démocratie libérale. Ces personnes - dont
la plupart sont des citoyens européens - ont fait campagne en faveur de
la censure, des boycottages, de la violence et de nouvelles lois
interdisant l'"islamophobie". Ces dessins ont montré au grand
jour qu'il y a des pays qui n'hésitent pas à violer l'immunité
diplomatique pour des raisons d'opportunité politique. On a vu des
gouvernements malfaisants, comme celui d'Arabie saoudite, organiser des
mouvements "populaires" de boycottage du lait ou des yaourts
danois, alors qu'ils écraseraient sans pitié tout mouvement populaire
qui réclamerait le droit de vote.
Je suis ici aujourd'hui pour réclamer le droit d'offenser dans les
limites de la loi. Vous vous demandez peut-être : pourquoi à Berlin ?
Et pourquoi moi ?
Berlin est un lieu important dans l'histoire des luttes idéologiques
autour de la liberté. C'est la ville où un mur enfermait les gens à
l'intérieur de l'Etat communiste. C'est la ville où se concentrait la
bataille pour les esprits et les coeurs. Ceux qui défendaient une société
ouverte enseignaient les défauts du communisme. Mais l'oeuvre de Marx était
discutée à l'université, dans les rubriques opinions des journaux et
dans les écoles. Les dissidents qui avaient réussi à s'échapper
pouvaient écrire, faire des films, dessiner, employer toute leur créativité
pour persuader les gens de l'Ouest que le communisme n'était pas le
paradis sur Terre. Malgré l'autocensure de beaucoup en Occident, qui idéalisaient
et défendaient le communisme, malgré la censure brutale imposée à
l'Est, cette bataille a été gagnée. Aujourd'hui, les sociétés libres
sont menacées par l'islamisme, qui se réfère à un homme nommé
Muhammad Abdullah (Mahomet) ayant vécu au VIIe siècle et considéré
comme un prophète. La plupart des musulmans sont des gens pacifiques ;
tous ne sont pas des fanatiques. Ils ont parfaitement le droit d'être fidèles
à leurs convictions. Mais, au sein de l'islam, il existe un mouvement
islamiste pur et dur qui rejette les libertés démocratiques et fait tout
pour les détruire. Ces islamistes cherchent à convaincre les autres
musulmans que leur façon de vivre est la meilleure. Mais quand ceux qui
s'opposent à l'islamisme dénoncent les aspects fallacieux des
enseignements de Mahomet, on les accuse d'être offensants, blasphématoires,
irresponsables - voire islamophobes ou racistes.
Ce n'est pas une question de race, de couleur ou de tradition. C'est un
conflit d'idées qui transcende les frontières et les races.
Pourquoi moi ? Je suis une dissidente, comme ceux de la partie est
de cette ville qui passaient à l'Ouest. Moi aussi je suis passée à
l'Ouest. Je suis née en Somalie et j'ai passé ma jeunesse en Arabie
saoudite et au Kenya. J'ai été fidèle aux règles édictées par le
prophète Mahomet. Comme les milliers de personnes qui ont manifesté
contre les caricatures danoises, j'ai longtemps cru que Mahomet était
parfait - qu'il était la seule source du bien, le seul critère
permettant de distinguer entre le bien et le mal. En 1989, quand Khomeiny
a lancé un appel à tuer Salman Rushdie pour avoir insulté Mahomet, je
pensais qu'il avait raison. Je ne le pense plus.
Je pense que le Prophète a eu tort de se placer, lui et ses idées,
au-dessus de toute pensée critique. Je pense que le prophète Mahomet a
eu tort de subordonner les femmes aux hommes. Je pense que le prophète
Mahomet a eu tort de décréter qu'il fallait assassiner les homosexuels.
Je pense que le prophète Mahomet a eu tort de dire qu'il fallait tuer les
apostats. Il avait tort de dire que les adultères doivent être fouettés
et lapidés, et que les voleurs doivent avoir les mains coupées. Il avait
tort de dire que ceux qui meurent pour la cause d'Allah iront au paradis.
Il avait tort de prétendre qu'une société juste pouvait être bâtie
sur ses idées. Le Prophète faisait et disait de bonnes choses. Il
encourageait la charité envers les autres. Mais je soutiens qu'il était
aussi irrespectueux et insensible envers ceux qui n'étaient pas d'accord
avec lui. Je pense qu'il est bon de faire des dessins critiques et des
films sur Mahomet. Il est nécessaire d'écrire des livres sur lui. Et
tout cela pour la simple éducation des citoyens. Je ne cherche pas à
offenser le sentiment religieux, mais je ne peux me soumettre à la
tyrannie. Exiger que les hommes et les femmes qui n'acceptent pas
l'enseignement du Prophète s'abstiennent de le dessiner, ce n'est pas une
demande de respect, c'est une demande de soumission. Je ne suis pas la
seule dissidente de l'islam, il y en a beaucoup en Occident. Et s'ils
n'ont pas de gardes du corps, ils doivent travailler sous de fausses
identités pour se protéger de l'agression. Mais il y en a encore
beaucoup d'autres à Téhéran, à Doha et Riyad, à Amman et au Caire,
comme à Khartoum et Mogadiscio, Lahore et Kaboul. Les dissidents de
l'islamisme, comme ceux du communisme en d'autres temps, n'ont pas de
bombes atomiques, ni aucune autre arme. Nous n'avons pas l'argent du pétrole
comme les Saoudiens et ne brûlons ni les ambassades ni les drapeaux. Nous
refusons d'être embarqués dans une folle violence collective.
D'ailleurs, nous sommes trop peu nombreux et trop dispersés pour devenir
un collectif de quoi que ce soit. Du point de vue électoral, ici en
Occident, nous ne sommes rien.
Nous n'avons que nos idées et nous ne demandons que la possibilité de
les exprimer. Nos ennemis utiliseront si nécessaire la violence pour nous
faire taire. Ils emploieront la manipulation ; ils prétendront
qu'ils sont mortellement offensés. Ils annonceront partout que nous
sommes des êtres mentalement fragiles qu'il ne faut pas prendre au sérieux.
Cela n'est pas nouveau, les partisans du communisme ont largement utilisé
ces méthodes. Berlin est une ville marquée par l'optimisme. Le
communisme a échoué, le Mur a été brisé. Et même si, aujourd'hui,
les choses semblent difficiles et confuses, je suis sûre que le mur
virtuel entre les amoureux de la liberté et ceux qui succombent à la séduction
et au confort des idées totalitaires, ce mur aussi, un jour, disparaîtra.
par Aayan Hirsi Ali
Ma
vérité sur les caricatures de Mahomet
PAR
MICHEL RENARD, DIRECTEUR DE L’EX-REVUE ISLAM DE FRANCE
lundi
20 février 2006
Des caricatures, parues dans un
journal danois en septembre 2005, ont vilipendé l’image du prophète
Mahomet (Muhammad). Des musulmans disent leur colère, d’autres sont déjà
passés aux actes. D’autres encore iront, peut-être, plus loin : fatwa
d’appel au meurtre, assassinat comme cela a été accompli contre le cinéaste
hollandais Théo Van Gogh... Est-il légitime qu’une conscience croyante
aille jusqu’à de telles extrémités ? Non. Et pour plusieurs raisons.
1) Le dénigrement du Prophète
est aussi vieux que le début de son action. Le Coran mentionne souvent les
outrages verbaux subis par "l’Envoyé de Dieu". Celui-ci a été
traité de menteur ("Ils vont jusqu’à dire : un fagot de songes !
Encore les a-t-il inventés", XXI, 5) ; de faussaire ("Les dénégateurs
ont dit : Ce n’est là que mystification, qu’il combine en se faisant
aider par un groupe d’autres gens", XXV, 4) ; d’apocryphe
("Vont-ils prétendre que c’est de sa part discours d’apocryphe ?",
LII, 33) ; de fou ("votre compagnon ne s’égare ni n’est
fol", LIII, 2) ; d’égoïste ("Il en est encore parmi eux qui
te dénigrent en matière d’aumônes. S’ils en recevaient une miette, ils
seraient contents ; comme ils n’en reçoivent pas, les voilà enragés",
IX, 58).
2) Un musulman pieux - je ne parle
pas de celui pour qui l’islam n’est qu’une "identité" ou
qu’un "programme politique" - lit ces termes tous les jours, ou
presque. Cela n’attente pas à sa foi. Il sait que les adversaires de
l’islam, ou simplement ceux qui se questionnent sur sa vérité, peuvent
recourir au vocabulaire du dénigrement. Il sait aussi que dans le Coran, la
sanction contre ceux qui dénigrent le Prophète appartient à Dieu :
"ne savent-ils pas que quiconque fait front à Dieu (et à Son Envoyé),
conséquemment sera châtié du feu de
la Géhenne
où il restera pour l’éternité ?". Le musulman pieux s’en
remet donc à Dieu de laver l’affront.
3) On avance, dans la polémique
en cours, que l’islam "interdit" la représentation du Prophète.
Sous cette forme générale, cette assertion est une contre-vérité qui est régulièrement
démentie mais tout aussi régulièrement répétée. Qu’une tradition
dominante dans la pensée musulmane n’use pas de telles représentations,
est vraie ; et cela relève plus d’un aniconisme que d’une
prohibition iconoclaste (lire l’article de Pierre Lory paru dans Discours
psychanalytique 2, octobre 1989). Mais il existe aussi toute une tradition
artistique, en particulier d’origine persane et ottomane, qui a maintes fois
représenté le Prophète, que cela soit avec le visage voilé et ceint de la
mandorle (flamme de sacralité) ou avec des traits proprement humains. Cet héritage
pictural est partie incontestable de la conscience musulmane et de sa
sensibilité artistique. Un tel patrimoine relativise les discours qui prétendent
interdire toute image du Prophète au nom de la foi, ou qui affirment que
donner une représentation humaine du Prophète, "c’est déjà heurter
la sensibilité musulmane" (laquelle ?). En réalité, il est moins
question de foi que des effets de l’obscurantisme wahhabite et de sa répulsion
foncière pour la culture.
4) Il est vrai que les caricatures
en question n’ont pas grand chose de "culturel". Mais,
eussent-elles été des chefs d’œuvre d’art graphique, la réaction
aurait été la même. Pouvoir s’inscrire dans le rôle de la victime permet
aux fondamentalistes de drainer autour d’eux un capital de sympathie basé
sur la "défense de la oumma assiégée". Leur intolérance enferme
l’image qu’ils entendent donner de l’islam entre les deux pôles de la
religion maîtresse du monde à venir ou de la victime concentrant sur elle
les menées occultes de forces immenses. Il est vrai aussi que le dessin le
plus incriminé (la tête de Mahomet transformée en bombe à la mèche allumée)
en dit long sur le désir de mort adressé à l’islam par l’auteur de
cette image. À sa décharge, on comprendra l’effroi de ceux pour qui
l’islam est d’abord représenté par les exactions et crimes des "jihadistes"
depuis le 11 septembre 2001 : un islam porteur de violence sanguinaire.
On se retrouve dans une relation spéculaire : instinct de mort contre
"culture" de mort.
5) Ce qui me gêne dans la réaction
outrée de certains militants musulmans aujourd’hui, c’est justement son côté
unilatéral. Ils se disent blessés dans leurs convictions. D’accord. Ils
parlent de "véritable déclaration de guerre à l’islam". Bon...
Mais quand un Zarkaoui égorge un captif, à genoux et les mains liés, devant
une caméra qui diffuse ces images insoutenables sur internet, n’est-ce pas
là une "véritable déclaration de guerre" contre un islam qualifié
par ces mêmes militants de "religion de paix" ? N’est-ce pas
ce genre de geste qui répand largement la "haine" contre les
musulmans ? Où sont alors les communiqués de condamnations ? Où
sont les rassemblements après la prière du vendredi ? Où sont les cris
de colère ? ? ?
par
Michel Renard, directeur de l’ex-revue Islam de France
http://recuerdo.macreablog.com/
Source : http://www.fairelejour.org/article.php3?id_article=1077
Les
caricatures, en rire !
La transgression est saine, l'intégrisme
commence quand l'homme perd le sens de l'humour
Mohamed KACIMI
Le XXIe siècle sera religieux
ou ne sera pas. Tout le monde ressasse cette formule, apocryphe et prophétique,
prêtée sans cesse à Malraux. Comme il est question d'islam aujourd'hui, on
oublie que notre visionnaire, foulant pour la première fois la terre d'Orient
en
1929, a
eu aussi cette fulgurante illumination dans ses Antimémoires : «J'ai
découvert l'Orient pareil à un Arabe juché sur son âne et bercé par
l'invincible sommeil de l'islam.» Malraux va plus loin dans la prophétie
: «Les Arabes sont un hasard dans le destin de l'humanité, la preuve, c'est
qu'ils ne se suicident même pas.»
J'avoue que ces passages me
rendent aussi hilare que la lecture de mon préféré Mangeclous.
Il est vrai que, dès le départ,
l'islam et les Arabes ont été considérés, non seulement comme un hasard,
mais aussi comme un accident dans le destin de l'Europe. Depuis le Moyen Âge
jusqu'à nos jours, l'islam en général et le Prophète en particulier ont
toujours été perçus comme des passagers clandestins de l'histoire, qu'on débarque
ou qu'on ferre à la moindre algarade. De Dante à Oriana Falacci, de
la Chanson
de Roland à Houellebecq, l'islam et son Prophète ont toujours inspiré la
plus profonde aversion aux penseurs et auteurs de l'Europe.
Une aversion qu'on trouve
aussi bien chez Bayle, Condorcet, Chateaubriand et Vigny, et que résume si
bien l'incisif Renan : «L'islam est la
plus complète négation de l'Europe, l'islam est le dédain de la science, la
suppression de la société civile, c'est l'épouvantable simplicité de
l'esprit sémitique rétrécissant le cerveau humain, le fermant à toute idée
délicate, à tous sentiments fins, à toute recherche rationnelle pour le
mettre en face d'une éternelle tautologie : Dieu est Dieu» (Réforme
intellectuelle et morale, 1871). Renan poursuit : «L'Europe ne pourra se
construire que lorsqu'on aura banni dans le désert pour le laisser mourir de
soif, le dernier des enfants d'Ismaël.»
Ce tableau est à nuancer,
l'islam a eu aussi ses partisans et ardents défenseurs, Hegel, Michelet,
Auguste Comte, Lamartine, Stendhal et surtout Bonaparte qui vouait un culte au
Prophète pour la pérennité de son oeuvre. Le conquérant de l'Égypte rêvait
d'appliquer la charia, comme en témoigne sa lettre écrite depuis Le Caire au
cheikh El-Messri, le 28 août 1799 : «J'espère
que le moment ne tardera pas où je pourrais réunir tous les hommes sages et
instruits du pays et établir un régime sage et uniforme fondé sur les
principes de l'Alcoran qui sont les seuls vrais et qui peuvent seuls faire le
bonheur des hommes.» Certains diront que l'esclavagiste ne pouvait être
qu'islamiste.
Seulement, on ne peut pas dire
que cette vision passionnelle, trouble négative de l'islam et du monde arabe
soit une invention ex nihilo. Une sorte d'arbitraire du signe sorti tout droit
de l'imaginaire de l'Europe ou de l'Occident, n'ayant aucun lien avec la réalité.
Cette vision puise ses racines dans une confrontation qui dure depuis les
Croisades. De Jérusalem à Lépante, passant par Constantinople, l'islam sent
en Europe, l'épée, la poudre et le sang. Cette généalogie de guerres et
courses pèse d'un poids très lourd sur la conscience des vivants.
Aujourd'hui, les musulmans
sont responsables de l'image que leur renvoie l'Europe. L'Autre ne peut me
restituer que l'image que je veux bien lui donner de moi. Quand on représente
un monde féodal de républiques héréditaires et de monarchies tribales,
sans libertés, sans démocratie, sans culture contemporaine, sans droits élémentaires,
sans d'autre avenir que l'eschatologie, on ne doit pas s'attendre à être
couvert de louanges par ses interlocuteurs. Ce monde arabo-musulman est un
vaste Goulag, sans Zinoviev ni Soljenitsyne, où Dieu-qui-est-Grand a pris la
place du petit-père-des-peuples.
Et qu'on n'aille pas nous
ressortir, ad nauseam, et à chaque flambée de violence, l'âge d'or de
Bagdad, l'érotisme des Mille et Une Nuits, les parfums d'Orient, la poésie
des souks et des hammams, et la tolérance de l'Andalousie. Une culture ne se
juge pas sur les Andalousies qu'elle a connues mais sur les Andalousies
qu'elle peut engendrer.
La force de l'islam de nos
jours, c'est qu'il enseigne aux hommes à ne pas désespérer de la vie en la
niant tout simplement. Le monde n'est qu'un dérisoire prélude à l'éternité.
Et c'est pour cela que des millions de désespérés s'y engouffrent jetant
derrière eux le monde réel, comme un vêtement trop sale. Dans cette
attitude schizophrénique, tout malheur est la faute de l'autre. L'Occident
est à l'Arabe et au musulman ce que le Juif fut au Polonais, coupable de la
pluie, des incendies, de la famine et des chagrins d'amour. Religion de blessés
et de démunis, l'islam n'accueille donc que des victimes et tous ceux qui ne
l'habitent pas sont forcément des coupables.
Venons-en maintenant à cette
histoire de caricatures. Au-delà de l'émotion légitime que peuvent
ressentir les croyants devant ce qu'ils considèrent comme un blasphème et
une atteinte à leur foi et à leur conviction, il convient de noter que cette
campagne d'indignation a été essentiellement orchestrée par les régimes
les plus fondamentalistes et les plus totalitaires, du royaume wahhabite
d'Arabie, à la tribale Libye, passant par le Fatah dans les territoires
palestiniens pour faire pièce au Hamas.
En jetant quelques hectolitres
de lait danois à la poubelle, Riyad prend, à moindre frais, le leadership
d'un monde arabo-musulman où il était en perte de vitesse depuis des années.
Le geste fait exulter les foules. De Casablanca à Islamabad, chacun se met à
rêver du fameux embargo pétrolier de 1973, quand les Arabes, après avoir
fermé les vannes de leurs pipelines, avaient obligé les Européens à
marcher à pied durant quelques jours. Mais les temps ont changé, ce n'est
pas une plaquette de beurre danois qui fond au désert qui mettra à genoux «l'Occident
arrogant et coupable». Qu'importe, l'Arabie a réussi son coup. Pour des
peuples qui, selon la belle formule de Jacques Berque, «n'attendent
qu'une seule chose de l'avenir, qu'il leur restitue leur passé», le roi
Abdallah d'Arabie devient un Saladin qui terrasse tous les Coeur de Lion de
Rotterdam.
Je me demande toujours comment
ces foules si indifférentes aux violations que portent leurs gouvernants à
leur vie, s'enflamment à ce point dès qu'on touche à leur au-delà ?
Comment des foules si privées de libertés manifestent, non pour être
libres, mais pour fustiger la liberté d'autrui ?
Quant à la fameuse
interdiction de représentation en islam, il est utile de préciser que si,
dans la loi mosaïque, l'interdit est plus qu'explicitement formulé, il
n'existe dans le Coran aucun verset prohibant la représentation humaine.
Mieux, selon les grands chroniqueurs de l'islam, d'Ibn Ishaq à Tabari, le
Prophète, aurait, lors de la prise de
La Mecque
, débarrassé
la Kaaba
de toutes les idoles païennes pour y laisser à l'intérieur une fresque de
la Vierge
à l'enfant. Si le sanctuaire sacré n'avait pas été brûlé en 693 avant d'être
reconstruit, un milliard de musulmans se seraient retrouvés aujourd'hui
priant cinq fois par jour, la face tournée vers un temple abritant les icônes
de Marie et de Jésus. Le Prophète aurait donc offert dans le saint des
saints de l'islam l'hospitalité aux images qui fondent la chrétienté...
Quant au fameux hadith attribué
au Prophète par son épouse Aïsha et prohibant la présence d'images dans
les maisons, l'on sait qu'il a été fabriqué de toutes pièces, sous les
Omeyyades de Damas au milieu du VIIIe siècle pour maintenir les populations
chrétiennes et musulmanes d'Orient à l'abri du conflit sanglant qui opposait
alors à Byzance les «vénérateurs des
images» (iconodoules) aux «briseurs
des images» (iconoclastes).
Même de son vivant, le Prophète,
qui se voulait plus qu'humain, fut raillé par les poètes de son temps,
hostiles à son message. Je pense à Abou Afak ou à la virulente Asma bint
Marwan qui traitait déjà les premiers musulmans d'«enculés
et de gobe tout».
Elle sera exécutée en même
temps que deux danseuses qui avaient été payées pour chanter contre l'envoyé
de Dieu. Le sacré exige la profanation, la foi appelle l'incroyance, le dogme
appelle la transgression. Car l'intégrisme commence quand l'homme perd le
sens de l'humour.
Ce n'est pas en jetant de
l'huile sur le feu du wahhabisme et encore moins en apportant tant d'eau au
moulin du Front national que les croyants d'Europe et d'ailleurs sauveront
l'image du Prophète. Et que faire des caricatures ? Mieux vaut en rire comme
le dit le Coran VIII, 30 : «Ils (les
incroyants) se moquent mais, en matière de moquerie, Dieu est insurpassable.»
Mohamed Kacimi, Libération,
vendredi 17 février 2006.
N.B. Mohamed Kacimi, né en
1955, est écrivain. Dernier ouvrage paru : Terre
sainte à l'Avant-Scène,
2006. A
paraître : le Roman de Mahomet,
Bayard.
Du droit d'être islamophobe
Un texte très judicieux de René
Pommier envoyé au Monde et, légèrement modifié, à Libération fin
octobre 2003, et non publié. Atheisme.org y souscrit évidemment entièrement.
M'étant absenté quelque temps, je viens seulement de prendre connaissance
de l'article de M. Xavier Ternisien, « Du racisme anti-arabe à l'islamophobie
», paru dans Le Monde du 10 octobre. Dans cet article, M. Ternisien s'évertue
à expliquer l'islamophobie sans tenir le moindre compte de ce qui en est,
me semble-t-il, la cause première, la cause, profonde, la cause principale,
à savoir l'islam lui-même. Selon M. Ternisien, l'islamophobie
s'expliquerait essentiellement par un racisme anti-arabe qui s'expliquerait
lui-même en grande partie par le passé colonial français. On ne saurait
certes ! nier qu'un certain nombre de Français, un nombre assurément trop
grand, n'aiment pas l'islam parce qu'ils n'aiment pas les arabes à cause de
la guerre d'Algérie et surtout de l'immigration. Mais il y a sans doute un
nombre encore plus grand de Français, qui sont islamophobes sans être le
moins du monde anti-arabes.
C'est mon cas. Je me sens profondément islamophobe. Or, bien que j'aie été
envoyé en Algérie pour participer aux opérations dites de maintien de
l'ordre, comme la plupart des gens de ma génération, mon aversion pour
l'islam ne se nourrit aucunement d'un ressentiment anti-arabe. Loin d'avoir
été un partisan de l'Algérie française, avec quelques-uns de mes
camarades de l'E.N.S. de la promotion 1955, j'ai milité pour soutenir les
efforts de Pierre Mendès-France en faveur de la paix. Mon islamophobie ne
se nourrit que de mon aversion pour l'islam qui n'est elle-même qu'une des
facettes d'une aversion générale qui englobe toutes les religions, tous
les mouvements sectaires, et, bien sûr, l'astrologie et toutes les formes
d'obscurantisme. Pour être islamophobe il n'est nul besoin d'être raciste,
il suffit d'être rationaliste.
Si un chrétien, un juif ou un musulman ont le droit, et personne ne songe
à le leur contester, de dire tout le bien qu'ils pensent de leurs religions
respectives et notamment de prétendre qu'elles ont été instituées par
Dieu, les incrédules doivent avoir le droit de dire tout le mal qu'ils en
pensent, eux, et notamment d'affirmer qu'elles sont une insulte à
l'intelligence humaine. Les croyances que les premiers ont le droit de présenter
comme des vérités éternelles et divines, les seconds doivent avoir le
droit de les regarder comme un tissu de stupidités anachroniques et de le
dire sans ménagement. On ne pourrait leur demander de se taire ou, du moins
d'avoir recours à la litote, que si les croyants en faisaient autant. Or,
s'il est vrai que les chrétiens d'aujourd'hui tendent à être de moins en
moins dogmatiques, au point que les incrédules sont de plus en plus souvent
obligés de leur rappeler à quoi ils sont censés croire, il n'en est pas
de même des musulmans. Et c'est sans doute ce qui fait qu'à la différence
de la religion chrétienne, maintenant trop peu sûre d'elle-même pour être
encore oppressive, la religion musulmane reste profondément néfaste et
tyrannique. Et c'est aussi pourquoi l'islamophobie reste pleinement justifiée.
Qui ne dit mot consent
Des journalistes de pays arabes mis en prison pour avoir
reproduit les caricatures. Des hommes et femmes courageux inquiets après
avoir signé notre pétition, des religieux musulmans haïs pour avoir
pris une position de principe sur la liberté de la presse, des confréries
soufies appelant discrètement à s’opposer aux intégristes de
l’islam et tant d’autres exemples de courage et de conviction, au
risque de leur vie le plus souvent.
En Françe ? des millions de citoyens issus de
l’immigration du nord de l’Afrique devenus muets, silencieux et comme
hébétés.
Où sont-ils les laudateurs de la démocratie et de la laïcité ?
Où sont-ils les chantres de la modernité ? Où sont-ils les défenseurs
de l’humanisme et de la liberté absolue de conscience ?
On ne peut que s’interroger sur leur sincérité à
l’adhésion aux principes républicains et laïques. Ou est-ce que cette
adhésion est consumériste ?
L’histoire retiendra le courage des uns et la passivité
des autres. Quand les femmes seront obligées de rester chez elles parce
que femme, quand les enfants seront obligés de respecter des interdits
religieux en matière alimentaire, quand les hommes devront passer chaque
vendredi à la mosquée sous peine de représailles du quartier..., fou
celui ou celle qui croit y échapper.
Ni la réussite sociale et professionnelle, ni les
ambitions politiques ou promesses d’élection, ni même la proximité
des pseudo-puissants ou bien un phénotype caucasien, ne pourront
permettre de se sortir de cette nouvelle identification exogène.
C
’est pour les démocrates
des pays d’origine ou du moyen- orient, pour nos parents s’arrachant
de leur terre pour offrir à leurs enfants le plus beau des héritages :
la liberté. Pour nos enfants qui nous regarderont avec effroi en nous
demandant ce que nous avons fait contre cette hydre nazie à peine cachée
derrière le paravent commode de la religion.
Nous devons faire entendre notre voix pour barrer la route
à cette gangue munichoise qui s’est abattue sur notre pays. Plus que
les autres sans doute, parce que nous sommes référés dans
l’inconscient collectif à l’islam extrême pour un prénom, une
apparence... Parce que ce sont nos cousines et cousins qui crient leur
besoin de démocratie de l’autre coté de la méditerranée. Parce que
malgré les critiques de fond que mérite notre type de société, c’est
le moins mauvais des systèmes viables dans le monde. Parce que des forces
même pas discrètes travaillent chaque jour à diviser les peuples sur
des bases religieuses et ethniques. Pour plein d’autres raisons encore,
nous devons affirmer notre soutien total et sans nuances avec le principe
de la liberté absolue de conscience.
Sinon, par manque d’intégrité, nous aurons l’intégrisme.
HdM
(http://www.histoiresdememoire.org/breve.php3?id_breve=86)