L’indicateur anarchiste (extraits)

 

"Anarchiste révolutionnaire, j’ai fait ma révolution.

Vienne l’Anarchie !"

Marius Jacob (en conclusion de son plaidoyer lors de son procès à Amiens, 1905)

 

[…] Une besogne importante à faire [lors de la Révolution ] sera de jeter à bas tous les édifices qui, à un point de vue quelconque, sont un symbole d’oppression. Aucun vestige du passé ne devra être respecté ; il faut une fois pour toute faire table rase de toutes les institutions, gouvernementales, juridiques, religieuses, administratives, etc. Que tous les monuments qui pourraient servir de point de ralliement à une autorité quelconque soient jetés bas, sans pitié ni remords.

Camarades, bronzez vos cœurs car il faudra beaucoup de haine pour accomplir ce nettoyage des écuries d’Augias. Faites sauter les églises, les couvents, les casernes, les prisons, les préfectures, les mairies, etc. Brûlez toutes les paperasses administratives partout où elles se trouvent. Au feu les titres de propriété, de rentes, d’actions, d’obligations, etc. ! Au feu le grand livre de la dette publique, ceux des emprunts communaux et départementaux, etc. !Au feu les livres des banques et des maisons de commerce, les billets à ordre, chèques, lettres de change, etc. ! Au feu les papiers de l’état civil, du recrutement, de l’intendance militaire, des contributions directes ou indirectes, etc. ! Au feu tous ces papiers malsains, titres d’esclavage de l’humanité, défendus par des millions de soldats, de policiers, de magistrats de toutes sortes !

Si quelques pleurnicheurs cherchent à nous détourner de notre besogne sanitaire, en nous disant que nous détruisons des monuments historiques, des œuvres d’art ayant un caractère architectural admirable, ne les écoutons pas. Au point de vue esthétique, ils peuvent avoir raison : Notre-Dame de Paris et les vieilles cathédrales gothiques, où nos aïeux ont, pendant des siècles, mis leur âme et leur vie, sont des chefs-d’œuvre qui ne se reproduiront pas – la foi qui les a créés étant morte -, mais tant qu’elles resteront debout, la conscience humaine ne pourra se dégager des préjugés dont elles sont la représentation lithovifiée. Aussi longtemps que leurs flèches et leurs tours obscurciront l’horizon, le peuple ne sera pas libre. Ne pouvant les mettre sous cloche dans les musées, le mieux sera de les détruire malgré les clameurs contre le vandalisme révolutionnaire et les malédictions des archéologues futurs.

Si les révolutionnaires de 1789-93 les eussent rasées au lieu de les transformer en clubs ou de les consacrer à la déesse Raison et à l’Être suprême – inventions malsaines de l’autoritarisme jacobin -, leurs anciens possesseurs n’eussent pas reconquis aussi facilement leur influence, la science expérimentale aurait peut-être déjà complètement remplacé la révélation divine et le progrès humain – malgré les admirables théories du transformisme et de la sociologie moderne – auraient eu une marche beaucoup plus rapide, surtout dans les sciences morales et politiques.

Quand le christianisme s’est intronisé  sur les ruines des religions polythéistes de l’Antiquité, il n’a pas agis d’autre façon. Les chrétiens ne regardèrent pas si les temples païens étaient splendides au point de vue artistique ; ils étaient les symboles d’un passé qu’ils exécraient et ils les renversèrent.

Détruisons, brisons, renversons tout ! Que le cyclone révolutionnaire qui passera sur le vieux monde disperse aux quatre vents tout ce qui, aujourd’hui, fait la force des classes dirigeantes. Alors quand les institutions du passé ne seront plus que poussière, l’humanité pourra se développer librement dans une atmosphère purifiée, alors refleuriront les arts et les sciences et tous les monuments que nous aurons détruits et qui faisaient l’admiration des générations du passé ne seront rien, comparé aux œuvres admirables et sublimes qu’enfantera le génie des peuples libres.

 

 

Un point important est que nous nous rendions bien compte de notre devoir et de nos moyens d'action durant la période révolutionnaire. Le désarroi, qui se mettra, dès les premiers troubles, dans toutes les branches de la production, jettera sur le pavé des milliers de travailleurs. Au lieu de recommencer la folie, qui perdit la révolution de 1848, de vouloir immédiatement réorganiser la production, les anarchistes devront porter leurs efforts sur la consommation. Il faut, ainsi que l'a dit Blanqui, pour rendre tout retour en arrière impossible, que le jour même de la révolution, le peuple constate une amélioration à son sort. Le premier point sera de garantir à tous la nourriture, le vêtement et un logement salubre. Il faudra donc s'emparer de tous les objets de consommation (vivres, vêtements, etc.) dont regorgent les magasins et les mettre à la disposition du peuple : prise au tas par chaque chacun pour les denrées en abondance ; rationnement pour les autres organisés par des groupes, de rue ou de quartier, spontanément formés. Il ne faudra pas laisser les travailleurs des quartiers excentriques croupir dans les taudis qui sont en permanence les foyers et les réceptacles de tous les miasmes et de tous les germes de maladies. Il y a assez  de logements vides dans les belles maisons que les travailleurs ont construites et qu'ils peuvent bien habiter, sans les laisser s'étioler dans ces vieilles bicoques malsaines.

Là devront porter tous nos efforts, sans attendre les ordres d'un comité directeur ou d'un gouvernement provisoire quelconque, dont nous devrons, au contraire, empêcher, par tous les moyens possibles, l'établissement. Si un nouveau gouvernement, quel que soit le titre dont il se pare, s'intronise sur les ruines de celui qui a été renversé, la révolution est perdue. Un gouvernement étant par son essence stationnaire ne peut exister qu'à condition d'arrêter toute marche en avant ; or, en admettant même que les nouveaux gouvernants soient des révolutionnaires sincères ayant fait leurs preuves, par le seul fait qu'ils seraient au pouvoir, obligés de tout centraliser dans leurs mains, de tout prévoir, de tout résoudre, ils ne pourraient supporter une initiative autre que la leur ; en même temps se sentant trop faibles pour la tâche immense qu'ils auraient entreprise, ne pouvant et ne voulant en convenir, espérant toujours par des mesures énergiques – et qui ne seraient que vexatoires – briser les résistances et mener à bien la révolution, ils ne pourraient fatalement qu'énerver la révolte populaire et livrer la révolution à ses ennemis. C'est l'histoire de tous les gouvernants révolutionnaires qui ont existé ; se serait celle de tous ceux qui pourraient se créer, n'étant pas l'œuvre de ces gouvernements mais la conséquence de leur existence.

Nous devons nous pénétrer de cette idée pour concevoir notre rôle pendant la période révolutionnaire et même dans la propagande qui doit la précéder. Notre rôle n'est pas de créer de toute pièce un système socialiste – moule dans lequel nous forcerions l'humanité à se refondre – mais de faire profiter au peuple de l'expérience révolutionnaire si chèrement achetée par son sang répandu dans toutes les révolutions échouées ou escamotées par les ambitieux. L'anarchie ne saurait être un lit de Procuste pour l'humanité, mais l'étude approfondie et raisonnée de toutes ces tentatives d'affranchissement et les causes de leur échec. A nous de montrer au peuple les causes qui ont brisé les différents essais de groupement des forces ouvrières, qui ont fait échouer les diverses tentatives d'application de théories socialistes trop étroites pour permettre à l'humanité de se développer librement. A nous de dégager et d'énoncer clairement les idées et les aspirations de la foule anonyme que l'on coudoie à l'atelier, au restaurant, dans la rue, qui vit, qui pense, qui souffre, sans se rallier à un drapeau quelconque mais qui, le jour où la colère ou la honte la poussent, forment les gros bataillons de la révolution. Notre rôle d'éclaireurs n'est pas d'attendre qu'elle descende dans la rue et alors de lui donner des ordres, de vouloir lui imposer nos idées. Non. Quoi qu'il soit assez difficile de connaître exactement son opinion sur le sujet, nous pouvons dire qu'elle en a assez de ces officiers révolutionnaires ;: le peu de cas qu'elle fait des réunions où viennent pérorer ces directeurs en herbe et son empressement à venir écouter ceux qu'elle croit – souvent à tort – sincères et désintéressés nous prouvent suffisamment qu'une révolution profonde s'est opérée dans son cerveau. Elle ne suivra, le jour de la révolution, que ceux qu'elle verra agir loyalement, honnêtement, sans intrigues comme sans ambition personnelle.

Si nous sommes bien convaincus de ces principes, notre conduite, lorsque l'action fera place à la parole, est facile à tracer. Remarquons que, même pendant cette période préparatoire, nous pourrons souvent, par des actes, démontrer au peuple tout le faux et l'odieux des mensonges qui lui sont constamment débités par nos oppresseurs sous les noms de liberté, d'égalité, de fraternité, de patrie, de justice, de philanthropie, etc. Les coups de révolver de Fournier, les émeutes de Monceaux-les-Mines et de Decazeville, l'attentat de Reinsdorf et les nombreux procès intentés aux anarchistes ont fait plus pour propager les théories de la liberté que tous les écrits et toutes les réunions car les actes sont commentés partout et par tous.

Aussitôt que l'émeute éclatera quelque part, le devoir des anarchistes sera de se mettre immédiatement à l'œuvre de destruction ci-avant énoncée, de faire comprendre au peuple l'utilité de cette œuvre, de l'engager à nous aider dans son accomplissement. Surtout pas de compromis, pas de demi-mesures qui ne peuvent que perdre la révolution. Le peuple, avec son bon sens pratique,ne comprend pas que l'on manque de logique et d'énergie. Lorsqu'il voit que ceux qu'il croyait aptes à résoudre la question ne font que discutailler, tergiverser, parlementer avec ses ennemis, il perd confiance et se retire de la lutte ; alors les meneurs aux belles phrases se retrouvent seuls en face de la contre-révolution et ne peuvent lui résister. Donc, agissons au leu de discuter. Rendons le peuple conscient mais surtout prêchons d'exemple, c'est la seule propagande qui soit comprise en période révolutionnaire. Ne cherchons pas à imposer aux travailleurs notre direction, mais montrons-leur que nous sommes des leurs, que, comme eux, nous ne voulons que nous affranchir des institutions qui nous écrasent et non les dominer.

Une mesure qui s'imposera en face de la contre-révolution sera la nécessité pour les groupements de protéger chacun de leurs membres contre les attaques, soit calomnieuses, soit armées de la contre-révolution qui essaiera de nous briser en nous divisant et en frappant ceux des nôtres qui seront les plus actifs. Il faut que chaque groupe se déclare responsable et solidaire de la conduite et des actes de chacun de ses membres, que les groupes se déclarent solidaires des autres, et quiconque attaquera l'un des nôtres doit être immédiatement considéré comme l'ennemi de tous.

Méfions-nous des socialistes parlementaires ; ils viendront nous prêcher la modération et la clémence ; ils viendront chercher à nous détourner de notre but en faisant miroiter à nos yeux la possibilité de convertir quelques bourgeois moyennant quelques petites concessions – oh ! bien insignifiantes ! – et, ainsi, affaiblir la résistance de l'ennemi. En agissant ainsi ces endormeurs s'imposent et se font les directeurs du mouvement qu'ils conduisent à sa perte. La bourgeoisie ne se ralliera à eux que pour nous écraser, puis elle les écrasera à leur tour, si nous ne réussions à vaincre leur coalition. Dès le début de la révolution, il n'y aura que deux partis : les anarchistes et la coalition de tous les partisans d'une autorité quelconque. Les socialistes parlementaires n'ont rien appris et tout oublié. Ils ne se souviennent pas que c'est en opposant les plus modérés aux plus révolutionnaires, les plus autoritaires aux plus libéraux que la réaction vainquit les révolutionnaires du siècle dernier et que, même les thermidoriens ne trouvèrent pas grâce devant leurs complices : la tête de Tallien dut tomber frappée par la "terreur blanche". La conduite actuelle des chefs du soi-disant parti ouvrier justifie asse l'assimilation avec les parlementaires du siècle passé pour qu'il nous devienne inutile d'insister davantage.

Une fois le moule de la vieille société brisé, lorsque tous les organismes qui étouffaient le peuple auront été détruits, il faudra s'occuper du rétablissement de la production sur des bases tout à fait libertaires. Des groupes corporatifs se formeront librement, ayant pour premier principe le respect de l'autonomie de chaque compagnon et  pour but soit la production ou l'extraction des matières premières, soit leur transformation en produits manufacturés. Ils produiront, non comme cela a lieu aujourd'hui pour gagner de l'argent, mais parce que le produit de leur travail aura une utilité. La norme de production sera renversée ; au lieu d'être comme actuellement le gain, elle sera l'utilité, par ainsi disparaîtront la fraude et la falsification devenues si funestes à la santé publique. Toute idée d'autorité devra être bannie de ces groupes de producteurs. S'il y a encore des travailleurs qui ne puissent se passer, dans leurs ateliers, de règlements ou d'un chef , laissons-les faire. Le fonctionnement des groupes anarchistes leur prouveront bientôt, expérimentalement, que ce qu'ils jugeaient impossible est chose très faisable. N'ayant pas d'intérêts contraires, ils se débarrasseront bien vite de ces dernières attaches avec le passé. Alors, nous verrons l'humanité maîtresse de ses destinées, libre enfin des deiux et des maîtres qui l'ont toujours immolée sur leurs autels et leurs comptoirs.

 

***

[…] Si je devais retracer tous les crimes commis par les prêtres au nom de Dieu : l'Inquisition, les guerres religieuse, les assassinats des amis de la vérité, plusieurs audiences n'y suffiraient pas. LA religion est morte, la science l'a tuée. Je ne piétinerai pas un cadavre.

Sous prétexte de procurer les délices du monde futur, avec des mômeries ils acquièrent des richesses. J'en peux parler en connaissance de cause. J'ai cambriolé assez de prêtres. Chez tous j'ai trouvé un coffre-fort et quelquefois plusieurs. Ils ne renfermaient pas des harengs saurs, je vous prie de le croire. S'ils contenaient quelques hectogrammes de pain à cacheter, ils contenaient aussi de fortes sommes que des imbéciles envoyaient à Dieu et que les porte-soutanes gardaient. Les églises ne sont que des entreprises commerciales ; ce sont des appels incessants au gousset. Et voilà des charlatans qui osent m'appeler voleur et qui m'accusent. Mais je suis bon prince. Je ne leur en veux pas. Je leur donne ma bénédiction. Ainsi soit-il !.

[…] De tous les fléaux qui dominent les hommes, la guerre est la plus funeste. Au lieu de la combattre, des hommes, pour satisfaire leur ambition, ont remplacé le dogme de Dieu par celui de la patrie. On ne guerroie plus contre les infidèles, on civilise les insurgés.

Les hommes ne doivent  pas s'entretuer.  Si j'ai choisi les militaires comme ennemis, c'est que je les considère comme des assassins".

Marius Jacob (en conclusion de son plaidoyer lors de son procès à Amiens, 1905)

 

***

"[…] Les gens de la petite bande sont des anarchistes [Il s'agit des membres de Travailleurs de la nuit lors du procès d'Amiens]. Ils ne sont pas voleurs parce qu'anarchistes. Ni anarchistes parce que voleurs. Ils sont l'un et l'autre, ils pourraient être l'un ou l'autre.

Voler, cambrioler, n'est pas faire acte pour l'anarchie, ni contre l'anarchie. C'est un acte personnel pour vivre, aussi dégoûtant et inutile que celui de perceur de petits bouts de carton, de peintre d'enseignes, de comptable, d'armurier, de fabricant de coffres-forts, etc. Aussi, ce n'est pas parce que voleurs que les gens de la Bande d'Abbeville m'intéressent, mais parce qu'anarchistes.

[…] Je suis pour ceux de la petite bande, la bande des cambrioleurs d'Abbeville, parce que je sens que ces hommes sont prêts à accomplir des gestes réguliers quand on leur en donnera l'occasion. Ils ne sont pas voleurs par fainéantise, par choix, mais par obligation. Ils n'ont pas voulu crever de faim. Ils auraient pu se mettre boursiers, commerçants et voler tranquillement ; flics, gardes-chiourme et assommer en douceur ; officiers ou industriels et tuer sans risques. Mais ils ne voulaient pas soutenir la société présente. Ils se sont mis pour vivre à cambrioler, avec l'espoir, peut être erroné, que cela porterait de la perturbation dans son organisme.

Dans une autre société, Jacob et ses amis pourraient s'employer utilement.  Leur adresse, leurs connaissances, leur force, leur courage ne font de doute pour personne. Leurs mains connaissent le labeur, et avec quelle ardeur, j'en suis convaincu., ils travailleraient utilement, gagneraient leur pain et celui des faibles qui les entoureraient. Dans n'importe quelle société bien organisée, des Jacob peuvent vivre, leur compétence  trouvera à s'employer utilement.

Mais je me demande que faire des Wahekind et des Regnault, des Macque et de tous ceux de la caste dont les mains n'ont jamais fait d'autre geste que celui de l'assiette à la gueule et dont le cerveau s'est masturbé à la recherche de décrets et de mensonges pour accommoder leur société en désagrégation.

Donc, qu'en faire, à moins de les employer comme épouvantails à moineaux dans les champs.

Dans la société actuelle, ils sont autre chose, de par la bêtise de ceux qui produisent, mais qu'ils ne prennent pas ces grands airs ; cela montre qu'ils ne peuvent être, dans la grosse association de voleurs dont ils font partie, que des moutons à l'affût des mourants et des fous".

Albert Libertad in "Germinal" du 19 au 25 mars 1905.

 

***

"[…] Pour certains, agir et réagir, c'est être libre. Volontiers, mais quelle liberté, si minuscule, si éphémère et plus déterminée par l'immense nature, cause et fin de toute chose, seule responsable du trouble des cœurs.

N'est-il [l'humain] pas constitué d'atomes ? Or, si l'atome est irresponsable, pourquoi lui ne le serait-il pas ? Que fait l'atome sinon d'agir et de réagir, même par le jeu des affinités électives qu'une sorte d'amour et d'aversion stimule ? Il ne peut en résulter que la négation du Code, des Bastilles, des bourreaux suppliciant les indigents et les impulsifs du vice, dont les forfaits ne signifient que l'empreinte de leur tare. Il n'y a pas de coupables ; il n'y a que des malades.

On ne doit pas plus mépriser les lésions de l'esprit que celles du corps ; on doit les soigner si possible mais non avec les hideux instruments de torture. On ne doit pas plus l'accuser d'être sadique, dément ou fripon que d'accuser la foudre de tuer ; la sagesse prêche que prévenir vaut mieux que combattre.

[…] Espérons qu'un jour proche le séjour terrestre ressemblera à un Olympe d'où seront bannis les égorgements et les vilénies, où le calme, l'abondance, la concorde et le bon sens règneront dans une atmosphère embaumée, pendant que les chants doux et flûtés tinteront aux oreilles des élus, penchés sur la rose ou l'anémone, enthousiastes d'être et d'aimer".

Jacques Sautarel (lors du procès d'Amiens, 1905)

 

***

"[…] - Qu'est-ce que la loi des hommes ?

- Des crimes de lèse-nature élaborés par les bourgeois. Les lois naturelles feraient de la terre un paradis, les lois de l'homme en font un enfer.

- Quelle est la première des lois naturelles ?

- Celle de se procurer son nécessaire ; on ne peut l'enfreindre sans la mort.

- Qu'est-ce que le salaire ?

- Une survivance du servage. Que penses-tu de ce père de famille dont le gain quotidien est moins coûteux à des entrepreneurs que l'entretien d'une bête de somme ? N'est-ce pas une indignité, une insulte à la civilisation ?

- Qu'est-ce que le vol commis par un prolétaire ?

- Une légitime reprise de possession au mépris des anathèmes intéressés du bourgeois et que confirme son droit à l'existence. L'exploitation, l'agio, la propriété individuelle, à mon avis, constituent exclusivement le vol manifeste, que dis-je ? le vol à main armée car ceux qui s'y adonnent disposent des régiments toujours prêts à massacrer les travailleurs s'ils veulent revendiquer leurs droits.

- Qu'est-ce que l'armée ?

- L'école du crime et du banditisme, où l'on enseigne constamment le pillage et l'art sauvage d'exterminer son semblable ; et j'ai lieu d'être fort surpris de me voir traîner devant vous, pour des faits qui ne sont en réalité que des jeux d'enfants auprès de ceux qui me fut enseigné au régiment ; sachez qu'au Tonkin, je vis les soldats français se ruer sur des indigènes inoffensifs, les égorger furieusement après avoir incendié leurs villages dans lesquels ils s'étaient réfugiés et cela parce qu'ils refusaient de porter nos bagages à des centaines de lieues, loin de leur foyer. Voilà les crimes de la race, de la patrie grisée de ses héroïsmes. Malgré soi , le mot de Mme Roland obsède et le cœur ne cesse de murmurer : "Ô patrie, que de crimes on commet en ton nom !".

- Qu'est-ce que la bourgeoisie ?

- Une association de malfaiteurs.

- Qu'est-ce que l'Eglise ?

- Un temple d'imposture et d'hypocrisie.

- Qu'est-ce que la religion ?

- Une fumisterie.

- Qu'est-ce que les prêtres ?

- Des filous à l'américaine, promettant contre finances un paradis de fiction.

- Qu'est-ce que le confessionnal ?

- Un lieu de débauche à l'usage des femmes, c'est pour cela qu'elles sont si entichées.

- Qu'est-ce que la presse bourgeoise ?

- Une meute aboyant au service de la police qui lui tolère ses rapines et ses chantages.

- Qu'est-ce que la police ?

- La réponse est de Paul-Louis Courier : "La police est le plus puissant moyen inventé pour rendre un peuple vil et lâche".

- Qu'est-ce que la justice bourgeoise ?

- Une balance qui penche plus ou moins pour un même fait, selon que l'inculpé est déshérité ou fortuné.

- Qu'est-ce qu'un budget ?

- Une énorme somme d'impôts prélevés sur la misère du peuple pour payer toutes ces monstruosités.

- Qu'est-ce que le paupérisme ?

- Un réquisitoire sanglant contre la société bourgeoise.

- Qu'est-ce que le mariage ?

- Le tombeau de l'amour. La chair veut être libre et capricieuse.

- Qu'est-ce que l'anarchie ?

- L'idéal sublime de ceux qui gémissent et la poésie des esprits féconds".

Léon Pélissard (Lors du procès d'Amiens, 1905)

 

***

 

"[…] En écoutant mes explications, vous vous dites, messieurs les jurés, "cet homme est une canaille". Non seulement nous ne pensons pas de la même façon, mais vous êtes en haut de l'échelle sociale, moi je suis en bas. Vous êtes des propriétaires, moi je suis un exproprié. La guerre sociale ne cessera que lorsque nous serons tous des propriétaires. Moi, je n'ai pas eu la patience d'attendre et j'ai fait ma révolution. Faites de moi ce que vous voudrez, moi je ne vous reconnais pas le droit de me juger".

Marius Jacob (Lors du procès d'Orléans, 1905)

 


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